Assiette au beurre

Il y a quelques messages, Francis nous parlait de "l'Assiette au beurre" et de son type d'humour.

Pratiquant ce genre de distraction, je me suis posé quelques questions, que je livre finalement à votre réflexion.


La gaudriole (appelée aussi gauloiserie) n'est-elle pas aussi liée à la culture française traditionnelle que les écrivains classiques ? par "culture" je veux dire l'ensemble des usages qui cimentent un peuple. N'est-ce donc pas une nouvelle version de l'asepsie bien-pensante que de rejeter la gauloiserie dans les ténêbres extérieures ?

Les textes historiques (et Saint-Simon le premier) contiennent de nombreuses anecdotes, où l'on voit des personnes fort bien nées tenir des propos fort grivois (je puis vous en fournir des centaines, la première qui me vient à l'esprit étant celle de Robert de Clary (ou de Villehardouin ?) à la prise de Constantinople). De même, des générations d'étudiants, qui appartenaient souvent à la bonne bourgeoisie, ont chanté d'épouvantables chansons paillardes. Ce n'est pas non plus un hasard si les messieurs se retiraient autrefois au fumoir.

Rabelais en est la quitessense..

En est un autre exemple, je pense à l'instant à l'explicite conte "le cocu, battu et content" inspiré par Bocace.

Et je n'ose citer certain sonnet...

Mais si, faites!

Bien cher Florentin,

Ayant essuyé plusieurs salves sur ce forum, je me bornerai à vous donner quelques indications. Tappez, dans google, Verlaine, Rimbaud, sonnet et hombres.

Si, faites, ou je lâche les chiens... !

Le jeu du Pal

Dans leur dortoir, d'écoliers une troupe
S'entreculaient par récréation;
Un frère vient, leur sauta sur la croupe,
Pour ajouter à la beauté du groupe,
Et leur donner de l'émulation.
Au même endroit, arrivent à la file,
Les professeurs, préfet et principal :
Voulant user d'aussi joyeux régal,
En chapelet chacun ainsi s'enfile.
Au bon Xavier, comme dit Théophile,
Jadis Ignace apprit le jeu du Pal.

(La Chabeaussière, auteur dramatique, administrateur de l'Opéra, né à Paris en 1752, mort en la même ville le 10 septembre 1820)

In Parnasse satytique XVIII siècle / Pièces trop libres/ Echappées/ Dans des débauches d'esprit/ A quelques gens de Lettres/ connus et inconnus

Je suis entièrement d'accord avec Jmarc. Ce n'est pas par hasard si l'on nomme " gauloiserie " notre paillardise. L'art de plaisanter, crûment ou par sous-entendus plus ou moins sprituels sur " la chose ", me semble une caractéristique typiquement française. C'est, en tous cas, une pratique totalement étrangère en terre d'islam où tout ce qui touche au sexe est obstinément tu ou sert à injurier. Pas de pires bonnets de nuit que les musulmans. Privée d'alcool, de femmes à draguer et de plaisanteries grivoises , je vous laisse imaginer ce qu'est la société musulmane que l'on voudrait nous faire croire festive.

Mais nous sommes là au coeur du problème. Ce que nous sentons menacé, c'est l'art de vivre, l'art, l'humour, l'amour et la littérature.
Quand on chantait "Les Filles de Camaret" ou "Les Moines de St Bernardin" en présence de bourgeois effarés, on avait surtout l'immense satisfaction de transgresser les convenances et on se bidonnait de bon coeur; mais, aujourd'hui, il n'y a plus rien à transgresser, tout est permis.
Je citerai un exemple remarquable de paillardise. La seconde Madame, épouse de Philippe d'Orléans frère de Louis XIV, s'étant aperçue que le Cabinet Noir lisait son courrier à destination de sa famille dans le Palatinat, écrivit une lettre "torchée", si vous me permettez l'expression, qui est d'une drôlerie étonnante. Je trouve que cette princesse était parfaitement intégrée.
On trouve le texte au Mercure de France dans cette collection bien connue de Mémoires célèbres.

"aujourd'hui, il n'y a plus rien à transgresser, tout est permis"

Oui, enfin presque, n'allez quand même pas jusqu'à transgresser la doxa antiraciste (à moins d'avoir des moyens financiers vous permettant de perdre votre emploi, de payer vos amendes, d'avoir tout le temps qu'il faut pour répondre aux procès qu'on vous a intentés, etc.).

Je pense que les sociétés totalitaires sont des sociétés du " sérieux ", des sociétés où l'on ne plaisante pas, où l'on ne comprend pas la plaisanterie (voir, justement, par exemple, le livre de Kundera : La plaisanterie ) Or quoi de plus plaisant que de brocarder les conformismes du moment, de ne pas les prendre au sérieux ? C'est pourquoi les comiques autorisés d'aujourd'hui ne sont guère drôles. Ils ne font que servir la soupe à la Bienpensance.

Tout à fait d'accord avec Jmarc et les commentaires qui suivent.

En guise de gaudriole, nous avons Catherine Millet et sa "vie sexuelle", cet extraordinaire pensum.

Rien ne m'aura rendu plus pesante et lourdaude la nécessité de vivre à notre époque que le divorce sévère qui a été prononcé entre le rire et le sexe (et maintenant, il faut, en plus, s'appuyer les musulmans, il ne manquait vraiment que les barbus et les bâchées, après les féministes et l'industrie pornographique !)

Des personnes qui ne draguent pas, ne boivent pas de vin, ne lisent pas, ne bricolent pas, ne pêchent pas à la ligne, ne savent pas plaisanter sur les choses du sexe et s'interdisent de penser par eux-mêmes, ne peuvent lutter contre l'ennui que par la violence.
Draguer, boire du vin, faire bonne chair, bricoler, pêcher à la ligne, faire assaut de plaisanteries paillardes et ne pas s'en laisser compter , me semble caractéristiques d'un art de vivre populaire typiquement français.

On en revient à la curiosité. Ceux dont nous parlons ne sont pas curieux : curieux !
Allons JMarc, sortez-nous donc de votre cave quelques bons crus !
Nous en sommes curieux !