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Un dégoûtant marché de dupes

Envoyé par Gérard Rogemi 
La responsabilité du gouvernement dans la débâcle stratégique d’hier est totalement engagée (info # 011707/8)

Par Stéphane Juffa, jeudi 17 Juillet 2008
© Metula News Agency

Il n’y a pas eu d’échange de prisonniers, hier, entre Israël et le Hezbollah, c’est le moment ou jamais d’introduire une dimension de réalité dans le bazar aux sensations médiatiques qui vient de se dérouler. Ce qu’il y a eu, c’est un troc de prisonniers contre les restes de deux soldats hébreux assassinés sur le sol israélien et transférés, déjà morts, dans un frigo libanais pour servir de monnaie d’échange.

Il n’a jamais été question de "libération" des deux militaires, ni de leur "retour", ailleurs que dans les espérances de leurs familles et dans les communiqués du gouvernement.

Un gouvernement, qui a encore une fois montré son incapacité à gérer des négociations : Nasrallah n’avait strictement rien en main, alors qu’Olmert possédait un jeu fourni. La différence a résidé en ce que le leader chiite s’était défini une ligne de conduite et qu’il l’a strictement suivie.

Jusqu’à quelques minutes avant la remise des cercueils de Goldwasser et de Regev, à Rosh Hanikra, le Hezbollah avait imposé un poker fermé à l’Etat d’Israël. En d’autres termes, il avait posé comme condition à la discussion : "ce que nous avons d’israélien chez nous contre ce que vous avez de libanais chez vous, plus quelques babioles". Aussi insensé que cela puisse paraître de la part du gouvernement d’un pays sis au Proche-Orient, l’Etat hébreu a, sciemment, accepté ce marché de dupes.

Durant les deux ans qu’ont duré les tractations, Nasrallah s’est toujours refusé à remettre au médiateur allemand la moindre information relative à l’état des soldats israéliens en sa possession. C’était "à prendre ou à laisser", comme aux soldes de janvier, sauf qu’il s’agissait d’êtres humains ; le Hezb a proposé à Jérusalem d’acheter un chat dans un sac fermé et Jérusalem a accepté.

Mieux que cela, Olmert et Cie ont participé volontairement à l’escroquerie des Fous d’Allah, en répercutant à leur opinion publique le vocabulaire frelaté – ah, les mots, les mots, ils font et défont le monde ! – utilisé par Hassan Nasrallah. Jusqu’au dernier moment avant l’échange, et même ensuite, à l’occasion de la cérémonie destinée aux familles des défunts qui s’est déroulée dans une base de l’armée entre Nahariya et la frontière, nos ministres ont continué de parler du "retour des garçons". Comme s’il existait une quelconque ternissure à dire "restitution des corps de nos soldats".

En fait, le cabinet savait depuis longtemps que Goldwasser et Regev n’étaient plus de ce monde. Exactement depuis que l’ennemi avait présenté les termes d’ouverture de la transaction : cinq détenus arabes et des cercueils contre des Israéliens vivants, cela ne correspondait pas au cours de l’Israélien pratiqué dans notre région. Il suffit, pour s’en convaincre, de remarquer que l’exigence initiale du Hamas pour la relaxe du caporal kidnappé Guilad Shalit consistait en la libération de quatre mille terroristes jugés, purgeant leurs peine dans nos prisons. Le "deal" devrait prochainement se conclure autour de huit cents à mille détenus palestiniens contre la délivrance de notre soldat.

Voici le cours du jour de l’Israélien. On ne le connaît que trop bien, que ce soit à Jérusalem, à Métula et dans toutes les rédactions de presse du pays. De cela, il faut déduire que l’attitude d’Ehoud Olmert lors de cette négociation a été d’une stupidité absolue et ravageuse pour les intérêts d’Israël. Il a laissé, sans suffisamment y réfléchir, subsister l’espoir de revoir nos militaires vivants, alors qu’il savait aussi bien que nous que cet espoir n’existait pas.

Ce faisant, cette perspective, inventée par Nasrallah pour servir ses propres desseins, a donné lieu à un débat biaisé au sein de la société israélienne. Un public israélien toujours prêt à échanger des prisonniers vivants contre des assassins enfermés dans ses geôles. C’est sur la base de cette supercherie qu’a vu le jour un lobby toujours plus puissant et bien organisé, articulé autour des familles des défunts, et qui a poussé le gouvernement à l’accord avec le Hezb.

On peut dire que le gouvernement s’est auto-piégé ; hier, avant de découvrir les bières de nos soldats, plus de soixante pourcents de nos concitoyens se déclaraient favorables à l’échange. S’ils avaient été informés de ses modalités lorsqu’elles furent connues, je suis persuadé que la proportion aurait été inversée et que le marché n’aurait pas eu lieu.

Car il s’agit d’un marché aux conséquences catastrophiques. La plus grave, à mes yeux, c’est que nous avons sacrifié notre monnaie d’échange en vue d’obtenir la libération du navigateur Ron Arad vivant, pour obtenir les restes de soldats que nous savions morts. Si ses gardiens lui ont rapporté la nouvelle de l’échange d’hier, Arad, qui croupit dans une prison iranienne depuis presque vingt-deux ans, a dû comprendre qu’il finirait probablement ses jours en captivité.

Je viens de parler de Ron Arad vivant, sur quelle base me le suis-je autorisé ? Simplement, parce que nous possédons des preuves, dont des photographies authentifiées, qu’en octobre 1986, après s’être éjecté de son Phantom, l’aviateur était prisonnier des chiites, vivant et en parfaite santé. Or, la logique veut que s’il n’a pas été abattu par ses tortionnaires ou s’il n’est pas mort de maladie, Ron Arad continue de vivre son supplice inhumain, privé de tout contact avec le monde extérieur et sa famille, sans même mentionner les privilèges garantis par les conventions internationales. Les conventions en la matière étant respectées par les régimes civilisés et non par les sadiques dégénérés aux mœurs médiévales.

Ensuite, il suffit de penser à nouveau au "cours de l’Israélien" lors des échanges avec nos ennemis pour saisir que les Iraniens n’ont aucun intérêt à exécuter le navigateur d’un avion, dont le modèle n’est, depuis longtemps, plus en service dans notre armée de l’air. Et s’il fut malade, je vous assure que les médecins perses auront fait des prouesses pour le maintenir en vie.

Il est possible qu’Olmert et ses ministres aient procédé à l’enterrement d’Arad, sans raison politique ou humanitaire apparente. Mais, de plus, ils ont introduit un dangereux paramètre de corruption conceptuel dans la vie politique israélienne, en permettant aux familles Goldwasser, Regev et Shalit de dicter sa conduite au gouvernement. Israël s’est mise à mélanger l’émotionnel et le rationnel dans son processus de prises de décision. C’est sans doute le signe de notre intégration accélérée dans la mentalité moyenne-orientale, mais en considération des risques existentiels qui nous menacent actuellement, j’avoue que cela m’effraye un peu.

Hier, je n’ai cessé de penser aux 160 familles des autres victimes israéliennes de la guerre de 2006, dont le travail de deuil m’a semblé entamé par la focalisation artificielle et disproportionnée sur les familles d’Eldad et d’Ehoud. Par temps de paix, au Luxembourg ou sur les Îles Seychelles, on pourrait comprendre cette excitation, mais dans un pays qui a déjà perdu à la guerre 22 000 de ses femmes et de ses hommes, on est forcé d’avoir la mort modeste.

En cas de conflit impliquant l’Iran, le Hezbollah, le Hamas et la Syrie, la Ména établit nos pertes probables, civiles et militaires confondues, entre 5 et 10 000 individus. En suivant les normes et la sur-sensiblité appliquées aux cas Goldwasser et Regev, Israël ne s’en sortira pas ; autant abandonner l’idée d’une opération en Irak et hisser le drapeau blanc sans attendre, en espérant la miséricorde de nos ennemis. A noter encore, sur ce point, que l’ensemble des media bleus et blancs ont également délaissé leur rôle d’informateurs, pour prendre la direction des affaires du pays, en compagnie des familles des kidnappés morts.

Cette situation n’est rendue possible que par la faiblesse insigne du 1er ministre actuel, que son incompétence et ses démêlés judiciaires poussent à la démagogie, aux négociations à l’emporte-pièce et au non-exercice de ses obligations de décision. Le principe physique de l’appel du vide est derechef démontré : si ceux qui gouvernent omettent d’exécuter leur tâche, les media et les groupes d’intérêts l’exécutent à leur place.

Mais pauvre d’Israël, dans la conjoncture actuelle, si elle est dirigée par la rue, ses instincts et ses sautes d’humeur. Ce n’est plus uniquement une question judiciaire : selon quelle norme de gouvernement le 1er ministre devrait-il attendre d’être inculpé par un tribunal pour démissionner ? Et l’éthique, bordel ! Le respect de soi, le sens des responsabilités et l’intérêt de la société ! La justice ne vient qu’après. La justice n’est pas le critère unique du comportement politique, elle doit demeurer un buttoir pour les cas extrêmes : Ehoud Olmert doit partir. Terriblement tout de suite.

Car il a permis à Hassan Nasrallah, qui n’avait toujours pas le moindre as dans son jeu, mais de la suite dans les idées, de connaître le triomphe, hier, à Beyrouth. Il avait dit qu’il obtiendrait la libération de l’immondice humanoïde Samir Kuntar et le gouvernement d’Israël lui a permis de tenir parole. Dans le monde arabe, qui a coutume de ne se nourrir que de promesses creuses, ceci ne peut être considéré que comme une victoire. Cheikh Hassan Nasrallah, le leader arabe qui tient ses promesses et qui tourne Israël en bourrique, en lui vendant un chat dans un sac fermé. Super Nasrallah, qui est devenu l’idole de la rue arabe, l’exemple à suivre, l’honneur retrouvé, etc. .

Super Nasrallah, qui a transformé la justice israélienne en échoppe de farces et attrapes, perdant ce qu’il lui restait de pouvoir dissuasif. Les terroristes assassins d’enfants savent désormais qu’ils ne purgeront pas l’entièreté de leurs peines dans les prisons israéliennes, et que chaque heure qu’ils y passent leur sera payée au centuple lorsqu’ils seront adulés – comme Kuntar à Beyrouth – par le peuple arabe en liesse et la classe politique, au complet et en grand apparat.


Ne craignons pas de l’écrire, l’échange de mercredi a objectivement rendu la société israélienne plus perméable aux initiatives terroristes. La notion de justice s’en trouve elle-même ébranlée, qui ne tolère pas qu’un assassin de fillettes recouvre la liberté, alors que des droits communs continuent de payer leur dette à la société. Pour être respectée, la justice doit être appliquée également à tous, il y va de sa crédibilité et, par conséquence, de la probité du citoyen.

Fort Nasrallah ! Il assassine huit soldats israéliens en transgressant, par surprise, une frontière internationalement reconnue ; ses miliciens récupèrent les restes de deux militaires qu’ils viennent d’assassiner ; il déclenche une guerre lors de laquelle 1 500 Libanais perdent la vie et un millier d’autres sont blessés, dans leur immense majorité des miliciens, des terroristes et des petites mains de son organisation, qui se retrouve décimée en août 2006 ; et en juillet 2008, avec l’aide d’Olmert et de son gouvernement, il obtient la mainmise sur le Liban. Le droit de veto sur les décisions de son cabinet.

Hier, sans être présent physiquement, se terrant depuis deux ans de crainte qu’Israël ne lui ouvre les portes de l’enfer, il réunit les représentants de tous les courants libanais, le président Suleiman [1], le 1er ministre Siniora qu’il avait encerclé il y a deux mois à peine, le général Aoun, qui y a perdu son âme et notre respect, tous les cheikhs, les imams et les chefs de toutes les églises. Et à l’endroit précis – sur le tarmac de l’aéroport de Beyrouth -, où la classe politique française avalisait, il y a quelques semaines, son putsch sur le pays aux cèdres, Nasrallah les force tous à embrasser une racaille, revêtue à la hâte de l’uniforme de l’armée libanaise, dont la seule action notable de son existence a consisté en l’assassinat d’une famille, dans les conditions que vous savez maintenant.

Le Hezbollah a réussi l’exploit, sans précédent depuis l’élection de Bachir Gemayel, de générer, pour quelques heures au moins, l’union sacrée des politiciens les plus hypocrites de la terre, selon la formule inventée par notre camarade Michaël Béhé et qui n’avait jamais été aussi bien illustrée.

Réunir autant de monde pour béatifier l’écrasement de la tête d’une fillette de quatre ans, il fallait le faire, et il fallait surtout que ses ennemis soient assez naïfs pour le laisser faire. Ce qui a inspiré le commentaire approprié au naïf Ehoud Olmert – il lui reste le sens inné de la formule - : "Honte à la nation qui célèbre la libération d’une bête humaine qui a fracassé le crâne d’un bébé de quatre ans".

Une nation dont l’armée est désormais mélangée à la milice du Hezbollah, ce qui a fait balbutier à Mgr. Sfeir, le patriarche maronite, "en général, un Etat possède une armée, non pas deux". Il a raison Mgr. Sfeir, même s’il ne fait qu’effleurer un problème qui va, sans doute, précipiter le Liban vers sa perte.

Car, dans le fief du Hezb, à Daaya, où l’organisation terroriste avait réuni hier soir des dizaines de milliers de sympathisants pour recevoir Kuntar, il y avait des milliers de drapeaux vert et jaune des Fous d’Allah, quelques dizaines de drapeaux soviétique – on fait dans l’éclectisme, au sud de Beyrouth ! - mais pas de drapeaux libanais. Ceux qui ne souffrent pas de daltonisme liront là le projet que Nasrallah réserve aux Libanais.

Lorsque après avoir été libérés par Israël, les ex-prisonniers libanais sont arrivés dans le village frontalier de Nakoura, ils ont été accueillis par une haie d’honneur composée de miliciens du Hezbollah faisant plusieurs fois le salut hitlérien, et d’une section de la sécurité libanaise. Kuntar et ses acolytes ont suivi, au rythme militaire, trois bannières strictement ordonnées : Hezb devant, libanaise en retrait, et, quelques mètres plus loin encore, celle de l’OLP.

Dans son discours de bienvenue, qui n’a, bien entendu, pas été traduit par les media occidentaux, l’imam du Hezbollah a affirmé que Kuntar n’avait pas été détenu par Israël mais par l’ensemble des nations occidentales. Que le Hezbollah n’avait pas vaincu qu’Israël, mais l’ensemble desdites nations. Que le Liban, qui avait été faible auparavant, avait été transformé en fer de lance de la Guerre Sainte mondiale.

Face à cette profession de foi, on peut choisir entre diverses postures : mettre en doute notre transcription, ne pas les prendre au sérieux, ne pas les croire ou s’inquiéter de leur projet, ce que je vous conseille de faire.

Les évènements d’hier posent problème. Tout en sachant fort bien qu’il existe au Liban de très nombreux êtres sensibles, courageux et moraux, à l’instar de notre camarade Béhé, des intermittents de la Ména libanaise, et de certains autres confrères, qui faisaient ce matin un compte rendu dégoûté des cérémonies d’hier, il y a fort à parier que la réception réservée au bourreau Kuntar va modifier les relations entre Israël et le Liban.

Mon interprétation de ce changement me mène à affirmer, qu’en cas de nouveau conflit induit par Nasrallah, Tsahal prendra beaucoup moins de risques afin d’épargner les communautés non chiites du Liban. Jusqu’à hier, les Israéliens ressentaient de l’indifférence, voir une certaine empathie pour leurs voisins du Nord. Depuis les images de mercredi, ces sentiments ont tourné à la pitié, au dégoût voire à la haine. Des sentiments incités par l’antijuivisme primaire qu’ont exprimé, ou endossé, les représentants de toutes les institutions libanaises à l’Aéroport Rafic Hariri. Nul doute que si le Liban se laisse emporter dans la Djihad de Nasrallah, il va vraiment connaître la signification des destructions massives.

L’Occident a regardé l’adulation d’un tueur d’enfants par un pays entier, qu’il croyait partiellement occidentalisé, avec circonspection. A l’Elysée, on avait du mal à croire que Michel Suleiman, qui embrassait Kuntar sur le tarmac, étreignit Nicolas Sarkozy il y trois jours seulement. Hier, les déclarations de Suleiman étaient plus proches de l’appel à la Guerre Sainte que de l’esprit de l’Union des Pays du pourtour de la Méditerranée. "C’est à désespérer de ces cons…" a soufflé à l’un de nos relais à Paris un proche conseiller de Sarkozy.

Quant à Israël, si elle entend survivre dans son environnement hostile, elle a meilleur temps de reconsidérer très rapidement ses priorités conceptuelles et d’assainir et rehausser les rangs de sa classe politique. Car faire plus mal et plus dangereux qu’elle n’a fait durant ce round d’affrontement avec le Hezbollah me paraît impossible.
Note :
[1] En dépit de ce qui se lit un peu partout, notre camarade Michaël Béhé insiste sur l’orthographe "Michel Suleiman" (et non Sleiman) du nom de son nouveau président. Pour avoir suivi hier les reportages d’Al Jazeera et d’Al Manar, la chaîne du Hezbollah, nous ne pouvons que lui donner raison. (La rédaction).
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