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Aux âmes grandes et généreuses

Envoyé par Ludovic Leroux 
"Mais ceux qui, peu soucieux du présent qu'ils sentaient leur échapper, ont par un sublime instinct d'immortalité, par une soif insatiable d'avenir, porté la pensée nationale au-delà du présent, et le sentiment humain au-dessus de l'aisance, de la richesse, de l'utilité matérielle; - ceux qui ont consumé des générations et des siècles à laisser sur leur route une trace belle et éternelle de leur passage; ces nations désintéressées et généreuses qui ont remué toutes les grandes et pesantes idées de l'esprit humain, pour en construire des sagesses, des législations, des théogonies, des arts, des systèmes; - celles qui ont remué les masses de marbre ou de granit pour en construire des obélisques ou des pyramides, défi sublime jeté par elles au temps, voix muette avec laquelle elles parleront à jamais aux âmes grandes et généreuses; - ces nations poètes comme les Egyptiens, les Juifs, les Indous, les Grecs, qui ont idéalisé la politique et fait prédominer dans leur vie de peuples le principe divin, - l'âme, sur le principe humain, l'utile. Celles-là, je les aime, je les vénère, je cherche et j'adore leurs traces, leurs souvenirs, leurs oeuvres écrites, bâties ou sculptées; je vis de leur vie, j'assiste en spectateur ému et partial au drame touchant ou héroïque de leur destinée et je traverse volontiers les mers pour aller rêver quelques jours sur leur poussière et pour aller dire à leur mémoire le memento de l'avenir; celle-là ont bien mérité des hommes, car elles ont élevé leurs pensées au-dessus de ce globe de fange, au-delà de ce jour fugitif. - Elles se sont senties faites pour une destinée plus haute et plus large, et ne pouvant se donner à elles-mêmes la vie immortelle que rêve tout coeur noble et grand, elles ont dit à leurs oeuvres : Immortalisez-nous, subsistez pour nous, parlez de nous à ceux qui traverseront le Désert ou qui passeront sur les flots de la mer Ionienne, devant le cap Sygée ou devant le promontoire de Sunium où Platon chantait une sagesse qui sera encore la sagesse de l'avenir."
Lamartine, Souvenirs, impressions, pensées et paysages...
Lamartine est un poète femelle, sinon il se serait appelé Lemartin.

Abel Bonnard
Utilisateur anonyme
27 avril 2012, 17:05   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Je me rappelle un article lu dans le Figaro littéraire qui traitait d'un livre étudiant les rapports entre Paris et les campagnes en politique. L'auteur citait des paysans qui, en 1848, se demandaient qui était cette Martine qui faisait tant de bruit à Paris...
Rien à faire: rien de plus qu'un authentique sous-Hugo, un bon faiseur, qui simule assez bien le génie. Lisez cela à haute voix et vous vous prendrez à déclamer du Malraux la voix cassée, la mèche contre le vent, du Malraux moyen, ministériel, discourant aux Invalides ou pour l'inauguration de la MJC de Pontoise. Lamartine eût fait un parfait ministre de la Culture de la Veme République pre-68, ou éventuellement pompidolienne. Ce n'est pas un reproche.
Utilisateur anonyme
27 avril 2012, 18:18   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Effectivement, lu à haute voix, c'est très malrucien.
Monsieur (je parle au sous-Hugo inaugurateur de MJC), ne les écoutez pas. Ils se rassurent comme ils peuvent. Un brouillard d'hommes, comme disait l'autre.
Sans compter que Lamartine fut un pionnier en politique, il inventa en effet la veste en obtenant exactement 17 210 voix sur toute la France à l'élection présidentielle de 1848 (contre 5 434 226 à Louis-Napoléon Bonaparte).
Merci Jean-Marc. Comme quoi, le goût des chiffres a parfois du bon.
On se demande - en hésitant - si ces lignes du poète n'auraient pas été de quelque poids sans leur signature infamante. Partout on lit que Lamartine est abandonné sans recours possible; mais ne devrait-on pas se méfier des jugements impérieux et comminatoires de l'Université?
"...le goût des chiffres à parfois du bon." écrit M. Marche. Le rejet démocratique essuyé par Lamartine en 1848 établit quelle vérité? On s'étonne qu'il soit possible de confier aux mécanismes électifs la qualification d'une oeuvre littéraire. La déroute de Lamartine aux élections de 1848 le confine dans sa chère solitude d'artiste.
Le "poète femelle" lancé par Abel Bonnard vaut bien un portrait caricaturé de l'Illustration; c'est une blague, rien de plus.
S'il est possible que les majorités aient toujours tort comme le dit le poète, en déduire que les minoritaires ont toujours raison serait un sophisme, quand au "splendide isolement", il ne délivre aucun brevet de poésie. Lamartine en littérature simule le génie comme d'autres en amour l'orgasme. Que voulez-vous, c'est ainsi, c'est criant (si vous me permettez !). Cela doit participer à son côté "féminin" relevé par Abel Bonnard.
Lamartine peut être considéré comme un premier essai de l'homo socialistus.

De gauche dans ses discours, de droite dans sa vie privée, il avait un tropisme pour l'exotisme (la créole Mme Charles) et le cocufiage des Français (M. Charles plongé dans son laboratoire). Il vomit le régime impérial mais, quand la bise fut venue, il se trouva fort bien pourvu par ce dernier (la lignée des Lamartine - Jouano poursuit cette tradition). Enfin, grâce à Jocelyn, il donna au Bobo-type son nom.

On notera aussi (Eric, pardonnez-moi, mais ce sont-là historiques choses) qu'il n'était pas, comment dire, une affaire au lit, chose parfaitement reconnue dans le vers célèbre "Hâtons-nous, jouissons !".
On est amené à considérer quelques phrases bien faites et voilà qu'on remue les vieux os d'un poète pour y trouver la marque d'un manque de virilité. Ce faisant, on joue avec les ressorts de la critique automatique en puisant dans le catalogue des valeurs littéraires établies. Il fallait bien en arriver à la recherche du sexe des vers. Qu'est-ce que la poésie mâle? la poésie des champs de bataille?
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 12:15   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Citation
Ludovic Leroux

Qu'est-ce que la poésie mâle? la poésie des champs de bataille?

La poésie de Leopardi par exemple.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 14:01   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Je voudrais, sans jouer la Belle Ame de service, apporter via l'historien Henri Guillemin, un important contre-point aux divers préjugés (introduits par ses calomniateurs interessés de l'époque) qui pèsent sur Lamartine encore aujourd'hui.

Partie 1

[www.rts.ch]


Partie 2

[www.rts.ch]


Voici, pour ceux qui aiment l'histoire sans fard, le lien vers la série de diverses émissions du regretté Henri Guillemin (pour passer à l'épisode suivant de chaque série, je recommande de repasser par le sommaire)
Je recommande particulièrement les séries "La Commune"
et "L'autre avant-guerre" (1871-1914) : un régal.

[www.rts.ch]
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 15:54   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Henri Guillemin avait, lui aussi, quelque chose de Malraux, dans ses gestes, dans son apparence également.
Merci, cher Thomas Marcy.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 17:25   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Vigny, dans son Journal parle de [Lamartine] avec mépris. Il dit : « Monsieur de Lamartine a une façon d'éloquence qui en impose aux médiocrités », ce qui signifie qu'il n'en impose pas à Monsieur de Vigny.
Voilà qui est en accord avec ce que vous écriviez, cher Francis Marche.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 18:52   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Le parti pris hargneux de Guillemin consistant à faire les poubelles pour en jeter les raclures sur la face des "grands hommes" me répugne.

Ajoutez à cela à son idolâtrie pour son cher Robespierre et vous obtenez une sorte de Mélenchon avant l'heure.

Je crois bien que c'est le même dentiste qui les a ratés tous les deux.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 18:55   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Guillemin, hargneux ? Heu...
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 18:56   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Hargneux, mesquin, suintant la haine et le dépit.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 18:57   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 19:04   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Napoléon vu d'en bas par Guillemin

Je me souviens d'une série d'émission sur FC consacrées à Robespierre, c'était tout juste s'il ne pleurnichait pas en racontant les injustices subies par son héros.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 19:06   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Je le préfère tout de même à Mélangeons.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 19:08   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Oui. Il est mort.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 19:11   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Vous êtes implacable.
Utilisateur anonyme
28 avril 2012, 23:42   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Je constate que dès qu'un historien montre l'envers du décor et les turpitudes de certains pseudo-héros, il devient immédiatement suspect de malhonnêteté intellectuelle aux yeux de beaucoup. Je pense entre autre aux agissements de Napoléon Ier, ce chef mafieux corse qui fit le malheur de la France ; ou Vigny qui dénonça un curé (qui risquait de gêner sa nomination au parlement), lequel fut envoyé mourir au bagne de Cayenne.
Guillemin a la dent dure quand il le faut.

Il ne s'agit pas de tomber dans le ressentiment posthume envers tous les grands hommes (attitude que Hegel appelait "l'histoire vue par les valets de chambre") et de devenir incapable de ce beau sentiment qu’est l’admiration armée par l’esprit critique. Il s'agit seulement de distinguer les vrais héros et hommes d'Etats (comme Lamartine, qui osa s’opposer à la violence physique et économique de sa propre classe sociale) de certaines idoles qui sonnent creux sous le marteau historique.
Point de moraline donc dans les dits et écrits de Guillemin ; seulement une généalogie de quelques fausses valeurs.
Citation
Guillemin a la dent dure quand il le faut.

Vous plaisantez Guillemin était un idéologue de la pire sorte. Ce qu'il dit sur Napoléon on pourrait le dire sur 99 % des grands hommes que l'histoire a retenu.

Qu'a-t-il dit sur Lénine ?

Je crois que je vais vous surprendre: si Napoléon avait gagné on aurait eu une Europe sans Prusse donc sans communisme et bien sûr sans nazisme cad un ensemble qui serait redevenu catholique et on ne serait pas aujourd'hui dans la panade dans laquelle nous sommes.
Je crois que je vais vous surprendre: si Napoléon avait gagné on aurait eu une Europe sans Prusse donc sans communisme et bien sûr sans nazisme cad un ensemble qui serait redevenu catholique et on ne serait pas aujourd'hui dans la panade dans laquelle nous sommes.

Vraisemblable. ...Et l'Angleterre revenue par la force -- Napoléon ayant réussi son débarquement et ayant inversé Trafalgar,-- dans le giron d'où l'avait éloignée le Moyen-Age serait devenue une espèce de Wallonie insulaire où l'Empereur des Français, à Windsor, eût tenu ses quartiers d'été et reçu dans ses jardins penchés vers les bords de Tamise ses vassaux des Amériques (les présidents canadien, mexicain, etc..) en des gardens parties où ne seraient jamais invité Jeff Koons et ses émules... Une belle uchronie à écrire en 1500 pages quand l'âge de la retraite sera venu. Dommage que je n'ai jamais cotisé.
Utilisateur anonyme
29 avril 2012, 09:51   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Certes, Guillemin avait une orientation politique (ami de Mitterrand, il avait surtout été influencé par le catholicisme social de Marc Sangnier, créateur du "Sillon"; et dans ses biographies, c'est plutôt au rapport à la question du divin qu'il s'intéresse.).
Mais c'est le cas de tout historien et n'est pas en soi incompatible avec l'honnêteté intellectuelle. Guillemin cite toujours ses sources, apporte des faits pour chaque assertion et ne dissimule pas son orientation, ce qui vaut sans doute mieux que de la dissimuler sous un pseudo-positivisme.
Je concède qu'à propos de Lénine, si Guillemin ne cache pas que c'est sous la férule de celui-là que les cinquante premiers goulags ont été créés (ainsi que la GPU), il insiste sans doute trop naïvement sur le soi-disant malaise qu'éprouvait à cet égard Lénine (mieux vaut sur la question lire "Les origines intellectuelles du léninisme" d'Alain Besançon). Je ne sais ce que Guillemin a dit sur Robespierre et le Comité de Salut public, mais il est sans doute à parier qu'il a dû "glisser" trop rapidement sur les aspects les plus gênants.

Quand à savoir ce qu'il serait advenu si Napoléon avait "gagné", c'est là un exercice de politique-fiction forcément périlleux. Remarquons d’abord que pour Napoléon, « gagner » était un mot qui impliquait un processus quasiment sans fin : c’était un impérialisme constant qui, s’il laissait en général l’initiative de l’attaque aux autres puissances, n’en menait pas moins une politique de domination par petits pas et d’humiliations répétées qui empêchait toute paix durable. Et, fondamentalement, quand bien-même la Prusse aurait été écrasée militairement dans les années 1810, l’Angleterre et la Russie n’auraient jamais toléré une hégémonie française sur l’Europe. C’aurait donc été des guerres sans fin, avec des batailles de plus en plus sanglantes [petit rappel : pour le seul côté français, 30.000 morts à Wagram (1809), 27.600 à la Moskova (1812), 30.000 à Leipzig (1813), 35.000 à Waterloo (1815)...] Cela aurait achevé de saigner la France et précipité encore plus son déclin démographique naturel, sensible dès les années 1850. Finalement, c’eut été simplement repousser de vingt ans la défaite finale et l’unification des Allemands ; comme l’illustre bien le Discours à la nation allemande de Fichte, c’est Napoléon lui-même qui a éveillé, par contre coup, le nationalisme allemand !
Quant à savoir si cela eut évité l’apparition d’idéologies mortifères au 20e siècle, c’est bien difficile à dire : celles qui sont historiquement apparues avaient des causes qui ne se réduisaient pas aux seules suites de la Première guerre mondiale mais plongeaient leurs racines dans une crise profonde de civilisation (effondrement des valeurs chrétiennes, dégâts sociaux dus au développement du capitalisme, etc.).

Restons donc prudents et gardons une saine distance intellectuelle vis-à-vis de la soi-disant « gloire » acquise à coup de militarisme. Si la France a eu un grand destin c’est du fait notamment de son opposition pluriséculaire aux divers empires.

Et essayons de garder un caractère cordial à nos échanges sur ce forum.

Salutations.

Thomas MARCY
Citation
Et essayons de garder un caractère cordial à nos échanges sur ce forum.

Mais Monsieur Marcy relisez mon billet il est tout à fait cordial. (modification à 14 h 21).

Il ne faut quand même pas croire que la voie que prend l'histoire était déterminée de toute éternité et le destin de l'Europe tel qu'il a eu lieu était inévitable.
il est tout à fait cordial sans aménité du tout.

Un vrai tour de force !
Inimitié, je pense ?
C'est vrai les amis il faudrait toujours réagir à froid.
Une belle uchronie à écrire en 1500 pages quand l'âge de la retraite sera venu.

Mais Francis, elle existe déjà, votre uchronie, c’est même la première du genre à en croire Pierre Versins : le Napoléon apocryphe de Louis Geoffroy, 1841, première édition sous le titre Napoléon et la conquête du monde, 1836.

Et comme nous ne le possédons pas dans notre bibliothèque, nous le lirons sur google books. (Zut je n’arrive pas à coller le lien.)
Pourquoi faut-il que quelqu'un ait toujours déjà écrit ou pensé ce que je pense ou projette d'écrire ? C'est à vous désespérer de continuer d'exister. Un peu comme la civilisation Khmer ou Maya, qui se découragèrent de continuer d'oeuvrer dans la répétition et périrent par découragement face à la perspective d'une éternelle réitération de leurs travaux.

Sérieusement: il doit bien exister quelque théoricien ou historien dont les travaux, par leur antécédence à mon propos, vont dans l'instant frapper ce dernier de nullité mais je pense ce soir qu'il existe une horloge interne aux civilisations qui sonne l'heure de leur trépas quand la fatigue de répéter les gestes de leur économie de subsistance -- dans les cas Khmer et Maya il s'agit de l'inlassable l'entretien des systèmes d'irrigation et de l'hydraulique générale des plaines inondables et des eaux souterraines --, finit par avoir raison de leur désir de pérpétuation; et que cette hypothèse vient éclairer la grande métaphysique du besoin de technique d'un jour nouveau: l'innovation technologique, parce qu'elle comporte une dimension ludique, a pour fonction première, occultée jusqu'ici, de désennuyer la civilisation et de retarder cette horloge et avec elle l'heure du trépas de la civilisation appelée à périr sous le poids de l'ennui que distillent les gestes répétitifs de son entretien quand le rituel religieux affaibli ne les sustente plus.

Donc, le dragage des mares et le creusement de canaux par des machines nouvelles ne font pas que redonner un sursis aux mares et à la circulation des eaux et des richesses: les méthodes et machines nouvelles qui s'y trouvent mobilisées désennuient les hommes et la civilisation et forcent celle-ci à se perpétuer en se projetant dans le jeu du progrès technologique qui retarde, en occupant et en amusant ainsi les hommes, l'échéance fatale du jour où elle en aura marre d'exister.

Le jeu vidéo en ligne, l'Iphone: des manières artificielles, non transcendantales et par défaut, d'accorder un sursis à la civilisation en truquant son horloge.
Utilisateur anonyme
29 avril 2012, 20:14   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Citation
Thomas Marcy
Je constate que dès qu'un historien montre l'envers du décor et les turpitudes de certains pseudo-héros, il devient immédiatement suspect de malhonnêteté intellectuelle aux yeux de beaucoup. Je pense entre autre aux agissements de Napoléon Ier, ce chef mafieux corse qui fit le malheur de la France ; ou Vigny qui dénonça un curé (qui risquait de gêner sa nomination au parlement), lequel fut envoyé mourir au bagne de Cayenne.
Guillemin a la dent dure quand il le faut.

Point de moraline donc dans les dits et écrits de Guillemin ; seulement une généalogie de quelques fausses valeurs.

Pour reprendre une image de je ne sais plus quel auteur : Guillemin se borne à nous faire visiter les latrines du château comme s'il n'y avait qu'elles. C'est sa spécialité, une sorte de dame Pipi quand d'autres échotiers comme Castelot nous font visiter les boudoirs et le dessous des lits.

Vous faites bien de rappeler ses rapports avec le catholicisme social : il y en effet du curé rouge et défroqué dans sa façon d'aborder les "idoles" et cela cadre assez bien avec sa dévotion à Robespierre autre curé laïque.
Utilisateur anonyme
29 avril 2012, 20:24   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
En attendant, c'est un formidable conteur et il est d'une belle rigueur.
Oui, tout de même. En ce temps là on pouvait être de gauche et avoir de la classe.
Utilisateur anonyme
30 avril 2012, 02:17   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Citation
Jean-Michel Leroy
En attendant, c'est un formidable conteur et il est d'une belle rigueur.

Il bafouille et tient constamment son stylo à la main comme un stylet dont il menace le téléspectateur.

Brisons là mon opinion est faite depuis longtemps sur ce faux bonhomme. Guillemin ou la passion du dénigrement.

L'article qui suit résume parfaitement la méthode Guillemin.

La République du Centre
Utilisateur anonyme
30 avril 2012, 03:32   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Soyons âmes grandes et généreuses.
Oui on pourrait pardonner à l'homme mais pas à l'historien. Il était ce que les anglo-saxons appellent
un fouilleur de merde.
C'est une théorie très "stimulante", cher Francis. Il me semble que cet ennui de la civilisation est palpable partout. Le livre (ou le chapitre) s'appellerait La Grande Fatigue.
30 avril 2012, 09:25   La Grande fatigue
Il est concevable qu'au terme d'un certain nombre de siècles, vingt-cinq, trente peut-être, où une civilisation agraire, ou guerrière ayant tout réussi, jusqu'à la construction de pyramides, de temples savants, d'Angkor Vat, elle n'ait plus envie de continuer d'être et de se répéter et décide de lâcher les outils et de se dissiper dans le néant, de s'abîmer dans l'amour d'un envahisseur, d'un destructeur, quel qu'il soit, le premier venu.

Il y a dans mon jardin un passereau qui construit son nid, qui repart toutes les dix minutes, en quête de brindilles; son espèce fait cela depuis des centaines de milliers d'années exactement comme lui. Le nid se défait, ne vaut rien, ne retient pas les oeufs, ou bien il est réussi, porte une progéniture -- pour l'oiseau, c'est pareil. Il continuera, ses descendants ne se lasseront pas de faire cela, de se nourrir et de se loger toujours de la même façon. Jamais l'oiseau n'en aura marre d'être oiseau. Jamais il n'éprouvera l'envie de "tout plaquer", de ne plus se répéter. L'homme est catastrophiquement différent: il connaît l'ennui de la répétition et a besoin qu'on l'effraie ou qu'on le soudoie religieusement, par une transcendance quelconque, pour continuer sans se lasser à se soumettre aux travaux et aux jours; mais arrive un temps où la peur des dieux ou du fouet du maître n'y suffit plus; il faut le désennuyer autrement, installer dans sa cage-tambour d'écureuil moulinant des quatre membres, des agrès nouveaux, des tablettes numériques, des iphones, des doudous électroniques aussi divers que variés et complexes, qui l'absorberont, alors seulement, il consentira, en oubliant son ennui et l'inutile singularité de son espèce, à continuer d'être homme au quotidien une petite dizaine de siècles de plus, peut-être...
Utilisateur anonyme
30 avril 2012, 20:09   Re : La Grande fatigue
Citation
Francis Marche

L'homme est catastrophiquement différent: il connaît l'ennui de la répétition et a besoin qu'on l'effraie ou qu'on le soudoie religieusement, par une transcendance quelconque, pour continuer sans se lasser à se soumettre aux travaux et aux jours;

Cette fatigue et cet ennui de vivre que vous décrivez sont parfaitement illustrés par l"Histoire du genre humain" de Léopardi oeuvre-ouverture de ses"Operette morali" de 1826 : les Dieux ne savent plus que faire pour distraire les hommes de l'ennui qui les gagne inexorablement sitôt qu'ils ont fait le tour du monde tel qu'il est.

Le désir de vivre de Deucalion et Pyrrha est tombé si bas et leur dégoût pour la procréation est tel qu'ils n'acceptent de repeupler le monde qu'en jetant des pierres par dessus leurs épaules.

Les Dieux qui autrefois enrichissaient le monde en paysages divers et créatures nouvelles pour multiplier les apparences et tromper notre ennui ou bien encore nous rendaient capables de belles illusions héroïques nous jettent aujourd'hui internet et des Ipad. C'est assez dire l'estime en laquelle ils nous tiennent.
Utilisateur anonyme
30 avril 2012, 20:11   Re : La Grande fatigue
Considérez que les iPad permettent de voir le monde en plus haute résolution qu'en vrai !
30 avril 2012, 21:29   Re : La Grande fatigue
Oui, on retrouve cette idée chez Cioran (Ecartèlement, etc.).

La reconsidérer sous l'angle de la double fonction de la technique ou des technologies: celles-ci d'une part permettent, grâce à des machines nouvelles de mieux drainer les champs, creuser des chenaux, repiquer le riz, mieux nourrir des populations humaines en expansion etc., c'est leur fonction avouée, positive; d'autre part, négativement, elles évitent l'ennui, la répétition, la monotonie des formes ancestrales du labeur léguées par les générations précédentes, et cette seconde fonction emporte également avec elle la cruelle ironie que constituent la douleur des apprentissages techniques ajoutée à la monotonie du fonctionnement de la machine nouvelle qui génère assez tôt sa forme propre de lassitude (travail à la chaîne, taylorisme, etc.), et ce tout dernier aspect appelle à son tour la création de machines qui désennuient des premières, etc. jusqu'à ce que l'on en vienne à créer le jeu électronique vidéo qui désennuie des jeux vidéos, le robot masseur qui soulage des crampes et contractures causées par la console de jeu de désennuyage, etc.
Utilisateur anonyme
30 avril 2012, 21:37   Re : La Grande fatigue
Cher Francis Marche, cette petite analyse de 2001, l'Odyssée de l'espace, montre que le propos de Kubrick est, dans ce film, le même que le votre.
Utilisateur anonyme
30 avril 2012, 21:45   Re : La Grande fatigue
Je suis en total accord avec la brillante analyse de Francis Marche : cela mériterait une place dans le futur nouveau dictionnaire de l'In-nocence !
Utilisateur anonyme
30 avril 2012, 21:51   Re : Aux âmes grandes et généreuses.
Au fait, cher Jean-Marc, l'infamante phrase d'Abel Bonnard sur Lamartine ne manque pas de sel quand on sait que ce ministre de l'instruction de Pétain, chantre de la collaboration, était un homosexuel affiché qui, à Vichy comme dans le maquis, avait récolté l'élégant surnom de "Gestapette"...
Thomas,

Cette "Gestapette", passée à la postérité, mot qui, pour la belle Bonnard, commence bien et finit mal (ce coquin de Galtier avait d'ailleurs nommé le pauvre Antériou Postériou) ne vaut cependant pas le merveilleux, du même Galtier, "Connétable du déclin" pour parler du Maréchal.

Qui sera notre Galtier-Boissière ?

Il est vrai que Mme de Portes et la femme Brochen, ce n'est pas le même monde.
Utilisateur anonyme
30 avril 2012, 23:45   Re : La Grande fatigue
J'ajoute aussitôt que cette idée désespérante est parfaitement athée. Elle est séduisante littérairement et philosophiquement mais parfaitement scandaleuse pour un esprit religieux.
Cher Francis, vos réflexions sur la lassitude des civilisations me rappellent un beau poème de Cavafy, "En attendant les Barbares" où toute une cité du Bas-Empire dans sa partie orientale, consuls, magistrats, peuple, sort des murs de la ville à l'annonce de l'arrivée des Barbares et les attend vainement toute la journée. Et le poème se conclut par : "Les Barbares, c'était tout de même une solution..."
C'est ce même Galtier-Boissière qui se demandait quels étaient les Caïns, avec les Abel qu'on avait.
"Elle est séduisante littérairement et philosophiquement mais parfaitement scandaleuse pour un esprit religieux."

Voilà qui est clairement exprimé. Un esprit religieux ne peut penser autrement et, parfois, sa tournure d'esprit semble enviable. Par la foi, il semble se d'essenuyer jour après jour. C'est une méthode avec laquelle il faut toujours compter.
01 mai 2012, 04:51   Re : La Grande fatigue
Citation
Brunetto
J'ajoute aussitôt que cette idée désespérante est parfaitement athée. Elle est séduisante littérairement et philosophiquement mais parfaitement scandaleuse pour un esprit religieux.


Il me semble que l'ennui est chez Leopardi pareillement antagoniste à l'être, à la possession et à la jouissance des choses, que l'illusion, ils repoussent tous deux l'être et la pleine existence, bien qu'étant eux-même incompatibles : l'ennui est un principe interne de vide qui plombe littéralement l'homme en le dilatant d'un rien inamovible et l'immobilise, alors que l'illusion est le simulacre extérieur qui vient gonfler la baudruche humaine et la rendre plus légère que l'air, la douant d'un mouvement que cette inanité même anime.
Ce sont des néants, mais, pour ainsi dire, de coloration affective différente : face au réel il y a d'un côté la terrible Melancholia, et de l'autre la bulle rosée de champagne de Chamfort.

Dans certains passages néanmoins, l'ennui est loué comme indice de grandeur, marque d'une insatiabilité irréductible qui crée presque un appel de transcendance, ce qui n'est pas forcément incompatible avec l'"esprit religieux"...
01 mai 2012, 07:40   Re : La Grande fatigue
Tout à fait d'accord avec vous Brunetto: elle commet le sacrilège d'aligner et d'unir la technique et le sacré dans une même fonction d'échappatoire contre la finitude humaine -- l'oiseau, lui, est infini, inlassablement oiseau, et n'éprouve ni le besoin de prier ni celui de fabriquer un nouveau ciment prompt pour agglomérer sans se fatiguer les brindilles du nid, ni un aspirateur à brindilles qui "libèrerait du temps de loisir" et vaudrait invite permanente à oeuvrer à la mise au point d'un aspirateur plus ergonomique, performant et convivial, d'un aspirateur qui permettrait de téléphoner au nid, par exemple, etc. La mélancolie (celle dont Cioran disait que dans un monde qui en serait privé, les rossignols, toujours eux, au lieu de chanter, roteraient) fait surgir la finitude contre laquelle, pour sa survie, homo sapiens opère son progrès, soit celui-là même qui doit rétablir l'infini dans ses droits et continuer de faire préférer la prière quotidienne à la mort ou à la dissolution dionysiaque.
Utilisateur anonyme
01 mai 2012, 14:10   Re : La Grande fatigue
Citation
Francis Marche
La mélancolie (celle dont Cioran disait que dans un monde qui en serait privé, les rossignols, toujours eux, au lieu de chanter, roteraient) fait surgir la finitude contre laquelle, pour sa survie, homo sapiens opère son progrès, soit celui-là même qui doit rétablir l'infini dans ses droits et continuer de faire préférer la prière quotidienne à la mort ou à la dissolution dionysiaque.

Vous dites cela mieux que je ne saurais le dire.
01 mai 2012, 22:29   Re : La Grande fatigue
(Cela dit, si l'ennui est une expérience du néant (et l'ennui léopardien l'est assurément), sa manifestation convoque bien plutôt l'infini que la finitude, et outrepasse aussi sûrement les limites du monde connu que le bâillement du fumeur de houka l'avale.)
02 mai 2012, 07:20   Re : La Grande fatigue
(Cela dit, si l'ennui est une expérience du néant (et l'ennui léopardien l'est assurément), sa manifestation convoque bien plutôt l'infini que la finitude, et outrepasse aussi sûrement les limites du monde connu que le bâillement du fumeur de houka l'avale.)

(Oui Alain, cependant la manifestation extérieure de l'ennui, sa monstration, son argument politique (cas de Mme Aubry) offrent au regard, à la considération et à la pensée l'image ou l'idée d'un être ayant touché sa finitude en ayant atteint les rivages de la lassitude de soi, soit tout le contraire de ce que peut livrer l'observation de l'oiseau, de la fourmi dans leurs oeuvres et leur présence au monde qui elles, et par comparaison, paraissent infinies par la permanence, la mécanique répétition et l'irréprochable immunité de l'être-oiseau, de l'être-fourmi à tout risque d'auto-fatigue. L'oeuvre humaine qui choit et de dissipe dans l'auto-fatigue et par l'effet de l'ennui, sans recours aucun, ni celui du sacré ni celui de la technè, se révèle, en rencontrant cette finitude, comme infra-animale, et son "néant" ne découvre aucun infini autre que celui de la morbide insignifiance)
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