Dernière mouture de cette exaspérante rhétorique ce mardi soir 8 mai, sur BFM TV, Bruno Jeudy ou Renaud Delhy ( ils ont un double emploi de beaux garçons de gauche niaiseuse qui me fait les confondre ). En substance : " Quelle noblesse d'âme, Sarkozy, partageant la cérémonie du 8 mai avec François Hollande ! Si au lieu de faire cette campagne clivante, il s'était posé en rassembleur des Français !" Je suis exaspéré par ce refus de la conflictualité inhérente à la démocratie, cela venant par dessus le marché de cerveaux qui ont sucé la lutte des classes dans leur biberon. Cette recherche puérile d'unanimisme doit être analysée et démasquée.
Nietzsche souligne que la tragédie et le débat démocratique sont nés ensemble. Faudrait-il qu'à la fin d' "Antigone" surgisse un rassembleur, un Hollandus ex machina qui nous dirait : " Il faut arrêter de cliver le peuple thébain ! Antigone et Créon ont tous deux raison, les lois divines l'emportent sur celles de la cité et les lois de la cité l'emportent sur les lois divines." Ah, quel beau discours rassembleur !
Mais enfin dans l'histoire des peuples, il y a des moments où une partie de la population a tort contre une autre partie qui a raison ! L'homme d'Etat est celui qui choisit et tranche, pas celui qui fait du mi-figue mi-raisin, du chèvre chou, comme le monsieur qui va jouer au pot-de fleurs à l'Elysée pendant cinq ans. Il y a à notre actuelle situation de clivage (ethnico-civilisationnel, mais cela les Bruno Delhy se feraient couper en morceaux avant de l'avouer), un précédent. Les protestants au début du XVII ème siècle, abusant des villes de sûreté qui leur avait été données par Henri IV se sont mis à créer "un Etat dans l'Etat", une Seine-Saint-Denis parpaillote qui devait avoir au moins sur l'autre le mérite d'être propre. Et que leur a fait Richelieu ? La guerre ! Il est parti à la reconquête des "territoires perdus de la monarchie". Et que disent la majorité des historiens de la France ? Qu'il avait raison. Aucun niaiseux médiateur ne s'est alors levé pour dire : "Les protestants et Richelieu ont tous raison ! Il faut rassembler les Français !"
Ni Gambetta, ni Clémenceau, ni Blum n'ont jamais utilisé cette expression débile, ils savaient que la politique c'est la guerre continuée par d'autres moyens. Peut-être De Gaulle après les rudes affrontement de la guerre et de la Libération ?
Et pourquoi tous ces gens-là n'ont-ils jamais pensé à "rassembler les Français" ? L'idée ne leur en est jamais venue parce que les Français étaient viscéralement unis. Le "rassemblement des Français" consiste-t-il à couvrir la place de la Bastille de drapeaux algériens le soir d'une élection présidentielle française ? Ça, c'est du beau rassemblement... Ne vaut-il pas mieux mettre le doigt sur la plaie, appuyer là où ça fait mal, intimer aux nouveaux-venus d'avoir à suivre le parcours fléché, avec abandon de la langue d'origine, adoption de prénoms français, aggiornamento d'exigences bouchères venues du plus ténébreux de l'Orient etc. etc. ? Celui qui ne veut pas le conflit, il a la guerre disait AG Slama, disparu des ondes "rassembleuses" de France-Culture". Vouloir à tout prix " rassembler les Français", c'est avouer qu'on a laissé se créer une profonde rupture et qu'on ne sait la réparer qu'avec cette inusable panacée de la gauche française : le verbiage.