Le site du parti de l'In-nocence

De l'état actuel de la science

Envoyé par Marcel Meyer 
Voici un très intéressant article paru sur le blog Passeur de Sciences hébergé par Le Monde : Le modèle du Big Bang est fragile.

On voit là que le conformisme écrasant qui caractérise notre époque en matière de pensée politique et sociale a également contaminé le domaine scientifique, comme l'ont déjà montré les controverses à propos du darwinisme et du réchauffement climatique. La pensée occidentale saura-t-elle sortir de la Grande Glaciation dans laquelle elle s'est enfermée ?
Je ne sais pas Marcel. Il n'y a ni glaciation ni ornière en astrophysique, qui est devenue une science très ouverte. J'ai lu cet entretien et d'autres de cet astrophysicien qui critique la "matière noire", cette inconnue bien pratique. En matière de vérité scientifique la physique, ces deux derniers siècles, nous a enseigné cette sagesse: on a raison d'être sceptique, d'être critique et insatisfait face à la finitude. La "matière noire", si commode, ressemble comme une soeur à l'éther des cosmologistes du temps de Port-Royal et de Leibniz. J'aime Port-Royal, et Leibniz et le Big Bang, qui est une ravissante et puissante théorie, comme peut l'être la théorie qui pose l'évolution non programmée des vivants sur la planète Terre. Pourtant, je pressens parce que je sais que la connaissance humaine est petite, faible et étriquée, quel que soit son stade d'accomplissement, qu'il s'agit là d'un bien maigre et bien provisoire baluchon pour voyager dans le complexe, l'immense et joueur univers.
Fascinant.

Il faut bien dire que la théorie du Big Bang est difficilement conciliable avec la pensée néo-gnostique qui domine en occident depuis presque 3 siècles.
Au passage, le numéro de La Recherche de Mai est passionnant.
Le fait que certains scientifiques, et même une majorité d'entre eux, rechignent à réviser leurs présupposés concernant un noyau théorique qu'ils considèrent comme "paradigmatique", selon l'expression de Kuhn, n'est en soi pas particulier à la pensée occidentale contemporaine, je crois...
Selon ce même Kuhn, le "paradigme" détermine même la façon dont est perçue la nature, avant même de formuler quelque hypothèse à son égard : il donne pour exemple le fait qu'avant Tycho Brahe et Copernic, les changements dans les cieux n'avaient pas été enregistrés et à fortiori commentés, parce que le paradigme aristotélicien tenait que le monde supralunaire fût immuable. On n'y cherchait donc aucune modification, alors que certains phénomènes célestes avaient été correctement recensés par les civilisations précolombiennes et chinoises (et peut-être même certains Arabes).
Bref, rien de nouveau sous les cieux, cette fois...
Sans doute, cher Alain, mais depuis, mettons, le milieu du XIXe jusqu'au dernier tiers du XXe les bouleversements des paradigmes scientifiques fondamentaux avaient été accueillis avec moins de dogmatisme rigide, moins de frilosité qu'avant et depuis, non ?
Cher Marcel, je n'en suis pas si sûr : quand Michelson veut en savoir plus sur l'éther, il conçoit une série d'expériences dont les résultats sont parfaitement nuls par rapport à ses attentes, au point que non seulement on n'en apprend strictement rien, mais on met en doute son existence même. A la suite de quoi le postulat d'une vitesse de la lumière constante commence à s'imposer.
Je ne sais pas du tout si l'opiniâtreté de Michelson à continuer de croire en l'éther (et de refuser la relativité) n'est pas pire, et plus frileuse, que le silence un peu réservé, et somme toute empreint d'expectative, qui a accueilli l'annonce de ces résultats étonnants sur le dépassement de cette vitesse...

Posons la question à un chercheur qui connaît ce milieu beaucoup mieux que moi, il doit bien y en avoir parmi les In-nocents...
Utilisateur anonyme
17 mai 2012, 09:59   Re : De l'état actuel de la science
Je ne sais pas ce qui dans Semmelweiss relève de la réalité historique et de la thématique de la persécution chez Céline, mais ce petit livre donne à voir un modèle d'aveuglement de l'institution médicale au XIXe siècle. Ce médecin autrichien, d'après Céline, avait constaté que deux services de maternité avaient un taux de mortalité différents. Dans le premier, les étudiants passaient du cours d'anatomie pratique aux accouchements sans se laver les mains et Semmelweiss avait supposé que les infections des parturientes étaient liées au défaut d'asepsie. Il avait proposé un nettoyage des mains par un mélange à base de chaux dont la mise en oeuvre avait fait baisser l'attrition dans le service concerné. Céline fait le récit du rejet dont cette pratique "répugnante" fut l'objet dans le corps médical et des persécutions qu'eut a subir l'obstétricien. Le livre de Céline est sa thèse de médecine, si je ne m'abuse, et l'on y trouve le thème structurant de la solitude de celui qui a raison contre tous. Je ne sais ce que dit l'ouvrage sur la "communauté scientifique" du XIXe siècle, mais les causes scientifique et littéraire s'y rejoignent de manière surprenante.
Tout à fait d'accord avec Bruno A. sur ce sujet. Les textes les plus marginaux et les moins littéraires des grands écrivains disent tout de l'oeuvre qu'ils accompagnent. Autre exemple, distant mais parallèle: la monographie sur l'île de Sakhaline qu'Anton Tchékov produisit à l'issue du séjour qu'il y fit.
J'ai lu Semmelweiss et je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites.
La thèse de Céline est à lire absolument et, comme le dit Francis, beaucoup d'auteurs se révèlent dans cette forme imposée, tel Ségalen dans Les Cliniciens ès-lettres.
Utilisateur anonyme
17 mai 2012, 11:47   Re : De l'état actuel de la science
Et le pauvre Semmelweiss a fini fou...
Au moins est-il un peu consolant que le brave Semmelweiss, après avoir été si stupidement rejeté par la clique de Vienne (aux premiers rangs de laquelle un certain Klein, ce qui n'est pas de bol pour Céline), ait fait florès comme champion de la prophylaxie à Pest.
Utilisateur anonyme
17 mai 2012, 23:57   Re : De l'état actuel de la science
Le méchant imbécile s'appelle Klin, sans e.
Eh ben dites donc, quelle histoire...
Utilisateur anonyme
18 mai 2012, 00:54   Re : De l'état actuel de la science
C'est un peu comme un poisson sans bicyclette.
Utilisateur anonyme
18 mai 2012, 00:55   Re : De l'état actuel de la science
Utilisateur anonyme
18 mai 2012, 11:42   Re : De l'état actuel de la science
Tout d'abord je tiens à tirer ma révérence à ce forum – et aux nombreux intervenants – pour la qualité globale des réflexions qu'on y trouve ainsi que souci d'exigence qui y réside. (C'est la première fois que j'interviens ici.)

Je voudrais amener un argument supplémentaire en liaison, certes lointaine, au commentaire de Marcel Meyer ci-dessus, « depuis, mettons, le milieu du XIXe jusqu'au dernier tiers du XXe les bouleversements des paradigmes scientifiques fondamentaux avaient été accueillis avec moins de dogmatisme rigide, moins de frilosité qu'avant et depuis, non ? ». (Un argument et non pas une quelconque preuve – comment pourrait-il en être autrement ? –, surtout sur un sujet concernant l'évaluation à chaud et sans recul d'un progrès ou d'un panorama de la connaissance et de la pratique scientifique.) Dans un article paru en 2000 (D. Helbing, I. Farkas & T. Vicsek, Simulating dynamical features of escape panic, accessible via [angel.elte.hu] ou
[papers.ssrn.com] ) les auteurs ont voulu modéliser le comportement d'une foule prise de panique dans un hall et cherchant une sortie. Le modèle permet notamment de tester, dans le monde éthéré des simulations numériques, l'importance d'un comportement individuel d'un agent par rapport à son comportement de « suiveur » (basé sur le déplacement collectif de ses voisins). J'avoue qu'on pourrait trouver une plus belle image, et bien plus poétique, pour réfléchir sur le poids du conformisme dans la recherche d'une bonne solution – sans parler de l'aspect des plus réducteurs de cette mise en équation, faisant de plus intervenir, d'emblée, une bonne solution préexistante aux individus. Bref, les simulations montrent – le contraire eût été surprenant – qu'un poids nul du comportement d'imitation (disons de suiveur, de conformisme, etc.) n'est pas optimal (mesurable par le nombre d'agents ayant trouvé la sortie, et le temps mis pour la trouver), mais qu'un poids très important de l'imitation est, en moyenne, bien pire encore. Si les agents s'imitent en effet très fortement, ils se conformeront in fine à la première « trouvaille » (ou déplacement) de l'agent le plus rapide, qui n'a que peu de chance d'avoir trouvé la sortie. Dit autrement, les agents trop imitatifs s'entêteront très longtemps dans la première décision venue, en espérant par la suite pour eux que cette première décision soit bonne... L'article montre que le comportement optimal serait obtenu quand l'importance relative de l'imitation n'est ni trop grande, ni trop petite – un juste milieu ?

Dans cette perspective – quelque peu naïve, réductrice, incomplète, etc. – il serait amusant de rapprocher d'une part le nombre de publications en physique actuellement en explosion à, d'autre part, une absence de changement de paradigme – à la Kuhn – en physique depuis, disons, 1930. (Je mets de côté le changement radical introduit par l'outil informatique.) Enfin, que penser du fait que l'humanité ait vu davantage de physiciens depuis 1950 que dans toutes les périodes cumulées précédentes (repris, de mémoire, de David Ruelle, Hasard et chaos) ?
C'est ce dernier aspect qui me frappe le plus. Il y a eu au cours de la seconde moitié du XXe siècle une phénoménale inflation du nombre de scientifiques et des moyens techniques et financiers mis à leur disposition. Il en est résulté une accumulation de publications liées à des résultats de tous ordres d'une quantité telle que nul ne peut aujourd'hui maîtriser le savoir accumulé dans une seule sous-branche d'une discipline quelconque. Là-dessus tout le monde est d'accord je crois. Mais l'impression qu'on a de l'extérieur, c'est que du coup ces gens (la masse des chercheurs) ont le nez sur le tout petit morceau de quartier qu'ils fréquentent et prennent donc presque inévitablement pour un acquis intangible l'organisation générale du tissu urbain dans lequel ce tout petit morceau s'insère. Ne peut-on voir là une approche d'explication du contraste entre l'explosion quantitative de la recherche scientifique et l'impression de sur-place qu'on a parfois du point de vue de la "grande théorie" ?
Utilisateur anonyme
18 mai 2012, 13:14   Re : De l'état actuel de la science
Il me semble que René Thom déplorait déjà l'inflation que vous dites et lui aussi y voyait un obstacle à l'effort théorique de fond. Il disait en substance ( je n'ai pas le livre sous la main) qu'en matière de sciences, le vrai n'est pas limité par le faux, mais par l'insignifiant.
'A new scientific truth does not triumph by convincing its opponents and making them see the light, but rather because its opponents eventually die, and a new generation grows up that is familiar with it.'

Max Planck, cité par Richard Milton, l'auteur de Forbidden science (ouvrage étudiant l'intolérance et la censure qui sévissent dans la communauté scientifique)
Il est amusant de voir que les scientifiques peu institutionnalisés des années 1920, certains riches rentiers faisant de la Physique etc., ont posé les bases des grandes découvertes que les scientifiques sérieux et institutionnalisés d'aujourd'hui ne font qu'approfondir.
Depuis la Relativité et la théorie quantique, y a-t-il eu de "réelles" découvertes dans le domaine des sciences fondamentales ? Au milieu du siècle, on a eu l'ADN et l'ordinateur... Depuis on voit des améliorations techniques, mais plus de théories de l'ampleur connue au siècle précédent, sauf ignorance de ma part. On assiste à beaucoup de "modes", telle théorie ou tel secteur de la science devenant une sorte de phénomène à la page (on se met à dire que "la génétique permettra de soigner les maladies", on se passionne pour les cordes, les super-cordes, les catastrophes, les fractales etc.).
En gros, la science avance-t-elle encore (sur l'essentiel) ?
Et si elle ne produit qu'un essaim d'articles somme toute secondaires, est-ce dû au conformisme des savants, à la résistance de ce milieu, ou, plus encore, à l'organisation incohérente des disciplines, fractionnées, et sans philosophie d'ensemble ? Ou encore, est-ce dû à la disparition des "scientifiques amateurs" quelque peu philosophes du XIXe ? La science, en perdant des fous et des alchimistes, ne s'est-elle pas en partie perdue, se prenant trop au sérieux ?

PS. Koestler a consacré un ouvrgage à Semmelweiss.
L’image très idéalisée de la science (celle des historiens, des épistémologues, des philosophes…) ou son image médiatique (journaux, blogs…) ou, hélas, l’enseignement scientifique sont sans grand rapport avec la recherche scientifique concrète, quotidienne qui relève du bricolage (au sens de François Jacob, 1977, à propos de l’évolution, par opposition au travail de l’ingénieur), bricolage soigneusement canalisé, entre autres, mais principalement, par l’exigence de reproductibilité (les expériences doivent être faites et refaites par d’autres chercheurs, dans d’autres laboratoires, avec du matériel différent et donner des résultats similaires). Le savant isolé qui a une idée géniale, qui fait une expérience cruciale et qui crie “eurêka” n’existe plus (n’a jamais existé ?)

L’immense majorité des chercheurs ne s’intéresse pas du tout (et heureusement !) aux grands problèmes que certains croient “scientifiques” et qui semblent passionner les foules : comment l’univers est-il apparu ? qu’est-ce que la matière ? qu’est-ce que la vie ?… La science moderne n’a commencé que lorsque l’on a remplacé ce genre de questions très générales par des problèmes nettement plus concrets et limités : à quelle vitesse tombe la pomme ? comment telle cellule donne-t-elle naissance à une tumeur ?… problèmes que l’on peut résoudre par une démarche réellement scientifique : question bien posée, expérience bien conçue, résultats bien analysés, publication, puis reproduction ou réfutation par d’autres équipes de recherche. Cette démarche extrêmement laborieuse et lente a permis de résoudre (dans les grandes lignes…) les problèmes les plus importants ; s’il n’y a donc pas à attendre de grands bouleversements dans l’explication générale des principaux phénomènes il reste de nombreux détails à peaufiner.

Ce fonctionnement moderne (depuis le milieu du XIXe ; Louis Pasteur est l’un des inventeurs du laboratoire de recherche comme on l’entend aujourd’hui) a quelques conséquences que certains intervenants précédents semblent regretter.

Il n’y a pas de « conformisme écrasant » mais un simple consensus général sur, par exemple, le changement climatique ou l’explication darwiniste de l’évolution (il n’y a pas lieu à controverse, au sein de la communauté scientifique, lorsqu’un phénomène est décrit et compris dans ses grandes lignes ; on ne discute plus que de détails (parfois importants mais qui ne remettent pas en cause l’essentiel) et l’on peaufine la description et l’explication).

Les désaccords scientifiques ne se règlent pas dans les médias ou sur internet mais par la méthode scientifique, qui a fait ses preuves : proposer une hypothèse, faire des expériences, publier, recommencer ; en quelques années ou quelques décennies l’accord se fait.

Les journalistes ou les blogueurs ont la fâcheuse habitude de monter en épingle un article scientifique récemment paru et de prétendre que cet article remet en cause un dogme ou révolutionne les connaissances dans tel domaine ; c’est absurde : un article isolé n’a aucun intérêt. C’est l’ensemble des articles scientifiques (complémentaires, contradictoires…) parus sur un thème donné dans les dernières années ou, mieux, les dernières décennies qui permet de se faire une idée à peu près claire. Certains scientifiques, en mal de gloriole médiatique, avec des arrière-pensées idéologiques ou carrément financés par des lobbies, jouent le même jeu, l’argument d’autorité en plus…

Les prix Nobel devraient, selon le testament de Nobel, être attribué à des chercheurs qui ont fait une découverte importante l’année précédente. Il y a belle lurette que personne n’est capable de repérer les découvertes importantes de l’année précédente ; il faut généralement un recul de dix ou vingt ans pour savoir qu’une découverte a été importante ; et il est encore plus difficile de savoir qui a fait la fameuse découverte (il s’agit généralement d’un travail de plusieurs équipes) ! D’où les controverses, quasi systématiques, lors de l’attribution des prix.

Marcel Meyer écrit : « Mais l’impression qu’on a de l'extérieur, c’est que du coup ces gens (la masse des chercheurs) ont le nez sur le tout petit morceau de quartier qu’ils fréquentent et prennent donc presque inévitablement pour un acquis intangible l’organisation générale du tissu urbain dans lequel ce tout petit morceau s’insère. ». C’est peut-être pire : je ne parierais pas qu’ils connaissent tous réellement « l'organisation générale du tissu urbain… » ! C’est peut-être la rançon inévitable de l’hyper-spécialisation, gage d’une certaine efficacité.

Il poursuit « Ne peut-on voir là une approche d’explication du contraste entre l’explosion quantitative de la recherche scientifique et l’impression de sur-place qu’on a parfois du point de vue de la "grande théorie" ? ». Si l’on admet que la “grande théorie” est acquise (ce qui est vraisemblable dans la plupart des domaines) le surplace est normal et « l’explosion quantitative de la recherche scientifique » s’explique par l’étude de plus en plus précise de très nombreux détails (parfois très importants, au moins pratiquement (techniquement, médicalement…)).

Quant aux “modes” évoquées par LoiK A. elles sont malheureusement très présentes et elles reflètent souvent les nouvelles techniques disponibles (de préférence coûteuses (un projet de recherche coûteux (matériel de pointe, recueil massif de données, calculs lourds…) sera souvent mieux évalué, donc financé, qu’un projet astucieux)). Un trop grand nombre de chercheurs re-démontrent ce qui est déjà bien connu, la nouveauté ne tenant qu’à l’usage des dernières techniques disponibles.
Utilisateur anonyme
19 mai 2012, 19:17   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
"il n’y a donc pas à attendre de grands bouleversements dans l’explication générale des principaux phénomènes"

Je crois savoir que c'est à peu près ce que disaient les physiciens il y a une grosse centaine d'années, juste avant l'arrivée de la relativité et de la mécanique quantique.
» On savait (…) que la science ne pensait pas, même au temps où elle se connaissait comme paradigmatique, on sait désormais que la technique la maîtrise de part en part.

Il y a tout de même, cher Didier, que les scientifiques ne mènent pas leur activités scientifiques en vase clos, dans des conditions d'asepsie morale, intellectuelle ou idéologique : c'est justement parce qu'ils sont aussi des hommes comme les autres, et que la science est faite par des hommes, que l'on peut hasarder que les meilleurs d'entre eux pensent, et pas mal du tout.
Il est difficile de ne pas considérer les réflexions de Helmholtz sur la perception, les discussions passionnées entre Bohr, Oskar Klein et Heisenberg sur les grandes questions qu'évoquait M. Kammerer, ou même, plus proches de nous, certains ouvrages de d'Espagnat, de Bricmont ou de Changeux, difficile donc de ne pas considérer cela comme de la "pensée".
Or ces derniers, et ce sont seulement les premiers exemples me venant à l'esprit, il y en a maints autres, étaient et sont incontestablement des praticiens de la science, qui pour certains l'ont notablement déterminée.
Quant à la "technique", en sciences, peut-être faudrait-il la replacer un peu dans son rôle originel : elle n'est que l'ensemble des outils permettant de mettre en pratique la méthode scientifique, autrement dit le moyen de la vérification des produits d'une... pensée, justement, c'est à dire d'hypothèses et d’idées.
Affirmer que désormais l’instrument a de part en part phagocyté la fin qu'il ne se proposait que de servir, cela ne vous ressemble pas.

D'autre part, je partage le scepticisme de Marcel Meyer concernant le caractère supposément définitif de l'"explication générale des principaux phénomènes". Cela dit, j'avoue que c'est beaucoup plus par principe que par intimité véritable avec la M...
Il semble difficile de croire qu'il manque juste quelques détails au tableau général ; la biologie semble par ex. un gros bricolage avec beaucoup de trous, et l'astronomie n'a pas résolu des problèmes (je crois) assez importants voire majeurs (comme la masse manquante ?).
Autre problème : nombre d'expériences ne sont pas revérifiées (par exemple en biologie) car il faut compter des mois voire des années pour cette revérification... Donc la part de fraude scientifique est évaluée comme affectant 5 à 10% des résultats supposés, comme le disaient de façon sardonique les auteurs de "La souris truquée".
Bref, l'entreprise scientifique ne connaît pas la crise, ce refrain est peut-être rassurant mais...
Utilisateur anonyme
20 mai 2012, 08:39   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Citation
Marcel Meyer
"il n’y a donc pas à attendre de grands bouleversements dans l’explication générale des principaux phénomènes"

Je crois savoir que c'est à peu près ce que disaient les physiciens il y a une grosse centaine d'années, juste avant l'arrivée de la relativité et de la mécanique quantique.

Entre temps se sont déroulées… une grosse centaine d’années. Que diriez-vous, cher Marcel Meyer, d’un géographe qui prétendrait qu’une mappemonde de 2000 étant très différente d’une mappemonde de 1500 il reste encore aujourd’hui de nombreux territoires à découvrir ? Il reste bien sûr quelques zones à décrire plus finement mais l’essentiel est connu. L’histoire générale de l’Europe est bien connue ; personne n’attend de découvertes fracassantes dans ce domaine ; ce qui n’empêche pas une armée d’historiens d’étudier les détails ou de raconter les choses sous un angle légèrement différent.

La biologie en est presque au même stade : bonne compréhension des grandes lignes avec de nombreux et énormes trous qui sont progressivement comblés (mais l’ensemble conserve une cohérence remarquable). Les problèmes soulevés par Loik A. sont réels : vérification très lente des expériences et une certaine part de fraudes (ou d’erreurs…) mais tout cela finit par être détecté et corrigé ; il faut plusieurs années (ou plusieurs décennies) pour qu’une hypothèse sérieuse soit solidement étayée (ce n’est pas du tout compatible avec le rythme médiatique).

Citation
Didier Bourjon
On savait (…) que la science ne pensait pas, même au temps où elle se connaissait comme paradigmatique, on sait désormais que la technique la maîtrise de part en part.

Vous exagérez un peu, tout de même… Les techniques à la mode ont un rôle certes trop important dans la recherche moderne (c’est parfois la solution de facilité) mais elles sont souvent indispensables ne serait-ce que pour gagner du temps. Les chercheurs font des hypothèses mais se limitent volontairement (et le champ devient alors très restreint, mais d’autant plus solide) aux hypothèses vérifiables ou réfutables expérimentalement (les hypothèses non vérifiables ou non réfutables, aussi intéressantes ou exactes soient-elles, ne relèvent pas de la démarche scientifique) ; l’ensemble des hypothèses vérifiables ou réfutables expérimentalement à un moment donné dépend bien sûr des techniques disponibles (ou concevables (la plupart des techniques utilisées en laboratoire ont été mises au point précisément pour vérifier ou réfuter tel ou tel type d’hypothèses (ce qui, à la limite, permettrait de renverser, cher Didier Bourjon, votre proposition…))).
Je ne dispose pas du temps nécessaire aujourd'hui pour apporter tous les contre-arguments qu'appellent vos deux derniers billets M. Kammerer. Je m'arrêterai donc à ce seul point, tiré de votre argumentaire:

l’ensemble conserve une cohérence remarquable

Permettez-moi de penser que cet "ensemble qui conserve une cohérence remarquable" ne constitue rien d'autre qu'une doxa qui travestit son nom. C'est quand l'état de la connaissance scientifique forme "une cohérence remarquable" qu'il faut s'inquiéter sérieusement sur la valeur de cette connaissance. Ce qui est satisfaisant pour l'esprit, en général, ne vaut rien à l'épreuve des faits. Cela devrait faire la seule loi admissible. Il n'y a pas de cohérence admissible entre l'esprit humain, feutré de ses perceptions, qui cherche à se satisfaire et à s'apaiser, et à s'adoucir tout inconfort et la rigueur chaotique des faits physiques et biologiques dans laquelle il est pris. Restons à la biologie et donnons la parole à quelqu'un qui aime à déranger ou à faire douter de la valeur des "cohérences remarquables" dans ce domaine. Vous trouverez ci-dessous deux lettres qui datent de 1995, écrites par l'auteur que j'ai cité supra, M. Richard Milton. Cet auteur s'est vu censuré plus d'une fois, notamment sous la pression de Sir Richard Dawkins qui empêcha que parut un de ses articles dans le Times Higher Education Supplement cette année-là. Je vous invite à prendre connaissance de la remarquable et totale incohérence des faits, le plus souvent étouffée, s'agissant de l'histoire du vivant sur la planète terre par les biologistes doxiques qui aiment à se reposer l'esprit sur des certitudes fabriquées. Dix-sept ans après cet échange de courrier, la situation n'a pas bougé: la doxa néo-darwinienne règne, la quiescence du progrès scientifique dans ce domaine apparaît aussi pérenne que la "cohérence remarquable" qui semble devoir garantir son immobilité.


Auriol Stevens
Editor
Times Higher Education Supplement
Admiral House
66-68 East Smithfield
London E1 9XY

16 March 1995

Dear Ms Stevens,

I know that my article on the decline of the neo-Darwinist theory of evolution has caused some controversy and is bound, if published, to cause even more. May I draw your attention to two points that I believe are important?

The first is that it has been said, by some scientists, that I am a secret creationist opposed to neo-Darwinism for religious reasons. I am not a creationist and my criticisms of the neo- Darwinist mechanism are purely scientific objections -- as any reading of the article itself clearly shows.

The second point is far more important. I believe that the great strength of science and the scientific method is its openness to debate. Science is strong because errors are exposed through the process of open argument and counter-argument. Science does not need vigilante scientists to guard the gates against heretics. If the heresy is true it will become accepted. If false, it will be shown to be false, by rational discourse.

In his "The Open Society and its Enemies" Sir Karl Popper says that the great value of the scientific method is that it saves us from "The tyranny of opinion". If neo-Darwinists can counter the evidence I present, let them do so. If they seek to prevent my writing being published because they don't like it, then it is not just I that fall victim to the "tyranny of opinion", it is all of us.

If this article were about any other subject -- finance, politics, the economy -- I know it would be welcomed as well- written and thought-provoking even if its claims were controversial. It is only because it is about neo-Darwinism, a subject on which some biologists feel insecure and ultra- sensitive, that doubts have been raised about it.

Best wishes

Yours sincerely
Richard Milton

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Neo-Darwinism: time to reconsider
By Richard Milton

It was the dazzling gains made by science and technology in the nineteenth century through the application of rational analysis that led people to think of applying reason to other fields.

Following the brilliant success of reason and method in physics and chemistry -- especially in medicine -- it was natural for science to seek to apply the same analytical tool to the most intractable and complex problems: human society and economic affairs; human psychology; and even the origin and development of life itself. The result was the great mechanistic philosophies of the last century: Marxism, Freudianism and Darwinism.

The simplicities and certainties of these systems mirrored the intellectually well-ordered life of Victorian society with its authoritarian values and institutionalised prejudices. Now, a century later, all three systems have run their course, have been measured by history, and have been ultimately found to be inadequate tools of explanation.

Unlike Marx and Freud, Darwin himself remains esteemed both as a highly original thinker and as a careful researcher (his study of fossil barnacles remains a text book example for palaeontologists). But the theory that bears his name was transformed in the early years of this century into the mechanistic, reductionist theory of neo-Darwinism: the theory that living creatures are machines whose only goal is genetic replication -- a matter of chemistry and statistics; or, in the words of professor Jacques Monod, director of the Pasteur Institute, a matter only of "chance and necessity". [1]

And while the evidence for evolution itself remains persuasive -- especially the homologies that are found in comparative anatomy and molecular biology of many different species -- much of the empirical evidence that was formerly believed to support the neo-Darwinian mechanism of chance mutation coupled with natural selection has melted away like snow on a spring morning, through better observation and more careful analysis.

Marxist, Freudian and neo-Darwinist systems of thought ultimately failed for the same reason; that they sought to use mechanistic reductionism to explain and predict systems that we now know are complexity-related, and cannot be explained as the sum of the parts.

In the case of neo-Darwinism, it was not the mysteries of the mind or of the economy that were explained. It was the origin of the first single-celled organism in the primeval oceans, and its development into the plant and animal kingdoms of today by a strictly blind process of chance genetic mutation working with natural selection.

In the first five decades of this century -- the heyday of the theory -- zoologists, palaeontologists and comparative anatomists assembled the impressive exhibits that generations of school children have seen in Natural History Museums the world over: the evolution of the horse family; the fossils that illustrate the transition from fish to amphibian to reptile to mammal; and the discovery of astonishing extinct species such as "Archaeopteryx", apparently half-reptile, half-bird.

Over successive decades, these exhibits have been first disputed, then downgraded, and finally shunted off to obscure museum basements, as further research has shown them to be flawed or misconceived.

Anyone educated in a western country in the last forty years will recall being shown a chart of the evolution of the horse from "Eohippus", a small dog-like creature in the Eocene period 50 million years ago, to "Mesohippus", a sheep-sized animal of 30 million years ago, eventually to "Dinohippus", the size of a Shetland pony. This chart was drawn in 1950 by Harvard's professor of palaeontology George Simpson, to accompany his standard text book, "Horses", which encapsulated all the research done by the American Museum of Natural History in the previous half century.

Simpson plainly believed that his evidence was incontrovertible because he wrote, 'The history of the horse family is still one of the clearest and most convincing for showing that organisms really have evolved. . . There really is no point nowadays in continuing to collect and to study fossils simply to determine whether or not evolution is a fact. The question has been decisively answered in the affirmative.' [2]

Yet shortly after this affirmation, Simpson admits in passing that the chart he has drawn contains major gaps that he has not included: a gap before "Eohippus" and its unknown ancestors, for example, and another gap after "Eohippus" and before its supposed descendant "Mesohippus". [3] What is it, scientifically, that connects these isolated species on the famous chart if it is not fossil remains? And how could such unconnected examples demonstrate either genetic mutation or natural selection? Even though, today, the bones themselves have been relegated to the basement, the famous chart with its unproven continuity still appears in museum displays and handbooks, text books, encyclopaedias and lectures.

The remarkable "Archaeopteryx" also seems at first glance to bear out the neo-Darwinian concept of birds having evolved from small reptiles (the candidate most favoured by neo-Darwinists is a small agile dinosaur called a Coelosaur, and this is the explanation offered by most text books and museums.) Actually, such a descent is impossible because coelosaurs, in common with most other dinosaurs, did not posses collar bones while "Archaeopteryx", like all birds, has a modified collar bone to support its pectoral muscles. [4] Again, how can an isolated fossil, however remarkable, provide evidence of beneficial mutation or natural selection?

Neo-Darwinists were quick to claim that modern discoveries of molecular biology supported their theory. They said, for example, that if you analyse the DNA, the genetic blueprint, of plants and animals you find how closely or distantly they are related. That studying DNA sequences enables you to draw up the precise family tree of all living things and show how they are related by common ancestry.

This is a very important claim and central to the theory. If true, it would mean that animals neo-Darwinists say are closely related, such as two reptiles, would have greater similarity in their DNA than animals that are not so closely related, such as a reptile and a bird.

In 1981, molecular biologists working under Dr Morris Goodman at Ann Arbor University decided to test this hypothesis. They took the alpha haemoglobin DNA of two reptiles -- a snake and a crocodile -- which are said by Darwinists to be closely related, and the haemoglobin DNA of a bird, in this case a farmyard chicken.

They found that the two animals who had _least_ DNA sequences in common were the two reptiles, the snake and the crocodile. They had only around 5% of DNA sequences in common -- only one twentieth of their haemoglobin DNA. The two creatures whose DNA was closest were the crocodile and the chicken, where there were 17.5% of sequences in common -- nearly one fifth. The actual DNA similarities were the _reverse_ of that predicted by neo- Darwinism. [5]

Even more baffling is the fact that radically different genetic coding can give rise to animals that look outwardly very similar and exhibit similar behavior, while creatures that look and behave completely differently can have much in common genetically. There are, for instance, more than 3,000 species of frogs, all of which look superficially the same. But there is a greater variation of DNA between them than there is between the bat and the blue whale.

Further, if neo-Darwinist evolutionary ideas of gradual genetic change were true, then one would expect to find that simple organisms have simple DNA and complex organisms have complex DNA. In some cases, this is true. The simple nematode worm is a favorite subject of laboratory study because its DNA contains a mere 1,000 nucleotide bases. At the other end of the complexity scale, humans have 23 chromosomes which in total contain 3,000 million nucleotide bases.

Unfortunately, this promisingly Darwinian progression is contradicted by many counter examples. While human DNA is contained in 23 pairs of chromosomes, the humble goldfish has more than twice as many, at 47. The even humbler garden snail -- not much more than a glob of slime in a shell -- has 27 chromosomes. Some species of rose bush have 56 chromosomes. So the simple fact is that DNA analysis does _not_ confirm neo- Darwinist theory. In the laboratory, DNA analysis falsifies neo- Darwinist theory.

An even more damaging blow to the theory was the discovery that the very centerpiece of neo-Darwinism, Darwin's original conception of natural selection, or the survival of the fittest, is fatally flawed. The problem is: how can biologists (or anyone else) tell what characteristics constitute the animal or plant's 'fitness' to survive? How can you tell which are the fit animals and plants? The answer is that the only way to define the fit is by means of a post-hoc rationalization -- the fit must be "those who survived". While the only way to characterize uniquely those who survive is as "the fit". The central proposition of the Darwinian argument turns out to be an empty tautology. C.H. Waddington, professor of biology at Edinburgh University wrote; "Natural selection, which was at first considered as though it were a hypothesis that was in need of experimental or observational confirmation, turns out on closer inspection to be a tautology, a statement of an inevitable although previously unrecognized relation. It states that the fittest individuals in a population (defined as those who leave the most offspring) will leave most offspring. Once the statement is made, its truth is apparent." [6]

George Simpson, professor of paleontology at Harvard, sought to restore content to the idea of natural selection by saying; "If genetically red-haired parents have, on average, a large proportion of children than blondes or brunettes, then evolution will be in the direction of red hair. If genetically left-handed people have more children, evolution will be towards left- handedness. The characteristics themselves do not directly matter at all. All that matters is who leaves more descendants over the generations. Natural selection favours fitness only if you define fitness as leaving more descendants. In fact geneticists do define it that way, which maybe confusing to others. To a geneticist, fitness has nothing to do with health, strength, good looks, or anything but effectiveness in breeding."

Notice the words; "The characteristics themselves do not directly matter at all." This innocent phrase fatally undermines Darwin's original key conception: that each animal's special physical characteristics are what makes it fit to survive: the giraffe's long neck, the eagle's keen eye, or the cheetah's 60 mile-an-hour sprint.

Simpson's reformulation means all this must be dropped: it is not the characteristics that directly matter -- it is the animals' capacity to reproduce themselves. The race is not to the swift, after all, but merely to the prolific. So how can neo-Darwinism explain the enormous diversity of characteristics? Not only are neo-Darwinist ideas falsified by empirical research, but other puzzling and extraordinary findings have come to light in recent decades, suggesting that evolution is not blind but rather is in some unknown way _directed_. The experiments of Cairns at Harvard and Hall at Rochester University suggest that microorganisms can mutate in a way that is beneficial. [8]

Experiments with tobacco plants and flax demonstrate genetic change through the effects of fertilizers alone. [9] Experiments with sea squirts and salamanders as long ago as the 1920s appeared to demonstrate the inheritance of acquired characteristics. [10] Moreover, as Sir Fred Hoyle has pointed out, Fossil micro-organisms have been found in meteorites, indicating that life is universal -- not a lucky break in the primeval soup. This view is shared by Sir Francis Crick, co- discoverer of the function of DNA [11]

In the light of discoveries of this kind, the received wisdom of neo-Darwinism is no longer received so uncritically. A new generation of biologists is subjecting the theory to the cold light of empirical investigation and finding it inadequate; scientists like Dr Rupert Sheldrake, Dr Brian Goodwin, professor of biology at the Open University and Dr Peter Saunders, professor of mathematics at King's College London.

Not surprisingly, the work of this new generation is heresy to the old. When Rupert Sheldrake's book "A New Science of Life" with its revolutionary theory of morphic resonance was published in 1981, the editor of "Nature" magazine, John Maddox, ran an editorial calling for the book to be burned -- a sure sign that Sheldrake is onto something important, many will think. [12, 13] The current mood in biology was summed up recently by Sheldrake as, 'Rather like working in Russia under Brehznev. Many biologists have one set of beliefs at work, their official beliefs, and another set, their real beliefs, which they can speak openly about only among friends. They may treat living things as mechanical in the laboratory but when they go home they don't treat their families as inanimate machines.' It is a strange aspect of science in the twentieth century that while physics has had to submit to the indignity of a principle of uncertainty and physicists have become accustomed to such strange entities as matter-waves and virtual particles, many of their colleagues down the corridor in biology seem not to have noticed the revolution of quantum electrodynamics. As far as many biologists are concerned, matter is made of billiard balls which collide with Newtonian certainty, and they carry on building molecular models out of coloured table-tennis balls. One of the twentieth century's most distinguished scientists and Nobel laureates, physicist Max Planck, observed that; 'A new scientific truth does not triumph by convincing its opponents and making them see the light, but rather because its opponents eventually die, and a new generation grows up that is familiar with it.'

It may be another decade or more before such a new generation grows up and restores intellectual rigour to the study of evolutionary biology.

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Richard Milton is a science writer and journalist. He is the author of "The Facts of Life" (Transworld/Corgi, London, 1993) a critical review of neo-Darwinism and "Forbidden Science" (Fourth Estate, London, 1994) a critical analysis of censorship and intolerance in science.
Utilisateur anonyme
20 mai 2012, 10:03   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
En effet, je ne sais si c’est par courtoisie ou par prudence, MM. Eytan et Kammerer semblent ne pas vouloir entendre la radicalité de la posture Heideggerienne, répétée ici par M. Bourjon. L’un essaie de sauver quelques chercheurs pour leur « pensée » à côté, en quelque sorte, de leur science proprement dite, l’autre essaie de relativiser l’« exagération » qui est le cœur même de cette posture. Le mépris mégalomane de la science, auquel Heidegger aura donné sa meilleure formulation, est sans doute une des maladies séniles de la philosophie, mais il faut en prendre toute la mesure si l’on veut y répondre: la proposition est que la philosophie précède, englobe, dépasse, conditionne la science ; que la science avance, ou plutôt ne croit avancer qu'à partir des prémices, selon les axes et à l’intérieur des bornes qu’invente, que « pense » la philosophie.

Notons, très en passant, qu’une partie au moins de cette proposition est rendue bien fragile par la perspective évolutive, justement: il est infiniment probable que la science, et même très précisément la technique (l’invention de l’outil) a précédé ce qu’on peut appeler la philosophie. En fait, elle a même précédé l’avènement de l’Homme.
Cher Francis Marche, le texte que vous nous mettez sous les yeux est un amalgame des poncifs les plus éculés, des erreurs les plus grossières de la propagande des créationnistes les plus malhonnêtes : on y trouve une interprétation très personnelle (une incompréhension totale : « neo-Darwinism: the theory that living creatures are machines whose only goal is genetic replication – a matter of chemistry and statistics » !) du néo-darwinisme et la citation de quelques articles qui, mal lus et mal compris, semblent ne pas être compatibles avec cette interprétation faussée… C’est très pauvre et très facile et ça n’a rien à voir avec de l’argumentation scientifique. Chacun est libre de ne pas croire qu’il y a eu évolution ou de ne pas accepter les explications darwinistes de l’évolution mais pourquoi diable singer (et très mal !) ce que l’on croit être un discours scientifique ?

Ceci dit j’ignorais l’argument du crocodile, qui est particulièrement ridicule : que l’hémoglobine du crocodile ressemble plus à l’hémoglobine de la poule qu’à l’hémoglobine d’un serpent contredit les présupposés de ce monsieur qu’il attribue sans gêne aux darwinistes et néo-darwinistes. Ce monsieur ignore que l’anatomie comparée est très claire : la notion de “reptile” n’a plus de sens depuis longtemps ; les crocodiles sont effectivement beaucoup plus proches des oiseaux que des serpents ou des lézards (il n’y a pas eu besoin de séquencer de l’ADN pour le savoir) ; par exemple les crocodiles et les oiseaux possèdent un gésier et une membrane nictitante que n’ont ni les serpents ni les lézards.

Vous écrivez, cher Francis Marche « cet "ensemble qui conserve une cohérence remarquable" ne constitue rien d'autre qu'une doxa qui travestit son nom. C'est quand l'état de la connaissance scientifique forme "une cohérence remarquable" qu'il faut s'inquiéter sérieusement sur la valeur de cette connaissance. Ce qui est satisfaisant pour l'esprit, en général, ne vaut rien à l'épreuve des faits. ». Permettez-moi de vous rappeler que la connaissance scientifique est la seule qui soit strictement corsetée par les faits et, qu’en plus, elle est cohérente ; on peut ne pas s’en satisfaire mais de là à trouver que la cohérence est un vilain défaut…
mais pourquoi diable singer (et très mal !)

Et bien si vous le prenez sur ce ton, je vous répondrai ce que l'on adressait à votre saint Darwin lorsqu'il lança la polémique: singe vous-même, M. Kammerer!.

Vous n'opposez strictement aucun argument scientifique à ce que vous qualifiez de non scientique. Et cette attitude est elle-même diablement significative de ce que l'on vous reproche en général, et j'écris "vous" parce que vous faites preuve d'un redoutable esprit de corps, M. Kammerer.
Utilisateur anonyme
20 mai 2012, 13:55   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Le « littéraire » que je suis, détenteur d’un rayonnage d’ouvrages de vulgarisation, arrive à faire justice de la plupart des arguments de Mister Milton. Je sais que le ver de vase est aussi « évolué » que l’homme et que nous n’avons à nous vexer ni du nombre ni de la taille de ses chromosomes. Je sais que les dinosaures ont fini par se changer en oiseaux et que le croco est génétiquement proche du passereau. La mention de microorganismes trouvés sur des météorites m’arrache un sourire narquois (allusion je suppose à la météorite martienne trouvée dans l’antarctique). Quant à la prétendue « tautologie » dans la thèse du survival of the fittest, on est dans la simple joute verbale, pas forcément des plus loyales (on pourrait reprocher de la même façon à un économiste de définir de façon « tautologique » la notion d’utilité).

Là où j’achoppe, c’est dans le début, et c’est évidemment au début que notre journaliste donne son meilleur argument. L’absence de types intermédiaires en paléontologie. C’est tout de même très embêtant pour une science d’être obligé de postuler ce dont elle a justement besoin pour sa thèse. Est-ce que l’un de nos savants sait quelque chose là-dessus ?
Citation
Francis Marche
Vous n'opposez strictement aucun argument scientifique à ce que vous qualifiez de non scientique.

Mais enfin, cher Francis Marche, comment voulez-vous que j’oppose un argument scientifique à un discours non scientifique (non seulement non scientifique, en l’occurrence, mais proprement délirant) ?
Le mépris mégalomane de la philosophie, auquel l'occulto-scientisme (et ses nombreux avatars) aura donné sa meilleure formulation, est sans doute la maladie infantile de la science "moderne".

Non, ça ne marche pas: la science, moderne ou pas, en tant que telle, ne tient aucun discours sur la philosophie.
Utilisateur anonyme
20 mai 2012, 15:27   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Citation
Chatterton
Le « littéraire » que je suis, détenteur d’un rayonnage d’ouvrages de vulgarisation, arrive à faire justice de la plupart des arguments de Mister Milton. Je sais que le ver de vase est aussi « évolué » que l’homme et que nous n’avons à nous vexer ni du nombre ni de la taille de ses chromosomes. Je sais que les dinosaures ont fini par se changer en oiseaux et que le croco est génétiquement proche du passereau. La mention de microorganismes trouvés sur des météorites m’arrache un sourire narquois (allusion je suppose à la météorite martienne trouvée dans l’antarctique). Quant à la prétendue « tautologie » dans la thèse du survival of the fittest, on est dans la simple joute verbale, pas forcément des plus loyales (on pourrait reprocher de la même façon à un économiste de définir de façon « tautologique » la notion d’utilité).

Là où j’achoppe, c’est dans le début, et c’est évidemment au début que notre journaliste donne son meilleur argument. L’absence de types intermédiaires en paléontologie. C’est tout de même très embêtant pour une science d’être obligé de postuler ce dont elle a justement besoin pour sa thèse. Est-ce que l’un de nos savants sait quelque chose là-dessus ?

Les séries fossiles sont très lacunaires parce que les conditions nécessaires pour la fossilisation sont très rarement réunies. La recherche d’intermédiaires (au sens classique et périmé) est par nature indéfinie : pour les négateurs de l’évolution il manquera toujours tel intermédiaire entre deux intermédiaires…

Par ailleurs, depuis un bon demi-siècle, et conformément à l’évangile de saint Darwin (1859, chap. XIII), on ne cherche plus qui descend de qui (notion de descendance, généalogie) mais qui est plus proche de qui (notion de parenté, phylogénie) ; on a renoncé à la notion classique d’ancêtre (les ancêtres sont désormais inférés, jamais identifiés). Un intermédiaire structural est un organisme qui présente un ensemble de caractères unique parmi les organismes connus ; ces intermédiaires (que l’on qualifie toujours de structuraux pour éviter toute ambiguïté avec l’ancienne notion d’intermédiaire-ancêtre) sont classés parmi et comme les organismes connus. Il n’y a donc pas d’intermédiaires-ancêtres entre les groupes définis d’organismes pour des raisons bêtement méthodologiques.

En pratique pour faire des classifications et pour reconstituer l’histoire évolutive on se passe assez bien des fossiles (on en tient compte, évidemment, dans les rares cas où l’on en dispose).
Il n’y a donc pas d’intermédiaires-ancêtres entre les groupes définis d’organismes pour des raisons bêtement méthodologiques.

J’ignorais complètement cela. Mais avec un système pareil, on doit tout chambouler tout le temps. Ce n’est jamais fini, par définition.
on ne cherche plus qui descend de qui (notion de descendance, généalogie) mais qui est plus proche de qui (notion de parenté, phylogénie)

Comment définissez-vous, scientifiquement, cette notion de proximité structurelle ? Est-elle d'ordre purement taxonomique ou subsume-t-elle une évolution qui, si tel était le cas, ne se distinguerait guère d'une pure vue de l'esprit ?

A vous lire, on a le sentiment que vous ne faites plus guère que du Linné revisité, ce que je ne peux me résoudre à croire. Je savais que les biologistes néo-darwinien stagnaient, je me refuse encore de supposer qu'ils régressent, ce qui irait du reste à rebours de toutes leurs théories du vivant.

Le grand drame des biologistes néo-darwiniens, et vous ne devriez pas contester cette opinon, c'est leur cruelle et ô combien manifeste inaptitude à exposer le sens et même la teneur de leurs travaux au public, à l'honnête homme.

Et sinon, la survie du plus apte, ça vous va encore ? Cela conserve encore "une remarquable cohérence" à vos yeux?
Tiens je me demande toujours si les propos de Michaël Denton ont été réfutés à ce jour...

Deux arguments anti-darwiniens de Denton m'ont paru intéressants, et j'aimerais en connaître la ou les réfutations (ou les références de ces réfutations) :

- Denton affirme qu'un gène commande un grand nombre de modifications, et à l'inverse que la modification d'un organe ou d'un caractère demande d'être déterminé une groupe de gènes ; donc, selon Denton (qui est microbiologiste je pense) les transformations darwiniennes demandent un réarrangement global, d'un coup, de Plusieurs gènes en même temps. Il pense que ce réarrangement est improbable. C'est l'argument de l'horloge, classique, mais difficile à réfuter semble-t-il.
- Second argument. Denton considère l'oeil de deux types de langoustes. L'un fonctionne selon un principe optique, l'autre selon un principe optique radicalement différent. Il n'y a pas d'avantage adaptatif entre les deux types d'yeux. Quel est le passage de l'un à l'autre? La langouste qui serait dotée d'un oeil de transition entre ces deux types d'yeux serait désavantagée dans la lutte pour la survie...

Il est intéressant de noter que denton, un auteur sans doute anti-darwinien et qui fait hurler d'horreur les gens sérieux, est publié chez Fayard et Flammarion, et qu'on trouve son livre dans des bibliothèques de Fac de sciences, à Jussieu notamment...

Sinon, M. Kammerer se montre sous le jour d'un scientiste immodéré ; cela semble une posture difficilement tenable, malgré tout, surtout - eh oui ! - après les débats de Feyerabend, Popper, Kuhn etc. M. Kammerer semble ressortir les propos de Claude Bernard sur la méthode expérimentale, sans chercher à intégrer l'épistémo du XXe siècle. C'est gênant.
» Permettez-moi de penser que cet "ensemble qui conserve une cohérence remarquable" ne constitue rien d'autre qu'une doxa qui travestit son nom. C'est quand l'état de la connaissance scientifique forme "une cohérence remarquable" qu'il faut s'inquiéter sérieusement sur la valeur de cette connaissance. Ce qui est satisfaisant pour l'esprit, en général, ne vaut rien à l'épreuve des faits. Cela devrait faire la seule loi admissible. Il n'y a pas de cohérence admissible entre l'esprit humain, feutré de ses perceptions, qui cherche à se satisfaire et à s'apaiser, et à s'adoucir tout inconfort et la rigueur chaotique des faits physiques et biologiques dans laquelle il est pris.


Francis, permettez-moi à mon tour de vous dire que cela n'a, à mes yeux, guère de sens : la cohérence, c'est à dire l'absence de contradiction, que vous décriez est la voie même de la pensée, ce n'est pas par hasard si l'on a défini la logique comme "l'accord de la pensée avec elle-même".
La pensée contradictoire est une pensée fausse, qui ne va nulle part, bloquée dans son impasse : les règles constitutives de la pensée sont des règles garantes de la cohérence, c'est à dire de la validité du raisonnement. Votre coup de sang romantique vous fait dire que ce n'est guère que lorsque la pensée déraille, qu'elle s'enferre dans les contradictions, et à proprement parler se dévoie, qu'elle serait d'autant plus assurée de rencontrer le réel. Que ce n'est que pour autant qu'on pense faux qu'on pense juste.
Mais bien sûr... laissez ça à Nietzsche...

Mas la pensée est aussi l'outil, et à vrai dire le seul possible, permettant de comprendre le réel ; mais qu'est-ce que comprendre le réel ? C'est, stricto sensu, le mettre en ordre de pensée, c'est à dire l'accorder aux lois de la pensée.
La compréhension du réel est une mise au pas, une préhension du réel selon la pensée et ses caractéristiques, parmi lesquelles, en premier lieu, il y a l'impératif de cohérence, qui est sa règle.
Et la science n'est qu'une vaste entreprise de modélisation des phénomènes selon ces règles ; tout le sens de votre speech anarchisant consiste donc à affirmer qu'il n'y aurait d'authentique compréhension qu'à partir du moment où l'on ne comprendrait plus rien.

À ce qui n'est à mon avis qu'un pur et simple non sens, vous en ajoutez un autre, doublé d'une improbable conjecture qui n'est pas moins doxique que toute autre : que la "réalité physique" soit fondamentalement "chaotique", incohérente, proprement invivable pour un pauvre esprit humain n'aspirant qu'à être bien peinard dans son cocon de cohérence.
Mais si vous voulez être nietzschéen, soyez-le donc jusqu'au bout : Nietzsche avait bien pressenti que le "fait" n'est qu'une modalité d'appréhension de certaines données selon une combinatoire spécifique reliant certains "objets" entre eux : le "fait" est déjà une mise en ordre, en cohérence du réel, un déchiffrement et un arrangement des signaux venant du réel. Il avait fini par dissoudre complètement les foutus faits dans une mer de forces s'exerçant, en faisant une sorte de méchante croûte desséchée bientôt desquamée d'un épiderme sain.
Wittgenstein, précisément, avait à ce propos postulé un isomorphisme entre la pensée, le langage et le réel, cette forme commune étant la forme logique, garante de la possibilité de la liaison d'objets, les noms du langage, pour que ceux-ci puissent constituer un "fait", dont le corollaire était la proposition.
Parler à ce propos de "rigueur chaotique des faits physiques" est une contradiction dans les termes ; si vous préférez, une antilogie.

il n'y a absolument aucun moyen d'avoir accès au réel sans le truchement de la pensée ordonnatrice, laquelle procède par tentatives de mise en cohérence de ce qui lui est soumis ; ce que pourrait bien être ce réel sans ce truchement, vous n'en savez strictement rien. Votre conjecture sur sa nature "réelle" dépendra de ce à quoi vous déciderez d'accorder le plus de poids : ce qui est plus ou moins compris, donc relativement cohérent et maîtrisable, ou tout ce qui ne l'est pas, qui constitue quand même encore un paquet...
Dans tous les cas, l'"incohérence" dont vous parlez concernant le réel n'est jamais que votre échec à y mettre de la cohérence, c'est à dire à l'appréhender de façon satisfaisante et opératoire.
Il n'y a aucune assurance que le réel, en soi, se conforme nécessairement aux modalités cognitives humaines, au premier rang desquelles la cohérence rationnelle, mais vous semblez totalement occulter le fait que c'est justement la mobilisation systématique de cette faculté-là, dans l'élucidation et la possibilité de reproduction des phénomènes étudiés, qui a permis la seule action efficace, et de loin, sur ce réel.
De cette mainmise cependant, qui comporte de réelles réussites, certains ne se sont jamais remis...
» je ne sais si c’est par courtoisie ou par prudence

La prudence, oh non, Didier est bien assez grand pour encaisser, mais la courtoisie, toujours !

Mais l'espèce de rivalité dont vous parlez entre science et philosophie me rappelle toujours cette scène improbable où deux mégères se disputent un autre quignon de pain.
Utilisateur anonyme
20 mai 2012, 23:28   Re : De l'état actuel de la science
Monsieur Benoît Kammerer – que je salue par avance pour ses polémiques – critique, à juste titre semble-t-il, « l'image très idéalisée de la science (celle des historiens, des épistémologues, des philosophes…) ou son image médiatique (journaux, blogs…) », et met en avant « la recherche scientifique concrète, quotidienne qui relève du bricolage ». Remarquons néanmoins que l'image très idéalisée des historiens, épistémologues, philosophes, etc., ne doive pas être d'emblée balayée d'un revers de main, pour la simple et bonne raison qu'ils n'observent probablement pas les mêmes phénomènes que ceux que vivent (ou observent) le scientifique dans son quotidien – ce qui rend parfois leurs discours précieux, voire salutaire, pour le quotidien d'un chercheur... Bref, l'adage, l'échelle d'observation crée les phénomènes, si souvent vérifié par ailleurs devrait garder ici toute sa pertinence. (En passant, je ne peux pas omettre la belle phrase de Henri Poincaré dans La valeur de la science : « La façon dont ces cellules sont agencées et d'où résulte l'unité de l'individu, n'est-elle pas aussi une réalité, beaucoup plus intéressante que celles des éléments isolés, et un naturaliste, qui n'aurait jamais étudié l'éléphant qu'au microscope, croirait-il connaître suffisamment cet animal ? ») Pour ma part, j'apprécie et ressens beaucoup cet aspect de « bricolage » dans la démarche (quotidienne du) scientifique. En revanche elle ne saurait trop masquer d'autres aspects actuels du quotidien des chercheurs – et donc redevables du développement de leurs disciplines –, comme par exemple la course aux publications. Et, là encore, j'aurais du mal à croire qu'une course aux publications (et donc, dans une certaine mesure, une incitation à l'imitation et à un certain conformisme) s'accorde parfaitement avec une prise de recul attendue de la part des chercheurs. (Je ne peux oublier en passant comment la science et la mathématique grecques, à ce que je crois particulièrement désintéressée d'utilité et d'application, s'est si rapidement et si intensément développée, au regard de ses voisines égyptiennes et mésopotamiennes – cf. par exemple André Pichot, La naissance de la science.) Mais peut-être que le manque d'incitation au recul des chercheurs (ou des techniciens de la science) dans l'étude des phénomènes s'accorde à l'ère du temps – et à la « société petite-bourgeoise », totale, décriée par Renaud Camus dans Du sens.

Mais plus important encore est la question de la cohérence, au sein de la biologie – disons de la science ? – jugée... en son sein. Je ne pourrais qu'être très sceptique et extrêmement circonspect en la matière. On pourrait se rappeler par exemple d'un des théorèmes de Gödel, établissant (si je ne me trompe) que la cohérence de l'arithmétique (et, peut-être par extrapolation, d'autres domaines axiomatisés et formels ?) ne peut être jugée cohérente ou incohérente en son sein – il faudrait sortir de l'arithmétique pour juger de sa cohérence. Ceci dit, je ne prône nullement, bien au contraire, un relativisme général, un tout-se-vaut, etc.

Je voudrais terminer par une petite remarque concernant le désintérêt – supposé – des chercheurs aux « grands problèmes », pour s'occuper « des problèmes nettement plus concrets et limités : à quelle vitesse tombe la pomme ? » Même si je souscris pleinement au fait que la science gagne à s'occuper des objets dits simples, il ne faudrait pas non plus balayer d'un revers de main tout questionnement philosophique, créateur, sous-jacent, ni son lien aux fameuses grandes questions. On peut se rappeler par exemple, si je ne me trompe, de Galilée – le père de la science moderne s'il faut se donner un père, et quant au grand-père... – qui d'un côté a effectivement bien étudié la chute des corps (quantitativement) et la relativité du mouvement (qualitativement), et, de l'autre côté, a combattu l'aristotélisme et voulu établir l'héliocentrisme.

P.S. Cher Alain A., je trouve remarquable votre « La science, en perdant des fous et des alchimistes, ne s'est-elle pas en partie perdue, se prenant trop au sérieux ? »
Mais l'espèce de rivalité dont vous parlez entre science et philosophie...
La rivalité n'existe que dans l'esprit des philosophes (Heidegger en l'occurrence, mais il en est d'autres) qui affirment qu'il ne saurait y avoir de rivalité, puisque la philosophie circonscrit la science.
Cher Christian B., il s'agissait, je crois, de Loïk A....

Le théorème dont vous parlez est peut-être un peu risqué à évoquer, en l'occurrence : si l'on n'y prend garde, on aura tôt fait de l'ériger en principe d'incohérence général, alors qu'il n'est évidemment rien de tel, mais la démonstration de l'impossibilité de représenter de façon adéquate au sein d'un système formel la classe de la totalité des axiomes vrais. Ce qui n'enlève rien, je crois, à la cohérence intrinsèque du système formel en tant que tel, même s'il faudra, pour le "boucler" démonstrativement de façon exhaustive, toujours faire appel à un élément "transcendant", si j'ose m'exprimer ainsi...

Il est d'ailleurs curieux de rapprocher cette incomplétude-là de celle dont Wittgenstein avait parlé dans le Tractatus à propos de la "forme logique", qui est ce que la proposition-tableau et le fait doivent avoir en commun, quant à leur structure, pour que l'une puisse "représenter" l'autre : « Cependant le tableau ne saurait représenter sa propre forme de représentation : il ne fait que la montrer. » (2.172)
Citation
JF Brunet
Mais l'espèce de rivalité dont vous parlez entre science et philosophie...
La rivalité n'existe que dans l'esprit des philosophes (Heidegger en l'occurrence, mais il en est d'autres) qui affirment qu'il ne saurait y avoir de rivalité, puisque la philosophie circonscrit la science.

Pour comble de confusion, il y eut aussi une certaine catégorie de philosophes, d'ailleurs scientifiques à leurs heures, qui voulurent rogner les ailes de leur propre discipline en prétendant soumettre son discours à des critères de vérifiabilité expérimentale relevant strictement de la méthode scientifique.
Aussi il peut s'agir d'un match nul. N'oubliez pas l'incroyable Überwindung der Metaphysik durch logische Analyse der Sprache du vénérable Carnap, dans lequel des passages entiers de Être et Temps avaient été soumis aux épreuves éliminatoires de l'"analyse logique" et de la reductio ad "énoncés observables" ; évidemment, le pauvre Heidegger s'était fait dépecer vif...
Bien, voilà un joli "remontage de bretelles" cher Alain. Je dois m'abstenir de vous répondre d'abord que la matière fondamentale qui fait votre "rappel à l'ordre" sur la pensée, sa cohérence et son impossibilité hors la constitution par elle des "faits", votre rappel que faits et pensée son consubstantiels donc et qu’en l’absence de cohérence entre eux, il n’y a ni fait ni pensée, je le savais déjà, comme vous disent les enfants quand on les tance pour un manquement, car pareille réponse pourrait être taxée d’outrecuidance non sans raison et le rappel que vous faites de cette matière est quoi qu’il en soit le bienvenu.

Le problème est celui de la séduction : la pensée aime si fort la cohérence, car n'est-elle pas la matière même qui l’a constitue ? qu’elle la recherche et, quand elle l’a trouvée, s’y vautre avec frénésie, s’en oint, s’en rengorge. Le néo-darwinisme possède en partage avec le freudisme et le marxisme ce bel excès de cohérence dont il se vante à toute occasion, à l’instar de ses deux grands frères politiques. Il est probablement en échec aujourd’hui parce qu’il est trop magnifiquement cohérent, rond et achevé, avec ses jolies petites poignées qui le rendent si préhensible (votre mot) à la pensée, avec ses invisibles tautologies sur « la survie du plus apte », comme est invisible toute couture « cousue de fil blanc ».

Or marxisme et freudisme sont l’un mort l’autre agonisant ou en perdition. Ils ne sont ni outils d’interprétation du monde non plus que de la psyché. Qui plus est, l’enquêteur qui se pencherait sur le sort du néo-darwinisme ne pourrait que constater la parenté (comme M. Kammerer nous parle de « parenté phylogénique ») de ces trois-là, ne serait-ce que par le point origine dans le temps et dans lieu qu’ont en commun ces systèmes de pensée des faits, d’interprétation du monde et d’action sur lui. Je vous ferai grâce de tout ce qui a été déjà dits et écrits sur ici même, dans ce forum, sur la question du néo-darwinisme et du Goulag, du néo-darwinisme et de la déshumanisation programmée, de l’avilissement des hommes dans la révolution industrielle, etc. du néo-darwinisme et du totalitarisme. Vous me répondriez que je confonds science et idéologie politique, etc. et nous tournerions en rond. Pourtant, je vous invite à vous arrêter à cela : une théorie scientifique si séduisante pour l’esprit qu’elle en vient à engendrer des monstres politiques devrait nous être suspecte, devrait être réexaminée, nous devrions la scruter à nouveau et la faire repasser à tous les cribles des procédures scientifiques qu'appelle son examen critique afin de comprendre cette fois, non plus les faits eux-mêmes dont elle prétend à toute force rendre compte dans leur totalité mais bien ce qui la rend si douce à l’époque qu’elle a paru inaugurer et si cohérente avec l’esprit d’icelle. En refaire la critique épistémologique. Voilà qui me paraît une démarche saine et, pour le coup, scientifiquement cohérente à l’heure où ce système du monde ne montre partout qu’échecs et stagnation.
Citation
Chatterton
Il n’y a donc pas d’intermédiaires-ancêtres entre les groupes définis d’organismes pour des raisons bêtement méthodologiques.

J’ignorais complètement cela. Mais avec un système pareil, on doit tout chambouler tout le temps. Ce n’est jamais fini, par définition.

Non, ça bouge beaucoup (tant pis pour les dogmatiques !), mais pas tout, tout le temps… La méthodologie est bien au point mais les classifications varient encore principalement parce que l’on y introduit de nouvelles espèces (les espèces de grandes tailles sont assez bien répertoriées ; on en découvre de petites tailles tous les jours et il faut bien leur faire une place) et parce que l’on étudie plus finement les espèces déjà connues. La classification des plantes et des animaux (au sens classique) est assez stable (et assez proche de la tradition) ; la classification des micro-organismes est changeante ; la mégaclassification (classification de tous les organismes vivants en quelques grands groupes) est une inépuisable source de controverses…
Mais est-ce que le marxisme et le freudisme peuvent être qualifiés de "sciences" ?
Utilisateur anonyme
21 mai 2012, 13:03   Re : De l'état actuel de la science
Il y a bien des gens qui se disent marxistes de formation - c'est donc, sinon une science, du moins un métier...
Citation
Francis Marche
on ne cherche plus qui descend de qui (notion de descendance, généalogie) mais qui est plus proche de qui (notion de parenté, phylogénie)

Comment définissez-vous, scientifiquement, cette notion de proximité structurelle ? Est-elle d'ordre purement taxonomique ou subsume-t-elle une évolution qui, si tel était le cas, ne se distinguerait guère d'une pure vue de l'esprit ?

Le principe de base est de comparer un grand nombre de caractères dans un grand nombre d’espèces. Par “caractère” on entend quelque chose qui est observable ou mesurable et comparable d’un organisme à l’autre ; chaque caractère présente plusieurs états et c’est la proportion des états de caractères communs entre deux espèces qui constitue une mesure de leur ressemblance. Ces mesures constituent une matrice carrée que l’on essaie de représenter graphiquement par un arbre : les espèces les plus semblables sont représentées par des branches très proches ; les espèces les plus dissemblables sont sur des branches très éloignées. Selon les techniques employées un arbre de ce genre représentera une classification ou une histoire évolutive ou les deux.

Il y a deux façons principales d’analyser cette ressemblance c’est-à-dire de construire ces arbres :

l’une qui repose explicitement sur le concept darwinien de descendance avec modification (cladistique (Hennig, 1950)). Parmi les états de chaque caractère on défini un état ancestral et un état dérivé puis, parmi tous les arbres possibles (combinatoire monstrueuse…), on choisit l’arbre le plus parcimonieux c’est-à-dire celui qui raconte l’histoire du groupe étudié en faisant appel au plus petit nombre d’événements (changements d’état de caractère). L’arbre ainsi retenu représente simultanément la classification et l’histoire évolutive du groupe ;

l’autre méthode, qui n’a pas de présupposé évolutif (phénétique (Sokal & Sneath, 1963)), n’oriente pas les états de caractères et construit l’arbre de proche en proche en commençant par les espèces les plus semblables (qui possèdent la plus grande proportion de caractères dans le même état). Cet arbre (dont la méthode de construction ne fait intervenir ni le temps ni la généalogie) peut être la base d’une classification basée exclusivement sur la ressemblance. Cet arbre peut également décrire sommairement (il manque tous les détails que fournit automatiquement la méthode précédente) l’évolution du groupe étudié si l’on fait explicitement l’hypothèse supplémentaire que plus deux espèces sont semblables plus leur dernier ancêtre commun est récent.

En pratique ces deux méthodes donnent des résultats très similaires si l’on se contente de connaître la hiérarchie de regroupement des espèces étudiées. Le choix dépendra surtout de la nature des données disponibles.

Je ne suis pas sûr de répondre à votre question mais c’est déjà bien long quoique très sommaire…

Citation
Francis Marche
A vous lire, on a le sentiment que vous ne faites plus guère que du Linné revisité, ce que je ne peux me résoudre à croire.

Je ne suis pas sûr de comprendre votre question. Nous n’avons conservé de Linné que sa nomenclature binominale ; son système de classification semble aujourd’hui assez cocasse. Si c’est le fait que des biologistes travaillent encore aujourd’hui sur la classification ou l’évolution qui vous inquiète : rassurez-vous, cher Francis Marche, la plupart des biologistes se désintéressent de ces problèmes et travaillent dans des domaines de recherche dont le financement est plus facile à justifier !

Citation
Francis Marche
Et sinon, la survie du plus apte, ça vous va encore ? Cela conserve encore "une remarquable cohérence" à vos yeux?

Sérieusement : connaissez-vous des biologistes qui parlent de « survie du plus apte » ?
Je vous remercie de cet exposé cher M. Krammerer, qui fait état de vos méthodes, la méthode dite cladistique donc, qui s’articule sur le concept darwinien de descendance avec modification, pose un cousinage interspécifique, si vous m’autorisez de vulgariser ainsi le concept, sur la foi de degrés de ressemblance laquelle semble se définir par une matrice où densité d’états semblables sur des traits communs et proximité du cousinage sont commensurables.

Corrigez-vous vite si je m’égare mais il apparaît que la méthodologie puisse alors se résumer ainsi : degré de cousinage et degré de ressemblance étant directement liés et proportionnels, l’axiome qui sous-tend cette méthode est donc que ce qui est empiriquement ressemblant, quand cette ressemblance est mesurable par la densité des états communs dans des caractères comparables, possède une histoire commune, représente une lignée évolutive.

Arbre de classification par ressemblance et histoire évolutive se superposent, se lisent mêmement, leur ordre est unique ; topographie du territoire et histoire du territoire ne font qu’un ; une seule carte permet de lire d’un seul coup d’œil tout à la fois l’état présent du territoire , ses contours, ses reliefs, et son histoire (« Selon les techniques employées un arbre de ce genre représentera une classification ou une histoire évolutive ou les deux »), histoire qui, dans cette approche, ne saurait être marquée de catastrophes susceptibles de faire jaillir en surface des êtres et des morphologies enfouies, ou « sans avenir », enfouies car anciennes, anciennes car enfouies. Rien de cela. L’ordre est unique et il est linéaire et régulier, et il n’est affecté d’aucune aberration, d’aucun accident, d’aucune perturbation ; l’arbre ne saurait être amputé accidentellement de ses branches ni n’est susceptible de recevoir de greffons qui seraient autant de monstres mimétiques (non parents mais ressemblants) non plus qu’il ne se reconnaisse de cousins bâtards ayant renié leur ressemblance. Dans ce système, la morphogénèse paraît entièrement et exclusivement dépendante du lien génétique spécifique (intra- ou interspécifique) d’une part, d’autre part l’étroitesse de ce dernier est à lire directement dans la ressemblance morphique empiriquement mesurable. Passons sur le risque tautologique de cet appareil de connaissance du vivant.

Plusieurs reproches viennent à l’esprit que l’on pourrait adresser à cette méthode : d’abord, la définition des états communs dans les traits identifiés, la sélection des uns et des autres, quels critères y président ? Ce système me fait songer au « systèmes des ressemblances » dix-huitiémiste, vous savez, quand on considérait que le grain de café entretenait une « affinité » de nature et de fonction avec la glande pituitaire parce qu’il lui ressemble ! et que cette affinité ancrée dans un parallélisme morphique « explique » les effets du café sur le système nerveux. Le constat de ressemblance est lui-même orienté, il est guidé par une arrière-pensée du scientifique : une ressemblance ne saute aux yeux qu’aux esprits disposés à la voir et à jouer à partir d’elle au jeu des sept familles et à celui de l’explication « cohérente du monde » touchant, en amont comme en aval, un jeu de fonctions dans l’organisation du monde. Rien dans cet arbre d’organisation du vivant qui intégrerait la variable écosystémique, son milieu, l’environnement des êtres et du territoire qu’il figure. Je m'explique : une éponge, tirée des mers, d'une part, et un gant de crin, d'autre part, se trouvent dans un même lieu (proximité topographique) : ma salle de bain ; l’un et l’autre objets ont même fonction (me nettoyer la peau) ; l’un et l’autre objets ont mêmes caractéristiques physiques apparentes (couleur, texture, masse, taille, etc.) Ergo ils sont parents ? Selon cette méthode, il semblerait bien que oui. Or l’un provient d’une créature du milieu marin, l’autre est une fibre d’origine animale terrestre ou plus souvent aujourd’hui végétale (palme, agrave). En dépit de leur ressemblance l’un et l’autre objet sont parfaitement disparates, n’entretiennent aucun cousinage, ils ne sont nullement liés par ce qu’ils donnent à voir et donnent à faire l’un et l’autre ; s’ils sont liés, ce n’est point autrement que par destination ; ils ne sont point liés par l’origine et si origine commune très ancienne il peut y avoir entre ces deux objets, celle-ci ne se donne nullement à subsumer dans la destination commune, l’état commun où on les trouve.

C'est terrible à dire mais c'est ainsi: lorsqu'il s'agit d'organiser les collections d'êtres vivants, les apparences sont trompeuses; l'univers est décevant.

Et la méthode dite phénétique qui ne se distingue que marginalement de la précédente, selon ce que j’en tire de l’exposé que vous nous en faites, ne me paraît pas devoir échapper aux objections qui visent celle-ci.

Concernant « la survie du plus apte », Richard Dawkins, pape actuel du néo-darwinisme, biologiste de renom, en est un tenant, du moins crois-je savoir. Mais je compte sur vous pour me détromper si mes informations datent un peu.
La discussion pourrait être simplifiée si l'on se souvient que les ressemblances sur lesquelles on base aujourd'hui les arbres de la vie, sont essentiellement génétiques, et quantifiables. Aucune apparence n'est invoquée. (Un nombre impressionnant de parentés établies jadis sur des "apparences" ont été confirmées par la génétique, et d'autres spectaculairement démenties).
« Richard Dawkins, pape actuel du néo-darwinisme, biologiste de renom » ? Disons plutôt, cher Francis Marche : drôle de zèbre et idéologue forcené…
Disons plutôt, cher Francis Marche : drôle de zèbre et idéologue forcené…

J'ai toujours su, et ce dés le début, que nous finirions pour nous trouver un terrain d'entente, cher Benoît Kammerer.
"Permettez-moi de penser que cet "ensemble qui conserve une cohérence remarquable" ne constitue rien d'autre qu'une doxa qui travestit son nom. "

Sans doute suis-je complètement "à côtéde la plaque" pour ne pas dire complètement hors sujet mais il me semble que ce qui est remarquable, par exemple, dans la doxa idéologique qui préside à l'avènement de la "France d'après", c'est qu'elle n'est qu'un tissu d'incohérences si criantes qu'on a du mal à comprendre son succès durable dans l'opinion, à moins de voir dans ce succès une inquiétante "défaite -- générale- - de la pensée", précisément.
Le néo-darwinisme, comme le marxisme et le freudisme, semblent relativement faible dans le pouvoir prédictif ; il s'agit de théories explicatives, qui rendent merveilleusement compte des éléments "après-coup" et ne prévoient pas grand chose. Comme disait Popper, un freudien ou un adlérien expliqueront n'importe quel comportement, un marxiste (ou, aujourd'hui, un complotiste) expliqueront après-coup n'importe quelle séquence historique. Toutes ces théories sont championnes pour décrire/construire, pas pour prévoir.
Si c'est le cas, on se trouve effectivement dans le champ assez ambigu des sciences/idéologies, comme la sociologie.
21 mai 2012, 22:22   Les pieds dans le plat
Eh bien posons la question sans ambages : est-ce que la théorie sur l'évolution des espèces que l'on désigne généralement comme "néo-darwinisme" est une sorte de super-théorie un peu flottante et "idéelle", cadre théorique et conceptuel trop large et trop abstrait pour pouvoir être sérieusement soumis à l'épreuve des faits, et donc participant surtout de la catégorie idéologique, ou bien constitue-t-elle au contraire, au niveau de réalité qui est le sien, une théorie plutôt corroborée par l'ensemble de faits et d'observations dont disposent les biologistes, et au moins une explication plausible et meilleure qu'une autre, de la diversité des espèces que l'on peut constater ?

(On a un peu l'impression que les spécialistes se fichent un peu de la question, alors qu'elle a déjà déclenché ici de véritables combats de chiens...)
Re le bonsoir, Cher Alain Eytan, "corroborée par les faits", qu'importe, puisque tout montage un peu habile sera corroboré par certains faits, contredit par d'autres faits...
Est-ce que le néo-darwinisme permet des prédictions ? (La même question pourrait se poser pour la sociologie). Voire : des prédictions stimulantes ?
(La cosmologie, même quand elle traite des premiers instants de l'univers, aboutit à des prévisions. De là son statut de science, et non de ses explications.)
J'ai toujours eu un peu l'impression que le freudisme et la psychanalyse étaient à la psychologie ce que l'astrologie était à l'astronomie.
Citation
Loik A.
Le néo-darwinisme, comme le marxisme et le freudisme, semblent relativement faible dans le pouvoir prédictif ; il s'agit de théories explicatives, qui rendent merveilleusement compte des éléments "après-coup" et ne prévoient pas grand chose. Comme disait Popper, un freudien ou un adlérien expliqueront n'importe quel comportement, un marxiste (ou, aujourd'hui, un complotiste) expliqueront après-coup n'importe quelle séquence historique. Toutes ces théories sont championnes pour décrire/construire, pas pour prévoir.
Si c'est le cas, on se trouve effectivement dans le champ assez ambigu des sciences/idéologies, comme la sociologie.

On ne peut pas dire qu'un domaine d'étude est faux sous prétexte qu'il ne permet pas de prédire l'avenir. L'histoire, par exemple, ne prédit rien !
Il y a aussi prédiction et prédiction, selon le fait que cela se situe à plus ou moins long terme, que cela fait intervenir ou non du hasard, que les paramètres sont plus ou moins nombreux, etc. Par exemple, en économie, si vous mettez plus de billets en circulation, vous pouvez prédire qu'il y aura une augmentation des prix (inflation, logique immédiate de cause à effet). En revanche, vous ne pouvez pas prédire avec précision quand une crise se produira car cela fait intervenir de très nombreux paramètres qu'on ne peut pas tous appréhender. Un médecin peut prédire chez un patient qu'une maladie se terminera dans un certain nombre de jours. Il ne peut, en revanche, prédire l'apparition d'un nouveau virus comme le SIDA. En statistiques, si vous lancez une pièce de monnaie équilibrée, vous pouvez prédire qu'après un très grand nombre de lancers, la fréquence des "piles" sera très proche de 1/2. En revanche, vous ne pouvez pas prédire à l'avance quel sera l'ordre de sortie des piles et des faces dans la séquence des tirages.
Le darwinisme postule la présence de hasard dans l'apparition de nouveaux caractères chez les espèces, et le fait que la sélection naturelle va faire en sorte que les caractères les plus adaptés à l'environnement se maintiendront tandis que les autres auront tendance à disparaître. Donc oui, cette théorie ne peut pas faire de prédictions précises puisque c'est une théorie qui prend en compte le rôle du hasard et qu'on ne peut pas, par définition, prédire le hasard…
Conclusion : cela ne veut rien dire d'affirmer qu'une science qui a un faible pouvoir prédictif rien n'est pas une science, car il faut d'abord définir ce que l'on entend par "prédiction"...

Le problème des critiques du darwinisme est qu'elles viennent souvent de gens qui sont en faveur du créationnisme, c'est-à-dire d'une pseudo-science inspirée par la religion. Or la science se base sur l'observation des faits, la logique, l'expérimentation. Les mythes bibliques, comme tous les autres mythes, ne reposent sur aucun fait, aucune logique et ne sont que pure invention. Que l'on conteste une théorie scientifique au nom de la logique, de l'observation, et en faveur d'une autre théorie plus étayée et plus proche de la réalité, soit. Mais contester une théorie scientifique au nom de croyances qui ne reposent sur rien, cela relève de la mauvaise foi.
Oui, cher Loïk, et les criquets à ailes plates dans Perpignan en été dans tout ça ??

Au fait, il y a dans la Connaissance objective de Popper tout un chapitre consacré au darwinisme ; comme par extraordinaire, je ne me rappelle plus exactement ce qu'il en disait (mais toute la démarche popperienne est darwiniste, en ce sens qu'elle procède pas essais et élimination par le milieu, en l'espèce des faits infirmants). Il va falloir que je remette la main sur l'ouvrage et refeuillette tout ça...
Cher Félix, merci pour vos intéressantes précisions sur la notion de "prédiction", effectivement à manier avec jugeote...
Ce qui me semble quand même gênant, c'est le nombre de personnes qui se parent dans les oripeaux de la Science, sous couvert d'un appareillage plus ou moins imposant "d'explications". Revenir à la capacité prédictive d'une théorie, c'est obliger celle-ci à un minimum de rigueur, à mon sens absente des simples constructions explicatives, qui se contentent d'une cohérence logique et d'une sélection de faits, sans véritable "épreuve du réel".
In fine, la prédiction fonctionne comme le moyen de relier la théorie au réel (alors que se contenter de dire "ma théorie est corroborée par les faits" ne nous avancera guère, car "il y a suffisamment de faits dans l'univers pour justifier n'importe quelle théorie").

Sur votre second point, n'est-ce pas un peu caricaturer les critiques de Darwin de tous les renvoyer au créationnisme ? Ne stigmatisons pas les Créationnistes, ce sont des êtres humains après tout... même Evangéliques et Américains (quoique, l'Evangélique a-t-il une âme ?).
Mais le problème est bien réel ; car si le darwinisme, néo ou pas néo, s'effondrait, quelle théorie alternative resterait en lice ? On retomberait possiblement vers une vision du Dieu-mécanicien, intervenant de ci-de là dans l'évolution...
Néanmoins, cette peur de tomber dans la religion la plus vétuste, ne justifie pas de gommer les difficultés et les objections au darwinisme. Le scientisme est aussi une croyance, après tout.
Citation
Loik A.
Mais le problème est bien réel ; car si le darwinisme, néo ou pas néo, s'effondrait, quelle théorie alternative resterait en lice ?

Vous prenez, me semble-t-il, le problème à l’envers. Le darwinisme (ou n’importe quelle autre théorie scientifique) ne va pas s’effondrer tout seul : il faudrait, au préalable, qu’une meilleure théorie (plus générale, plus englobante) soit construite. La mécanique newtonienne ne s’est pas effondrée devant la relativité… (Je me trompe peut-être ; avez-vous un exemple de vide théorique dans l’histoire (récente) des sciences ?)
Utilisateur anonyme
22 mai 2012, 09:19   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
"ne parlons pas des inévitables, hélas, petites perfidies de d'aucun... J'ai beaucoup apprécié que vous les ayez relevées..."

Mais non, justement il ne les a pas relevées. Par "prudence" je ne voulais en aucune manière suggérer qu'Alain Eytan vous épargnait, comme il semble l'avoir compris, mais qu'il s'épargnait, lui, vos foudres, s'il osait critiquer l'assertion de Heidegger, qu'il ne "relevait" pas non plus, très curieusement, et comme vous vous en plaigniez vous-même:

"Cher Alain, vous me surprenez, car vous savez bien à quoi je fais allusion quand je cite la science "qui ne pense pas..."

Il me semble, seul et unique point d'accord avec vous d'ailleurs, qu'Alain dans cette discussion, a eu tendance à botter en touche.
Il arrive que la connaissance historique permette de prédire l'évolution à venir d'une société au moins sur le court et moyen terme. Ainsi ceux qui connaissent l'islam et son histoire prédisent depuis quarante ans sans s'être trompés l'évolution de la société française.
Utilisateur anonyme
22 mai 2012, 11:19   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Citation

Non, ça ne marche pas: la science, moderne ou pas, en tant que telle, ne tient aucun discours sur la philosophie.

Il me semblait que le Cercle de Vienne pourtant...
La discussion pourrait être simplifiée si l'on se souvient que les ressemblances sur lesquelles on base aujourd'hui les arbres de la vie, sont essentiellement génétiques, et quantifiables.

Des exemples seraient bienvenus. Cependant, il est probable (cf. le paragraphe de la lettre de Richard Milton sur l'ADN) qu'ils seraient contrecarrés par des contre-exemples.

Et puis quand bien même des arbres de la vie pourraient être dressés sur des ressemblances génétiques quantifiables comme vous l'affirmez, quel chemin historique évolutif pourrait scientifiquement en être déduit ? Quand bien même il devrait être acquis que ce qui se ressemble par le sang ou l'ADN est parent, en quoi cela appelle ou vient renforcer l'hypothèse d'une sélection naturelle dictée par l'interface avec l'environnement ? Quel cheminement déductif permet de passer de cela à ceci ?
"Il arrive que la connaissance historique permette de prédire l'évolution à venir d'une société au moins sur le court et moyen terme. Ainsi ceux qui connaissent l'islam et son histoire prédisent depuis quarante ans sans s'être trompés l'évolution de la société française."

Pour le Traité de Versailles lire Les conséquences politiques de la paix de Jacques Bainville. Paru en 1919.
Mais le problème est bien réel ; car si le darwinisme, néo ou pas néo, s'effondrait, quelle théorie alternative resterait en lice ? On retomberait possiblement vers une vision du Dieu-mécanicien, intervenant de ci-de là dans l'évolution...

Autrement dit, mieux vaut une théorie spécieuse que pas de théorie du tout, car le vide créé par une absence de théorie rappellerait trop sur le devant de la scène celle d'un Dieu créateur, d'un créationnisme épouvantail. Pareil raisonnement -- garder en place une théorie fausse en attendant une juste et pour que cette place ne puisse entre temps être occupée par l'ennemi -- on le voit, reste régi par le déisme, par la crainte de Dieu. Nos néo-darwiniens, qui pour la plupart d'entre eux ne prêtent aucun crédit réel, aucune foi aux salades qu'ils nous servent, continuent de nous les servir (cas de Dawkins) par peur de Dieu et leur pensée pseudo-scientifique reste assujettie à ce qui leur est impératif de nier ! C'est ainsi que l'idée de Dieu, en l'espèce de sa négation, continue de dicter le cours et l'orientation des recherches des adversaires du créationnisme !
Cher Francis, je partage en grande partie votre analyse. Néanmoins je n'affirmerai pas de façon aussi catégorique qu'ils (les néo darwiniens) n'y croient pas eux-mêmes, ni que leur théorie soit indigente.
Mais la situation idéologique du matérialisme se trouverait en grande délicatesse si d'aventure, ils laissaient voir les fissures de leur théorie. Ce risque majeur, de l'ordre existentiel, explique sans doute ce refus de discussion qui semble parfois les caractériser.
Faut-il rappeler (apparemment oui…) que le matérialisme des scientifiques, dans leur rôle de scientifiques, est un simple matérialisme méthodologique ?
La crainte du déisme est un autre nom de la crainte de Dieu.
Citation
Benoît Kammerer
Faut-il rappeler (apparemment oui…) que le matérialisme des scientifiques, dans leur rôle de scientifiques, est un simple matérialisme méthodologique ?

Voilà qui apporte singulièrement de l'eau au moulin de Didier Bourjon, comme quoi la science ne pense pas : l'on se borne à appliquer une méthode, la méthode ; l'on conçoit de petites expériences, on enregistre, on constate, on note. Le protocolarisme carnapien dans toute sa splendeur.
Quant à proposer une explication à un niveau un peu plus synoptique des phénomènes, à d'autres... On ne la leur fait pas.


» Sérieusement : connaissez-vous des biologistes qui parlent de « survie du plus apte » ?

Si le biologiste entend faire référence au darwinisme, il doit bien en parler. Ne jouons pas sur les mots : "survie du plus apte", cela veut dire : sélection par un environnement toujours changeant d'individus ou de populations ayant des caractères — dont les modalités d'apparition sont parfaitement aléatoires — les favorisant dans l'adaptation à ce milieu. Ainsi le plus adapté survit, et le moins, en principe, non.
C'est, ou alors je commets une bourde confondante, le cœur du darwinisme, et même du "néo"-darwinisme, sans quoi je me demande bien ce qu'il en reste.
Et c'est une théorie en biologie, si je ne me trompe ?...
de l'eau au moulin de Didier Bourjon, comme quoi la science ne pense pas

C'est le moulin de Heidegger.

Et c'est une théorie en biologie, si je ne me trompe ?...

Je crois que vous ne vous trompez pas, aux nuances près que ce n'est pas tant la survie en soi qui constitue la clef du mécanisme Darwinien que la capacité à se reproduire (dont la survie jusqu'à un certain âge est une condition) et qu'il faut combiner cette notion (que ceux qui la déclarent une tautologie seraient tout fiers d'avoir découverte) avec celle de variation héritable, pour avoir l'argument complet de Darwin.
Cher Loïk A.,

Vous vous interrogez sur la réticence des scientifiques à « discuter » de leur science. Mais il serait également intéressant de réfléchir à ce penchant des non-scientifiques à « discuter » de cette science, et au type de discussion qu’ils appellent de leurs vœux*. N’est-il pas étonnant, que confrontés à l’énorme et étrange édifice de la biologie (mettons), vieux de deux siècles (en gros), et auquel des archivoltes, des balustres ou des coupoles sont ajoutées tous les dix ans, ils ne soient pas tentés d’en explorer un peu les recoins, et de suspendre leur jugement le temps d’une promenade, plutôt que de fixer leur esprit, d’emblée, sur ses possibles fissures?

* Heidegger, il faut lui reconnaître cette cohérence, ou cette astuce, délégitime d’emblée une telle discussion.
Oui, c'est ce que j'avais déjà tenté de représenter à Francis, si je puis me permettre de me citer :

« Et il ne s'agit pas du tout de la pseudo tautologie bien grasse, argutie qui me semble être un modèle de mauvaise foi, que vous essayez de placer à tout prix, à quoi vous voulez réduire tout le darwinisme en tant que théorie... Le fittest, c'est celui qui est le plus adapté ; on n'est pas plus adapté à la survie, mais on survit, et de ce fait a plus de chances de transmettre les caractéristiques favorables à cette survie, parce qu'on est plus adapté à un milieu donné.
L'"amélioration" du vivant qui résulte d'une telle description n'est certes pas une amélioration qualitative sur une échelle graduée allant du moins au plus valeureux en soi, mais n'est qu'une amélioration circonstancielle, dépendant du rapport entre une variété préexistante et aléatoire donnée, et un milieu qui est lui-même en constant changement, ce qui fait, comme vous n'avez manqué de le remarquer, croyant par là enfoncer le darwinisme alors qu'à mon sens vous l'avez plutôt confirmé, que le "meilleur", le fittest d’aujourd’hui est en passe de devenir le raté, le misfit de demain, dans un environnement en perpétuel mouvement.
Aussi c'est un double jeu de hasard que le noyau de la théorie invite à se représenter, quand le mécanisme explicatif invoqué pour rendre compte des phénomènes considérés, la diversité des espèces et leurs évolutions, consiste en un pur rapport de congruence entre deux variables (les "mutants" et l'environnement) auxquelles n'est assignée aucune valeur fixe. »

Heidegger n'en demeure pas moins une belle référence.
Je souscris entièrement à votre auto-citation.
...et sa critique (la critique de Heidegger) d'un certain type de scientisme peut s'entendre selon la formule de Thomas Nagel : « il existe davantage que ce qui peut être décrit d'une certaine façon ».
Au reste, l'obnubilation par le semblant de maîtrise que permet la science, et le confinement qu'il peut en résulter, sont des phénomènes aussi observables que ceux aux nom desquels les positivistes de Vienne voulurent annihiler la pensée de Heidegger.
Le constater simplement ne fait pas encore de vous un fervent occultiste.
Le fittest, c'est celui qui est le plus adapté ; on n'est pas plus adapté à la survie, mais on survit, et de ce fait a plus de chances de transmettre les caractéristiques favorables à cette survie, parce qu'on est plus adapté à un milieu donné.

A quel "milieu donné" Homo Sapiens Sapiens, roi des créatures vivantes aujourd'hui, faisant sur elles ce qu'il veut, est-il "le plus adapté" ? A quels traits merveilleusement adaptés à quel milieu (qui selon vos spéculations devrait lui-même être dominant parmi tous les milieux terrestres à proportion de la domination de cette espèce) doit-il sa phénoménale prolifération ?

Le panda est un mammifère remarquablement adapté à son milieu (la forêt de bambou d'un certain type), il y est même suradapté. Or c'est un des mammifères parmi les plus fragiles aujourd'hui, dont la reproduction est sous perfusion humaine. Vous allez me rétorquer que s'il est fragile c'est parce que le milieu de sa prolifération est en dégradation et l'espace de son adaptation en rétrécissement, ce qui ne fait que confirmer au lieu d'infirmer.. bla bla... bref, vous retomberez encore sur vos pieds, comme tout penseur circulaire.
Alain, vous reconnaissez sans doute que les milieux naturels sont fragiles, et qu'ils ne le sont pas seulement à cause de l'action anthropique moderne, qu'ils ont toujours été sujets à des perturbations, des déséquilibres, des dégradations et même à la mort (désertification) que ce soit par évolution lente ou sous l'effet de catastrophes à la survenue brutale.

Dès lors comment pouvez-vous décemment soutenir qu'un être vivant étroitement dépendant de son milieu (la spécialisation qu'elle soit due à une "adaptation" -- voyez du reste comme ce terme "adaptation" est déjà orienté vers une thèse -- ou qu'elle soit sans historique adaptatif retraçable, est une dépendance) soit davantage protégé des risques d'extinction que celui qui en est indépendant ? Comment pouvez-vous défendre pareille logique aberrante ?
Utilisateur anonyme
23 mai 2012, 08:25   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Au risque de passer pour un gros naïf très terre-à-terre puis-je demander à l’assemblée ce que pourraient bien signifier des phrases comme :
– « la science pense » ;
– « la philosophie pense » ;
– « la plomberie pense » ?

Les dictionnaires consultés ne donnent aucune définition ou aucun exemple qui permettrait de donner au verbe “penser” un sujet autre qu’un être humain (avec les exceptions évidentes : « machine à penser » ; « les animaux pensent-ils ? »…).
Il me semble que l'homme a la conscience de son inadaptation et qu'il s'efforce de la compenser au point de créer lui-même l'environnement -- au sens large -- qui lui est favorable.
Question : mais ... comment lui est venue, alors, cette conscience ?
- Le plus apte survit
- Il a survécu, donc il est le plus apte.

Dire "le plus apte survit", permet--il de prédire entre plusieurs organismes lequel survivra ?
Si non, c'est donc une tautologie.

(Finalement, le plus apte à survivre dans notre civilisation, quel est-il ? D'un point de vue darwiniste, "tout est bien", et si d'aventure le Grand Remplacement arrivait à terme, c'est que ce serait bien. On en arrive à acter "ce qui est" au lieu de chercher à changer la donne, non ? Un fatalisme, en somme... Ou même mieux : la "sélection naturelle" tenant lieu exacte de la Providence.)
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