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Question de virgules

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
13 juin 2012, 15:10   Question de virgules
Il est un style d'utilisation de la virgule fort étonnant par rapport aux règles traditionnelles mais qui, il me semble, fonctionne remarquablement. Cela fait quelques temps que je le lis occasionnellement et qu'il m'intéresse mais ça n'est que récemment que j'ai identifié que c'est par la ponctuation qu'il est original, d'où ce sujet. Voici en exemple une phrase lue récemment sur Internet (de laquelle j'ai enlevé quelques détails inutiles) :

"C’est donc avec le score historique de 1,14 % des suffrages exprimés, que Gudule entre dans l’histoire de notre pays… Elle est la première femme à devancer de manière significative, des partis comme le NPA, les verts, le parti radical, etc.…"

Les virgules qui se trouvent après "exprimés" et "significative" apparaissent tout à fait mal placées grammaticalement mais donnent à la phrase un rythme que je trouve agréable. Quelqu'un parviendrait-il à "identifier" ce style pour moi ? En d'autres termes, est-il un auteur en particulier qui a écrit de cette manière ? Merci !

P.-S. : J'espère que mes sujets systématiquement apolitiques ne dérangent pas la modération.
13 juin 2012, 15:31   Re : Question de virgules
Le chapitre sur la virgule du Traité de la ponctuation française de Jacques Drillon est passionnant. Quant à la citation que vous proposez, cher Maxime, elle est fautive et je vois mal comment un style peut naître d'une telle confusion.
Utilisateur anonyme
13 juin 2012, 15:32   Re : Question de virgules
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
13 juin 2012, 15:54   Re : Question de virgules
A ce propos, la dernière livraison du Journal de Renaud Camus me fait sursauter pratiquement à chaque page, tant l'usage de la virgule y est parcimonieux.Je n'ai pas lu le docte traité de Monsieur Drillon, mais il me semble que tout complément placé en tête de phrase - complément circonstanciel, proposition subordonnée, épithète détachée - doit être séparé du reste de la phrase par une virgule. Or on lit :" Aujourd'hui nous avons visité deux choses." ou "A Brioude la cathédrale est largement gâchée par..." La longueur du groupe en question n'a pas d'incidence sur ce point.
Du reste, je pense que Renaud Camus s'est déjà expliqué précédemment sur les réticences de son éditeur vis-à-vis de la virgule.
13 juin 2012, 15:58   Re : Question de virgules
De virgule, il en manque en tout cas une dans “1,14 %”, me semble-t-il. Mais comme il y en a une en trop après “significative”, on devrait pouvoir la prendre ici pour la rajouter là.
13 juin 2012, 16:09   Re : Question de virgules
Il est bon d'économiser ses virgules si l'on veut rester en forme.
Utilisateur anonyme
13 juin 2012, 16:16   Re : Question de virgules
Citation
Didier Goux
De virgule, il en manque en tout cas une dans “1,14 %”, me semble-t-il. Mais comme il y en a une en trop après “significative”, on devrait pouvoir la prendre ici pour la rajouter là.

Merci de votre remarque, cher Didier Goux. C'est corrigé.

S'agissant des virgules fautives mentionnées, suis-je le seul à trouver qu'elles introduisent malgré tout une pause très agréable dans la diction de la phrase ?
13 juin 2012, 16:45   Re : Question de virgules
Justement, la ponctuation ne doit pas à mon avis être considérée avant tout comme un moyen de marquer des pauses comme dans la langue parlée, mais bien plutôt comme un outil destiné à conférer à la phrase une armature logique, et soulignant celle-ci.

On ne met pas de virgule (ou jamais une seule) entre le sujet et le verbe, même si l'on trouve que cela fait joli, que cela aère. C'est de l'hérésie pure et simple, et non du style. La virgule a d'abord la fonction de séparer des groupes logiques.

Dans l'exemple que vous donnez, il faut enlever la virgule et non en ajouter une deuxième (comme ce pourrait être tentant), car l'insistance est mise sur l'importance (le caractère "significatif") de la marge qui sépare les scores de la femme en question de ceux des partis cités.

Elle est la première femme à devancer de manière significative des partis comme le NPA, les Verts, le Parti radical, etc.
13 juin 2012, 17:01   Re : Question de virgules
Quand on lit la phrase que vous proposez avec ses virgules, on doit s'imposer une diction propre au journalisme de radio ou de télévision -- c'est-à-dire une diction elle-même assez étrange et peu justifiable. Cela passe presque inaperçu à l'oreille -- car nous sommes habitués à ce discours débraillé -- mais c'est horrible pour les yeux.
13 juin 2012, 17:03   Re : Question de virgules
D'accord avec vous, Cher Bily, mais vous ne répondez pas sur la virgule souvent utilisée après un complément placé en tête de phrase.
13 juin 2012, 17:11   Re : Question de virgules
En toute logique on met une virgule, mais (c'est l'usage) on peut très bien, si le complément est court, l'omettre, comme dans Aujourd'hui maman est morte, d'Albert Camus.
13 juin 2012, 17:22   Re : Question de virgules
On a tout a fait le droit, à mon avis, d'omettre toutes les virgules que l'on veut dans le but de lier deux segments d'une phrase par un même souffle (ou ajouter toutes les virgules que l'on veut dans le but de casser le rythme naturel de la phrase). N'est-ce pas Sollers qui s'est passé de toute ponctuation dans Paradis ? Mais ce qu'on peut se permettre en littérature, on ne le peut pas dans un article de presse encadré par les conventions générales de la syntaxe.
Utilisateur anonyme
13 juin 2012, 17:57   Re : Question de virgules
Citation
Olivier Lequeux
Quand on lit la phrase que vous proposez avec ses virgules, on doit s'imposer une diction propre au journalisme de radio ou de télévision -- c'est-à-dire une diction elle-même assez étrange et peu justifiable. Cela passe presque inaperçu à l'oreille -- car nous sommes habitués à ce discours débraillé -- mais c'est horrible pour les yeux.
Merci pour cette piste. C'est probablement le décalage entre ce qui est dit et ce parler pompeux de journaliste qui me fait sourire. La phrase correcte sans virugles n'a il me semble pas le même effet. Ce n'est d'ailleurs pas une utilisation de la ponctuation que j'envisage d'adopter, c'est simplement une "couleur" qu'il me semble intéressant de connaître.

Citation
Stéphane Bily
Justement, la ponctuation ne doit pas à mon avis être considérée avant tout comme un moyen de marquer des poses comme dans la langue parlée, mais bien plutôt comme un outil destiné à conférer à la phrase une armature logique, et soulignant celle-ci.

On ne met pas de virgule (ou jamais une seule) entre le sujet et le verbe, même si l'on trouve que cela fait joli, que cela aère. C'est de l'hérésie pure et simple, et non du style. La virgule a d'abord la fonction de séparer des groupes logiques.
Nous sommes d'accord (à l'exception du "poses", si je puis me permettre). En aucun cas je ne souhaite que la construction que j'ai citée se répande, mais il y a dans cette "oralité écrite" quelque chose qui me rappelle Céline, toutes proportions gardées.
13 juin 2012, 18:02   Re : Question de virgules
Maxime,

La présence d'une virgule devant une subordonnée rompt la continuité syntaxique de la phrase complexe, c'est donc une faute de français caractérisée. Cet usage vient de l'allemand, qui annonce la subordination précisément par une virgule. S'agissant de l'intérêt rythmique qu'il peut y avoir là-dedans, j'y vois surtout un signe d'hésitation devant l'alignement pénible des mots, le locuteur ne cessant de faire des pauses avant chaque obstacle, comme un cheval se cabre dans la course de saut. Cela peut distraire le spectateur mais la lecture n'en est que gênée, ralentie et(,) en fin de compte(,) gâtée. J'ai pour ma part aussi observé cette inflation de virgules en des lieux inopportuns, ça démange pas mal de scripteurs. Essoufflement syntaxique.
13 juin 2012, 18:06   Re : Question de virgules
Citation
Maxime
Nous sommes d'accord (à l'exception du "poses", si je puis me permettre).

Oups... Merci, je corrige tout de suite.
La présence d'une virgule devant une subordonnée rompt la continuité syntaxique de la phrase complexe, c'est donc une faute de français caractérisée. Cet usage vient de l'allemand virgule qui annonce la subordination précisément par une virgule.
L'usage de la virgule n'est-il pas, en fait, commandé par la nécessité de la compréhension ?

Un exemple composé de deux phrases identiques, aux virgules près :

Les journalistes qui n'adhèrent pas à la pensée unique seront pourchassés.

Les journalistes, qui n'adhèrent pas à la pensée unique, seront pourchassés.


Les sens sont différents.
13 juin 2012, 18:43   Re : Question de virgules
Oui, bien sûr. C'est la différence entre les relatives explicatives et les déterminatives.
N'y a-t-il pas aussi des "virgules d'aération" (pardonnez-moi pour ce terme), par exemple dans le cas suivant :



Le parti communiste le parti socialiste le front de gauche Europe-Ecologie-Les-Verts le parti radical de gauche et en général tous les bien-pensants ont appelé les électeurs à terrasser le nouvel avatar de la bête immonde au ventre fécond.

Il me semble que :

Le parti communiste, le parti socialiste, le front de gauche, Europe-Ecologie-Les-Verts, le parti radical de gauche et en général tous les bien-pensants ont appelé les électeurs à terrasser le nouvel avatar de la bête immonde au ventre fécond.

Est mieux.
13 juin 2012, 18:55   Re : Question de virgules
C'est une énumération, là. Si l'on devait placer des virgules d'aération (pas nécessaires), comme vous dites, je pense qu'on écrirait la phrase ainsi :

Le Parti communiste, le Parti socialiste, le Front de gauche, Europe-Ecologie-les-Verts, le Parti radical de gauche, et en général tous les bien-pensants, ont appelé les électeurs à terrasser le nouvel avatar de la bête immonde au ventre fécond.
Un gaillard d'instituteur nous expliquait l'importance de la virgule avec cet exemple :

Elle sortit de la forêt vierge.
Elle sortit de la forêt, vierge.
Justement, Stéphane, je me référais à votre message relatif au sujet et au verbe : quand il y a énumération avec une seule conjonction de coordination, notre usage est de mettre une virgule qui, de fait, sépare le sujet du verbe, alors que rien ne me semble l'imposer du point de vue de la syntaxe.

Que pensez-vous d'autre part de ces deux cas :

Au bord de l'abîme où la politique du Gouvernement risque de plonger le pays, les électeurs hésitent et s'interrogent.

Au bord de l'eau pêchent les pêcheurs.


Il me semble que la virgule de la première phrase est licite, elle ne le serait pas dans la seconde, c'est une question de longueur du complément, il me semble.
13 juin 2012, 20:53   Re : Question de virgules
"Je rêve d'un monde où l'on pourrait mourir pour une virgule." (Cioran.)
"En un temps où l'"esthétisme" et la mode s'entendaient pour évincer la ponctuation du poème, aussi bien que de la vie, Léon-Paul Fargue fut homme à prendre un train de nuit pour courir en province, chez l'imprimeur, s'assurer sur épreuves de l'emplacement d'une virgule. "
Saint-John Perse, Préface aux Poésies de Léon-Paul Fargue, p.25-26 (Gallimard, collection Soleil, 1963).
14 juin 2012, 12:57   Re : Question de virgules
La règle, me semble-t-il, veut que l'on mette le complément d'objet immédiatement après le verbe -- transitif -- dont il dépend et donc, sans virgule, entre les deux, car le complément d'objet après un verbe transitif est un complément structurellement nécessaire à la phrase. Inversement, le complément circonstanciel, lui, est, du point de vue structurel, accessoire, . C'est pourquoi on peut le placer n'importe où dans la phrase -- un peu comme monsieur Jourdain s'exerce à tourner son compliment à la marquise -- et même le supprimer sans que, contrairement au complément d'objet, la phrase soit bancale ou incorrecte.
Ainsi dans la phrase : "Elle est la première femme à devancer de manière significative des partis comme le NPA les Verts, le Parti radical, etc." on pourrait supprimer le complément circonstanciel sans nuire à la correction de la phrase qui donnerait : "Elle est la première femme à devancer ( ... )des partis comme le NPA, les Verts, le Parti radical, etc. " car aucun verbe n' "appelle " ce complément. En revanche on ne peut supprimer le complément d'objet sans nuire à la correction de la phrase qui donnerait : "Elle est la première femme à devancer de manière significative." car le verbe "devancer" appelle impérativement son objet.
On peut, par conséquent, placer le complément circonstanciel entre le verbe transitif et son complément d'objet, à condition, toutefois, de l'encadrer par des virgules pour bien faire sentir qu'il est accessoire et ne se rattache pas, structurellement au verbe transitif qui, par dessus l'"obstacle" circonstanciel interposé, appelle toujours le complément d'objet.
C'est pourquoi la phrase :" Elle est la première femme à devancer,de manière significative, des partis comme le NPA, les Verts, le Parti radical, etc " est fautive car en ne détachant pas le circonstanciel du verbe transitif et en ne mettant virgule qu’avant le complément d'objet, c'est celui-ci qu'elle semble donner comme accessoire. Il faut donc soit supprimer carrément la virgule soit écrire : " Elle est la première femme à devancer, de manière significative, des partis comme le NPA, les Verts, le Parti radical, etc."

Chacun est cependant libre, à l'intérieur de ces règles, de mettre, en fonction de la respiration et du sens, la ponctuation qui lui convient.
14 juin 2012, 15:44   Re : Question de virgules
« Justement, Stéphane, je me référais à votre message relatif au sujet et au verbe : quand il y a énumération avec une seule conjonction de coordination, notre usage est de mettre une virgule qui, de fait, sépare le sujet du verbe, alors que rien ne me semble l'imposer du point de vue de la syntaxe.

« Que pensez-vous d'autre part de ces deux cas :

« Au bord de l'abîme où la politique du Gouvernement risque de plonger le pays, les électeurs hésitent et s'interrogent. »


?????????????????
Ce n'est pas compliqué :

Dans une énumération, il y a plusieurs sujets, et donc bien des virgules qui séparent le (ou les) sujet (s) du verbe.

Ensuite, le "d'autre part" évoque un autre usage des virgules. Il me semble qu'il faut une virgule après un complément circonstanciel qui est en tête de phrase et qui est long, et pas de virgule s'il est court, mais je me trompe peut-être.
14 juin 2012, 16:04   Re : Question de virgules
Citation
Renaud Camus
?????????????????

Oui, le soleil tape dur, parfois (la pensée s'embrouille un peu).
14 juin 2012, 16:14   Re : Question de virgules
Je retrouve un petit volume de 1680, Exposition de la Doctrine de l'Eglise Catholique... par Messire Jacques Bénigne Bossuet... J'en reproduis quelques lignes en respectant la ponctuation :

"Il femblait que Meffieurs de la Religion Pretenduë Reformée , en lisant ce Traité , devoient du moins avoüer que la Doctrine de l'Eglife y eftoit fidellement expofée. La moindre chofe qu'on puft accorder à un Evefque , c'eft qu'il ait fceu fa Religion , & qu'il ait parlé sans déguifement dans une matiere , où la diffimulation ferait un crime. Cependant il n'en eft pas arrivé ainfi. Ce Traité n'eftant encore écrit qu'à la main , fut employé à l'inftruction de plufieurs perfonnes particulieres, & il s'en répandit beaucoup de copies.Auffitoft on entendit les honneftes gens de la Religion Pretendüe Reformée dire prefque par tout , que s'il eftoit approuvé , il leveroit à la vérité de grandes difficultez ; mais que l'Auteur n'oferait jamais le rendre public ; & que s'il l'entreprenoit , il n'éviteroit pas la cenfure de toute sa Communion , principalement celle de Rome , qui ne s'accommoderoit pas de ses maximes."
14 juin 2012, 16:47   What ?
Les espaces avant les virgules sont dans l'original ?
14 juin 2012, 16:55   Re : Question de virgules
Oui, cela paraît assez fantaisiste car ce n'est pas systématique.
Stéphane,


Je vous remercie pour vos explications, qui sont fort claires, et, ne connaissant pas bien le sujet, je me permets d'insister.

Ma question porte, assez largement et sans doute de façon confuse, sur ces "virgules de respiration".

Dans l'énumération, je lui vois ce statut, à tort peut être.

Le second type d'exemple me semble plus pertinent je pense qu'il faut une virgule dans un cas et non dans l'autre. Les deux phrases sont, du point de vue de la syntaxe, analogues, je ne vois là qu'une respiration nécessaire après un long complément.

Suis-je dans l'erreur, ou non ?
14 juin 2012, 17:11   Re : Question de virgules
Cela illustre bien le fait qu'entre le XVIIe siècle et le milieu du XXe la langue — ici la langue écrite — continue à se perfectionner, à devenir plus précise, plus rationnelle.

[il y a une différence entre le "f" et le "s" écrit comme un "f" sans barre au centre. Mieux vaut donc transcrire ce dernier avec le "s" moderne.]

Ce texte est sur Gallica.
15 juin 2012, 16:34   Re : Question de virgules
Je me rends compte que j'ai été plutôt confuse.

Pour faire simple et aller vite je dirai que la règle est : soit de ne pas mettre du tout de virgule ni avant ni après un complément circonstanciel qui précède un complément d'objet ; soit de le mettre entre deux virgules. C'est pourquoi la phrase : " Elle est la première femme à devancer de manière significative, les partis comme le NPA ... " est fautive car il n'y a qu'une virgule après le complément circonstanciel, alors qu'il en aurait fallu une autre avant ou pas du tout.
15 juin 2012, 17:04   Re : Question de virgules
Chère Cassandre, vous résumez à merveille ce que j'essayais de dire.
Mais alors, quelle est la construction correcte ?

Au bord de l'abîme où la politique du Gouvernement risque de plonger le pays, les électeurs hésitent et s'interrogent.

ou

Au bord de l'abîme où la politique du Gouvernement risque de plonger le pays les électeurs hésitent et s'interrogent.
15 juin 2012, 18:04   Re : Question de virgules
Le groupe nominal prépositionnel "au bord de l'abîme" et sa relative "où la politique du Gouvernement risque de plonger le pays" forment un complément circonstanciel de lieu (lieu métaphorique, bien entendu). Ce complément circonstanciel est placé avant le sujet et les verbes. L'usage veut que l'on mette une virgule après "pays".

Cela dit, la ponctuation des textes littéraires prend beaucoup de liberté avec l'usage. Le Traité de la ponctuation française de Jacques Drillon est riche d'exemples à ce sujet.
15 juin 2012, 18:09   Re : Question de virgules
Il s'agit dans ce cas non d'un complément circonstanciel mais d'une proposition subordonnée relative ayant certes un sens circonstanciel mais qui structurellement complète non un verbe mais un nom : l'antécédent "abîme" , et qui par conséquent ne fait qu'un avec lui et ne peut en être détaché comme ne pourrait en être détaché un adjectif épithète dont la proposition subordonnée relative est une sorte d'équivalent.
Oui, Varichkine, je pensais bien à une virgule après "pays", c'était ma première rédaction.

Dans le même temps, Cassandre et Varichkine, je ne mettrais pas de virgule dans la phrase :

"Au bord de l'abîme les Français hésitent et s'interrogent".

Je me demande si j'ai raison (ce qui voudrait dire qu'il y a bien des virgules "de respiration", puisque la syntaxe est la même et que seule la longueur du "pseudo complément circonstanciel" varie), ou si j'ai tort (nécessité d'une virgule dans tous les cas).
15 juin 2012, 18:39   Re : Question de virgules
Grevisse est d'accord avec Jean-Marc (et moi aussi) :

« Lorsque le complément adverbial est placé en tête de la phrase ou de la proposition, il est souvent suivi d'une virgule, surtout s'il a la forme d'une proposition (...)
Mais cet usage n'est pas toujours suivi (...). En particulier, la virgule n'est pas nécessaire si le complément est très court ou s'il y a inversion du sujet. »
15 juin 2012, 18:41   Re : Question de virgules
Il y a bien sûr des virgules de respiration, encore faut-il qu'elles ne bousculent pas trop la structure de la phrase.
Dans votre exemple il est préférable, en effet, de na pas mettre de virgule après "abîme". Toutefois, en mettre une serait tout à fait correct.
15 juin 2012, 19:04   Re : Question de virgules
Cher Jean-Marc,

En général, le complément circonstanciel est placé en début de phrase pour mettre en valeur la circonstance qu'il exprime. La virgule qui l'isole du reste de la phrase accentue cette mise en valeur. Sur le plan expressif, l'effet est comparable à celui d'une apposition.
Cependant, cet usage n'a plus guère de valeur expressive aujourd'hui. Il s'apparente à une tournure idiomatique.

J'écrirais cependant : "Au bord de l'abîme, les Français hésitent et s'interrogent."

Chère Cassandre,

Le complément circonstanciel est une fonction grammaticale. La proposition subordonnée relative est une classe grammaticale dont la fonction grammaticale est fixe : complément de l'antécédent. En l'occurrence, la subordonnée relative "où la politique du Gouvernement risque de plonger le pays" complète l'antécédent "abîme", noyau du groupe nominal prépositionnel "Au bord de l'abîme". La subordonnée relative n'a pas de sens circonstanciel puisqu'elle ne complète pas un verbe. C'est l'ensemble du groupe nominal "Au bord de l'abîme où la politique du Gouvernement risque de plonger le pays" qui forme un complément circonstanciel. Remplacez, comme vous le proposez, la relative par un adjectif épithète. Vous constaterez que cela forme encore un groupe nominal dont la fonction est également "complément circonstanciel".
Je crois donc que nous sommes d'accord sur l'essentiel, mais que vous m'avez mal lu.
15 juin 2012, 19:15   Re : Question de virgules
" ... mais que vous m'avez mal lu."
Pas du tout, cher Varichkine. J'ai simplement écrit mon message et l'ai envoyé avant d'avoir lu le vôtre.
Nous sommes, en effet, d'accord.
15 juin 2012, 19:17   Re : Question de virgules
Cher Marcel Meyer,

A quel "Grevisse" faites-vous référence, celui du beau-père (Maurice Grevisse) ou celui du gendre (André Goosse) ?

Vous savez sans doute que le premier prescrit tandis que le second décrit.
Ce que nous dit Cassandre, c'est que cette relative est, en apparence, "fermée" par une virgule, alors qu'elle ne débute pas par une virgule, pour la raison qu'elle évoque.

Ecrire :

Au bord de l'abîme, où la politique du Gouvernement risque de plonger le pays, les électeurs hésitent et s'interrogent.


Laisse penser qu'il y a un abîme pré-existant, alors que c'est une construction métaphorique, de mon point de vue.

Exemple :

A la charcuterie, où jambons et saucissons se trouvent en abondance, on vénère Saint-Antoine.
15 juin 2012, 19:22   Re : Question de virgules
Chère Cassandre,

Il n'y avait donc ni mauvaise lecture ni désaccord.

Cette discussion à propos de la virgule m'intéresse et m'amuse beaucoup. Elle décrit à merveille mes hésitations quand je dois faire certains choix de ponctuation.
15 juin 2012, 20:30   Re : Question de virgules
Cher Jean-Marc,

C'est précisément le sens métaphorique du complément circonstanciel, qui rend impossible l'emploi de la virgule après le nom "abîme". La relative ne peut être appositive. Elle ne peut être que déterminative et ne peut être supprimée sans rendre la phrase absurde ou inquiétante. On imagine difficilement des électeurs désespérés au point d'envisager le suicide ("Au bord de l'abîme, les électeurs hésitent et s'interrogent.")
La virgule placée après "pays" a une autre fonction. Elle ne sert pas à isoler la relative, mais à séparer le groupe nominal "Au bord de l'abîme où la politique du Gouvernement risque de plonger le pays" du reste de la phrase.
15 juin 2012, 21:23   Re : Question de virgules
Mon Grevisse est hélas assez récent (une vingtaine d'années) et très nettement descriptif plutôt que prescripteur, mais le passage cité me paraît juste.
15 juin 2012, 22:08   Re : Question de virgules
Cher Marcel Meyer,

Lorsque le sujet est inversé, je suis d'accord avec vous et avec votre "Grevisse". Si le complément est un adverbe, je suis également d'accord. En revanche, lorsqu'il s'agit d'un groupe nominal, je pense que le sujet, surtout s'il s'agit d'un groupe nominal sans préposition, risque d'être confondu avec le complément circonstanciel.
Par exemple, "La nuit, l'ombre disparaît." est préférable à "La nuit l'ombre disparaît."
15 juin 2012, 23:39   Re : Question de virgules
Il y a cependant des exceptions à la règle. Par exemple, comme il a déjà été souligné au début de ce fil, pour faire la différence entre catégorie particulière et généralité on peut adopter la relative entre deux virgules.

Ainsi la phrase : " Les immigrés qui détestent la France n'ont qu'à partir" indique plutôt une catégorie d'immigrés : ceux qui détestent la France. Ils sont les seuls qui devraient partir.
Mais, la phrase : " Les immigrés, qui détestent la France, n'ont qu'à partir" indique que tous les immigrés n'ont qu'à partir parce qu'ils détestent la France.
Toutefois, le purisme voudrait, selon moi, que dans ce deuxième cas, plutôt que les virgules, on utilise les tirets : " Les immigrés — qui détestent la France — n'ont qu'à partir.
15 juin 2012, 23:51   Re : Question de virgules
C'est aussi mon avis : les virgules peuvent avoir valeur d'incise, ce qui modifie alors le sens de ce que l'on exprime.
16 juin 2012, 12:18   Re : Question de virgules
Oui, cher Cassandre, les virgules qui encadrent une relative permettent de distinguer la relative appositive ou explicative de la relative déterminative.
Quant au choix entre les guillemets et les tirets, cela ne me semble pas relever du purisme, mais des intentions expressives. Les tirets mettent davantage en relief le groupe de mots qu'ils encadrent. Baudelaire les emploie avec une exceptionnelle subtilité, notamment dans ses Petits poèmes en prose. Du reste, Baudelaire est un génie de la ponctuation.
16 juin 2012, 12:51   Re : Question de virgules
"Il était (dans mon rêve) 2 ou 3 heures du matin, et je me promenais seul dans les rues. Je rencontre Castille, qui avait, je crois, plusieurs courses à faire, et je lui dis que je l'accompagnerai et que je profiterai de la voiture pour faire une course personnelle. Nous prenons donc une voiture. Je considérais comme un devoir d'offrir à la maîtresse d'une grande maison de prostitution un livre de moi qui venait de paraître. En regardant mon livre, que je tenais à la main, il se trouva que c'était un livre obscène, ce qui m'expliqua la nécessité d'offrir cet ouvrage à cette femme. De plus, dans mon esprit, cette nécessité était au fond un prétexte, une occasion de baiser, en passant, une des filles de la maison; ce qui implique que, sans la nécessité d'offrir le livre, je n'aurais pas osé aller dans une pareille maison.

Je ne dis rien de tout cela à Castille, je fais arrêter la voiture à la porte de cette maison, et je laisse Castille dans la voiture, me promettant de ne pas le faire attendre longtemps.

Aussitôt après avoir sonné et être entré, je m'aperçois que ma p... pend par la fente de mon pantalon déboutonné, et je juge qu'il est indécent de me présenter ainsi même dans un pareil endroit. De plus, en me sentant les pieds très mouillés, je m'aperçois que j'ai les pieds nus, et que je les ai posés dans une mare humide, au bas de l'escalier. Bah! me dis-je, je les laverai avant de baiser, et avant de sortir de la maison. Je monte. A partir de ce moment, il n'est plus question du livre."
Lettre à Charles Asselineau
16 juin 2012, 20:05   Re : Question de virgules
Concernant les propositions incises, justement, je remarque de plus en plus cette tendance désagréable consistant à mettre la proposition incise entre tirets, tout en ajoutant une virgule immédiatement après le second tiret (" —, "). Ce me semble être une erreur, d'une part parce qu'on ne peut pas avoir deux signes de ponctuation qui se suivent immédiatement, et d'autre part parce que cela est redondant étant donné que la virgule et le tiret ont, dans le cas des propositions incises, sensiblement la même valeur.
16 juin 2012, 21:07   Re : Question de virgules
Autres exemples (in Traité de la ponctuation française) :

« Sur les autres il mit aisément une étiquette : Lemerre, --- un passionné ; Victor, --- un bluffeur de peu d'envergure ; la femme, --- une victime. »

Joseph Kessel, Les captifs.

.......

« Et, --- comme le ciel tend parfois à bout de bras un beau nuage capitonné pour le repos de l'éclair, --- il offre le nid tout blanc, si blanc que s'y efface la bête blottie, invisible, fondante. »

Francis de Miomandre, Fugues.

.......

« Elle ignore l'Enfer comme le Purgatoire,
Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire,
Elle regardera la face de la Mort,
Ainsi qu'un nouveau-né, --- sans haine et sans remords. »

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal.
16 juin 2012, 21:19   Re : Question de virgules
Cher Marc Briand,

Merci. Tout est dans la ponctuation : rythme du récit, ton de la confession, affectation du libertin. Qui pourrait reprocher à Baudelaire de casser le rythme de la phrase ?
16 juin 2012, 21:50   Eloge de la discrétion
Autant l'utilisation de la virgule dans l'incise avant le tiret me semble fort curieuse — je crois d'ailleurs qu'il en a été question ici récemment —, autant la virgule après le tiret peut être à mon sens justifiée, si l'on veut signifier par là qu'on ménage une pause, non entre l'incise elle-même et la seconde partie de la phrase dans laquelle elle est insérée, mais entre la première et celle-là, ce qui veut dire que compte non tenu de l'incise, cette virgule aurait été placée là de toute façon.
Ainsi l'élément "extérieur" que constitue l'incise s'invite, mais demeure parfaitement courtois en l'occurrence, insistant qu'on fasse comme s'il n'était pas là ; nous conserverons donc la virgule.
16 juin 2012, 22:14   Éloge de la digression
Jacques Drillon n'a plus qu'à, --- ne m'en voulez pas --- après vous, revoir sa copie...
16 juin 2012, 22:29   Re : Eloge de la discrétion
Cher Pyrrhon, j'ai bien précisé que je trouvais curieux l'emploi de la virgule dans l'incise avant le tiret, comme ceci : « — ..., — » ; on peut bien sûr la placer avant le premier tiret.
Avant ou après, telle est la question...
16 juin 2012, 22:32   Re : Question de virgules
Dans le quatrain de Baudelaire, la virgule est indispensable. Son absence pourrait laisser croire que le groupe nominal "sans haine et sans remords" se rapporte à "un nouveau-né", ce qui serait curieux.
Quant au tiret, il souligne la portée morale du dernier groupe de mots ("sans haine et sans remords"). Il accentue la césure entre les deux hémistiches. ll "soutient" donc le rythme et le sens.
Aujourd'hui, dans les textes non littéraires, les caractères en gras remplacent les tirets.
16 juin 2012, 22:35   Re : Eloge de la discrétion
" Ce me semble être une erreur, d'une part parce qu'on ne peut pas avoir deux signes de ponctuation qui se suivent immédiatement, et d'autre part parce que cela est redondant étant donné que la virgule et le tiret ont, dans le cas des propositions incises, sensiblement la même valeur."
Je suis d'accord.
16 juin 2012, 22:50   Re : Eloge de la discrétion
» d'une part parce qu'on ne peut pas avoir deux signes de ponctuation qui se suivent immédiatement

Ah bon ?!?
Les anglicistes d'ici connaissent peut-être ce véritable traité de la virgule, intitulé Eats, Shoots and Leaves par Ms Lynne Truss. Ce titre est emprunté -- mais sans que l'auteure n'en souffle mot --, à une histoire drôle assez égrillarde qui se racontait dans les bureaux au moment de la pause, dans le Londres des années 90:

Que les âmes sensibles me pardonnent, je continue de la trouver irrésistible, même en traduction:

Un Espagnol à l'anglais très approximatif se fait aborder par une prostituée londonnienne qui paraît se découvrir un faible pour lui. Elle le fait monter chez elle. Lui cuisine un repas, puis enchaîne par des actes professionnels.

Les ébats terminés, l'homme se rhabille posément et s'apprête à prendre congé avec un sourire pour toute rémunération desdits actes. La femme l'arrête. "Tu n'oublies pas quelque chose ?

"Qué j'oublie, fait l'autre interloqué
-- Faut me payer ?
-- Te payer? Mais de quoi ? et comment ça "te payer"
-- Ben voui figure-toi, ch'u une professionnelle moi
-- Ah bon ?
-- Voui, tu piges ?une professionnelle, une prostituée ? A hooker ! you understand ?
-- Une Houkeur ? connais pas"

Belle de jour excédée lui jette un dictionnaire dans les bras:

"Là a Hooker, t'as qu'à vérifier patate !"

L'Espagnol déchiffre: "A hooker: A lady who negotiates her charms, etc..." Puis il feuillette le dictionnaire fébrilement.

"Ah oui j'ai compris !" Tu es une hooker. C'est bon. Et moi je suis un ... panda !

-- T'es un panda ? Tu te payes ma fiole à présent ? Et pourquoi un panda if you please ?
-- Oui un panda. Parce que le panda il fait comme moi: HE EATS, ROOTS, SHOOTS AND LEAVES !"
17 juin 2012, 03:53   Re : Eloge de la discrétion
Il est pourtant de notoriété publique, et c'est un sujet qui avait suscité ici même quelque émoi, que le panda, adorable animal, bande très mou.
17 juin 2012, 10:21   Re : Question de virgules
Citation
"on ne peut pas avoir deux signes de ponctuation qui se suivent immédiatement"

Le guillemet est un signe de ponctuation qui peut être précédé et suivi d'un autre signe de ponctuation.
Les règles de ponctuation sont loin d'être toutes fixées. Quand il s'agit de ponctuer, syntaxe, style et sens entrent parfois en concurrence. La ponctuation ne peut être soumise à la seule logique grammaticale. Elle peut même avoir une fonction esthétique.
17 juin 2012, 10:38   Re : Question de virgules
Oui c'est vrai mais parce que le guillemet ne sert pas à ponctuer mais à citer.
17 juin 2012, 11:28   Re : Question de virgules
La question est de savoir si l'on marque une pause lorsqu'on rencontre un guillemet. Cette question n'est pas tranchée. Si l'on doit marquer une pause, il sert bien à ponctuer.
Notez que les guillemets servent à délimiter une partie de la phrase : celle qui forme la citation. Les guillemets peuvent avoir d'autres fonctions : marquer l'ironie, signaler l'emploi d'un mot d'origine étrangère ou argotique... Dans tous les cas, ils distinguent le ou les mots qu'ils encadrent des autres mots de la phrase. Ils ont donc une fonction syntaxique. A ce titre, ils relèvent de la ponctuation comme la virgule, le point-virgule ou les tirets. Les parenthèses peuvent également être suivies d'une virgule et sont, d'un certain point de vue, comparables aux tirets. Tout n'est pas aussi clair qu'on pourrait le croire.
Génie et mauvais goût... : le mauvais goût sort vainqueur de l'épreuve et, le génie aidant, ce sont les manquements --- hélas ! --- qui passent en modèle, on a les plus grands noms pour colorer les fautes les plus déplorables, on a tous les moyens pour ruiner les lois qui nous appuient et les beautés qui nous élèvent...

(auteur in-connu)
Varichkine,


Il me semble en effet qu'on doit marquer une pause... il arrive même que je dise : "je cite"...

J'avoue n'avoir jamais envisagé les choses de cette façon.
17 juin 2012, 16:09   Re : Question de virgules
Citation
Varichkine
Le guillemet est un signe de ponctuation qui peut être précédé et suivi d'un autre signe de ponctuation.

Oui, et c'est également le cas pour les parenthèses, mais il me semble qu'il s'agit là des deux seuls cas qui justifient que deux signes de ponctuation se suivent.
17 juin 2012, 16:43   Re : Question de virgules
» Il me semble en effet qu'on doit marquer une pause...

Depuis quand fait-on respirer l'œil avec un signe de ponctuation ? --- avec un espacement, je veux bien, mais pas avec un caractère...
Par exemple depuis qu'on fait des paragraphes.
17 juin 2012, 17:09   Re : Question de virgules
Pourtant dans mon esprit les paragraphes procédent d'avantage de l'espace nécessaire à leur séparation... que du signe qui les précède. (bien sûr, il s'agit d'un cadre général)
Citation
Varichkine
Cher Jean-Marc,

C'est précisément le sens métaphorique du complément circonstanciel, qui rend impossible l'emploi de la virgule après le nom "abîme".

Cher Varichkine, croyez que j'ai apprécié vos longs développements sur la ponctuation en général et sur la virgule en particulier, mais là, il me semble, tout de même, que vous auriez dû être un peu plus vigilant.
20 juin 2012, 15:25   Re : Question de virgules
Cher Francmoineau,

En dehors de la virgule après "circonstanciel", je ne vois pas en quoi ma vigilance aurait pu être trompée. Peut-être ai-je la berlue.
En ce qui concerne cette virgule, elle n'est en rien une étourderie ou une faute à mes yeux. Citant Le Tartuffe de Molière en exemple, Jacques Drillon écrit : " […] si le relatif est trop loin du terme auquel il se rapporte, soit qu'il ait été séparé de lui par un complément, des adjectifs, ou qu'il ait été suivi d'une autre incidente, alors il faut une virgule avant la subordonnée."

Voici la citation de Molière :

"Nous perdons des moments en bagatelles pures,
Qu'il faudrait employer à prendre des mesures."

Dans ma phrase, le mot auquel se rapporte la subordonnée "qui rend impossible l'emploi de la virgule après le nom "abîme"" est "sens". Le relatif me semble suffisamment loin de ce mot pour justifier l'emploi de la virgule.

Merci, tout de même, d'apprécier mes "bavardages".
Votre explicitation, cher Varichkine, est cohérente, à défaut d'être vraiment convaincante. Merci en tout cas de nous l'avoir livrée. Permettez-moi quand même de ne pas être satisfait de deux choses. D'abord, de l'exemple que vous citez, quand même il vient de l'ouvrage de référence de Drillon (livre que j'admire beaucoup) : ce sont là en effet des vers, non de la prose ; cela change beaucoup de choses. La versification implique un rapport à la ponctuation bien autre que celui qui régit l'écriture "ordinaire" (ici, beaucoup de guillemets, naturellement). Il y a lieu de croire que, délivré de la contrainte de la rime, par exemple, Molière eût écrit : "Nous perdons en bagatelles pures des moments qu'il faudrait employer à prendre des mesures." Ensuite, vous nous dites : « Dans ma phrase, le mot auquel se rapporte la subordonnée "qui rend impossible l'emploi de la virgule après le nom "abîme"" est "sens" » Eh bien je trouve, moi, que, malgré le fait que vous ayez raison sur le plan du sens (c'est même tellement évident que, précisément, la virgule n'était pas justifiée...), vous avez tort sur celui de la syntaxe ; car la forme c'est... que ne souffre pas qu'on la disjoigne. Auriez-vous écrit : "C'est l'homme à la voix d'or, qui chante" ? Ou encore : "C'est le genre de préparation culinaire, que je préfère" ?
20 juin 2012, 21:13   Re : Question de virgules
C'est toute la différence entre le XVIIe et le XXIe siècle : voir, ci-dessus, la ponctuation de Bossuet.

Merci pour la virgule, je n'avais pas appuyé assez fort.
21 juin 2012, 11:50   Incise
Il y a une virgule après ci-dessus.

[Ah, vous survolez les touches, vous aussi ? Excusez, cher Marc Briand, le côté un peu "sec" de mon message !]
21 juin 2012, 21:00   Re : Question de virgules
Nous perdons des moments en bagatelles pures,
Qu'il faudrait employer à prendre des mesures


Voilà qui résume assez bien la portée de cette discussion et devrait servir à la clore élégamment.
Mais Francis, vous savez bien (ou devriez savoir, vous qui sentez par-dessus et par-dessous les choses) que le temps passé à disputer de la virgule n'est pas soustrait à celui que l'on doit consacrer à prendre des mesures !... Pas d'arithmétique qui tienne, dans cette histoire! Les deux ne se retranchent pas, ils coexistent, mieux : ils s'épaulent ! L'un n'est pas sans l'autre, et réciproquement ! Et c'est bien sur le forum politique de l'In-nocence qu'il convient de s'écharper pour un tiret, ou une formule de politesse, précisément...
27 juin 2012, 14:30   Re : Question de virgules
Cher Francmoineau,

Occupé à des tâches "sérieuses", auxquelles j'ai eu la légèreté de me consacrer, je n'ai pu répondre plus tôt à votre message. N'ayant aucune mesure à prendre à présent, je reviens à mes graves bagatelles.
Vous écrivez "la forme c'est...que ne souffre pas qu'on la disjoigne". Souffrez que je vous apporte la contradiction.
Il ne s'agit pas d'une forme ou d'une construction particulière. Le présentatif "c'est" n'est pas nécessairement suivi du pronom relatif "qui" ou "que" (ex. : "C'est la maison de mon enfance.").
Voici des exemples qui prouvent que l'on peut placer une virgule avant "qui" ou "que" :

"C'est le médecin de famille qui a soigné mon fils." (un médecin particulier)

"C'est le médecin de famille, qui a soigné mon fils." (le médecin de famille, et non le spécialiste)

"C'est le pommier que j'ai planté dans mon jardin." (un pommier particulier)

"C'est le pommier, que j'ai planté dans mon jardin." (le pommier, et non le prunier ou le cerisier)

Là encore, la distinction entre la relative déterminative et la relative appositive ou explicative est nécessaire car c'est d'elle que dépend le sens de la phrase. La syntaxe est respectée dans tous les exemples ci-dessus.

Merci, en tout cas, d'avoir élégamment défendu cette discussion face aux critiques d'un homme trop grave pour s'abandonner à des bagatelles et trop léger pour en saisir la portée.
Merci, en tout cas, d'avoir élégamment défendu cette discussion face aux critiques d'un homme trop grave pour s'abandonner à des bagatelles et trop léger pour en saisir la portée.

Tss tss... Cher Varichkine, vous semblez un peu trop piqué au vif ; pourquoi conclure chacun de vos messages à mon intention par une remarque ironique ? Moi aussi je prends à cœur ces choses-là, mais je n'en fais pas une affaire personnelle. Ferraillons pour défendre nos vues, mais laissons l'amour-propre de côté !
Vous ne serez peut-être pas surpris que je ne sois pas d'accord avec votre dernière intervention ? "Il ne s'agit pas d'une forme ou d'une construction particulière", dites-vous. Je dis, moi, que c'en est tellement une que vous trouverez un paragraphe complet (le 447) qui en traite spécialement dans votre Grevisse, et qui figure au chapitre "La mise en relief". Je ne vous détaillerai donc pas plus avant les détails de la chose, me contentant de vous conseiller d'y aller voir. Vous noterez au passage qu'il n'y est nullement question de virgule séparant l'antécédent du relatif.
Quant à vos exemples, encore un coup, ils ne me convainquent pas. La virgule que vous introduisez n'est nullement nécessaire à la distinction du sens que vous précisez entre parenthèses, précision qui sera bien suffisamment amenée par le contexte. En d'autres termes, ces phrases ne tiennent pas seules.
27 juin 2012, 17:10   Re : Question de virgules
Cher Francmoineau,

Il n'y a aucune ironie dans la conclusion de mes messages. Je suis convaincu que vous prenez réellement à coeur ces choses-là. Dans le cas contraire, vous ne prendriez pas la peine de me répondre et trancheriez en une phrase, comme Francis Marche. N'allez pas croire que je suis "piqué au vif". Je place mon amour-propre ailleurs que dans ce type de controverses. Du reste, j'ai écrit plus haut que cette discussion m'amusait et m'intéressait car elle traduisait à merveille mes propres hésitations. Je n'en fait donc pas une affaire. Si quelque chose m'a agacé, c'est la façon dont Francis Marche s'y est pris pour tenter de clore la discussion. Je vous rendais grâce de lui avoir répondu comme je l'aurais fait. Croyez bien que je ne cherche pas à jouer au plus fin comme certains sur ce forum. J'ai du respect pour tout ce qui s'y écrit quand c'est écrit de bonne foi.

Vous n'êtes pas convaincu par mes exemples ; je ne le suis pas non plus par votre explication, qui suppose que le contexte est suffisant et que l'on peut se passer d'une virgule.
Je vais néanmoins consulter mon Grevisse. Permettez-moi de vous conseiller la lecture de la Grammaire méthodique du français de Riegel, Pellat et Rioul, notamment le chapitre que ces auteurs consacrent aux relatives.

Au plaisir de vous lire à propos d'une virgule ou d'autres choses.
Utilisateur anonyme
27 juin 2012, 18:21   Re : Question de virgules
(Message supprimé à la demande de son auteur)
27 juin 2012, 21:17   Re : Question de virgules
Parfois, oui, ce genre de remarques est nécessaire, cher Didier Bourjon. Je m'étonne, par ailleurs, que les formules de politesse se perdent. Ne me rappeliez-vous pas, il y a peu, qu'on préfère "cher Didier Bourjon" sur ce forum ?
Utilisateur anonyme
27 juin 2012, 22:31   Re : Question de virgules
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
27 juin 2012, 22:48   Re : Question de virgules
15 partout.
28 juin 2012, 11:21   Commentaire sportif
Le point fort de Bourjon est le revers "long de ligne", indéniablement.
28 juin 2012, 11:37   Re : Question de virgules
Cher Didier Bourjon,

Il n' y a pas de pseudo "certains", en effet. Cherchez bien cependant : le "diable" est dans les détails. Voyez, par exemple, l'usage parfois abusif des adverbes d'affirmation.
Utilisateur anonyme
28 juin 2012, 12:42   Re : Question de virgules
(Message supprimé à la demande de son auteur)
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