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Communiqué n°582 : Sur l'appel du président de la République au président de la Cour de cassation

Le parti de l'In-nocence a été douloureusement surpris par la grande indulgence témoignée par le Conseil constitutionnel à l'égard du projet de loi gouvernemental et présidentiel sur la rétention de sûreté, projet dont il n'eût pas imaginé pour sa part qu'il pût être, en une aussi large mesure, jugé conforme à la Constitution. D'autant plus grande est sa stupéfaction aujourd'hui de voir le président de la République — jugeant sans doute insuffisante cette indulgence inespérée — manifester le désir de tourner juridiquement les quelques points qui n'ont par reçu l'aval du Conseil constitutionnel et faire appel, en ce dessein, au président de la Cour de cassation, au risque de dresser l'une contre l'autre deux des plus hautes juridictions françaises.

Le parti de l'In-nocence n'aperçoit d'un peu consolant dans l'incroyable situation crée par l'initiative du garant de la Contitution que la porte qu'elle pourrait ouvrir le cas échéant, par son inconstitutionnalité manifeste et les conséquences qu'il faudrait bien en tirer, s'il s'avérait que décidément un changement est inévitable à la tête de l'État.
25 février 2008, 22:11   Indulgence
Monsieur le secrétaire,

Cette loi me déplait profondément. Cela étant, le Juge constitutionnel n'a pas à juger en opportunité, mais à vérifier la compatibilité avec notre Constitution.

Voici en lien sa décision, in extenso :

[www.conseil-constitutionnel.fr]


Le respect qu'on doit au Conseil (et que le Président ne lui manifeste d'ailleurs pas, comme vous le soulignez) suppose qu'on ne porte pas de ugement de valeur sur ses décisions.

Je regrette donc la présence du mot "indulgence" dans votre texte.

Cette mise en parallèle de "l'indulgence" et du comportement du Chef de l'Etat me paraît nuire à la carté de la démonstration.

Pour conclure, on peut aimer ou ne pas aimer cette loi (pour ma part, je ne l'aime pas). Mais on ne peut critiquer le Conseil et reprocher au Président d'essayer de le contourner, cela est de même nature.
Utilisateur anonyme
25 février 2008, 22:30   Re : Un contrôle de constitutionnalité adéquat
Pour juger sur pièces, voici la décision du Conseil constitutionnel critiquée comme trop indulgente par le PI. Le Conseil a retenu. à juste titre selon moi, que la mesure de rétention de sûreté, n'était pas une peine, mais une mesure destinée à protéger la société contre la dangerosité de certains criminels, que la loi instituant cette mesure ne pouvait pas avoir d'effet rétroactif et que les principes constitutionnels d'adéquation, de nécessité et de proportionnalité devaient être respectés, ce qui, sous les quelques réserves d'interprétation énoncées, étaient bien le cas en l'espèce. Peu à redire....

"1.Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental ; qu'ils contestent notamment la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 3 et 13 ; que les députés critiquent en outre les dispositions de son article 12, et les sénateurs celles de son article 4 ;

- SUR LA RÉTENTION DE SÛRETÉ ET LA SURVEILLANCE DE SÛRETÉ :

2. Considérant que le I de l'article 1er de la loi déférée insère, dans le titre XIX du livre IV du code de procédure pénale intitulé : « De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes », un chapitre III intitulé : « De la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté » composé des articles 706-53-13 à 706-53-21 du code de procédure pénale ; que ces articles prévoient les conditions dans lesquelles une personne peut être placée en rétention de sûreté ou en surveillance de sûreté après l'exécution d'une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration commis soit sur une victime mineure, soit sur une victime majeure à condition, dans ce dernier cas, que le crime ait été commis avec certaines circonstances aggravantes ;

3. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale : « La rétention de sûreté consiste dans le placement de la personne intéressée en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel il lui est proposé, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette mesure » ; qu'elle ne peut être prononcée que si la cour d'assises qui a condamné l'intéressé pour l'un des crimes précités a expressément prévu le réexamen de sa situation à la fin de sa peine en vue d'une éventuelle rétention de sûreté, que si cette personne présente « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elle souffre d'un trouble grave de la personnalité » et, enfin, que si aucun autre dispositif de prévention n'apparaît suffisant pour prévenir la récidive des crimes précités ; qu'aux termes de l'article 706-53-14 : « La situation des personnes mentionnées à l'article 706-53-13 est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l'article 763-10, afin d'évaluer leur dangerosité. - A cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts » ; que cette commission ne peut proposer la rétention de sûreté, par un avis motivé, que si elle estime que ces conditions sont remplies ;

4. Considérant qu'en vertu des articles 723-37, 723-38 et 763-8 du code de procédure pénale, tels que résultant de la loi déférée, le placement d'une personne en surveillance de sûreté consiste à prolonger, au-delà du terme fixé pour une mesure de surveillance judiciaire ou un suivi socio-judiciaire, tout ou partie des obligations auxquelles cette personne est astreinte au titre de l'une ou l'autre de ces mesures, notamment le placement sous surveillance électronique mobile ; qu'aux termes de l'article 723-37 du code de procédure pénale, cette mesure ne peut être prononcée qu'après expertise médicale constatant la persistance de la dangerosité et dans le cas où « les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13 » et si elle « constitue l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est élevée, de ces infractions » ; qu'en vertu de l'article 706-53-19 du même code, la surveillance de sûreté peut également être ordonnée si la rétention de sûreté n'est pas prolongée ou s'il y est mis fin alors que la personne présente des risques de commettre les infractions mentionnées à l'article 706-53-13 ;

5. Considérant que le I de l'article 13 de la loi déférée organise les conditions dans lesquelles certaines personnes exécutant, à la date du 1er septembre 2008, une peine de réclusion criminelle peuvent, d'une part, être soumises, dans le cadre d'une surveillance judiciaire, d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance de sûreté, à une obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile et, d'autre part, peuvent, à titre exceptionnel, être placées en rétention de sûreté ; que son II prévoit que la surveillance de sûreté et la rétention de sûreté sont applicables aux personnes condamnées après la publication de la loi pour des faits commis antérieurement ; que son III rend immédiatement applicables, après la publication de la loi, les dispositions relatives à la surveillance de sûreté et autorise, en cas de méconnaissance des obligations qui en résultent, un placement en rétention de sûreté ;

6. Considérant que, selon les requérants, dès lors qu'elle est ordonnée par une juridiction à l'issue d'une procédure pénale, afin de prolonger, au delà de l'exécution de la peine initialement prononcée, la privation de liberté de personnes ayant commis des crimes particulièrement graves, la rétention de sûreté constitue un complément de peine revêtant le caractère d'une sanction punitive ; qu'elle méconnaîtrait l'ensemble des principes constitutionnels résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elle porterait atteinte au principe de légalité des délits et des peines, dès lors qu'elle « ne vient sanctionner aucune infraction clairement déterminée » et qu'elle n'est elle-même pas limitée dans le temps ; que, dans la mesure où « il existe des alternatives comme le suivi socio-judiciaire institué par la loi du 17 juin 1998 ou celui de la surveillance judiciaire institué par la loi du 12 décembre 2005 », la rétention de sûreté violerait le principe de nécessité des peines ; que la privation de liberté imposée à une personne qui a déjà exécuté sa peine, à raison de faits de récidive qu'elle pourrait éventuellement commettre, violerait à la fois le droit à la présomption d'innocence, l'autorité de la chose jugée et le principe non bis in idem ; que cet enfermement « sans aucun terme prévisible », qui peut être renouvelé indéfiniment en fonction d'une probabilité de récidive, serait manifestement disproportionné ; que l'évaluation de la dangerosité présenterait trop d'incertitudes et d'imprécisions pour justifier une grave privation de liberté ; que la rétention constituerait en définitive une détention arbitraire prohibée par l'article 66 de la Constitution et une atteinte à la protection de la dignité de la personne humaine ; qu'enfin, son application aux personnes condamnées pour des faits commis antérieurement à la promulgation de la loi porterait atteinte au principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;

7. Considérant que les députés requérants soutiennent, en outre, que, même si la rétention de sûreté devait être considérée comme une mesure non punitive, elle contreviendrait aux articles 4 et 9 de la Déclaration de 1789 qui prohibe la rigueur non nécessaire en matière de restrictions apportées à la liberté individuelle, à la liberté personnelle ou au respect de la vie privée ; que le principe du respect de la présomption d'innocence interdirait qu'une personne puisse être privée de sa liberté en l'absence de culpabilité établie, quelles que soient les garanties procédurales entourant la mise en œuvre de ce dispositif ;

. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ;

9. Considérant que, si, pour les personnes condamnées après l'entrée en vigueur de la loi, la rétention de sûreté ne peut être ordonnée que si la cour d'assises a expressément prévu, dans sa décision de condamnation, le réexamen, à la fin de sa peine, de la situation de la personne condamnée en vue de l'éventualité d'une telle mesure, la décision de la cour ne consiste pas à prononcer cette mesure, mais à la rendre possible dans le cas où, à l'issue de la peine, les autres conditions seraient réunies ; que la rétention n'est pas décidée par la cour d'assises lors du prononcé de la peine mais, à l'expiration de celle-ci, par la juridiction régionale de la rétention de sûreté ; qu'elle repose non sur la culpabilité de la personne condamnée par la cour d'assises, mais sur sa particulière dangerosité appréciée par la juridiction régionale à la date de sa décision ; qu'elle n'est mise en œuvre qu'après l'accomplissement de la peine par le condamné ; qu'elle a pour but d'empêcher et de prévenir la récidive par des personnes souffrant d'un trouble grave de la personnalité ; qu'ainsi, la rétention de sûreté n'est ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d'une punition ; que la surveillance de sûreté ne l'est pas davantage ; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants ;

10. Considérant, toutefois, que la rétention de sûreté, eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu'elle est prononcée après une condamnation par une juridiction, ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement ; que, dès lors, doivent être déclarés contraires à la Constitution les alinéas 2 à 7 du I de l'article 13 de la loi déférée, son II et, par voie de conséquence, son IV ;

. En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte aux articles 9 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ; que l'article 66 de la Constitution dispose que : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;

12. Considérant que la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté ne sont pas des mesures répressives ; que, dès lors, le grief tiré de la violation de la présomption d'innocence est inopérant ;

13. Considérant que la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté doivent respecter le principe, résultant des articles 9 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe en effet au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l'objectif de prévention poursuivi ;

- Quant à l'adéquation :

14. Considérant qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, le placement de la personne en centre socio-médico-judiciaire de sûreté est destiné à permettre, au moyen d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique qui lui est proposée de façon permanente, la fin de cette mesure ; qu'en effet, la rétention de sûreté est réservée aux personnes qui présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité ; qu'eu égard à la privation totale de liberté qui résulte de la rétention, la définition du champ d'application de cette mesure doit être en adéquation avec l'existence d'un tel trouble de la personnalité ;

15. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, ne peuvent faire l'objet d'une mesure de rétention de sûreté que les personnes qui ont été « condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes, commis sur une victime mineure, d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration » ; que cet article ajoute qu'il « en est de même pour les crimes, commis sur une victime majeure, d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222‑26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal » ; qu'eu égard à l'extrême gravité des crimes visés et à l'importance de la peine prononcée par la cour d'assises, le champ d'application de la rétention de sûreté apparaît en adéquation avec sa finalité ;

16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 706-53-14 du code de procédure pénale : « La situation des personnes mentionnées à l'article 706-53-13 est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l'article 763-10, afin d'évaluer leur dangerosité. – A cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts » ; que ces dispositions constituent des garanties adaptées pour réserver la rétention de sûreté aux seules personnes particulièrement dangereuses parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité ;

- Quant à la nécessité :

17. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à la gravité de l'atteinte qu'elle porte à la liberté individuelle, la rétention de sûreté ne saurait constituer une mesure nécessaire que si aucune mesure moins attentatoire à cette liberté ne peut suffisamment prévenir la commission d'actes portant gravement atteinte à l'intégrité des personnes ;

18.Considérant qu'en application des articles 706-53-13 et 706-53-14 du code de procédure pénale, la rétention de sûreté ne peut être décidée qu'« à titre exceptionnel » à l'égard d'une personne condamnée à une longue peine pour des faits d'une particulière gravité et si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation qu'elle pourra faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté ; que la dangerosité de cette personne est appréciée à l'expiration de la peine, au moyen d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts ; qu'en vertu de l'article 706-53-14 du code de procédure pénale, cette mesure ne peut être ordonnée que si la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, qui propose celle-ci, et la juridiction régionale de la rétention de sûreté, qui en décide, estiment que « les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d'une injonction de soins ou d'un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire, apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13 » et que « cette rétention constitue ainsi l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions » ; que ces dispositions garantissent que la juridiction régionale de la rétention de sûreté ne pourra ordonner une mesure de rétention de sûreté qu'en cas de stricte nécessité ;

19.Considérant, en deuxième lieu, que le maintien d'une personne condamnée, au-delà du temps d'expiration de sa peine, dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté afin qu'elle bénéficie d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique doit être d'une rigueur nécessaire ; qu'il en est ainsi lorsque ce condamné a pu, pendant l'exécution de sa peine, bénéficier de soins ou d'une prise en charge destinés à atténuer sa dangerosité mais que ceux-ci n'ont pu produire des résultats suffisants, en raison soit de l'état de l'intéressé soit de son refus de se soigner ;

20. Considérant que le III de l'article 1er de la loi déférée insère dans le code de procédure pénale un article 717-1 A qui prévoit que, dans l'année qui suit sa condamnation définitive, la personne condamnée dans les conditions précitées est placée, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé permettant de déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire et de définir un « parcours d'exécution de la peine individualisé » incluant, si nécessaire, des soins psychiatriques ; que le V de ce même article complète l'article 717-1 du même code, par un alinéa aux termes duquel : « Deux ans avant la date prévue pour la libération d'un condamné susceptible de relever des dispositions de l'article 706-53-13, celui-ci est convoqué par le juge de l'application des peines auprès duquel il justifie des suites données au suivi médical et psychologique adapté qui a pu lui être proposé en application des deuxième et troisième alinéas du présent article. Au vu de ce bilan, le juge de l'application des peines lui propose, le cas échéant, de suivre un traitement dans un établissement pénitentiaire spécialisé » ; qu'aux termes de l'article 706-53-14 : « La situation des personnes mentionnées à l'article 706-53-13 est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté… - À cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts » ;

21. Considérant que le respect de ces dispositions garantit que la rétention de sûreté n'a pu être évitée par des soins et une prise en charge pendant l'exécution de la peine ; qu'il appartiendra, dès lors, à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre ; que, sous cette réserve, la rétention de sûreté applicable aux personnes condamnées postérieurement à la publication de la loi déférée est nécessaire au but poursuivi ;

- Quant à la proportionnalité :

22. Considérant que la rétention de sûreté ne peut être prononcée que sur avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, par une juridiction composée de trois magistrats de la cour d'appel ; qu'elle est décidée après un débat contradictoire et, si le condamné le demande, public ; que le condamné est assisté d'un avocat choisi par lui ou, à défaut, commis d'office ; que, passé un délai de trois mois après que la décision de rétention de sûreté est devenue définitive, la personne placée en rétention de sûreté peut demander qu'il soit mis fin à cette mesure ; qu'en outre, il y est mis fin d'office si la juridiction régionale de la rétention de sûreté n'a pas statué sur la demande dans un délai de trois mois ; que les décisions de cette juridiction peuvent être contestées devant la Juridiction nationale de la rétention de sûreté dont les décisions peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation ; qu'enfin, aux termes de l'article 706-53-18 du code de procédure pénale : « La juridiction régionale de la rétention de sûreté ordonne d'office qu'il soit immédiatement mis fin à la rétention de sûreté dès lors que les conditions prévues… ne sont plus remplies » ; qu'il ressort de ces dispositions que l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de la personne retenue, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ; que, dès lors, le législateur a assorti la procédure de placement en rétention de sûreté de garanties propres à assurer la conciliation qui lui incombe entre, d'une part, la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire et, d'autre part, l'objectif de prévention de la récidive poursuivi ;

23. Considérant qu'en application de l'article 706-53-16 du code de procédure pénale, la décision de rétention de sûreté est valable pour une durée d'un an mais peut être renouvelée, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, selon les modalités prévues par l'article 706-53-15 et pour la même durée, dès lors que les conditions fixées par l'article 706-53-14 sont remplies ; qu'en vertu de l'avant dernier alinéa de l'article 723-37 du code de procédure pénale, le placement en surveillance de sûreté peut également être renouvelé pour une même durée ; que le nombre de renouvellements n'est pas limité ; qu'il ressort de ces dispositions que le renouvellement de la mesure ne pourra être décidé que si, à la date du renouvellement, et au vu, selon le cas, de l'évaluation pluridisciplinaire ou de l'expertise médicale réalisée en vue d'une éventuelle prolongation de la mesure, celle-ci constitue l'unique moyen de prévenir la commission des crimes visés à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale ; qu'ainsi, afin que la mesure conserve son caractère strictement nécessaire, le législateur a entendu qu'il soit régulièrement tenu compte de l'évolution de la personne et du fait qu'elle se soumet durablement aux soins qui lui sont proposés ; que, dès lors, le grief tiré de ce que le renouvellement de la mesure sans limitation de durée est disproportionné doit être écarté ;

- SUR L'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL :

24. Considérant que l'article 3 de la loi déférée insère, dans le code de procédure pénale, un titre XXVIII intitulé : « De la procédure pénale et des décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental » composé des articles 706-119 à 706-140 du code de procédure pénale ; que ces articles sont répartis dans trois chapitres, le premier étant relatif aux dispositions applicables devant le juge d'instruction et la chambre de l'instruction, le deuxième aux dispositions applicables devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises, le troisième aux mesures de sûreté pouvant être ordonnées en cas de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ; que l'article 4 coordonne plusieurs dispositions du code de procédure pénale avec la création de la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ;

. En ce qui concerne l'article 3 :

25. Considérant que les requérants font grief aux dispositions prévues par l'article 3 de méconnaître les droits de la défense ainsi que le droit à un procès équitable ; qu'ils critiquent, à cet égard, le fait que la chambre de l'instruction, lorsqu'elle est saisie, puisse déclarer à la fois qu'il existe des charges suffisantes contre une personne d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés et qu'elle est irresponsable pénalement ; qu'ils dénoncent dans cette procédure une confusion des fonctions d'instruction et de jugement portant atteinte à la présomption d'innocence de la personne concernée ; qu'il en résulterait corrélativement, selon eux, une atteinte aux droits de la défense des éventuels coauteurs et, notamment, au respect de leur présomption d'innocence ; qu'ils dénoncent, enfin, comme étant contraire au principe de nécessité des délits et des peines, la création d'une infraction réprimant la méconnaissance d'une mesure de sûreté par une personne déclarée pénalement irresponsable ;

26. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'article 706-125 du code de procédure pénale que, lorsque, à l'issue de l'audience sur l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la chambre de l'instruction estime que les charges sont suffisantes contre la personne mise en examen et que cette dernière relève de l'article 122-1 du code pénal, cette chambre n'est compétente ni pour déclarer que cette personne a commis les faits qui lui sont reprochés ni pour se prononcer sur sa responsabilité civile ; que, dès lors, les griefs invoqués manquent en fait ;

27. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article 706-139 du code de procédure pénale, qui répriment la méconnaissance des mesures de sûreté ordonnées à l'encontre d'une personne déclarée pénalement irresponsable, ne dérogent pas aux dispositions de l'article 122-1 du code pénal en vertu desquelles l'irresponsabilité pénale d'une personne à raison de son état mental ou psychique s'apprécie au moment des faits ; que, dès lors, le délit prévu par l'article 706-139 n'aura vocation à s'appliquer qu'à l'égard de personnes qui, au moment où elles ont méconnu les obligations résultant d'une mesure de sûreté, étaient pénalement responsables de leurs actes ; que, dès lors, le grief tiré de l'atteinte au principe de nécessité des délits et des peines doit être écarté ;

. En ce qui concerne l'article 4 :

28. Considérant que le VIII de l'article 4 de la loi déférée, qui complète l'article 768 du code de procédure pénale, prévoit l'inscription au casier judiciaire national automatisé des décisions d'irresponsabilité pénale prononcées pour cause de trouble mental ; que son X, qui complète l'article 775 du même code, prévoit que ces décisions ne figurent pas au bulletin n° 2 du casier judiciaire, sauf si ont été prononcées des mesures de sûreté prévues par le nouvel article 706-136 et tant que ces interdictions n'ont pas cessé leurs effets ;

29. Considérant que, selon les requérants, les dispositions précitées, qui contreviendraient aux principes de nécessité et de proportionnalité énoncés par la loi du 6 janvier 1978 susvisée, porteraient atteinte aux garanties légales du droit au respect de la vie privée ;

30. Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre le respect de la vie privée et d'autres exigences constitutionnelles liées notamment à la sauvegarde de l'ordre public ;

31. Considérant que la décision de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ne revêt pas le caractère d'une sanction ; que, lorsque aucune mesure de sûreté prévue par l'article 706-136 du code de procédure pénale n'a été prononcée, cette information ne peut être légalement nécessaire à l'appréciation de la responsabilité pénale de la personne éventuellement poursuivie à l'occasion de procédures ultérieures ; que, dès lors, eu égard aux finalités du casier judiciaire, elle ne saurait, sans porter une atteinte non nécessaire à la protection de la vie privée qu'implique l'article 2 de la Déclaration de 1789, être mentionnée au bulletin n° 1 du casier judiciaire que lorsque des mesures de sûreté prévues par le nouvel article 706-136 du code de procédure pénale ont été prononcées et tant que ces interdictions n'ont pas cessé leurs effets ; que, sous cette réserve, ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution ;

- SUR LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE DES PERSONNES CONDAMNÉES À LA RÉCLUSION CRIMINELLE À PERPETUITÉ :

32. Considérant que l'article 12 de la loi déférée complète l'article 729 du code de procédure pénale par un alinéa qui dispose que : « La personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d'une libération conditionnelle qu'après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 706-53-14 » ; que, selon les députés requérants, cette disposition porte atteinte au principe constitutionnel d'indépendance des juridictions ;

33. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. – L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution garantissent l'indépendance des juridictions ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité administrative ;

34. Considérant qu'en subordonnant à l'avis favorable d'une commission administrative le pouvoir du tribunal de l'application des peines d'accorder la libération conditionnelle, le législateur a méconnu tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l'indépendance de l'autorité judiciaire ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le mot : « favorable » à l'article 12 de la loi déférée ;

35. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,

D É C I D E :

Article premier.- Sont déclarés contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental :

- à l'article 12, le mot : « favorable » ;

- à l'article 13, les alinéas 2 à 7 du I, le II et, par voie de conséquence, le IV.

Article 2.- Sous les réserves énoncées aux considérants 21 et 31, les articles 1er, 3 et 4 et le surplus des articles 12 et 13 de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental est déclaré conforme à la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. "

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 février 2008, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, M. Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ.

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Bravo pour ce communiqué. Au moment même où l'on était en train de le rédiger, je me demandais si le P.I. allait publier quelque chose à ce sujet, et j'étais sûr que ce serait le cas. Je trouve qu'avec ce méli-mélo à la tête de l'État, la situation devient vraiment dangereuse... Il y a maintenant tous les jours quelque événement délétère autour de Sarkozy : SMS bidon digne des plus mauvais magazines, injures publiques à quelqu'un qui n'accepte pas la pogne qu'on lui fourgue, et maintenant ceci, infiniment plus grave...
J'approuve la teneur du communiqué : la rétroactivité des lois et le prolongement de la détention au-delà du terme fixé par la sentence prise au nom du "peuple français" sont contraires au droit. Les introduire subrepticement dans la loi relève d'une logique de "coup d'Etat".

Cela posé, il faut aussi s'interroger sur les raisons pour lesquelles les ministres et les députés, qui ne sont ni fascistes, ni fous, ni illuminés, ni délirants et qui connaissent mieux que nous les principes du droit, en viennent à ces extrémités.

La suppression de la peine de mort aurait dû entraîner un réaménagement de toutes les peines, non pas en les diminuant, comme cela a été fait (la perpétuité réelle a disparu; la peine maximale n'excède pas 20 ou 25 ans; etc.), mais en conservant une véritable échelle de sanctions : si les auteurs de crimes graves étaient effectivement condamnés à la perpétuité, la question de leur dangerosité au moment de leur libération (après 15 ou 20 ans de prison, sachant que, comme disent les experts, la "prison n'amende personne" - tel n'est pas son but, d'ailleurs) ne se poserait pas. Il ne serait pas nécessaire de légiférer pour empêcher l'horreur absolue de certaines récidives, qui, en se répétant, finissent par saper l'Etat et justifier que les familles rendent elles-mêmes la justice.

Le Conseil constitutionnel est une institution récente dans l'histoire de notre pays. En 1958, le but qui lui était fixé était de défendre les institutions de la Ve République, institutions d'un type assez nouveau et en conséquence fragiles. Le domaine dans lequel il intervenait était restreint et seuls quelques hauts responsables pouvaient le saisir. L'élargissement de ses attributions, de son domaine de compétence et de son mode de saisine est une de ces nombreuses dérives qui ont fini par dénaturer la constitution de la Ve République et qui, sur le plan de la politique et du droit, sont plus graves que les positions qu'il prend sur la rétention de sécurité.
En 2005, le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer sur la compatibilité de la Constitution européenne avec la Constitution qu'il était chargé de défendre. Il suffisait de lire les deux textes pour prendre conscience que le premier (la Constitution européenne) abolissait le second (la Constitution de la Ve République). Eh bien, les "sages" n'ont rien vu de cela et ont conclu à la compatibilité des deux textes, sous réserve de deux ou trois aménagements de détail. A partir de ce moment, parce qu'ils ont tenu pour "lettre morte" ce qu'ils étaient censés défendre, ils ont perdu tout crédit - et même toute légitimité. Dès lors, on peut attendre d'eux tout et n'importe quoi.
26 février 2008, 10:34   Divorce
En parfait accord avec JGL sur la question des sanctions pénales, je constate qu'il y, d'un côté, un peuple qui demande davantage de sévérité et qu'on mette hors d'état de nuire les personnes avérées dangereuses, et de l'autre une magistrature qui s'empresse de les libérer.

Il y a là un vrai problème, auquel le Gouvernement a apporté une mauvaise solution.
Utilisateur anonyme
26 février 2008, 12:37   Re : une loi applicable en 2023 !
Je crains que tout le monde n'ait pas compris la décision du Conseil constitutionnel qui a précisément censuré l'effet rétroactif de la loi. Ce qui n'est pas dénué d'importance puisque, comme il résulte de cet article paru ce jour dans le quotidien suisse "Le Temps", la loi ne pourra être appliquée (à moins d'être rapportée avant) que dans 15 ans :


"FRANCE. Cour de cassation et Conseil constitutionnel donnent tort au président.


Caroline Stevan
Mardi 26 février 2008

La loi sur la rétention de sûreté avait provoqué un large débat, déjà, lors de sa proposition par la ministre de la Justice, Rachida Dati. Autorisant la détention à vie des auteurs des «crimes les plus odieux» susceptibles de récidiver, elle avait été qualifiée de «dérive» par Robert Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel.

Le texte a été voté début février par le parlement et rendu en partie inopérant par le Conseil des sages jeudi passé, au motif de la non-rétroactivité des lois. Il a été validé mais ne sera pas appliqué avant 2023, date de sortie potentielle des criminels concernés, condamnés aujourd'hui à 15 ans de prison. Qu'à cela ne tienne, le chef de l'Etat Nicolas Sarkozy en a appelé au président de la Cour de cassation - la plus haute juridiction du pays - lequel a refusé hier de «remettre en cause la décision du Conseil constitutionnel». Le point avec Olivier Rozenberg, chercheur au Centre d'étude de la vie politique française (Cevipof) et spécialiste des institutions.

Le Temps: La Cour de cassation a refusé de contredire le Conseil des sages. Nicolas Sarkozy a-t-il un autre recours possible?

Olivier Rozenberg: La dernière instance habilitée à vérifier la constitutionnalité d'un texte est de toute façon le Conseil, la Cour de cassation n'aurait pu invalider sa décision. Si le chef d'Etat veut vraiment faire appliquer ce texte immédiatement, il doit modifier la Constitution ou demander au gouvernement de déposer un nouveau projet de loi contournant les aspects censurés par les Sages.

- Le principe de séparation des pouvoirs a-t-il été remis en cause par la requête de Nicolas Sarkozy auprès du président de la Cour de cassation?

- Selon la Constitution française, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles d'appel et s'imposent à tous. Promulguer une loi censurée par le Conseil serait de l'ordre du coup d'Etat juridique. On n'en est pas là. L'attitude de Nicolas Sarkozy est irrespectueuse et provocatrice, mais elle ne remet pas en cause les fondements de la République. On ne peut pas parler d'une violation de l'ordre législatif par l'exécutif dans la mesure où le parlement avait approuvé la loi sur la rétention de sûreté. C'est plutôt la hiérarchisation des lois qui est mise à mal.

- Y a-t-il eu des précédents?

- En 1993, Edouard Balladur alors premier ministre, avait réuni le parlement en congrès pour modifier la Constitution et permettre de faire passer les lois Pasqua sur l'immigration. Pascal Clément, ancien garde des Sceaux, avait également essayé de passer outre à l'avis du Conseil constitutionnel.

- Quelle est l'indépendance du Conseil constitutionnel vis-à-vis de l'Elysée?

- Le président du Conseil constitutionnel est nommé par le chef de l'Etat pour neuf ans non renouvelables. L'actuel, Jean-Louis Debré, est un ennemi juré de Nicolas Sarkozy; il avait été désigné par Jacques Chirac. Les études réalisées montrent que les Sages sont capables d'indépendance. Sur les neuf membres actuels, il n'y en a plus qu'un qui soit issu de la gauche, Pierre Joxe. Cette composition serait donc plutôt favorable à Nicolas Sarkozy. L'argument selon lequel on ne peut retenir quelqu'un en prison sur la seule base de sa dangerosité a d'ailleurs été rejeté par le Conseil. Symboliquement, cela va dans le sens du président de la République, même si la loi a été rendue inapplicable. "

D'autre part, il est faux de considérer que la mesure de sûreté prévue par la loi soit une peine pénale; la décision du Conseil constitutionnel est explicite à ce sujet.
"Il y a là un vrai problème, auquel le Gouvernement a apporté une mauvaise solution".
Vous avez une meilleure proposition, cher jmarc ?

Quant à l'appréciation de JGL à propos du Conseil constitutionnel:

"L'élargissement de ses attributions, de son domaine de compétence et de son mode de saisine est une de ces nombreuses dérives qui ont fini par dénaturer la constitution de la Ve République",

je ne saurais la partager. Car si la constitution est le texte juridique fondamental d'un Etat, il est absurde que le législateur puisse le violer sans sanction. L'élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel, en 1974, sous l'impulsion de Valéry Giscard d'Estaing, a permis d'instaurer un véritable , quoique limité, contrôle de la constitutionnalité des lois en France. ce qui est dans la logique - retenue dans toutes les grandes démocraties - de la hiérarchie des normes, chère à Kelsen.
26 février 2008, 13:18   Proposition
Oui, par exemple l'instauration systématique de peines planchers (et non de peines incompressibles) que la Cour d'assises (composée en majorité de citoyens et non de magistrats) pourraient prononcer, sans qu'il n'y ait aucune possibilité de réduction pour quelque motif que ce soit.


Ainsi, la kyrielle de juges de toute espèce qui interviennent en aval de la condamnation serait privée de son pouvoir de nuisance.


Pour ce qui est de la hiérarchie des normes, il existe, d'après les décisions mêmes du Conseil, une instance supérieure : l'appel au Constituant principal, c'est à dire le peuple.

On peut, à se sujet, se rapporter à la décision du Conseil à propos du referendum de 1962 :

Considérant que, si l'article 61 de la Constitution donne au Conseil constitutionnel mission d'apprécier la conformité à la Constitution des lois organiques et des lois ordinaires qui, respectivement, doivent ou peuvent être soumises à son examen, sans préciser si cette compétence s'étend à l'ensemble des textes de caractère législatif, qu'ils aient été adoptés par le peuple à la suite d'un référendum ou qu'ils aient été votés par le Parlement, ou si, au contraire, elle est limitée seulement à cette dernière catégorie, il résulte de l'esprit de la Constitution qui a fait du Conseil constitutionnel un organe régulateur de l'activité des pouvoirs publics que les lois que la Constitution a entendu viser dans son article 61 sont uniquement les lois votées par le Parlement et non point celles qui, adoptées par le Peuple à la suite d'un référendum, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale


On voit donc que non seulement une réforme de la Constitution, mais encore un texte législatif, s'il est adopté par le peuple, s'impose à tous, y compris au Conseil, et ce quels que soient les défauts juridiques du texte.

C'est d'ailleurs très sain, la volonté du peuple devant, si je comprends bien, l'emporter sur toute autre considération.
26 février 2008, 13:35   Referendum
Voici, sur les rapports entre pouvoir des assemblées, des cours de justice et pouvoir du peuple le début du discours de M. Pompidou devant l'Assemblée nationale :

Essayons, mesdames, messieurs, d'analyser notre Constitution.

A la base, il y a la souveraineté du peuple. L'article 2 définit le principe de la République : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Cette souveraineté ne peut être abdiquée. Autrement dit, le peuple ne peut en aucun cas s'en dessaisir dans des conditions telles qu'il lui soit impossible de s'en servir s'il le juge nécessaire. A une époque où la souveraineté, dans notre droit constitutionnel, s'exerçait uniquement par délégation au Parlement, c'est en vertu de ces principes que le pays a condamné le dessaisissement de 1940 au profit du maréchal Pétain.

Dans notre Constitution, l'article 3 prévoit que le peuple exerce sa souveraineté par deux voies : par ses représentants et par le référendum.

C'est à la lumière de cette règle générale que doivent être examinées les dispositions particulières, avec une double préoccupation, à savoir que le lieu des textes et leur interprétation ne puisse en aucun cas, ni les conduire à une paralysie absurde des institutions, ni vider telle ou telle disposition expresse de toute signification.


L'Assemblée, après plusieurs discours larmoyants, vota la censure du Gouvernement Pompidou.

De Gaulle procéda alors à un "coup de force" : il prononça la dissolution de l'Assemblée nationale, et appela le peuple français à se prononcer, par oui ou par non, sur la question de l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Voici le texte du décret et le texte de la question (on notera que le style a bien changé depuis) :


Lettre du Premier ministre au Président de la République.

Paris, le 2 octobre 1962.

Monsieur le Président,

Conformément aux délibérations du conseil des ministres de ce jour, j'ai l'honneur de vous proposer, au nom du Gouvernement, de soumettre au référendum, en vertu de l'article 11 de la Constitution, le projet de loi relatif à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de mon profond respect.

Georges Pompidou.



Décret n° 62.1127 du 2 octobre 1962 décidant de soumettre un projet de loi au référendum.



Le Président de la République.

Vu les articles 3, 11, 19 et 60 de la Constitution ;

Le Conseil constitutionnel consulté dans les conditions prévues par l'article 46 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958,

Décrète :

Art. 1er. - Le projet de loi annexé au présent décret sera soumis au' référendum le 28 octobre 1962 conformément aux dispositions de l'articl, 11 de la Constitution.

Art. 2. - Les électeurs auront à répondre par OUI ou par NON à la question suivante:

« Approuvez-vous le projet de loi soumis au Peuple français par le Président de la République et relatif à l'élection du Président de la République au suffrage universel? »

Art. 3. - Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 2 octobre 1962.



Charles de Gaulle


Il fut alors accusé de tout, y compris de forfaiture, et la campagne fut très violente et très indécise, tous les partis de gauche et certains partis de droite (les indépendants) appelant au non.

Au soir du 28 octobre, il apparût que le peuple avait pris nettement son parti : 62,25 % des Français répondirent par "oui". Monerville ne se découragea pas, et porta l'affaire devant le Conseil. Celui-ci se déclara alors incompétent.


Epilogue.

Les 18 et 25 novembre 1962, les Français votèrent pour élire la nouvelle Assemblée. 107 députés indépendants avaint voté la censure. 11 furent réélus.
Utilisateur anonyme
26 février 2008, 13:52   Re : Proposition
Oui, bien sûr, cher jmarc, seul le constituant peut défaire et refaire son oeuvre et aucune autorité instituée ne saurait y redire. Mais, il ne s'agit alors plus de contrôler la constitutionnalité des normes de rang inférieur, puisque le constituant intervient au sommet de la hiérarchie de ces normes (au plan national s'entend). La conception du souverain législateur dont les décisions pourraient l'emporter sur la Constitution est plus douteuse et moins logique. Dans de nombreux pays, un vote populaire de rang législatif peut être soumis au contrôle de constitutionnalité.

Quant à la distinction peine pénale et mesure de sûreté, elle me paraît essentielle : la dangerosité n'ayant rien à voir avec la culpabilité.
26 février 2008, 14:47   Souverain législateur
De mon côté, je vois mal la logique qui consiste à dire qu'une Constitution puisse l'emporter sur un vote populaire (je comprends en revanche qu'il y ait par exemple des limites de quorum, mais si, par exemple, la moitié des inscrits puls un électeur manifestent leur volonté, je ne conçois pas qu'on brandisse les tables de la loi).
Cher ami,
Je partage votre analyse sur l'élargissement des compétences et du mode de saisine du Conseil constitutionnel, ce qui a permis aux membres de ce Conseil (qui pouvent même se saisir eux-mêmes) de se prononcer sur la conformité des lois à la constitution.
Pourtant, je ne pense pas que le phénomème trouve sa vérité dans cette seule explication : conformité des lois à la Constitution - à la lettre du texte ou à l'esprit ? Aux valeurs morales sur lequel le texte est établi ou bien aux déclarations des droits de l'homme et aux autres traités internationaux qui ont force de constitution ? C'est corseter un peuple que de l'enfermer à jamais dans une série de textes, sur lesquels il n'a plus rien à dire. Que l'on ne s'étonne plus ensuite que ce même peuple ou se désintéresse de la vie publique, ou cherche à faire éclater le système de contraintes.
Il me semble qu'une lame de fond, à laquelle personne ne s'oppose plus, est en train de submerger la vie politique en France : c'est l'accroissement à l'infini du pouvoir des juges. En théorie démocratique, le pouvoir judiciaire sanctionne les infractions aux lois, qui sont votées ou formées par d'autres que lui. A partir du moment où les juges ont la possibilité de censurer le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, les condamant à l'impuissance et à renier les engagements que ceux-ci ont pris devant le peuple (donc à perdre tout crédit), l'équilibre des pouvoirs (et même leur séparation), sans lequel il n'y a plus de démocratie, est rompu. Personnellement, je juge nécessaire que ceux qui exercent le pouvoir judiciaire (présidents de tribunaux, de chambres, procureurs) soient élus par le peuple, comme les députés ou les maires, mais qu'ils ne soient plus en mesure de censurer ceux qui forment la loi, et donc que les compétences du Conseil constitutionnel soient réduites au minimum. Les Britanniques vivent très bien sans autre constitution qu'une vague coutume et les lois que votent, après débat, les représentants du peuple. L'équilibre des pouvoirs y est garanti, plus qu'il ne l'est en France; la démocratie y semble plus vivante ou plus dynamique qu'elle ne l'est en France.
26 février 2008, 15:13   Pouvoir des juges
Bien cher JGL,


Je suis entièrement d'accord avec vous.

Il reste à savoir si, pour le Pouvoir des Juges, ils n'en sont pas à la situation des Parlements en 1788, qui avaient tout gagné mais qui allaient tout perdre.
Utilisateur anonyme
26 février 2008, 17:58   Re : Souverain législateur
Parce que le vote populaire, cher jmarc, doit s'exprimer dans le cadre constitutionnel qui définit non seulement le souverain, soit les personnes ayant le droit de voter, mais aussi les conditions d'expression de la volonté des citoyens. Si l'expression populaire se passe de respecter la constitution, nous ne sommes plus en présence d'un vote, mais d'un coup d'Etat. Certes, le constituant peut changer les règles du jeu, mais aux conditions définies par la constitution avant que sa modification ne soit approuvée. Donc 50 % des votants, plus un, n'autorise à changer la loi ou la constitution que si cette majorité est prévue par les textes. En général, la règle de la majorité simple n'est pas retenue pour modifier les textes fondateurs d'un Etat qui sont destinés à perdurer au-delà d'une simple majorité de circonstance. Une majorité de 2/3 des votants est le plus souvent requise pour modifier une constitution et c'est très bien ainsi.
Utilisateur anonyme
26 février 2008, 18:19   Re : Contrôle de constitutionnalité et consensus
Vous avez parfaitement raison de relever, cher JGL, que le risque que comporte un contrôle de constitutionnalité étendu est le pouvoir des juges qui cassent des lois votées par les représentants du peuple, en raison de leur propre interprétation des textes constitutionnels. L'étude de la jurisprudence de la Cour Suprême des Etats-Unis montre combien nous sommes en présence d'un pouvoir plus politique que juridique (j'ai écrit ma thèse sur le pouvoir créateur du juge constitutionnel) et combien la Cour a pu varier dans ses décisions, en modifiant son interprétation des mêmes dispositions de la constitution américaine, selon que les forces progressistes ou conservatrices l'emportaient au sein de la Cour. Même le contrôle de constitutionnalité des lois du Congrès est une création jurisprudentielle ! Cela étant, qui veut sérieusement, parmi les citoyens et les gouvernants américains, que l'on modifie le systême constitutionnel actuel ? Qui prétend sérieusementque l'on devrait renoncer au contrôle de constitutionnalité aux Etats-Unis ? Finalement, le gouvernement des juges est fondé sur le consensus majoritaire, car les juges n'ont pas de bataillons pour imposer le respect de leurs décisions. Ce n'est que parce que leurs décisions sont majoritairement admises comme légitimes que le systême fonctionne...
Quant à l'exemple britannique, il est en effet passionnant, mais il y a longtemps que je ne l'ai plus pratiqué et mes connaissances ne sont plus assez fraîches pour me permettre de vous répondre utilement et encore moins de vous contredire...
27 février 2008, 12:39   Votants et inscrits
Bien cher Corto,


J'avais parlé de la moitié des inscrits (et donc de la majorité absolue du corps électoral).

Je comprends vos remarques, mais au nom de quoi fixer un seuil des deux-tiers, ou des trois-quarts ? comment ferez-vous approuver ce seuil ? aux deux-tiers ? aux trois-quarts ?

Je note que, pour notre Constitution, le vote des parlementaires exige d'aller au-delà de la majorité absolue, mais que, pour le vote des citoyens, seule cette majorité est requise.
Utilisateur anonyme
27 février 2008, 16:43   Re : Votants et inscrits, dixit la constitution
Au nom d'une décision prise par le souverain à une certaine époque et selon certaines formes, cher jmarc. Cette décision peut certes être modifiée par le souverain, mais selon les formes et les majoritées prévues par la constitution pour ce faire.
Mais vous avez raison pour les majorités requises en France sous la Vème République et sans doute aussi, s'agissant du vote populaire, sur le fait qu'il est difficile de justifier que le vote de la majorité des inscrits plus un, ne permette pas de modifier une constitution. Mais à condition que la constitution prévoie qu'elle doit être approuvée et modifiée par le peuple; ce qui n'est pas si fréquent que celà, même en Europe. Pensez simplement à l'Allemagne !
27 février 2008, 17:55   Dieu et la Constitution
Bien cher Corto,


Je crois avoir lu quelque part, il y a des années, un texte qui m'avait frappé sur la différence entre l'homme asiatique (Chinois et Japonais) et l'homme occidental.

Le premier, qui n'a pas de véritable relation à Dieu au sens où nous l'entendons est davantage prêt à s'adapter aux exigences du souverain temporel.


Le second, modelé culturellement par un ensemble de valeurs "supérieures" (je ne sais comment dire, je ne sais si vous voyez ce que je veux dire), n'est pas aussi prêt à obéir.

Plus clairement, l'homme oriental voit au sommet son souverain, l'homme occidental voit Dieu (il va de soi que je parle d'hommes orientaux et occidentaux d'il y a quelque temps).


Dans cet état d'esprit, la Constitution, quelle qu'elle soit, n'est qu'oeuvre humaine, et n'a donc pas de valeur intrinsèque. Elle est passagère et peut être modifiée de fond en comble, en vertu des seuls rapports de force.

Songez à un point : notre Constitution a (ce que je n'hésite pas à appeler l'orgueil) de dire que notre forme de Gouvernement est, à tout jamais, la République. Qu'est-ce que cela ? et s'il prend un jour l'envie au peuple de choisir un autre régime ?

Voyez-vous où je veux en venir ? faute de croire aux Tables de la loi, l'homme occidental moderne en rédige des laïques.

Il y a là, pour moi, une sorte de caractère sacré de la Constitution que je ne puis comprendre.

Entendons-nous : il faut une Constitution, ne serait-ce que pour servir de clef de voute à l'ordre social. Mais de là à la déifier, il y a un pas.

Que pensez-vous de cela ?

Et que pense Francis de cette mise en perspective Orient-Occident ? est-elle dépourvue de sens ?
Utilisateur anonyme
27 février 2008, 18:21   Re : Dieu et la Constitution
Oui, cher jmarc, votre comparaison est passionnante est explique peut-être pourquoi le phénomène constitutionnel naît en Occident. Mais je vous répondrait plus longuement un peu plus tard, car je suis présentement appelé par mon bateau pour traverser le Léman et rentrer chez moi.
Utilisateur anonyme
27 février 2008, 23:16   Re : Dieu et la Constitution
A un certain point de vue, cher jmarc, on peut en effet considérer que les constitutions ont été sacralisées quand elles sont venues prendre la place du monarque de droit divin. Cette sacralisation se manifeste notamment dans les préambules des constitutions (surtout les constitutions un peu anciennes) qui invoquent le nom de Dieu, ou encore dans la difficulté de réviser le texte fondamental d'un Etat. Ainsi, la Constitution des Etats-Unis d'Amérique prévoit-elle une procédure de révision particulièrement lourde qui a permis de maintenir l'essentiel d'un texte en vigueur depuis 1787. Mais, à un autre point de vue, la constitution que se donne un peuple n'est rien d'autre que l'expression juridique du contrat social que les citoyens sont supposés conclure entre eux. La révision de ce texte doit cependant, comme pour tout contrat, respecter les clauses prévues à cet effet.

Mais, quelque soit l'approche adoptée, il est clair qu'un texte constitutionnel peut être abrogé ou modifié en tout ou partie. Cela n'enlève rien à sa valeur juridique, à sa légitimité. Quant à l'obligation juridique de respecter les formes prévues pour réviser la constitution, elle ne peut s'interpréter comme une sacralisation du texte constitutionnel. Il s'agit tout simplement de respecter la règle du jeu qu'un peuple s'est donnée ( il s'agit d'ailleurs souvent des parents ou des grands-parents des citoyens qui sont appelés à accepter ou à refuser une révision constitutionnelle). Rien d'autre.

Par conséquent, vous avez raison de dire que les citoyens français pourraient légitimement voter pour un nouveau régime constitutionnel qui n'aurait rien de républicain ou de démocratique. Avec la précision que ce vote serait alors le dernier exercice de souveraineté que la constitution actuelle confie au peuple français.
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