Sur un autre aspect de la mythologie anti-occidentale et pro-africaine concernant l'esclavagisme, une très bonne mise au point du remarquable anthropologue Alain Testart (qui critique certains aspects de l'oeuvre de Lévi-Strauss, mais c'est un autre débat), dans son ouvrage
L'esclave. La dette et le pouvoir, Éditions Errance, 2001, Annexe II, "De quelques conceptions erronées à propos de l'esclavage antique et de la façon dont elles faussent toute comparaison avec l'esclavage dans les autres mondes", pp. 198-201
Extraits :
"C'est par centaine que pourraient se compter les références de ceux qui disent que l'esclavage qu'ils rencontrent en Inde, en Asie du Sud-Est, en Afrique, chez les Indiens d'Amérique, etc., n'est pas
vraiment de l'esclavage parce qu'ils ne retrouvent pas les traits de l'esclavage antique. (...). On mentionne souvent comme une chose étonnante, et spécifique à l'Afrique, la possibilité que possède l'esclave de changer de maître s'il le souhaite. (..) Mon deuxième exemple correspond à une opinion plus répandue encore, exprimée à satiété à propos de l'Afrique ou de l'Asie : l'esclave, nous dit-on, est bien traité, on souligne qu'il s'agit d'un esclave ''domestique'' ; plus, l'esclave est considéré comme un membre de la famille. On nous dit tout cela avec le sentiment que nous avons affaire à quelque chose de très différent de la tradition antique (..) (Par ailleurs) l'esclave, dans l'Antiquité, aurait été vu et traité
comme une chose et son humanité aurait été déniée "
Or, dans l'Antiquité :
1° "Les esclaves sont en quelque sorte les ''familiers'', les familiers de la maison au même titre que les serviteurs ; ils appartiennent à la famille tout comme les serviteurs étaient encore comptés comme membres de la famille dans l'Europe du XVIè ou XVIIè siècle. (...) Le fait que l'esclave appartienne à la famille est une parfaite banalité et l'on ne saurait en aucune façon en faire une caractéristique distinctive de l'esclavage africain ou asiatique"
2° "l'esclave, dans tous les textes juridiques romains, est défini comme
res, ce que l'on entend par ''chose'', et l'on en conclut qu'il n'était que cela et pas un homme (...or) : le mot employé dans un contexte juridique désigne l'
objet de droit (par opposition au
sujet de droit) et ne signifie rien d'autre que le fait que l'esclave, étant seulement objet de droit, n'est donc - du point de vue juridique, mais seulement de ce point de vue- qu'une chose (..) Le mot
res (..) ne s'oppose jamais, dans la sémantique latine, au caractère humain (..). en droit antique" ; "l'esclave n'est pas une chose : on le considérait comme un être humain" ;
3° "Enfin les esclaves romains avaient une vie religieuse : ils participaient traditionnellement au culte des ancêtres de leur maître et il était coutumier (bien que ce ne soit pas un droit du point de vue de l'Etat romain) de leur faire des funérailles, la tombe de l'esclave ayant, comme n'importe quel être humain, le caractère de
res religiosa" (..) "Il est donc inutile de faire valoir que l'esclave africain n'est pas une ''chose'', qu'il est au contraire reconnu comme un être humain à part entière, tout particulièrement parce que la dimension religieuse de lui est pas refusée, notamment lorsqu'il est initié au même titre que les hommes libres : il n'en allait pas différemment de l'esclave antique".