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Le Texte est-il déterminant ?

Envoyé par Rémi Pellet 
02 novembre 2012, 22:40   Re : Le Texte est-il déterminant ?
De ma modeste contribution si je puis me permettre je dirais que votre intervention me plaît.
Il y a un long chemin à faire pour arriver à cet état de non réciprocité réciproque plus près de l'amour que ce que vous nommez "bonheur partagé" qui n'en est pas vraiment un s'il n'est pas Indépendant dans sa dépendance. Reste à trouver une place pour la parole, une place et un instant.
02 novembre 2012, 22:40   Re : Le Texte est-il déterminant ?
"Et un texte qui aurait une vérité unique et totalisante, rêve de plus d'un, pourrait manquer d'intérêt s'il existait. "
C'est exactement le cas du Coran, texte extrordinairement fastidieux, sans aucune profondeur, ni morale, ni intellectuelle, ni spirituelle. Bref : sans intérêt
Oui, autant s’exciter intellectuellement et prendre du plaisir à la lecture d'un mode d'emploi ; série d’instructions à suivre, pour aucune autre raison apparente qu'être suivies, à la lettre. Ce genre de chose ne sollicite ni ne réfléchit votre intelligence, ou aucune lumière d'ailleurs, cependant il semble que cela absorbe tout.
Aussi est-ce très peu intéressant, ludique et distrayant, mais absolument fascinant, comme un jeu de forces brutes dévoilé, l'exercice mis à nu de la stricte force de la règle.
Utilisateur anonyme
04 novembre 2012, 13:12   Re : Le Texte est-il déterminant ?
Charmant...
« Alexandre Marcel a demandé aux responsables religieux "de se mettre d'accord pour lutter contre l'homophobie" même s'ils sont "contre l'homosexualité". »

Je crains de comprendre ceci : Alexandre Marcel demande aux responsables religieux musulmans de lutter contre l'homophobie de leurs ouailles même s'ils sont contre l'homosexualité. Si c'est bien ça, il peut toujours attendre. Quand ces gens comprendront-ils enfin ?
06 novembre 2012, 09:50   Re : Le Texte est-il déterminant ?
Citation
Alain Eytan
Oui, autant s’exciter intellectuellement et prendre du plaisir à la lecture d'un mode d'emploi ; série d’instructions à suivre, pour aucune autre raison apparente qu'être suivies, à la lettre. Ce genre de chose ne sollicite ni ne réfléchit votre intelligence, ou aucune lumière d'ailleurs, cependant il semble que cela absorbe tout.
Aussi est-ce très peu intéressant, ludique et distrayant, mais absolument fascinant, comme un jeu de forces brutes dévoilé, l'exercice mis à nu de la stricte force de la règle.

A ce moment de l'échange, je suis saisi d'un scrupule, chers Alain Eytan et Cassandre. J'ai lu autant de Coran que j'ai pu, en français puisque j'ignore l'arabe, avec cette même impression de mode d'emploi brutal et de menaces fulminées. Cependant, il y a de longues années, j'ai lu les parties législatives de la Tora en français, et mon sentiment n'était pas si éloigné de celui que j'éprouve à lire le Coran en français. Or, quand il m'a été donné d'aborder ces mêmes parties législatives de la Tora en hébreu, avec l'aide supplémentaire des livres d'Elie Munk, la sèche énumération de règles codifiant la vie m'est apparue sous un autre jour. D'où ma question à ceux qui lisent le Coran en arabe, avec ses commentaires arabes : la série d'instructions à suivre prend-elle sens et vie quand elle est lue en contexte, avec le commentaire, comme cela arrive à la Tora hébraïque ?
Je ne lis pas l’arabe, cher Henri Bès, toujours est-il que cette absence de sens et d'intérêt apparents du Coran et, vous avez raison, de certains passages semblables de la Bible (même en hébreu, pour moi), n'étaient pas à entendre de façon péjorative ou dévalorisante : la loi n'est bonne que parce qu'elle est Loi, non parce qu'elle serait sensée, parlante ou agréable : le texte l'énonçant n'engage point au dialogue (avec qui ? de quoi ? on ne discute pas des ordres ainsi assénés, et de toute façon, Dieu est trop lointain, infigurable) mais présente un aspect aveugle, sans porte ni fenêtre, parfaitement clos sur lui-même et ne ménageant aucune altérité, puisqu'il se veut "vérité unique et totalisante", ce qui bloque la possibilité du déploiement d'un sens, qui a besoin de cette extériorité à quoi doit renvoyer la chose signifiante.
Cela, la pénibilité, l'inhumanité, la rigueur intransigeante de cette exigence (Nietzsche parlait d'"exigence infinie") ne manquent ni de grandeur ni de majesté.
A en croire Ouaknin et tant d'autres, la lecture de la Loi hébraïque invite aux commentaires les plus contradictoires... L'exégèse coranique comprend-t-elle le même exercice ?
Ce que semble annoncer ce fil, c'est que d'interprétation il n'y a guère.
Ce n'est pas à moi de répondre, mais je suis presque certain que oui.
Quoi qu'il en soit, l'"interprétation" n'est jamais que la dilution de l'absolu comminatoire en des quantités infinitésimales plus humaines, donc compréhensibles ; elle ne remet jamais en question, je crois, la force compulsive de l'injonction elle-même. C'est un peu ce que valait pour Leibniz le beau : "le vrai perçu de façon confuse", parce qu'ici-bas, c'est le seul moyen.
07 novembre 2012, 12:30   Re : Le Texte est-il déterminant ?
"Cela, la pénibilité, l'inhumanité, la rigueur intransigeante de cette exigence (Nietzsche parlait d'"exigence infinie") ne manquent ni de grandeur ni de majesté."

Il n'y aucune pénibilité, ni inhumanité ni rigorisme intransigeant à ne pas manger de porc ni boire de vin quand cela ne fait pas partie de votre culture. C'est comme si on trouvait pénible, rigoriste et inhumain de s'interdire de manger des nids d'hirondelles ou des sauterelles grillées. Il n'y a rien de pénible à faire sa prière cinq fois par jours. Il n'y a rien de pénible à obliger les femmes à porter un voile sur la tête. En revanche il est très agréable de pouvoir posséder plusieurs femmes, de pouvoir les prendre à peine nubiles et de les répudier quand ça vous chante. Et c'est ça l'astuce de l'islam : donner l'impression d'une discipline austère sur des points secondaires pour mieux tolérer la licence masculine sur l'essentiel : le sexe. Et pour le reste, le droit de transgeresser en cachette ce dont ne se privent pas les musulmans. C'est ce qui peut faire dire , à juste raison, à Lévi-Strauss que l'islam est une religion de corps de garde, les rites n'étant qu'un moyen de donner un esprit de corps à une communauté à vocation dominatrice.
Il n'y a pas d'autre pénibilité inhumaine pour un homme que de se priver de tout confort , de tout bien-être et de sexe , comme le font certains religieux chrétiens ou hindous , privations qu'ignorent totalement les religieux musulmans.
Mais, la charia, n'est-ce pas pénible ? aussi fastidieux, accablant, durement borné et intraitable que le texte qui la dicte ? Symboliquement, du moins, n'y a-t-il pas là l'acceptation d'endurer le poids d'un carcan disciplinaire malcommode, qui se fiche bien de votre point de vue, mais exige la soumission inconditionnelle ?
Les juifs appellent l'ensemble de leurs propres règles le fardeau, et cela entrave considérablement la liberté de mouvement ; bien sûr, on s'y fait, on peut même y trouver son compte, d'une certaine façon, mais il s'agit bien, à la source, d'un principe revendiqué de travaux forcés.
08 novembre 2012, 00:09   Re : Le Texte est-il déterminant ?
Et quand vous priez, ne soyez pas comme ceux qui se donnent en spectacle : quand ils font leurs prières, ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et les carrefours pour se montrer aux hommes. Vraiment, je le déclare : ceux-là ont touché leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme la porte, et prie ton Père qui est là, invisible ton Père voit ce qui est invisible : il te le revaudra.
Jésus-Christ selon Saint Matthieu (VI, 1-12)
"Il y a un long chemin à faire pour arriver à cet état de non réciprocité réciproque plus près de l'amour que ce que vous nommez "bonheur partagé" qui n'en est pas vraiment un s'il n'est pas Indépendant dans sa dépendance." (Marie Bal)

Le bonheur de l'amour partagé, parce qu'il se passe de Dieu, parce que la relation humaine y apparaît autonome, est condamné. Le glaive tranche aussi cette heureuse illusion, si douce soit-elle. Eros s'exalte sous l'effet du même mimétisme que la fureur meurtrière, l'exploitation économique ou la manipulation psychique.

***

"J'ai lu plusieurs fois de ce passage l'explication suivante : la Vérité révélée par le Christ va opposer ceux qui la recevront à ceux qui la refuseront, elle tranchera entre eux comme un glaive et opposera le fils à son père, la fille à sa mère, la belle-fille à sa belle-mère. " (Marcel Meyer au sujet du glaive qui divise.)

Le même thème dans Le Coran servirait, au contraire, à fonder l'Umma sur le principe de réciprocité et le mimétisme. "O croyants ! Cessez d'aimer vos pères, vos frères, s'il préfèrent l'incrédulité à la foi. Si vous les aimez, vous deviendrez pervers. (9, 23)" Trois versets plus hauts : "Les croyants qui s'arracheront du sein de leurs familles pour se ranger sous les étendards de Dieu, sacrifiant leurs biens et leurs vies, auront les places les plus honorables dans le royaume des cieux."

***
Constatant que les doux Évangiles n'ont pas empêché le déchaînement de la violence en Europe, on en déduit que le belliqueux Coran ne condamne pas l'Islam à la violence et, plus généralement, que les Textes ne déterminent pas l'histoire des civilisations qu'ils fondent.

Il ne me semble pas que la violence sur fond d'Évangiles établisse l'autonomie de l'histoire par rapport à ses textes fondateurs et permette d'espérer l'irénisme sur fond de Coran, car la paix et la violence en Islam ne sont pas la paix et la violence en Chrétienté et dans la modernité qui en dérive. La violence de l'Occident s'est lentement singularisée. L'Inquisition, le darwinisme social, par exemple, ne sont pas une conséquence directe des Évangiles mais sont bien une perversion propre à l'Occident du glaive qui divise. La violence occidentale est donc distincte de la violence en Islam, la contaminerait-elle ces dernières années : l'Islam moderne, toujours outragé, rumine le ressentiment des victimes. La paix de l'Occident (abolition de l'esclavage, épanouissement de la pensée, pluralisme...) a suivi le même cours : elle n'est pas celle de l'Islam, fondée sur l'interdit, le mythe et le sacrifice, la contaminerait-elle également. Aussi, je doute qu'on puisse tirer de l'histoire occidentale une leçon pour l'histoire de l'Islam et de son rapport au Texte.

***
"N'étant qu'un de nos membres, la langue est capable d'infecter tout le corps" (Jacques 3,6).

Annonçant l'Incarnation du Verbe, le Texte chrétien contient une charge terrible contre lui-même : cette Parole, qui ne passera pas après que le monde et le ciel soient passés, n'est pas l'humaine parole, celle qui ne remplit pas les poches de thalers, celle qui laisse l'âme vide, fût-elle citation d'Évangiles, mais qui répand l'hypocrisie et frappe des oreilles qui n'entendent pas l'Autre Parole. Le Texte chrétien et toute la Bible se réfèrent au Verbe.

***
Mettons qu'il n'y ait pas trace d'anti-judaïsme dans les textes patristiques et conciliaires. Pourquoi nier, pour autant, l'existence d'un anti-judaïsme chrétien et, d'ailleurs, celle d'un anti-christianisme judaïque ? La tension entre les deux religions n'est-elle pas inscrite au sein des rapports entre l'Ancienne et la Nouvelle Loi ? C'est parce que l'anti-judaïsme a pu conduire à des crimes absurdes et cataclysmiques qu'il est frappé, dans le principe, d'absurdité. A s'en tenir à ce strict verdict d'absurdité, à ce faux irénisme, n'y a-t-il pas un risque de manquer la bonne entente judéo-chrétienne, au moins de manquer sa dimension politique, et de préparer les crimes prochains et entretenir, pour le coup, l'absurdité générale ? (J'ai entendu des bribes d'une émission radiophonique : Henri de Lesquin, qui tient, si je ne me trompe, pour le peuple déicide (qu'entend-t'on par là ?), recevait Claude Hagège. Malgré cela ou à cause de cela, ce dernier m'a semblé prendre grand plaisir à discourir avec son hôte. Certes, devaient le changer agréablement de l'ordinaire médiatique l'intelligence de ce dernier, mais aussi, en effet, son catholicisme cocardier qui les conduisit à se taquiner, forts d'une liberté que la langue de bois des faux dévots de la Shoah empêche.)
10 novembre 2012, 13:51   Re : Le Texte est-il déterminant ?
[quote="Pierre Henri"
Constatant que les doux Évangiles n'ont pas empêché le déchaînement de la violence en Europe, on en déduit que le belliqueux Coran ne condamne pas l'Islam à la violence et, plus généralement, que les Textes ne déterminent pas l'histoire des civilisations qu'ils fondent.
Il ne me semble pas que la violence sur fond d'Évangiles établisse l'autonomie de l'histoire par rapport à ses textes fondateurs et permette d'espérer l'irénisme sur fond de Coran, car la paix et la violence en Islam ne sont pas la paix et la violence en Chrétienté et dans la modernité qui en dérive. La violence de l'Occident s'est lentement singularisée. L'Inquisition, le darwinisme social, par exemple, ne sont pas une conséquence directe des Évangiles mais sont bien une perversion propre à l'Occident du glaive qui divise. La violence occidentale est donc distincte de la violence en Islam, la contaminerait-elle ces dernières années : l'Islam moderne, toujours outragé, rumine le ressentiment des victimes. La paix de l'Occident (abolition de l'esclavage, épanouissement de la pensée, pluralisme...) a suivi le même cours : elle n'est pas celle de l'Islam, fondée sur l'interdit, le mythe et le sacrifice, la contaminerait-elle également. Aussi, je doute qu'on puisse tirer de l'histoire occidentale une leçon pour l'histoire de l'Islam et de son rapport au Texte."[/quote]

"La violence sur fond d'Evangiles" est une formule bien surprenante, dans son parallélisme avec "sur fond de Coran", dans la mesure où la relation chrétienne au texte n'a absolument rien de commun avec celle des musulmans au leur. Rappelons qu'il doit être récité, ruminé, sans cesse incorporé au souffle et à la langue comme verbe divin par excellence, alors que le texte évangélique, par sa nature et dès sa naissance, est une série de feuilles volantes signées d'un auteur, éminemment traduisibles, manipulables et mobiles, oeuvres d'hommes inspirés, mais non soumis à la dictée divine. La lecture évangélique est même très éloignée de celle de la Tora, comme en attestent certains passages ironiques du Talmud sur les chrétiens.

D'autre part, conciles antiques et débats étaient perturbés d'émeutiers, tous moines, et les patriarches agitateurs n'avaient pas le moindre scrupule évangélique à faire couler le sang. C'est d'ailleurs moins une "violence évangélique" que la violence sociale de l'Empire tardif qui est à mettre en cause, mais aussi l'urgence spirituelle des questions d'orthodoxie. Ces questions concernaient le salut temporel de la société humaine, ordre voulu par le Christ sous l'égide du "saint Empereur", non seulement en Orient, mais aussi dans les royaumes barbares d'Occident et dans l'Europe carolingienne. Cela inclut la violence, non certes "évangélique", mais au nom du souci des âmes. Du coup, la distinction entre islam et christianisme antique et médiéval paraît beaucoup moins tranchée. La violence en Occident opère sa rupture avec le spirituel, me semble-t-il, à la Renaissance, quand les rois de France enterrent l'idée de croisade et s'allient au Grand Turc. Cette violence devient purement politique, avec ses propres fins. En tous cas, le texte évangélique n'est en aucun cas un recueil de lois fixant une norme, une méthode et des actes à faire ou à ne pas faire, ni même un esprit ou une vision du monde particuliers : il est bien trop pluriel (et souvent plutôt violent, je trouve), et surtout bien trop éloigné de toute idée de norme dont le respect suffirait à assurer le salut, donnant à l'homme des droits sur Dieu. Le mettre en parallèle avec une Tora ou un Coran législatifs me semble une erreur.

Citation
Pierre Henri" Mettons qu'il n'y ait pas trace d'anti-judaïsme dans les textes patristiques et conciliaires. Pourquoi nier, pour autant, l'existence d'un anti-judaïsme chrétien et, d'ailleurs, celle d'un anti-christianisme judaïque ? La tension entre les deux religions n'est-elle pas inscrite au sein des rapports entre l'Ancienne et la Nouvelle Loi ? C'est parce que l'anti-judaïsme a pu conduire à des crimes absurdes et cataclysmiques qu'il est frappé, dans le principe, d'absurdité. A s'en tenir à ce strict verdict d'absurdité, à ce faux irénisme, n'y a-t-il pas un risque de manquer la bonne entente judéo-chrétienne, au moins de manquer sa dimension politique, et de préparer les crimes prochains et entretenir, pour le coup, l'absurdité générale ? (J'ai entendu des bribes d'une émission radiophonique : Henri de Lesquin, qui tient, si je ne me trompe, pour le peuple déicide (qu'entend-t'on par là ?), recevait Claude Hagège. Malgré cela ou à cause de cela, ce dernier m'a semblé prendre grand plaisir à discourir avec son hôte. Certes, devaient le changer agréablement de l'ordinaire médiatique l'intelligence de ce dernier, mais aussi, en effet, son catholicisme cocardier qui les conduisit à se taquiner, forts d'une liberté que la langue de bois des faux dévots de la Shoah empêche.)"[/quote

Vos remarques me semblent extrêmement justes, car j'ai somnolé à plusieurs colloques oecuméniques. Les textes patristiques et conciliaires sont remplis d'invectives contre les Juifs et leur religion, depuis l'époque de Justin Martyr jusqu'au grand IV°s (St Jean Chrysostome s'était distingué dans le genre) et au-delà. Il y a aussi des textes anti-chrétiens dans la tradition juive, mais cachés, cryptés et auto-censurés, puisque les Inquisiteurs disposaient de renégats lisant l'hébreu (plus ou moins) pour effacer les passages incriminés (avec, parfois, des erreurs cocasses). Comment y aurait-il une entente, un dialogue, judéo-chrétiens, si l'on pose en principe qu'il n'y a pas de différence de fond entre les interlocuteurs, qu'ils sont deux rameaux du même arbre séparés par les circonstances ? Quant au déicide, le terme ne me semble valable que pour ceux qui croient en la divinité du Christ. Pour les autres, il s'agit d'un blasphémateur exécuté dans des formes juridiques inacceptables selon le code juif.
11 novembre 2012, 08:27   Re : Le Texte est-il déterminant ?
Citation
Pierre Henri
Eros s'exalte sous l'effet du même mimétisme que la fureur meurtrière, l'exploitation économique ou la manipulation psychique.
.

"Malaise dans la civilisation" de Freud démontre admirablement que Éros ne s'exalte pas sous l'effet d'un mimétisme mais qu'il est vitale au contraire à toute civilisation qui se respecte comme à l'évitement des violences de masse. Éros se manifeste de façon singulière, il n'est pas lié au mimétisme, c'est le désir de copier ce qui ressemble à... sans écho singulier et sans intelligence du cœur qui est mimétique, voire la violence du désir de possession partagé par un groupe. Il n'y a aucune "douce illusion" qu'il faudrait trancher d'un glaive dans le fait de partager un bonheur fut-t-il furtif. Il n'est nul besoin de réfuter son bonheur pour assumer sa pensée, voilà ce dont peu d'homme ont le courage.
Pierre Henri écrivait :

"Le bonheur de l'amour partagé, parce qu'il se passe de Dieu, parce que la relation humaine y apparaît autonome, est condamné. Le glaive tranche aussi cette heureuse illusion, si douce soit-elle. Eros s'exalte sous l'effet du même mimétisme que la fureur meurtrière, l'exploitation économique ou la manipulation psychique."

L'amour humain se passe-t-il de Dieu ? A en croire Platon ou la tradition courtoise, la contemplation amoureuse est par essence une théophanie... Bien sûr, l'amour courtois a été condamné par l'Eglise. Mais n'est-ce pas là un point aveugle dans la vision catholique de l'amour humain, cette coupure-d'avec-le-divin, qui est un (grave) recul par rapport au platonisme.
12 novembre 2012, 09:33   Re : Le Texte est-il déterminant ?
Entièrement d'accord avec vous Loïc.
Se couper de Dieu à ce point revient à ne plus croire en rien et rend les hommes dangereux.
Ce matin, dans mon cours avec une classe de 6ème, une élève turque m'interpelle :
« Monsieur, la dernière fois, vous nous avez dit qu'on était des singes autrefois !
- Ah ? J'ai dit cela ? Je ne m'en souviens pas, et je ne vois pas vraiment en quelle circonstance j'ai pu dire cela (Note : je précise que je suis professeur de français et non de SVT...)... Pour autant cela est mal dit : les hommes n'étaient pas des singes autrefois ; en revanche, la science nous apprend que les singes et les hommes ont un ancêtre en commun... Ce n'est pas tout à fait la même chose...
- Mais alors, pourquoi les instituteurs nous ont-ils dit qu'on descendait du singe ?
- Sans doute ont-il dit cela pour simplifier les choses pour les petits enfants, même si c'est un peu maladroitement dit.
- Mais de toute façon, nous autres les Musulmans, on ne croit pas à ça, parce que ce n'est pas marqué dans le Coran !
- Mademoiselle, le contenu du Coran en la matière n'a pas d'importance : seul compte ce qu'a démontré la science. Par ailleurs, observez le comportement de votre voisin : n'est-ce pas la preuve que nous avons quelque parenté avec les singes ?...»

Et ce n'est pas la première fois que le Coran s'invite dans mon cours. Cela reste très rare, et limité aux élèves les plus jeunes et sans doute les plus spontanés, mais on sent que quelque chose couve...
Chère Marie, les paroles de la Bible (l'Ancien Test
ament) ne sont là pour rien du tout, sinon pour une seule et unique chose : elles constituent l'ensemble des livres "sacrés" du judaïsme, et commandent à l'homme la pratique de la foi, autrement dit ce qu'il est convenu d'appeler le "Travail du Créateur" (le Service) . Ce qu'il y est dit et narré est d'autre part parfaitement secondaire, si tant est qu'on puisse en retirer un vulgaire "enseignement". 
Il n'y a pas de choix qui tienne, il ne peut y en avoir, pas plus qu'on ne peut choisir son Dieu et la façon de l'accommoder à ses goûts et foucades, pas plus que vivant on puisse choisir de naître : l'on "croit", alors on accepte le fardeau, et sa vie en est tout orientée. 
Telle est la conception du théologien Yeshayahou Leibowitz, dans le droit fil de la pensée de Maïmonide, et l'incroyant que je suis la trouve suffisamment singulière pour qu'on ne cède à la tentative de l'affadir par de modernes accommodements ; cette religion-là, dans cette optique, est tout sauf un humanisme.

En vous relisant je me rends compte que ce que vous dîtes correspond à ce que je tentais d'exprimer car qu'est -ce qui nous guiderait mieux en définitive que les lois dans le livre?
L'"humanisme" dont il est question ici, chère Marie, doit s'entendre bien sûr en un sens plus ou moins "philosophique" désignant la sorte de nombrilisme anthropologique qu'on vit se multiplier surtout après les diverses "révolutions coperniciennes", et dont Protagoras fut l'aïeul fondateur officiel.
Oui, je comprends. Il s'agit aussi en quelques sortes de ne pas voir les lois comme un idéal à appliquer contre les autres sans connection avec une réalité concrète qui fasse qu'on s'applique d'abord à soi une loi.
"Comment caractériser l'attitude et la politique de Saint Louis à l'égard des juifs ? Nous disposons aujourd'hui de deux termes : antijudaïsme et antisémitisme. Le premier concerne exclusivement la religion et, quelle que soit l'importance de la religion dans la société juive et dans la conduite de Saint Louis à son égard, il est insuffisant. L'ensemble des problèmes concernés par cette conduite dépasse le cadre strictement religieux et il met en jeu des sentiments de détestation et une volonté d'exclusion qui vont au-delà de l'hostilité à la religion juive. Mais ''antisémitisme'' est inadéquat, anachronique. Il n'y a rien de racial dans l'attitude et les idées de Saint Louis. Il faut attendre le XIXè siècle pour que les théories raciales pseudo-scientifiques fassent s'épanouir des mentalités et des sensibilités racistes, antisémites. Je ne vois que le terme d' ''antijuif'' pour caractériser la conduite de Saint Louis. Mais ces conceptions et cette pratique, cette politique antijuives ont fait le lit de l'antisémitisme ultérieur. Saint Louis est un jalon sur la route de l'antisémitisme chrétien, occidental et français"

Jacques Le Goff, Saint Louis, NRF, éditions Gallimard, 1996, p. 814
(je reprenais l'ouvrage pour tout autre chose mais ce passage m'a rappelé cette conversation ancienne sur ce site)
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