Le site du parti de l'In-nocence

Le niveau monte...

Envoyé par Pierre-Marie Dangle 
03 novembre 2012, 18:33   Le niveau monte...
... et ne cesse de monter : en ce moment, sur France Musique, émission d'une heure entière consacrée à — on se pince —Joe Dassin. Joe Dassin, sa vie, son œuvre, ses références, son histoire, son parcours, et puis surtout, surtout, ses chansons...
Utilisateur anonyme
03 novembre 2012, 18:39   Re : Le niveau monte...
Je crois que ce titre a déjà servi pour d’autres “fils” (mais il convient, à chaque fois, à merveille).
Utilisateur anonyme
03 novembre 2012, 19:00   Re : Le niveau monte...
Mais voyons, Pierre-Marie Dangle, quiconque né en 1946 a forcément grandi au son des chansons de Joe Dassin et les connaît par coeur ! Ainsi que celles de Brassens et Brel et Ferré, ces grands poètes.

Pour ma part, je n'échapperai pas à MC Solaar et Grand Corps Malade — on me phagocytera, on m'assimilera à la chanson, qu'elle me plaise ou non.

Car non seulement la musique c'est ça, mais il est hors de question que vous en réchappiez. Parce que ce sont là les goûts du Peuple (trois fois saint soit son nom !), et le Peuple a raison. D'ailleurs les artistes ne se sont nourris que de Lui, et n'ont, en fin de compte, oeuvré que pour Lui. Et si vous avez le malheur de ne pas vous sentir concerné, et de faire savoir que cela vous embête un peu, malgré tout, qu'on vous inclue dans quelque chose qui ne vous concerne en rien, eh bien c'est que vous êtes un snob, plein de morgue et de mépris.

Et alors là vous serez mort, et n'aurez plus qu'à vous taire et à vous repentir.
03 novembre 2012, 19:04   Re : Le niveau monte...
"et n'aurez plus qu'à vous taire et à vous repentir." Ah, vous aussi ?
Utilisateur anonyme
03 novembre 2012, 19:06   Re : Le niveau monte...
De l'efficacité des armes absolues de langage (essai).
03 novembre 2012, 19:58   Re : Le niveau monte...
Les chansons de Joe Dassin ont bien vieilli, comme tout vestige d'une époque disparue. D'ailleurs, Joe Dassin, ce n'est ni de la musique ni de la chanson: c'est de l'archéologie.
03 novembre 2012, 21:16   Re : Le niveau monte...
Citation
Francis Marche
Les chansons de Joe Dassin ont bien vieilli, comme tout vestige d'une époque disparue. D'ailleurs, Joe Dassin, ce n'est ni de la musique ni de la chanson: c'est de l'archéologie.

D'où, d'ailleurs, ou peut-être, l'inattendu et improbable pincement au coeur que j'ai aujourd'hui en écoutant l’Été indien sur YouTube - On ira, où tu voudras quand tu voudras...
03 novembre 2012, 23:14   Re : Le niveau monte...
Ces chansons représentent des témoignages d'une époque qu'on tend à faire oublier... Si musicalement il est loisible de les critiquer, du point de vue d'un "devoir de mémoire" elles présentent sans doute de l'intérêt, faisant revivre un monde moins barbare (dont on commence à oublier jusqu'à l'existence).
Utilisateur anonyme
03 novembre 2012, 23:59   Re : Le niveau monte...
Je suis allé marcher dans la nuit et ai réfléchi à ces questions.

Il me semble que critiquer totalement les chansons (la chanson), ou, en tout cas, des chanteurs comme Joe Dassin, Jacques Brel, Georges Brassens, Alain Bashung ou Michel Sardou, c’est faire une erreur, ou, du moins, un erreur stratégique dans la guerre (“guerre”) que nous devons mener. L’erreur est en effet “schmittienne” qui nous fait confondre notre ennemi principal et nos ennemis secondaires. L’ennemi principal, c’est la Déculturation. Les ennemis secondaires, ce sont les chanteurs. S’attaquer, comme le fait par exemple en ces lieux Afchine Davoudi, grand défenseur devant l’Éternel de la doctrine camusienne (et cette défense est toujours très brillante), d’abord et avant tout à la chanson, c’est éliminer quelque chose de bien, d’utile (et d’utile en regard de la “grande culture”).

En fait, il existe deux lignes : celle de Renaud Camus, qui dit que la bataille se joue d’abord et avant tout sur le front de la musique (et, partant, de la muzak) — cf. le Journal, et celle de Cassandre pour qui la chanson fait partie du legs culturel de la Nation. Il y a, évidemment, la question de la définition du mot « culture » : la culture comme ensemble des œuvres de l’esprit qui élèvent l’homme ou la culture comme sommes des pratiques, des modes d’êtres et de ce qui les exprime ? Et puis, il y a la question du nom. Avec la chanson, il y a deux problèmes. La chose (et sa place) et le nom (qui est donné (par qui ? Par ceux qui ont le pouvoir : les petits-bourgeois (et quelques bourgeois terrorisés))).

Le problème que pose l’époque à l'In-nocence, en matière de musique et de chanson, c’est son incorrigible tendance à vouloir nommer « musique » la chanson, d’une part, et à vouloir substituer à la musique (qu’elle ne connaît pas — ou que les maîtres du moment ne connaissent pas) la chanson, d’autre part. Ce sont les gens qui font ça qu’il faut accuser, pas les pauvres chanteurs ! Ce sont les “profs”, les “mamans” les coupables, pas Charles Trenet, Ray Ventura
ou Jean-Louis Murat. Ceux-là peuvent être un tremplin très utile vers la “grande culture”, du moins vers sa part livresque et langagière.

Celui qui hait la chanson au nom de la protection de la musique confond, justement, la musique et la littérature, comme les Amis du Désastre confondent la musique et la chanson. La chanson est bien plus du côté des lettres et de la littérature que de celui de la musique.

Une question que je me pose, cependant, est celle des “équivalences” entre les œuvres des différentes genres : Mozart mène-t-il à Racine ? Ou est-ce qu’on n’arrive pas mieux à Racine par Jacques Brel ?

En tout cas, faire de la chanson la matière officielle de l’enseignement, c’est la condamner autant qu’on condamne par-là la musique (qui disparaît totalement, et partout) ou les lettres (qui sont remplacées). Pour l’élève moyen (celui d’aujourd’hui), ce qui est enseigné est ennuyeux. Pour se désennuyer de Racine (!), on se tourne vers Georges Brassens, bien plus drôle. Mais si c'est Georges Brassens qu’on vous enseigne, vers quoi se tourner ? Vers Booba ! (Or, le rap ne mène à rien d’autre qu’à lui-même.) Il est là, le Désastre, moi, j’vous l’dis.

Ceci étant dit, il est évident que Joe Dassin, quoi qu’on en pense, n’a rien à faire sur France Culture, qui est censé être (mais n’est déjà plus, petite-bourgeoisie oblige) la station de la “grande culture”.
04 novembre 2012, 00:17   Re : Le niveau monte...
Un grand classique : "Éloge de la mauvaise musique"

[requetemd68.cg68.fr] p. 112
04 novembre 2012, 00:45   Re : Le niveau monte...
Cher Jean- Michel Leroy, je ne changerais pas un mot de ce que vous avez écrit ou plutôt un seul :

"Pour se désennuyer de Racine (!), on se tourne vers Georges Brassens, bien plus drôle. Mais si c'est Georges Brassens qu’on vous enseigne, vers quoi se tourner ? Vers Booba !

Peut-être vers ... Racine ?
Utilisateur anonyme
04 novembre 2012, 00:51   Re : Le niveau monte...
Dans l’idéal, bien sûr...
04 novembre 2012, 09:05   Re : Le niveau monte...
On y (re)viendra peut-être cher Jean Michel.
Il faudrait cesser de nous expliquer que Racine est impossible à aborder en classe. La question est plutôt pour qui ?
Quant à la chanson, je suis passée un jour dans une rue et j'ai entendu une vieille femme chanter admirablement de vieilles chansons italiennes qu'elle écoutait la fenêtre ouverte. Je ne vois pas pourquoi on priverait de ce plaisir des personnes qui n'ont peut-être pas eu l'occasion d'accéder à une meilleure instruction. Ce fut pour moi un réel plaisir de l'écouter.
Produire des singes savants qui disent apprécier et comprendre la musique alors qu'ils n'y entendent rien n'est pas mieux.
Une pianiste premier prix de conservatoire m'a un jour avoué qu'elle ne supportait plus de jouer en public dans des salles où les spectateurs ne faisaient que guetter la fausse note sans avoir la moindre écoute réelle.
Le problème c'est que d'un côté vous avez l'ignorance érigée en Droit et de l'autre la pédanterie arborant son Narcissisme adoré.
Les artistes ne naissent pas tous de la cuisse de Jupiter.
04 novembre 2012, 10:00   Re : Le niveau monte...
On aimerait essayer de suivre les quelques avocats de la chansonnette dans leur tentative de rabouter des pièces dépareillées, mais franchement, écouter France Musique et tomber sur Tagada, tagada, voilà les Dalton...
Si on tient absolument, comme MM. Anton ou Comolli (et comme je peux le faire moi-même de temps à autre), à se plonger un instant dans un bain émollient de sirop ranci ou à goûter aux plaisirs régressifs de la petite madeleine industrielle sous cellophane, on peut toujours se rendre sur Radio Nostalgie, ou quelqu'une de ses innombrables pareilles — en ces matières règne l'embarras du choix. Mais, pitié ! qu'on ne vienne pas souiller de ces échos-là nos thébaïdes bien abîmées déjà.
04 novembre 2012, 10:05   Re : Le niveau monte...
Citation
Jean-Michel Leroy
Je crois que ce titre a déjà servi pour d’autres “fils” (mais il convient, à chaque fois, à merveille).

C'est que, cher Leroy, il s'agit d'un fil rouge.
04 novembre 2012, 10:21   Re : Le niveau monte...
De mon point de vue, Mme Bal a parfaitement raison.

Le problème c'est que d'un côté vous avez l'ignorance érigée en Droit et de l'autre la pédanterie arborant son Narcissisme adoré.

On ne saurait mieux dire.
04 novembre 2012, 10:34   Re : Le niveau monte...
Mais n'y a-t-il pas tout de même une hiérarchie à faire entre ces chanteurs ? Bref, Ferré et Brassens ne sont pas des poètes, ni de grands musiciens, sans doute, mais c'est tout de même autre chose que Joe Dassin (j'aime beaucoup de bonnes chansons de Joe Dassin, mais c'est de la pure variété). Mais je comprends que pour le véritable esthète, qui n'écoute que de la musique, tous soient à ranger dans le même sac.
04 novembre 2012, 11:28   Re : Le niveau monte...
Tout le monde ici le sait : je suis de l'avis de Marie. Je crois que l'on confond : culture identitaire et culture savante. Pas de nation sans peuple et pas de peuple sans culture populaire commune --et inversement -- alors qu'il peut se passer de la culture savante comme le prouve l'existence de nombreux peuples qui n'en n'ont pas. Elle est comme l'huile qui imprègne la mèche de la lampe d'où jaillira la lumière. Meilleure, certes, est la qualité de l'huile, plus pure, plus éclatante sera la flamme. Je persiste à penser qu'il n'y a pas de cloison étanche entre elles et qu'il est parfois bien difficile de savoir où commence l'une et où finit l'autre. On sait d'ailleurs que la culture populaire peut inspirer la culture savante, y compris en musique. Il me semble qu'un exemple parfait en est la musique "classique" russe" qui doit énormément au magnifique "folklore " de ce pays, comme le "folklore" de l'Espagne a inspiré ses musiciens "classiques". On pourrait en dire autant , à certains égards du tango argentin dont un grand chef d'orchestre comme Barenboïm ne dédaigne pas de donner en concerts des versions dirigées par lui-même. Mais le contraire est vrai aussi, particulièrement d'un pays comme la France. Je pense par exemple à La Fontaine, dont nombre de fables et de proverbes ont fini par faire partie de ladite culture populaire ou à Simenon.

Je regardais l'autre jour un des tout premierrs films de Duvivier avec l'immense Harry Baur, " La tête d'un homme", datant de 1931, film injustement ignoré qui présente, sans doute, quelques imperfections surtout dans la direction d'acteurs mais qui est sublimé par l'idée géniale qu'a eu l'auteur de le construire autour d'une chanson de Damia. Cette chanson est magnifique de mélancolie comme le sont le visage empreint de lassitude, aperçu quelques minutes, et la voix éraillée de la chanteuse. On a là une symbiose à mon avis réussie entre l'art d'un grand cinéaste et ce que l'art -- vraiment -- populaire français a pu avoir de meilleur.
04 novembre 2012, 11:43   Re : Le niveau monte...
Je suis grosso modo d'accord avec cela, mais il ne faudrait pas confondre culture populaire et industrie du divertissement. Joe Dassin me semble relever entièrement de cette dernière. Et ne confondons pas hiérarchie des genres et hiérarchie des artistes, celle-ci pouvant ne pas coïncider avec celle-là.
04 novembre 2012, 11:54   Re : Le niveau monte...
La hiérarchie des genres me paraît peu évidente si on lui suppose un caractère invariable : en quoi la musique classique est-elle supérieure à la poésie chantée des aèdes de l'antiquité ?

Que Dassin ne soit pas très haut, j'en convient. Que les hymnes homériques soient inférieurs à telle ou telle symphonie, je n'en suis pas persuadé.
04 novembre 2012, 12:15   Re : Le niveau monte...
Que Dassin ne soit pas très haut, j'en convient (sic)

Si l'on suit votre tentative de raisonnement, il va falloir aussi nous détailler cela, du coup...
04 novembre 2012, 12:26   Re : Le niveau monte...
Voici : Brassens, Ferré sont dans une lignée poétique. Dassin, non.

Brassens et Ferré se rattachent à la poésie chantée européenne, Dassin au divertissement européen.

Ma remarque portait sur une éventuelle hiérarchie entre musique et poésie chantée ; elle ne me semble pas immuable.
04 novembre 2012, 12:40   Re : Le niveau monte...
"mais il ne faudrait pas confondre culture populaire et industrie du divertissement. Joe Dassin me semble relever entièrement de cette dernière. Et ne confondons pas hiérarchie des genres et hiérarchie des artistes, celle-ci pouvant ne pas coïncider avec celle-là. "

Entièrement d'accord.

De toutes façon, les Booba et consorts n'ont rien à voir avec la culture populaire française. Leurs -- disons-- produits, ne sont que des resucées de sous-culture afro-américaine.
04 novembre 2012, 15:24   Re : Le niveau monte...
L'étendue du Désastre me semble telle que Brassens (et Dassin, dans une bien mondre mesure), représentent du mieux par rapport à ce qui se déploie devant nous.
Par ailleurs il me semble que la discussion ne s'arrête pas un instant sur le contenu des chansons en question, leur sens. Or que raconte Brassens dans "La mauvaise réputation" ? Que chante Brel dans "La quête" ? Le message porté par ces chanteurs est aux antipodes de la nocence ; si les rappeurs portaient ce genre de messages, seraient-ils aussi insupportables ?
04 novembre 2012, 15:27   Re : Le niveau monte...
Jugez-en plutôt :

"Mon ami, qui croit que tout doit changer
Crois-tu le droit d'aller tuer les bourgeois
Si tu crois encore qu'il nous faut descendre
Dans le creux des rues pour monter au pouvoir
Si tu crois encore au rêve du grand soir
Et que nos ennemis, il faut aller les pendre

Dis-le toi désormais
Même s'il est sincère
Aucun rêve jamais
Ne mérite une guerre
On a détruit la Bastille
Et ça n'a rien arrangé
On a détruit la Bastille
Quand il fallait nous aimer

Mon ami, qui croit, que rien ne doit changer
Te crois-tu le droit de vivre et de penser en bourgeois
Si tu crois encore qu'il nous faut défendre
Un bonheur acquis au prix d'autres bonheurs
Si tu crois encore que c'est parce qu'ils ont tort
Que les gens te saluent plutôt que de te pendre"
04 novembre 2012, 16:55   Re : Le niveau monte...
N'oublions pas, Loïk (pardonnez-moi d'user de votre prénom) que quand Ferré chante "La Ballade des pendus", il chante un texte qui est fait pour être chanté et non déclamé, avec son fameux refrain "Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !".


Je vois mal, dès lors, comment on contesterait à cette oeuvre et à son interprétation un rang éminent dans la hiérarchie de notre culture.

On peut faire la même remarque à propos de Brassens : "La Ballade des dames du temps jadis", oeuvre de culture ; "Le Gorille", divertissement.
04 novembre 2012, 18:40   Re : Le niveau monte...
Citation
Cassandre
Je regardais l'autre jour un des tout premiers films de Duvivier avec l'immense Harry Baur, " La tête d'un homme", datant de 1931, film injustement ignoré qui présente, sans doute, quelques imperfections surtout dans la direction d'acteurs mais qui est sublimé par l'idée géniale qu'a eu l'auteur de le construire autour d'une chanson de Damia. Cette chanson est magnifique de mélancolie comme le sont le visage empreint de lassitude, aperçu quelques minutes, et voix éraillée de la chanteuse. On a là une symbiose à mon avis réussie entre l'art d'un grand cinéaste et ce que l'art – vraiment – populaire français a pu avoir de meilleur.

Magnifique ! Il me faut voir ce film.
04 novembre 2012, 19:37   Re : Le niveau monte...
Joe Dassin, garçon beaucoup plus raffiné que son répertoire, était lui-même assez consterné par les niaiseries qu'il était obligé de chanter – obligé pour des raisons financières, de succès, etc. C'est du reste cet écartèlement qui, par le biais de substance diverses destinées à le rendre supportable, a fini par le tuer.
Utilisateur anonyme
04 novembre 2012, 21:44   Re : Le niveau monte...
Eh bien, nous revoilà en train de faire une énième fois le débat de la variété. Bonne ou mauvaise ? Cultivée, semi-cultivée ou pas cultivée ? Celle d'hier (souvent bonne) ou celle d'aujourd'hui (presque toujours très mauvaise) ?

Je n'ai pas le courage de reprendre toute l'argumentation (très inspirée au demeurant de La Grande Déculturation et du journal du maître de céans) que j'avais exposée naguère sur le fil “Jacques Brel”, en répondant à mille et une attaques de la horde variétochiste alors déchaînée.

Ce débat a néanmoins son intérêt, car il révèle une faille profonde divisant les sympathisants du parti, au point de mettre en lumière un important malentendu sur le fond de sa doctrine (si j'ose dire). En effet, certains pensent que dans la défense de la culture, et notamment de la culture française, en temps de grande déculturation, il faudrait inclure, sauver et même célébrer une certaine bonne vieille musique populaire d'antan, celle d'avant l'hébétude industrielle, qui irait d'Aristide Bruant à, mettons, Jean-Louis Murat, en passant bien sûr par Brassens, Brel, et pourquoi pas France Gall ou le Johnny des débuts, hein...

Je pense, pour ma part, qu'il y a une différence de nature, profonde, essentielle, entre ces sympathiques artistes de music-hall, et la culture au sens ancien du terme.

A vrai dire, je me fiche bien du sort des songmakers d'hier comme aujourd'hui, et je ne vois pas pourquoi nous aurions à les défendre, aussi tendrement franchouillards soient-ils, si ce n'est de façon tout à fait marginale.

J'ai remarqué, non sans amusement, que le chanteur Jean-Louis Murat était devenu à peu près le chanteur officielle de la réacosphère. Certains, parmi les plus jeunes, affirment l'aimer beaucoup (bien qu'ils fassent aussi de louables efforts pour connaître et aimer Beethov et Schubert). Tout cela est bel et bon, mais il n'empêche qu'aimer sincèrement Jean-Louis Murat ou Joe Dassin (sic), les écouter régulièrement, leur donner le rôle de bande originale de ses heures et de son temps, c'est la preuve qu'on a pas encore tout à fait accédé à la culture, au goût, bref, à une certaine conception de l'existence.

La France des dernières décennies n'a pas manqué pas de music-hall et de variétés : elle a manqué d'une élite véritable, qui n'en aurait rien à faire du music-hall et des variétés, et dont l'idéal musical ne s'inscrirait pas dans la continuité de Salut les Copains. J'avais cru comprendre que la culture in-nocente, c'était par exemple Pleyel ou le Collège de France — pas le zénith ou l'Olympia.

Enfin, je ne nie pas qu'on puisse, dans certains cas, par je ne sais quel heureux hasard, arriver à Racine par Brassens. Mais c'est un processus aussi rare que long. On arrive à Racine essentiellement parce qu'on a vécu dans un milieu où l'on connait, lit et aime Racine ; ou parce que l'Ecole d'avant le Désastre vous l'a fait découvrir.

(Et pitié, qu'on s'abstienne de me rappeler tel ou tel exemple de grand écrivain ou compositeur fan du divin peuple ou de son football...)
04 novembre 2012, 21:54   Re : Le niveau monte...
Mais la "Ballade des pendus" ou la "Chanson d'automne", cela ne vaut-il pas Pleyel ?

Il n'y a pas là un désir de peuple, il y a là un genre particulier.

Pour la ballade, comment expliquer que Lizst, Brahms et Chopin lui portèrent un tel intérêt ? s'ils l'ont fait, nous pouvons le faire.

Je ne comprends pas bien cette frontière que vous dressez, et que je mettrais plutôt entre le divertissement et le reste. Quand on écoute la "Ballade des pendus", il faut faire un effort, ce n'est pas comme écouter la "Danse des canards".

Vous semblez avoir de la musique l'idée suivante : seule est valable la musique en tant que telle, la musique support de la poésie ne serait pas de la musique. Je n'en crois rien, et je pense que classer Ferré chantant Villon par rapport à un air d'Opéra, par exemple un air de Rienzi, est difficile. Nul ne prétend que Ferré égale Wagner musicien, nul ne prétend non plus que Wagner librettiste égale Villon poète.
04 novembre 2012, 23:44   Re : Le niveau monte...
Savez-vous qu'une chanson de Damia , j'ai oublié laquelle et je crois qu'on en a perdu la trace, chantée par elle était si poignante qu'elle bouleversait ceux qui l'écoutaient au point qu'un homme s'est même suicidé après l'avoir entendue. Je ne crois pas que personne se soit suicidé en écoutant la marche funèbre de Chopin ou le requiem de Mozart. Je n'en tire pas la conlusion que l'art de Damia valait le leur, mais, au risque de faire hurler d'indignation certains sur ce forum, je crois que l'émotion sincère que peut susciter parfois l'art populaire est, elle, aussi estimable que celle suscitée par les chefs d'oeuvre de la grande musique, d'aussi grande qualité, et peut autant que celle-ci élever "l'âme" des gens simples.
05 novembre 2012, 01:29   Re : Le niveau monte...
je crois que l'émotion sincère que peut susciter parfois l'art populaire est, elle, aussi estimable que celle suscitée par les chefs d'oeuvre de la grande musique, d'aussi grande qualité, et peut autant que celle-ci élever "l'âme" des gens simples

Mais n'est-ce pas exactement ce qu'en pensaient certains musiciens parmi les plus grands ? Lizst, Brahms, Bartok, Dvorak, Stravinsky, Villa-Lobos, Dowland, Purcell (et ses chansons à boire), et des dizaines d'autres...

et parmi ceux qui furent de bons musiciens sans être des géants (Kurt Weill, Gershwin, Scott Joplin, si l'on veut, etc.).

Je ne sais du reste s'il existe une musique profane de qualité qui n'a pas pour source d'inspiration, même indirecte, ce qui est appelé ici "art populaire".
05 novembre 2012, 10:32   Re : Le niveau monte...
Oui, je suis bien d'accord avec vous.

Des années 1900, sandoute, à la fin des années 50, en gros à la mort de Piaf, est né du pavé et du peuple parisien un style de chanson et de musique, qui selon moi, n'avaient rien à envier au tango argentin né à Buinos-Aires à peu près, d'ailleurs, à la même époque, ni au flamenco espagnol, ni à la saudade ou au fado portugais, ni au blues afro-américain. On retrouve en particulier dans le blues et dans ce "folklore panamien", un peu les mêmes ingrédients, mais, s'agissant de la chanson parisienne, avec textes nettement plus élaborés : résignation à la misère, vies gâchées, amours perdus, chantés par des chanteuse au visage vieilli avant l'heure, portant les stigmates de la dèche et de l'alcool, comme leur voix éraillée aux trémolos subtils suggérant un sanglot enroué dans lesquels une Damia était passée maîtresse. Et on n'attendait pas, non plus, de ces chanteuse qu'elles arborenrt un frais minois et un physique de starlette, au contraire. A coté de cette veine en existait une autre : la célébration amoureuse, joyeuse de Paris.
Il serait , à mon avis, très instructif à bien des points de vue, de savoir quand, comment et pourquoi, ces deux veines se sont brusquement taries.
05 novembre 2012, 10:34   Re : Le niveau monte...
Posons la question autrement. Oublions un instant tout ce qui c'est passé dans le domaine artistique et littéraire depuis, mettons, le milieu du XIXe siècle. Quelqu'un peut-il citer un jugement sur l'art populaire émanant d'un grand artiste ou d'un grand écrivain d'avant ce moment-là et qui en dirait à peu près ce que notre ami Davoudi écrit plus haut ?
05 novembre 2012, 15:14   Re : Le niveau monte...
Vous avez beau dire, il y a tout de même eu des moments où Joë Dassin était assez sexy. Mais je reconnais que le mettre sur le même plan que Roch Voisine, c’est ridicule.
05 novembre 2012, 16:15   Re : Le niveau monte...
Roch Voisine qui, contrairement à l'insistante rumeur qui courait à ses débuts, n'est pas plus homosexuel que vous et moi.
05 novembre 2012, 16:40   Re : Le niveau monte...
Arrêtez, Goux, vous colportez de basses calomnies, à partir de simples on-dit. J’ai déjà entendu cette rumeur, mais je la crois tout à fait sans fondement.

(C'est comme celle selon laquelle je ne pourrais pas écrire une ligne sans que vous passiez derrière moi pour tout nettoyer, sans quoi le public croirait à une profonde méconnaissance de la langue. C’est exagéré)
05 novembre 2012, 19:23   Re : Le niveau monte...
Faire passer de braves homosexuels pour des hétéros masqués et nauséabonds est l'un des plaisirs de mes vieux jours.

Pour le reste, oui, c'est exagéré. Mais, que voulez-vous : trente ans de presse “populaire”, ça marque…
06 novembre 2012, 08:43   Re : Le niveau monte...
fassent aussi de louables efforts pour connaître et aimer Beethov et Schubert
En effet si cela ne doit être que du mimétisme autant rester dans la variété. Mais Beethov il est pas mal comme gas, non ?
Utilisateur anonyme
06 novembre 2012, 10:57   Re : Le niveau monte...
Le désir, pourtant, est mimétique. Ajoutons à cela qu'on aime ce qu'on aime se voir aimer. Et la musique, celle qui mérite d'être aimée, n'a précisément pas l'immédiateté facile et sucrée de la variété. Exactement comme la littérature.

Monteverdi, Bach, Sterne, Leopardi, Hawthorne, Faulkner, Proust, Racine, Hindemith, Ives, etc. ne sont pas directement accessibles (contrairement à Claude François, Pascal Obispo ou Dalida qui vous accueilleront toujours sans problème dans leur niaiserie et leur hébétude). Ils nécessitent quelques efforts, oui, des efforts au demeurant louables. On éprouve quelque gêne à devoir le rappeler ici.
06 novembre 2012, 11:09   Re : Le niveau monte...
Ce que vous dites n'est pas directement applicable à la littérature : Maupassant et Flaubert, qui sont des gloires de notre littérature, peuvent être lus à partir d'un effort, certes, mais minimal, tout au plus d'application dans la lecture ; Mallarmé est, lui, très hermétique. Cela ne diminue pas sa valeur mais ne le rend pas non plus supérieur.
06 novembre 2012, 11:22   Re : Le niveau monte...
Vous avez tort, cher Marche, Joe Dassin avec ces délicieux petits pains au chocolat est au coeur de l'actualité.
Utilisateur anonyme
06 novembre 2012, 11:53   Re : Le niveau monte...
Jean-Marc, ce que vous écrivez là ne s'applique qu'à vous et à ceux qui ont votre niveau de culture littéraire ou générale. L'on voit bien, du reste, que vous n'enseignez pas. Allez donc faire lire Madame Bovary, pour ne rien dire de L'Education sentimentale, à un adolescent ou à un jeune adulte d'aujourd'hui, et vous verrez si ces textes « peuvent être lus à partir d'un effort, certes, mais minimal, tout au plus d'application dans la lecture ».

Je puis vous assurer qu'en temps de Grande Déculturation, l'effort demandé est bien au contraire colossal — et cela est également vrai pour n'importe quelle nouvelle de Maupassant, ainsi que pour tout ce qui demande un peu de concentration et d'attention.

Quant à la phrase « autant rester dans la variété », elle est aisément remplaçable par « autant rester en prison ». Quelle tristesse que de penser cela !
06 novembre 2012, 12:19   Re : Le niveau monte...
Mais que pensez-vous de la poésie chantée, très vieille tradition européenne ?

Quand Ferré chante la Ballade des pendus, entendez-vous une chanson ou une ballade de Villon ?
Utilisateur anonyme
06 novembre 2012, 12:27   Re : Le niveau monte...
J'en pense que votre style “interrogatoire” est un peu pénible...

A part ça, comme toujours, ce qui donne aussi et surtout de la valeur à une très vieille poésie, à une très vielle chanson, c'est la distance des siècles, leur étrangèreté, leur épaisseur.
Que Ferré ait manipulé un grand texte ou une grande partition (de Berlioz ?) est sans doute une chose très belle, très touchante, mais cela ne suffit pas à lui donner une caution culturelle suffisante. Il ne faut pas, je crois, se laisser systématiquement impressionner par ces faits marginaux, qui ne sont rien ou presque en rien dans l'histoire de la culture au sens ancien.
06 novembre 2012, 12:33   Re : Le niveau monte...
J'ai découvert la musique classique en déballant des disques d'une collection de grands classiques offert à mes parents et qu'ils n'avaient jamais touché. Je lisais sans effort les auteurs que j'aimais tel Descartes ou Baudelaire des heures durant parce que j'aimais les lire. Je n'ai jamais pu partager avec mon entourage mes goûts littéraires et musicaux, et Racine que je pus tout de même étudier à onze ans me plaisait sans que j'en comprenne tout, mais ce que j'en entendais me touchait.
Si ce que vous dîtes est vrai sur l'effort qu'il y a à faire sur la lecture de ces auteurs et la musique alors je crois que la situation est désespérée.
Utilisateur anonyme
06 novembre 2012, 12:35   Re : Le niveau monte...
Mais la situation est désespérée, chère Marie Bal.
Utilisateur anonyme
06 novembre 2012, 12:36   Re : Le niveau monte...
Que voulez-vous, Chère Marie Bal, l'esprit souffle où il veut... Il a soufflé chez vous, mais dans l'ensemble il ne souffle qu'en assez peu d'endroits (il faut dire qu'il n'est pas fort aidé, actuellement).
Utilisateur anonyme
06 novembre 2012, 12:39   Re : Le niveau monte...
Ce que je pense, en désaccord un peu avec Afchine Davoudi, c’est que la chanson de Ferré (ou de Serge Reggiani) composée à partir de La ballade des pendus peut être une étape vers autre chose, vers cet autre monde qu’est la “grande culture”, et ce tant dans l’éducation des enfants que dans la vie de tout un chacun, d’ qu’il vienne.
Utilisateur anonyme
06 novembre 2012, 12:44   Re : Le niveau monte...
Ah mais je ne suis pas en total désaccord avec cette idée-là, Cher Leroy. Qu'on puisse développer un début de sensibilité à la langue à partir d'un beau texte de chanson, c'est tout à fait envisageable, après tout.
Mais cela ne suffit pas à faire de ladite chanson, surtout si elle a moins d'un siècle, un chef-d'oeuvre qui mériterait les éloges de France Culture et de la postérité. Mais notre époque adore faire passer pour de la culture la semi-culture (contre laquelle je n'ai d'ailleurs pas d'animosité particulière), ainsi que, hélas, l'inculture véritable.
06 novembre 2012, 12:54   Re : Le niveau monte...
Tous ces "chère" ! Mes chers messieurs, à l'heure où les psychologues recommandent hautement aux parents de laisser les enfants tranquilles et de communiquer avec eux à travers des pokemons et des mangas vous faites figure bien obscure avec vos esprit qui soufflent. Les élèves d'aujourd'hui ne peuvent plus percevoir ce genre de tentative que comme une action terroriste.
Utilisateur anonyme
06 novembre 2012, 12:57   Re : Le niveau monte...
Et les vouvoyer, bien souvent, les met étrangement hors d'eux.
06 novembre 2012, 13:18   Re : Le niveau monte...
Essayez la Passion selon Saint Matthieu. Je recommande la version Herreweghe II, celle de 1999.
06 novembre 2012, 13:58   Re : Le niveau monte...
Je me montre insistant (inquisitoire), mais une ballade comporte forcément (je parle d'une ballade de cette époque-là) des paroles et une musique. La chanson de Ferré n'est pas une simple chanson : c'est l'action qui permet au texte de Villon de trouver son plein écho, sinon la notion de refrain, par exemple, n'a plus guère de sens.
Utilisateur anonyme
06 novembre 2012, 19:12   Re : Le niveau monte...
Samedi matin, France Musique : après une chanson de Brassens, les deux présentateurs se marrent en constatant que Brassens, au fond, était le premier des slameurs.

Merci France Musique !
07 novembre 2012, 16:35   Re : Le niveau monte...
Citation
Marcel Meyer
Essayez la Passion selon Saint Matthieu. Je recommande la version Herreweghe II, celle de 1999.

Je confirme. Je l'ai vu la diriger à Baden-Baden cette année pour le Vendredi Saint. C'est un concert qui a changé ma vie...
Utilisateur anonyme
12 novembre 2012, 20:36   Re : Le niveau monte...
Sur France II, ce soir, un reportage sur le niveau qui monte en matière de culture générale au sein du peuple français...
Utilisateur anonyme
12 novembre 2012, 21:03   Re : Le niveau monte...
"Je puis vous assurer qu'en temps de Grande Déculturation, l'effort demandé est bien au contraire colossal — et cela est également vrai pour n'importe quelle nouvelle de Maupassant, ainsi que pour tout ce qui demande un peu de concentration et d'attention."

Je confirme ce qu'assure M. Davoudi, mais en nuançant : l'effort est colossal pour la moitié des élèves, dans mes classes tout au moins. Cela rend de toute manière toute progression collective impossible.
Utilisateur anonyme
12 novembre 2012, 21:20   Re : Le niveau monte...
Citation
Jean-Michel Leroy
Sur France II, ce soir, un reportage sur le niveau qui monte en matière de culture générale au sein du peuple français...

Vu une séquence au vingt heures à ce sujet: l'arbitre, c'était Julien Lepers, tout de même.
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