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"De la démocratie en Europe"

Envoyé par Rémi Pellet 
25 décembre 2012, 21:04   "De la démocratie en Europe"
"De la démocratie en Europe" est le titre d'un essai qui vient de paraître aux éditions Flammarion de Mme Sylvie Goulard [fr.wikipedia.org] et de M. Mario Monti [fr.wikipedia.org]

L'ouvrage se lit rapidement et agréablement. Il comprend de nombreuses citations d'auteurs classiques, principalement Tocqueville, judicieusement choisies. Il peut servir à prolonger la réflexion que nous avions esquissée il y a quelques mois sur ce forum.

Il écarte l'hypothèse d'un retour au "nationalisme" par dissolution de l'Europe (ce serait possible mais catastrophique) et celle d'une évolution vers une "confédération" (parce que tous les exemples historiques montrent que la formule n'est pas viable, comme l'avaient compris les auteurs des Federalist Papers ) et il montre bien que "la refondation de l'Europe passe par un choix à assumer : soit le maintien d'une Europe originale, différente de la démocratie parlementaire classique, ce qui supposerait toutefois de la comprendre et de la défendre ; soit la création d'une démocratie parlementaire européenne, voire d'un régime présidentiel. Le pire en tout cas est l'entre-deux, la critique permanente du système au nom de la ''démocratie'', sans être prêt à l'instaurer effectivement."
Utilisateur anonyme
26 décembre 2012, 20:35   Re : "De la démocratie en Europe"
Eh bien, lisons rapidement et agréablement, écartons les hypothèses et assumons!
26 décembre 2012, 23:59   Re : "De la démocratie en Europe"
L'hypothèse du "nationalisme" et celle de la "confédération" n'en font qu'une en fait, puisque la seconde est censée permettre à la première de prospérer

Or...

"Aucune réforme de l'Union économique et monétaire ou du marché unique ne réussira si les Européens s'entêtent à penser qu'ils réussiront sur la voie où tant d'autres, avant eux, ont échoué, c'est-à-dire dans la création d'une fédération d'entités qui prétendent rester souveraines : ''La vérité, c'est qu'une souveraineté sur des souverains, un gouvernement sur des gouvernements, une législation pour des communautés distinctes des individus, est une faute énorme en théorie ; en pratique, c'est le renversement de l'ordre, la fin de la vie politique" (Federalist Papers, n°20)" (p. 180)

(...) "À cet égard, il est assez frappant de mesurer, une fois encore grâce aux Federalist Papers, que le problème n'est pas nouveau. Leurs auteurs relèvent que le Saint Empire romain germanique a déjà tenté, sans succès, la fusion d'entités qui, à la Diète, prétendaient rester ''souveraines'' : "Le principe fondamental sur lequel (il) repose, à savoir que l'Empire est une association de souverains ; que la Diète représente des souverains ; que les lois sont adressées à des souverains, ce principe fait de l'Empire un corps sans nerfs, incapable de gouverner ses membres, sans sécurité contre les dangers extérieurs, et perpétuellement agité par des convulsions intestines" (Federalist Papers n°19) (p. 194)

Maintenant, un mot sur l'avenir des mouvements "souverainistes"

Ces mouvements, de droite et de gauche, tablent sur l'effondrement de la zone euro : non seulement ils l'annoncent mais ils montrent qu'ils le souhaitent. Or c'est suicidaire pour deux raisons :

- si le désastre se produit (parce que la sortie de l'euro serait un désastre), ces mouvements pourront en être tenus pour responsables, au moins partiellement ;
- dans le cas contraire, le plus probable, ces mouvements seront discrédités. Le FN l'a bien compris, c'est pourquoi Marine Le Pen a commencé à attaquer sur un autre terrain en prônant une politique "interventionniste" avec soutien de l'Etat à l'économie et protectionnisme (par ex. nationalisme "temporaire" de l'usine française de Mital). Mais un interventionnisme nationaliste n'est pas viable.

Conclusion : les mouvements souverainistes vont dans le mur, à grande vitesse et en klaxonnant. J'espère que le P.I. ne sera pas dans la voiture.

La résolution de la crise économique passe nécessairement par un renforcement de la coopération fédérale, ne serait-ce que pour éviter le dumping fiscal entre Etats "souverains" (qui existe actuellement et démontre une fois encore l'échec du modèle confédéral), ou pour financer les grands investissements rendus nécessaires par la transition énergétique.

Une certaine forme de "fédéralisme financier" se dessine sous la forme de fonds de secours européens : c'est une évolution tardive mais extrêmement importante qu'il faut soutenir pour qu'elle soit encore renforcée.

La résolution de la crise économique passe nécessairement par des migrations intra-européennes : le protectionnisme ethno-culturel auquel le P.I. appelle ne peut avoir une chance d'entrer en application qu'au niveau européen.
Ce qui est frappant dans le dernier message de Monsieur Pellet, c'est le ton, pressé, péremptoire, sûr de lui, et le mécanisme, toujours le même, que nous connaissons par coeur pour l'avoir vu à l'oeuvre à l'école (pédagogisme) et derrière le Mur (communisme) : ça ne marche pas, mais il en faut davantage.

Davantage de fédéralisme. Davantage de migrations (si elles sont intra-européennes, nous n'avons rien à dire). Davantage d'UE. Nécessairement. C'est comme ça. On n'y peut rien. Jusqu'à la dernière phrase, sublime en ce qu'elle résume trente ans de propagande (la France ne peut rien à son tout petit niveau, on ne peut espérer un quelconque succès qu'au fameux niveau européen), et de négation du réel : l'UE, celle qui a supprimé nos frontières, celle qui permet à un pays tiers de servir de porte d'entrée à l'immigration clandestine de masse, celle qui vient d'interdire la garde à vue des clandestins, celle qui menace et insulte la France quand elle ose renvoyer chez eux quatre gitans, celle qui refuse d'évoquer ses racines chrétiennes, bref, cette UE immigrationniste serait le seul et unique moyen d'atteindre le « protectionnisme ethno-culturel auquel le P.I. appelle » ! Le toupet...
27 décembre 2012, 10:14   Re : "De la démocratie en Europe"
Le ton péremptoire est involontaire : j'essaierai de me corriger. Il est peut-être aggravé par la volonté de n'être pas trop long.

Sur le fond, le "post" n'avait pour objectif que de résumer le livre et mes opinions sur le sujet.

Reprenons dans l'ordre si vous voulez et commençons donc par envisager les expériences historiques alternatives à celle que nous connaissons : quelle expérience confédérale (i.e. respectueuse de la pleine souveraineté nationale des Etats qui la composent) pourrions-nous prendre comme modèle ?

En attendant votre éventuelle réponse, je me permets de n'être pas d'accord avec vos assertions sur l'UE :

1° L'UE n'a bien évidemment pas, et heureusement, supprimé les frontières pour les personnes venant des pays tiers ;

2° L'UE a malheureusement réduit les capacités des Etats à expulser les clandestins : c'est en effet très regrettable mais cela ne tient pas à la "nature" de l'UE mais à des choix politiques qui, comme tels, pourraient être remis en cause en cas de changement politique au niveau européen ;

3° L'UE n'a jamais "refusé d'évoquer ses racines chrétiennes" : c'est le président Jacques Chirac et son chef de gouvernement Lionel Jospin qui se sont opposés à la référence à ces racines dans le projet de Constitution européenne, avec le soutien de tous les "laïcards" et souverainistes de gauche (PCF etc.)
27 décembre 2012, 10:17   Re : "De la démocratie en Europe"
"si le désastre se produit (parce que la sortie de l'euro serait un désastre), ces mouvements pourront en être tenus pour responsables, au moins partiellement "


Et le désastre que nous voyons de jour en jour s'aggraver, euro ou pas, qui en sera tenu responsable ?
27 décembre 2012, 10:24   Re : "De la démocratie en Europe"
Réponse à Cassandre :

C'est ajouter du "désastre" au "Désastre" que de se tromper de responsable, me semble-t-il.

(je dois travailler maintenant et ne pourrai reprendre le fil de cette discussion que dans la soirée)
28 décembre 2012, 23:19   Re : "De la démocratie en Europe"
Les populations européennes se laissent remplacer avec indifférence car elles sont remplaçables. Le Fédéralisme européen permettrait-il l'émergence d'une communauté européenne de citoyens européens irremplaçables, alors que le délitement continu des États nationaux au sein de l'Union européenne achève de massifier la société ? Incontestablement, il convient, à défaut d'imaginer une Europe réellement et strictement civilisationnelle (l'économie ayant aussi une dimension civilisationnelle – Prométhée, l'Européen), soit d'en finir avec l'Union européenne, soit d'en finir avec les États nationaux : maintenus au sein de l'UE, les États n'en finissent plus de se déliter sans que l'UE, faute d'être fédérale, se substitue à leur carence. Nager entre deux eaux est pire que tout. Quelle eau choisir ?

Rémi Pellet avait déjà rappelé la responsabilité de la France dans le refus d'invoquer les racines chrétiennes de l'Europe. N'y a-t-il pas quelque paradoxe d'espérer que l'UE sauve la France d'elle-même en invoquant les nations de l'UE qui semblent encore avoir une âme ? Car, disant cela, Rémi Pellet situe bien dans les nations le ferment d'une Reprise. Si, sous l'effet de l'UE ou de l'air du temps, ces nations perdaient leur âme à leur tours, qui sauverait la France ? Plus généralement, si l'État européen ou (prochaine étape ?) l'État mondial, d'abord conforme aux voeux de Rémi Pellet, se perdait, qui le sauverait et qui subsisterait à sa perte ? Il en va des organismes comme des États : leur multitude et leur diversité laisse toujours espérer en l'un d'entre eux.

Les opinions de certaines nations seraient-elles mieux disposées que l'opinion française, pourquoi la fédération de l'Europe favoriserait-elle les premières plutôt que la seconde ? Les organes représentatifs ont toujours une grande autonomie vis à vis de leurs mandants et une grande inertie : les mentalités et le personnel y changent lentement. Il est déjà improbable que les opinions européennes se rangent aux vues ici défendues ; le feraient-elles, l'UE, sur sa lancée, jouerait comme un amortisseur. Il est un peu artificiel de séparer les institutions, les compétences, d'une part, les politiques, d'autre part, et d'espérer changer la politique européenne en renforçant les institutions et les compétences, sans en changer, sans rompre vraiment avec une histoire qui fait coïncider la construction européenne et le délitement des sociétés européennes.

L'Europe civilisation, une fois gouvernée, dirigée, administrée, à la façon des autres États démocratiques en activité, risque de se limiter au maintien de l'ordre et de la vertu ("l'unité de la République") et au soutient de la sacro-sainte croissance. Par suite, l'Europe deviendrait, à son échelle, ce que sont devenus les États, des entreprises de service public, et les citoyens, leurs usagers. Autrement dit, le moyen détermine la fin, l'organe la fonction, la lettre l'esprit. De fait, Rémi Pellet, dans l'intérêt de l'Allemagne et de la Grèce et donc de l'Europe, envisage déjà de reconduire, à l'échelle du continent, l'économie monde, le remplacisme marchand. Si l'Hellade européenne aussitôt dotée d'un État se soumet à l'économisme (sauver les retraites allemandes en diminuant le chômage en Grèce), il n'y a aucune raison de clore l'Europe d'une frontière : le reste du monde fonctionne pareillement (et ne fait que cela, fonctionner), autant profiter des opportunités remplacistes de l'économie monde. Vu la démographie grecque, il est plus judicieux de miser sur les Turcs.
L'autre soir sur Mezzo, de magnifiques "Noces de Figaro" venant de Glyndebourne. Ô chère Europe caracolant joyeusement sur son taureau ! Un Français invente une histoire espagnole qui se passe à Séville, un musicien autrichien en fait un opéra avec paroles italiennes à cause du librettiste, et on nous met ça en scène dans un joli village du sud de l'Angleterre. Je rêve d'un patriotisme européen qui serait fondé sur l'opéra, comme le patriotisme italien du XIXème siècle. Je rêve de billets de banque avec le visage de Dona Elvire, d'Anna Bolena ou de Carmen. L'Europe, le théâtre, l'opéra et le respect de la femme finissent aux mêmes frontières, il me semble.
Citation
Alain Neurohr
L'autre soir sur Mezzo, de magnifiques "Noces de Figaro" venant de Glyndebourne. Ô chère Europe caracolant joyeusement sur son taureau ! Un Français invente une histoire espagnole qui se passe à Séville, un musicien autrichien en fait un opéra avec paroles italiennes à cause du librettiste, et on nous met ça en scène dans un joli village du sud de l'Angleterre. Je rêve d'un patriotisme européen qui serait fondé sur l'opéra, comme le patriotisme italien du XIXème siècle. Je rêve de billets de banque avec le visage de Dona Elvire, d'Anna Bolena ou de Carmen. L'Europe, le théâtre, l'opéra et le respect de la femme finissent aux mêmes frontières, il me semble.

Ce ne devrait être que cela la diversité.
Utilisateur anonyme
29 décembre 2012, 11:44   Re : "De la démocratie en Europe"
(En attendant, les billets de banque européens sont laids et totalement “hors-sol” — d’ailleurs ils représentent tous des portes et des ponts qui n’existent pas...)
Citation
Jean-Michel Leroy
(En attendant, les billets de banque européens sont laids et totalement “hors-sol” — d’ailleurs ils représentent tous des portes et des ponts qui n’existent pas...)

Vous me remettez cette aberration édifiante en mémoire, cher Jean-Michel! Il faut que je retrouve l'un des reportages qui la montrait bien cette déréalisation, cette néantisation imprimée du territoire européen.
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