De l'hébétude

[www.lemonde.fr]

Certes ce classement vaut ce qu'il vaut, c'est-à-dire pas grand-chose, mais il renseigne toutefois sur les goûts et identifications de nos contemporains. Les 'humoristes', par exemple, sont sur-représentés.

Quant à la photo d'Omar Sy... Étrange individu que celui-ci. Plus qu'à son talent, limité, il doit sûrement son irréel et équivoque succès à l'hilarité chronique (un éclat de rire toutes les trente secondes) dont il est affecté et qui, à son corps défendant, évoque irrésistiblement le slogan "Y'a bon Banania".

Oui, le phénomène qu'aura été le funeste film Intouchables est extrêmement riche de sens. Il offre tant de prises critiques, tant de strates de sens et de degrés dans l'exégèse qu'on ne sait par quel bout le prendre.
On sait, par exemple, qu'une partie non négligeable de la presse américaine l'a trouvé ouvertement raciste, tellement Sy y fait le Noir de service, icône Banania version 2012.

Et Jean d’Ormesson ? Où est Jean d’Ormesson ?

Et Pierre Boulez ? Et Yves Bonnefoy ?

Citation
Afchine Davoudi
Oui, le phénomène qu'aura été le funeste film Intouchables est extrêmement riche de sens. Il offre tant de prises critiques, tant de strates de sens et de degrés dans l'exégèse qu'on ne sait par quel bout le prendre.
On sait, par exemple, qu'une partie non négligeable de la presse américaine l'a trouvé ouvertement raciste, tellement Sy y fait le Noir de service, icône Banania version 2012.

Très juste, cher Afchine. C'est en l’occurrence Vanity Fair, pas la moins puissante des publications chroniquant l'actualité hollywoodienne, qui s'était ému du caractère plus qu’ambigu de la performance d' O. Sy.

D'Ormesson, Boulez, Bonnefoy... Tiens, je n'ai jamais entendu parler de ces... comiques? sportifs? animateurs télé?

Le Prof. Luc Montagnier, prix Nobel de Médecine, savant qui serre la vérité du sida au plus près, admiré dans l'ensemble du monde, décrié par personne, qui doit se tenir en embuscade quelque part entre la 191ème et la 200ème place, pense déjà à se grimer au cirage pour remonter dans le classement et éventuellement à se convertir à l'islam pour briguer le podium.

La France : pays le plus triste du monde, habité par un des peuples qui compte aujourd'hui parmi les plus désespérément abrutis de la terre, conduit par une élite corrompue, chez qui la perversion le dispute à l'incompétence. Et qui s'enfonce, tous les matins un peu plus.

Il lui faudra aussi bien mettre au point son imitation de François Hollande, et préparer deux ou trois vannes putrides « sur qui est le père de l'enfant de Rachida ».
Mais pour être véritablement le numéro 1, il devra à tout prix participer à la prochaine édition de Rire ensemble contre le racisme. Mieux encore : obtenir de Jean-Jacques Goldman l'autorisation de chanter avec les Enfoirés.

Quelqu'un a-t-il vu la remarquable émission de Arte sur les Thomaners, ces enfants et jeunes qui passent huit ans en internat pour chanter Bach ? (L'émission est encore visible quelques jours, elle est passée pour fêter les 800 ans de cette chorale de Leipzig).
Propos impressionnants de maturité de quelques élèves sur leur rapport à la spiritualité, aux valeurs etc. ; en France, il paraît qu'on arrive aussi à inculquer de hautes valeurs, mais on a pas besoin de Bach, il suffit de foot ou de boxe thai.
Je ne sais pas si en France il existe une institution musicale équivalente ; on a en revanche des dizaines de centres "Sports-études".

La France : pays le plus triste du monde, habité par un des peuples qui compte aujourd'hui parmi les plus désespérément abrutis de la terre, conduit par une élite corrompue, chez qui la perversion le dispute à l'incompétence. Et qui s'enfonce, tous les matins un peu plus.

Les Français entretiennent les rapports les plus atterrants avec tout ce qui touche aux domaines dans lesquels ils ont excellé pendant des siècles. Voilà qui est cruel, frustrant et infiniment triste. Car c'est politiquement, culturellement et esthétiquement que jadis nous montrions la voie. Conscients de cet aura, nous surmontions, sublimions nos défauts. Mais le phare s'est éteint il y a longtemps, squatté depuis par des hordes bruyantes qui tiennent lieu d'élites et de clercs.

Dirigeants aussi fades qu'irresponsables, éducateurs, amuseurs et animateurs TV diffusant l'hébétude, pseudos artistes subventionnés pour torturer l'espace public (ces temps-ci, un gigantesque éléphant rose trône sur le parvis de la gare St Charles, à Marseille) et intellectuels sans oeuvre qui déblatèrent chaque jour leurs opinions jetables devant des assemblées conquises...

Ce sont eux les responsables, eux qui ont fait de la France une communauté de déclin.

L'école de danse de l'opéra de Paris reste encore un lieu d'excellence où se dispense un enseignement exigeant et rigoureux. Pour combien de temps ?

Citation
Cassandre
L'école de danse de l'opéra de Paris reste encore un lieu d'excellence où se dispense un enseignement exigeant et rigoureux. Pour combien de temps ?

J'évoquais à l'instant au téléphone l'histoire de cette institution, que racontait récemment, à travers un portrait réussi de Noureev, un documentaire de France 2. Si ça se trouve, on lira bientôt dans la presse que la direction artistique de l'Opéra Garnier a été confiée à Psy, le redoutable "chanteur" sud-coréen à l'origine de ça :





(Vu plus d'un milliard de fois sur YouTube.)

Je crois que ce qui sidère, c'est la rapidité du phénomène.

Il y a encore une vingtaine d'années, vivaient et participaient aux débats en France Deleuze, Barthes, Lacan, Foucault, Ricoeur, Lévinas... On peut penser tout ce que l'on voudra de ces intellectuels, mais la France restait quand même un phare.

(Et si l'on veut rester dans les humoristes, c'était Devos, c'était Reynauld - ou même Alex Métayer - qui apparaissent aujourd'hui comme des génies comparés aux "humoristes" actuels... Bon, les chanteurs je n'y reviens pas.)

Il y a une vingtaine d'années seulement ? (c'est-à-dire en 1992). La débilité était déjà solidement au pouvoir, pourtant. Il faudrait plutôt dire il y a une quarantaine d'années.

Dans la datation, je suis plutôt du côté de M. Anton. Disons qu'il y a 20 ans, il existait encore quelques garde-fous, alors qu'aujourd'hui les gens, du moins ceux qui ne savent pas se tenir (et Dieu qu'ils sont nombreux et "colorés"), ont le champ libre pour se vautrer.

Mais sommes-nous bêtes...

"La popularité d'Omar Sy est une manière de se rassurer sur la validité du modèle social français". Ainsi parlait Frédéric Dabi, Directeur général adjoint de l'Ifop.

Mais bon sang oui, c’est bien sûr ! Merci, merci, merci, ô Frédéric Dabi, d’avoir décrypté pour moi cette information !

Citation
Jean-Michel Leroy
le modèle social français

le modèle social français, putaing cong, il aurait pu être un peu plus précis, ce Dabiiiiichi.
Vous n'auriez pas une idée de ce que ça peut être, le môôôôdèle sôôôôcial français ?

M. Davoudi, si nous regardons les dates de départ des différents intellectuels, humoristes et ainsi de suite, effectivement il faudrait aller aux années 1980, donc une trentaine d'années... Mais cela ne change rien au fond : la célérité du processus.

Je ne suis pas sûr qu’un processus puisse témoigner de la célérité...

S'il est soudain pris d'une irrésistible envie de se dégourdir de petites jambes désentravées des pesanteurs du passé, si.

Essayons plutôt de répondre à cette question.
A qui profite la publication dans tous les journaux de cette information artificiellement fabriquée:
Vous, Français, vos compatriotes les plus "sympa" sont des noirs, arabes et métis (les quatre premiers) qui vous divertissent au cinéma et ailleurs et qui sont omniprésents à la télévision?

J'observe que la machine politico/médiatique demande aux Français d'afficher un plébiscite pour un acteur milliardaire expatrié. Bizarre après tout ce cirque autour du traitre Depardieux. Moi, j'ai du mal à comprendre tout ce qui se passe.

C'est l'ingénierie sociale et culturelle (le Monde ne parle-t-il pas de "modèle social" à propos d'Omar Sy ?) : un régime enjoint à ses ressortissants, par tous les moyens que lui offre la sphère médiatico-politique, non point d'agir dans un sens ou dans un autre (comme jadis en temps de guerre ou de mobilisation nationale), ou non point seulement d'agir, mais d'être ce que le régime juge bon pour sa perpétuation. La dite sphère médiaco-politique a pour charge de produire des images identificatoires (ce qui est "sympa" est identificatoire, on se reconnaît, s'identifie et s'apaise dans la matière sympa). La population qui subit pareil régime totalitaire au sens strict se voit intimée de s'identifier à ce qui est favorable au régime et qui est aussi ce que le régime favorise, la sphère est ainsi parachevée et close dans sa totalité: la population devient, socialement, idéologiquement et biologiquement, ce que le régime souhaite qu'elle soit, et le régime récompense en leur offrant des bananes les agents les plus zélés de cette sphérisation. C'est à la fois très simple et très grave: une révolution identitaire (mutation ontologique et mutation des processus identificatoires). Le caractère totalitaire (je crois que l'on pourrait employer le terme holistique ici) et parfait du processus rappelle irrésistiblement les "révolutions culturelles" de certains pays qui entreprirent de façonner une totalité asservie au régime, lui-même moteur de la totalité (dispensateur de tout: images, préceptes, hérésies et lutte contre l'hérésie, peste et lutte contre la peste, etc..)

Vu sous un certain angle, tout ceci est normal, voire naturel: un des seuls systèmes politiques qui subsistent aujourd'hui dans le monde avec le système français, où la presse est subventionnée comme l'est l'industrie du divertissement (le cinéma français, notamment, et le film Intouchable qui a lancé Omar Sy et qui fut sans doute généreusement et statutairement arrosé), est... la Chine populaire. On retrouve dans ces deux pays le même fonctionnement idéologique circuitaire -- vous êtes ce que l'on vous dit d'être, et vos "personnalités préférées" sont celles qui représentent ce vers quoi vous devez tendre: l'identité dans laquelle vous devez vous sentir bien. Et ça marche.

C'est bien ce que je pensais.

Sauf que Mao n'arrivait pas en 45e position du classement des "personnalités préférées des Chinois". Qui est donc notre Mao ?

Le peuple chinois n'était pas invité à s'identifier, à ressembler à Mao. S'inspirer de ses oeuvres devait suffire. Ici Omar Sy serait le héros populaire positif des français, façon Lei Feng. Le système des représentations est une invite permanente à être, et non à faire. C'est une offensive ontologique, si l'on veut. Les modèles, les patrons (de couturière) sont là, en gros plan, sur le podium, à charge à présent pour le peuple de France de leur ressembler et au Français du rang de s'identifier à eux pour être, à leur tour, aimés comme eux le sont: Omar Sy (black sympa y'a bon), Debhouze (musulman modéré) et Noah (métis incarné).

Ce régime applique une pression identitaire très forte et constante (pression au sens de propagande insidieuse et injonctive) et sa politique est tout identitaire. Les "identitaires nationaux" (ceux qui ont occupé la Mosquée de Poitiers) ne font qu'y réagir timidement. Ce sont des identitaires réactionnaires, dominés, réfractaires confus et inefficients face au matraquage identitaire puissamment organisé qui accable ce pays.

En cette fin d'année nous avons vu le Régime (en la personne de son premier ministre, pas moins! accompagné de l'un de ses chiens courants, le petit caporal Torreton) fustiger, vilipender un acteur français non-Black, non-musulman, non-métis, en l'accusant de trahison, de désertion, autant dire de comportement anti-français, avant de remettre des bananes épluchées et des hochets à un autre acteur dans un jeu de mise en contraste racial et idéologique particulièrement saisissant, on ne peut plus parlant.

Citation
Loïk Anton
Quelqu'un a-t-il vu la remarquable émission de Arte sur les Thomaners, ces enfants et jeunes qui passent huit ans en internat pour chanter Bach ? (L'émission est encore visible quelques jours, elle est passée pour fêter les 800 ans de cette chorale de Leipzig).
Propos impressionnants de maturité de quelques élèves sur leur rapport à la spiritualité, aux valeurs etc. ; en France, il paraît qu'on arrive aussi à inculquer de hautes valeurs, mais on a pas besoin de Bach, il suffit de foot ou de boxe thai.
Je ne sais pas si en France il existe une institution musicale équivalente ; on a en revanche des dizaines de centres "Sports-études".

Cher Anton,

sur votre conseil, j'ai regardé ce documentaire. Quel plaisir ! merci à vous.

Cependant, je voudrais connaître votre sentiment sur un point : la construction du nouvel internat de cette institution. Dans l'ancien, les plus jeunes (7,8 ans) sont logés avec des anciens (16,17 ans) ; ces derniers veillent sur les petits nouveaux.

La directrice de l'établissement a justifié la construction de ces nouvelles chambres d'internat par les têtes effarées qu'ont, ou qu'auront certainement, les parents de ces nouveaux lors de la visite de rentrée. Aujourd'hui, affirme-t-elle, les enfants ont besoin de leur chambre, de leur intimité. Les parents n'accepteraient plus les anciennes chambres dont la disposition, nous dit pourtant un des enseignants, est plébiscitée par les plus jeunes comme par les plus anciens.

Alors, renoncement ? détail ? J'avoue avoir été désagréablement surpris de cette évolution qui va, à mon sens, dans une bien mauvaise direction. Déjà que pendant le documentaire on a la terrible sensation de regarder un monde qui s'en va...

Un monde en tout cas bien surprenant ; j'ai surtout été étonné qu'il existe encore... Quel drôle de mélange : dans une même ville et une même société, les casquettes à l'envers, le marketing, le vide spirituel, les écoles nocentes, et juxtaposé, cet internat voué à la musique sacrée.
(En ce qui concerne les chambres qui deviennent individuelles ; ce changement ne me semble pas être le symptôme d'un effondrement imminent de l'institution en question, ni même de ces gouttes d'eau qui l'annonceraient... Certains signes sont des signaux d'alerte, d'autres des évolutions de confort normales me semble-t-il).
Ce qui m'a plus inquiété, c'est l'attitude des élèves des lycées dits normaux face à cette chorale. Non pas l'admiration ou du moins la curiosité, mais le fait de traiter les choristes de "pédés".

"évolutions de confort normales"

Diantre, suis-je donc si sévère ?! Moi, comme je l'ai écrit, j'y vois un bien mauvais signe (de la même façon, d'ailleurs, que cette école vient de modifier les conditions pour faire partie de la maîtrise lorsque celle-ci partir en tournée).

Espérons que votre version soit la bonne et que cette institution puisse fêter ses 1000 ans.

Pour ajouter à ma perplexité, j'apprends que Tsonga, citoyen français représentant la France aux jeux olympiques catégorie tennis, et contribuable suisse, vient d'être décoré de la légion d'honneur par notre premier ministre,
qui lui-même trouvait minable la fuite en Belgique de Depardieu.