Le site du parti de l'In-nocence

La peinture aujourd'hui

Envoyé par Phil Steanby 
11 janvier 2013, 22:41   La peinture aujourd'hui
Comme se porte la peinture officielle, aujourd'hui ? Qu'est devenu l'art du portrait ? Quels sont les goûts de la famille royale ?

[www.20minutes.fr]
12 janvier 2013, 06:05   De l'énaction, du masque
C'est un objet d'art buto: les amateurs éclairés auront reconnu une autopoièse de la duchesse de Cambridge en notre chanteuse Sheila.
13 janvier 2013, 09:45   Re : La peinture aujourd'hui
Je recommande aux amateurs d'art la lecture de la très brillante mise au point (à propos du succès de l'exposition de Hopper au Grand Palais) de M. Fumaroli dans Le Figaro (quotidien papier), daté du vendredi 28 décembre.
Cher Bily, vous nous amenez sur des sites... euh, comment dire...
13 janvier 2013, 11:53   Re : La peinture aujourd'hui
L'article de Fumaroli, La revanche de Hopper est réservé aux abonnés. Cependant, on peut y accéder en faisant une recherche Google (Marc Fumaroli Hopper).

Quelques extraits :

L’écran qui cachait ce grand peintre « figuratif » est levé. Malgré tous les efforts déployés pour dévoyer le goût général en portant aux nues les provocations et les spéculations de l’« Art contemporain » et de ses Foires, la beauté et la poésie de l’œuvre de Hopper trouvent le chemin de l’émotion et de l’intelligence du public non prévenu.

Quand, en 1989, une exposition Hopper a été proposée au Centre Pompidou, elle fut refusée sous prétexte qu’il s’agissait d’un pompier provincial et négligeable, écrasé par la révolution expressionniste abstraite et le feu d’artifice pop qui avaient fait tour à tour de New York la capitale mondiale des arts.

ce peintre affligé de l’étiquette « locale » s’est montré un tel métaphysicien de la lumière et un moraliste si pénétrant du génie des lieux que, sans l’avoir prétendu, il peut se retrouver maintenant au premier rang, dans la famille universelle des peintres-poètes de l’École du silence. Avec lui, et avec son humilité, on approche de cette mystérieuse et délectable beauté dont veulent nous priver et nous divertir à tout prix les opérateurs impérieux chargés de veiller sur notre « droit à consommer de la culture ». La beauté telle que cet artiste l’a servie aurait-elle gardé quelque chance ?

Hopper a commencé par étudier la lumière parisienne sur le motif au bord de la Seine et chez les impressionnistes français, au cours de ses séjours parisiens. C’est par comparaison qu’il a découvert la lumière proprement américaine. À partir de cette trouvaille, il a pu réfléchir, dans un éclairage ni flatteur ni cruel, mais révélateur de leur vérité, celle de la quotidienneté de la vie américaine et du climat propre à chacun de ses lieux, urbains et ruraux. Alors que le pop art répétitif n’a pu montrer que les étals de « goods » et les galeries de « people » dont se repaît la consommation américaine, Hopper avait su pénétrer et exposer l’humanité américaine aux prises avec sa dure lumière, son immense espace, et son individualisme égaré dans la foule solitaire.

Qui ne l’a ressenti, mais qui l’avait fait sentir, jusqu’alors ? L’immensité vide de l’Amérique fait peser sur ses villes de pierre, de brique et de vitres, comme sur leurs faubourgs en voie de coloniser le « wild » toujours plus avant, une écrasante chape métaphysique d’ennui. La lumière du jour américaine, dont Hopper est passé maître, a une qualité presque aussi électrique et aussi peu flatteuse que celle des éclairages de la nuit urbaine. Elle creuse les traits, refroidit les chairs, exagère les failles qui divisent les couples et isolent les individus.

Le droit à la beauté ne se proclame point. Mais il se prend en dépit de tous les obstacles, par l’exercice d’une antenne intérieure fragile et sévère, affreusement calomniée et persécutée par les militants du « droit à la culture », mais dont la persévérante exigence a des chances de l’emporter. Cette antenne s’appelle le goût.



Quand on voit la façon dont le complexe qui régit la vie artistique française  — frère jumeau de celui qui écrit criminologie avec des guillemets pour mieux révérer la sociologie, organique et sans guillemets — tombe aujourd'hui en pâmoison devant Hopper qu'il accablait naguère d'un si souverain mépris, on est partagé entre le désir de botter des fesses et celui de pousser un soupir de soulagement. Il n'est pas exclu au demeurant que ce spectaculaire et au fond pitoyable retournement de veste en annonce d'autres, Lucian Freud, Raymond Mason sans doute, mais aussi, pourquoi pas, dans d'autres domaines que celui des arts.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter