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Communiqué n° 1514 : Sur la publication de “La France Orange mécanique”

Cassandre,
je ne sais ce qu'il en est du livre d'Obertone, faut de l'avoir lu, mais le livre de Gougenheim méritait tout à fait les critiques qui lui ont été adressées, malheureusement, et qui n'étaient pas des "pinailleries" parce qu'elles ne portaient pas du tout sur des points de détail : [www.renaud-camus.org]

Depuis lors, j'ai trouvé de petites "fantaisies" dans d'autres ouvrages du même Gougenheim alors qu'ils portaient sur la période dont il est censé être spécialiste et j'en viens donc à m'interroger sur le sérieux et la bonne foi du bonhomme.
Citation
Jean-Marc du Masnau
A propos des chiffres, il en est un qui est difficilement contestable. On peut "cacher" des vols, on peut "amplifier" des viols. On ne peut pas dissimuler les homicides.

Or, il semble bien que, si on raisonne en moyenne, on soit passé d'un peu plus de 1000 par an il y a 15 ans à de l'ordre de 700 actuellement.

Comment expliquer cela dans un contexte mécanico-hespéridien ?

« De nombreux homicides sont maquillés en "violences graves" suivies de décès. Il est fréquent de dissocier l'acte violent et la mort. Vous savez, la fameuse crise cardiaque qui survient quand la tête de l'individu bousculé heurte le trottoir. La chute "accidentelle" après le coup de poing. Très pratique, pour améliorer les statistiques.

Le chiffre des homicides est un des plus trafiqués de tous. D'autant que l'évolution de la médecine n'est à aucun moment évoquée par le bot-journaliste. Depuis 1985, le taux de mortalité lié aux cancers s'est effondré. Bizarrement, pas celui des homicides. C'est que nos chirurgiens en rattrapent, des traumatismes crâniens... »

(Extrait de la réponse d'Obertone à Mediapart sur le site d'Atlantico, en suivant le lien donné par M. Comolli)
Personne n'est en effet à l'abri de se laisser aller à de purs réflexes, à un "prêt à penser" intellectuellement paresseux tout droit sorti d'un tel contexte mécanico-hespéridien. Il n'est pas question, pour moi en tout cas, de contester cette baisse significative du nombre d'homicides en France. On peut effectivement penser que ces données sont exactes car il semble a priori bien impossible de dissimuler pareils actes. Seules leurs exactes qualifications juridiques donnent prises à questionnement comme on l'a vu récemment dans la dramatique affaire de ces gendarmes morts écrasés (meurtre ; assassinat ; homicide involontaire ; violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ; etc).

Mais ceci dit le livre d'Obertone ne défend absolument pas la thèse d'une augmentation strictement comptable du nombre d'homicides. A aucun moment du livre.
Il pointe uniquement un ensauvagement de notre pays et une explosion générale des actes délictueux et criminels et ce depuis déjà quelques années. Par rapport aux années 50-60 on peut effectivement parler d'explosion de cette délinquance y compris et surtout celle avec violence, laquelle pourrit la vie au sens où chacun est sur le qui-vive et se calfeutre dans un individualisme plus guidé par la peur que par un égoïsme de petits-bourgeois.
Le problème n'est pas du tout que l'on risque plus de se faire assassiner aujourd'hui qu'il y a 15 ans mais qu'on risque plus de se faire cambrioler, agresser physiquement et/ou voler. Que notre façon de vivre ensemble en est profondément altérée et transformée.
"Par rapport aux années 50-60 on peut effectivement parler d'explosion de cette délinquance y compris et surtout celle avec violence, laquelle pourrit la vie au sens où chacun est sur le qui-vive et se calfeutre dans un individualisme plus guidé par la peur que par un égoïsme de petit-bourgeois."

Un exemple caractéristique : le nombre des méfaits punis par la loi a augmenté de 465 pour cent en l'espace de 40 ans !
« De nombreux homicides sont maquillés en "violences graves" suivies de décès. Il est fréquent de dissocier l'acte violent et la mort. Vous savez, la fameuse crise cardiaque qui survient quand la tête de l'individu bousculé heurte le trottoir. La chute "accidentelle" après le coup de poing. Très pratique, pour améliorer les statistiques.

Le chiffre des homicides est un des plus trafiqués de tous. D'autant que l'évolution de la médecine n'est à aucun moment évoquée par le bot-journaliste. Depuis 1985, le taux de mortalité lié aux cancers s'est effondré. Bizarrement, pas celui des homicides. C'est que nos chirurgiens en rattrapent, des traumatismes crâniens... »


Comment ne voyez-vous pas que cet extrait décrédibilise son auteur ?

Le second paragraphe dit tout et son contraire : l'auteur parle de statistiques truquées, qui baissent donc. Il nous dit ensuite que le taux des homicides ne s'effondre pas (c'est incohérent) pour finir par une remarque sur les chirurgiens qui sauveraient des personnes qui sinon serait mortes d'être tabassées (ce que je crois comprendre).

C'est fumeux et c'est lamentable : ce monsieur invente une nouvelle catégorie de victimes d'homicides, les "non-morts", si je puis dire. Effectivement, si on ajoute ceux qui sont morts et ce qui auraient pu mourir, ça fait du monde.

Pour ce qui est du premier point, la catégorie semble être celle regroupant les homicides et les coups mortels. Elle aussi est en baisse.

A force de vouloir trop prouver, d'asséner, on finit par semer le trouble.

Ne serait-il pas plus simple de dire la vérité, à savoir que les homicides baissent et que monte la petite délinquance violente ?

Ne serait-il pas plus simple de dire que les Français risquent fort peu de se faire tuer pour une raison ou pour une autre, pour un regard ou ce qu'on veut, mais qu'en revanche ils ont de bonnes raisons de craindre de se faire détrousser ou de voir leur logement cambriolé ?
Tout à fait d'accord avec Jean-Marc du Masnau : les approximations et bidouillages foireux d'Obertone et autres Gouguenheim décrédibilisent gravement les causes qu'ils prétendent servir. Ils sont les faire-valoir de la bien-pensance.
Oui tout à fait exact.
Mais cette baisse significative n'est en rien le fruit d'une plus grande humanité qui habiterait soudainement nos voyous. Elle est due essentiellement au progrès réalisé par la Police scientifique dans l'élucidation des meurtres et assassinats. En un mot le crime ne paie plus! Le risque de se faire "pincer" étant devenu statistiquement beaucoup trop important pour le prendre inconsidérément.
Quels sont donc les « approximations et bidouillages foireux » de Sylvain Gouguenheim, cher Rémi Pellet ?
Voici un extrait d'un article remarquable de Rémi Brague sur la question qui me semble dire exactement ce qu'il convient :


"Commençons par rappeler les faits : Sylvain Gouguenheim, agrégé d’histoire, docteur ès-lettres, professeur d’histoire médiévale à l’École Normale Supérieure de Lyon (ex-Saint-Cloud), auteur de plusieurs ouvrages : sur Hildegarde de Bingen, sur les « terreurs de l’an Mil », sur les chevaliers teutoniques, publie en mars 2008 un livre dont le thème général est la transmission de l’héritage intellectuel de la Grèce à l’Europe médiévale[1]. La thèse est que l’essentiel de cette transmission s’est effectué directement, ce qui tend à réduire le rôle de la médiation arabe.
Le livre a suscité un scandale inaccoutumé. Il a débordé le milieu assez restreint des gens compétents. La polémique a dérapé vers des procédés inhabituels entre universitaires, pour lesquels l’arme absolue ne va pas plus loin, à l’accoutumée, que l’éreintement dans une revue spécialisée[2]. En l’occurrence, des manifestes furent publiés dans la presse et l’on fit circuler des pétitions.
J’aimerais ici, d’abord, présenter quelques observations sur les phénomènes qui me semblent avoir rendu possible une telle querelle. Puis, je traiterai sommairement la question du rôle de la culture arabe dans la formation de l’Europe intellectuelle.
Pourquoi le scandale ?

Université et médias

Le premier problème me semble être celui de l’articulation du savoir universitaire sur le discours médiatique.
La polémique est partie d’une recension parue dans Le Monde du 4 avril. Son auteur, Roger-Pol Droit, le chroniqueur philosophique habituel du journal, y présente le livre comme opérant une révolution totale : on croyait jusqu’alors que l’Europe devait tout au monde arabe ; on sait désormais qu’elle ne lui doit rien. Le langage médiatique rabote les nuances et traduit en binaire (tout/rien, bien/mal, etc.). Hegel disait que la philosophie peignait gris sur gris. Il en est de même des petits bouts d’ivoire que polissent les historiens. Les médias, eux, brossent leurs fresques en noir et blanc.
Des manifestes parurent donc, qui évoquaient l’article, sans en nommer l’auteur, et s’attaquaient au livre de S. Gouguenheim. Parmi les signataires, on trouvait des historiens unanimement reconnus dans l’étude de la question. D’autres étaient médiévistes, mais s’occupaient d’autres domaines. Certains, peu nombreux il est vrai, ne connaissaient à peu près rien au Moyen Age. En ce qui me concerne, je me suis abstenu de toute réaction positive ou négative, tout simplement parce que j’étais à l’étranger et n’avais pas encore pu me procurer le livre. On chuchote que certains signataires n’auraient pas eu ce scrupule…
Certaines critiques étaient tout à fait courtoises. On signala des erreurs de fait, des interprétations tendancieuses, une bibliographie incomplète et datée. Tous arguments recevables dans une discussion scientifique de bon ton.
Malheureusement, on lut et entendit aussi des amalgames peu compréhensibles. On mentionna pêle-mêle l’immigration, les discours du Pape, on cria au « racisme » et à l’« islamophobie ».

Une intelligentsia cloisonnée

Le second problème est celui de la structure de l’intelligentsia française. Elle souffre d’un manque de communication entre les chercheurs du CNRS, de l’Université ou des autres établissements d’enseignement supérieur, d’une part, et le grand public, d’autre part. Bien des chercheurs ne publient que dans des revues spécialisées qui ne sont guère lues que par leurs collègues. Certains auraient l’impression de déroger, ou tout simplement de perdre leur temps, s’ils écrivaient pour un public moins restreint. Ceux qui vulgarisent ne sont pas toujours regardés avec beaucoup de bienveillance par ceux qui s’en abstiennent.
Le résultat de ce divorce entre spécialistes et médias est que le marché du prêt-à-penser est entre les mains de gens fort peu compétents, dont personne ne prend soin de rectifier les allégations quand c’est nécessaire. D’où la présence sur ledit marché de plusieurs légendes, au gré des modes.
Les gens compétents ont raison de dire que ce que S. Gouguenheim a écrit, « tout le monde le savait déjà ». C’est exact si l’on prend « tout le monde » au sens où l’on parle du « tout-Paris », ce qui veut dire, dans les deux cas, quelques dizaines de personnes. Si en revanche, on pense au non-spécialiste qui cherche à s’informer dans la presse ou dans les médias, force est de constater que la légende qui y domine actuellement, « la thèse la plus médiatisée » (AMSM, p. 14), est bien celle contre laquelle s’élève S. Gouguenheim, lequel ne prétend pas faire plus que « donner à un public aussi large que possible […] des éléments d’information et de comparaison issus des travaux de spécialistes, souvent peu médiatisés »
On peut regretter qu’il ne soit pas sur ces questions le meilleur spécialiste dont on puisse rêver. Mais pourquoi les spécialistes lui ont-ils laissé la tâche désagréable de rectifier le tir ? Et pourquoi abandonnent-ils le terrain à des ignorants, des menteurs et/ou des propagandistes ?

La légende à la mode

Qu’il existe une telle légende constitue le troisième des problèmes que j’ai mentionnés. On peut la décrire à grands traits, telle qu’on la rencontre dans de larges secteurs des médias. L’idée générale est que, au Moyen Age, ce qui s’appelle aujourd’hui l’Europe, la chrétienté latine, si l’on préfère, était plongée dans une obscurité profonde. L’Église catholique y faisait régner la terreur. En revanche, le monde islamique était le théâtre d’une large tolérance. Musulmans, juifs et chrétiens y vivaient en harmonie. Tous cultivaient la science et la philosophie. Au xiie siècle, la lumière du savoir grec traduit en arabe passa d’Islam en Europe. Avec elle, c’était la rationalité qui y rentrait, permettant, voire provoquant la Renaissance, puis les Lumières.
Il est clair qu’aucun de ceux qui ont étudié les faits d’un peu près ne soutient une telle caricature. Il est clair aussi que ceux qui la rejettent le font soit pour de bonnes raisons, liées à un savoir plus exact, soit pour des raisons beaucoup moins avouables, comme le préjugé selon lequel les Arabes auraient de toute façon toujours été incapables de science ou de philosophie… Je suis payé (au sens propre) pour savoir que c’est on ne peut plus faux.
On a en tout cas un peu vite fait de dire que S. Gouguenheim s’en prendrait à des moulins à vent, que « personne » n’adhèrerait à la légende rose que j’ai dite. Car, encore une fois, si l’on veut dire : personne parmi les spécialistes, la cause est entendue. Si l’on veut dire en revanche : personne parmi ceux qui font l’opinion, on se trompe lourdement.
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Faut-il laisser à la merci du faux les braves gens tout prêts à apprendre ?
Et que faire lorsque des hommes politiques, des décideurs au plus haut niveau, sur les deux rives de la Méditerranée, s’en laissent accroire par ceux qui les conseillent ou rédigent leurs discours ?

La maison de la sagesse

Il me faut mentionner ici un second exemple, tant il est répandu. C’est celui de la « maison de la sagesse » (bayt al-hikma) de Bagdad. La légende y voit une sorte de C.N.R.S., un centre de recherche généreusement subventionné par les Califes amoureux du savoir, et où des traducteurs auraient été payés pour faire passer à l’arabe les trésors de la science et de la philosophie grecques.
La légende ne se nourrit que de soi ; rien de tout cela ne résiste à l’examen critique. La maison de la sagesse abritait bien une bibliothèque. Mais l’activité de tous les traducteurs que nous connaissons était commanditée par des clients privés, nullement par l’appareil d’État. Enfin, plus on remonte en arrière dans le temps, moins les chroniqueurs mettent en rapport l’activité de traduction avec cette fameuse maison[6].
Il semble que l’institution en question n’avait rien à voir avec les traductions, ni même en général avec le savoir profane, d’origine grecque. Elle semble avoir été avant tout à usage interne, plus précisément une sorte d’officine de propagande en faveur de la doctrine politique et religieuse que soutenaient les Califes de l’époque, à savoir le mu‘tazilisme, lui aussi objet de bien des légendes.
Rappelons en deux mots que les Mu‘tazilites étaient bien partisans de la liberté morale de l’homme comme indispensable pour penser la justice de Dieu qui ne peut récompenser et punir que des gens responsables de leurs actes. Mais n’oublions pas que, dans la pratique, ils ont lancé le pouvoir califal contre leurs adversaires en une campagne que bien des historiens nomment, au prix d’un anachronisme, « inquisition ».

L’Andalousie

Toute cette légende se replace dans le cadre d’un rêve rétrospectif, celui d’une société multiculturelle où aurait régné la tolérance. En particulier, l’Espagne sous domination musulmane (al-Andalus) aurait été la préfiguration de notre rêve d’avenir d’une société bigarrée de peuples et de croyances vivant en bonne intelligence. Le niveau culturel y aurait été fantastiquement élevé. Cela aurait duré jusqu’à la Reconquête chrétienne, laquelle aurait inauguré le règne du fanatisme, de l’obscurantisme, etc.
Les lieux où coexistaient effectivement plusieurs ethnies et religions ont tous disparu. Certains, comme Alexandrie ou la Bosnie, l’ont fait assez récemment pour que le souvenir de ces échecs, sanglant dans le dernier cas, ne se soit pas encore effacé. Et ne parlons pas de l’Irak… L’Espagne musulmane, elle, est assez éloignée dans le temps pour que l’on puisse encore en idéaliser la mémoire. De plus, l’Espagne est, depuis le xvie siècle, le lieu idéal des légendes et des clichés. Cela a commencé par la « légende noire » sur la conquête du Nouveau Monde. Répandue par les plumitifs stipendiés par les rivaux commerciaux des espagnols et des portugais, dont la France, elle permettait à ceux-ci de légitimer leur piraterie d’État (dite « guerre de course »). N’insistons pas sur les poncifs « orientalistes » de Gautier et de Mérimée. Donc, pourquoi ne pas ajouter aux castagnettes et aux mantilles un al-Andalus rose ?
Pour le dire en passant, il serait fort instructif de reconstituer les origines de ce mythe andalou, depuis l’américain Washington Irving en passant par Nietzsche.
Un arabisant espagnol, Serafín Fanjul, s’est donné pour tâche de détruire cette légende et de montrer que les régions d’Espagne sous domination musulmane n’étaient ni plus ni moins agréables pour les communautés minoritaires que les régions chrétiennes. Des deux côtés, on constate discriminations et persécutions, le tout sur l’arrière-plan d’expéditions de pillage et de rapt. Plutôt que d’une coexistence (convivencia) harmonieuse, il s’agissait d’un système voisin de l’apartheid sud-africain[7]. Là aussi, rien qui soit nouveau pour les historiens qui ont de cette époque une connaissance de première main. Mais qui les lit ?
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Des nuances

J’en viens à l’aspect positif de mon propos, et tenterai une rapide synthèse de la question. Pour ce faire, je me permettrai de reprendre quelques résultats, évidemment provisoires, de deux de mes livres, auxquels je renvoie pour plus de détails[12].
Commençons par rappeler un peu plus précisément la thèse de S. Gouguenheim. La contribution de la civilisation islamique à celle de l’Europe est réelle, et personne ne songe à la nier. Mais elle est moins exclusive que ce que certains voudraient nous faire croire[13]. La transmission directe à partir de l’Orient byzantin est plus importante qu’on ne l’a pensé. L’Europe latine n’a jamais cessé de loucher avec envie vers Constantinople. Un mince filet de savoir grec, venu d’Irlande ou de Byzance, a continué à irriguer l’Europe. En même temps qu’on traduisait Aristote de l’arabe, surtout en Espagne, on le traduisait directement du grec. Voire, avant. En particulier, S. Gouguenheim a attiré l’attention sur un personnage déjà connu, mais guère en dehors des cercles de spécialistes, Jacques de Venise, qui a traduit Aristote directement du grec au latin un demi-siècle avant les traductions sur l’arabe effectuées à Salerne, à Tolède, en Sicile, ou ailleurs (AMSM, p. 106-115).
Ensuite, sérions les questions et trempons notre pinceau dans les diverses nuances du gris.

La religion de l’islam

Il faut distinguer du côté de l’émetteur : l’islam-religion ne coïncide pas avec l’Islam-civilisation. Celle-ci a été rendue possible par l’unification du Moyen-Orient : d’abord unification politique sous le pouvoir des Califes et, plus tard, unification linguistique au profit de l’arabe. Cette civilisation a été construite autant par le travail des chrétiens, juifs ou sabéens du Moyen-Orient, et par les zoroastriens ou manichéens d’Iran, que par les musulmans qui n’étaient au départ qu’une caste militaire conquérante. Ainsi, les traducteurs qui ont transmis l’héritage grec à Bagdad étaient presque tous chrétiens, le plus souvent nestoriens. Les rares qui ne l’étaient pas appartenaient à la petite communauté « païenne » des Sabéens, comme le célèbre astronome Thabit ibn Qurra[14].
L’islam comme religion n’a pas apporté grand’ chose à l’Europe, et ne l’a fait que tard. Tout simplement parce qu’il n’y a été connu que tard. À la différence de Byzance, où le Coran avait été traduit dès le ixe siècle, l’Europe n’a connu le texte fondateur qu’après un long délai. La première traduction latine en fut faite à Tolède au milieu du xiie siècle sous l’impulsion de l’abbé de Cluny Pierre le Vénérable. Mais elle n’a à peu près pas circulé avant d’être imprimée, tard dans le xvie siècle[15]. Le premier examen du Coran à la fois un peu sérieux et ouvert est l’œuvre du cardinal Nicolas de Cuse, au xve siècle[16].
Parmi les traditions sur Mahomet (hadith), seul le récit merveilleux du « voyage nocturne » du Prophète au ciel (Scala Machumeti) est passé en Europe[17]. L’apologétique (Kalâm) fut connue surtout par la réfutation de son école dominante qu’effectue Maïmonide dans son chef d’œuvre philosophique et exégétique[18]. Elle a fourni à la physique d’Aristote une alternative discontinuiste (atomiste) qui fut exploitée par certains nominalistes, puis à l’époque moderne par Malebranche et Berkeley[19].

La civilisation de l’Islam

Sont venus de l’Islam comme civilisation deux sortes de biens culturels. D’abord, ceux qui ont transité par lui. Ainsi les chiffres dits « arabes », venus des Indes. Ou encore, ce qui d’Aristote ou d’Avicenne fut traduit à Tolède.
Est venue aussi de l’Islam la contribution originale par laquelle ses savants prolongeaient et dépassaient l’héritage grec. C’est le cas en mathématiques, y compris l’astronomie et l’optique avec la révolution introduite par Ibn al-Haytham (Alhacen). C’est le cas en médecine avec Razi (Rhazès) et Avicenne. Et bien sûr en philosophie, avant tout avec, encore une fois, Avicenne, peut-être le plus novateur.
La contribution des savants écrivant l’arabe est d’ailleurs loin de se limiter à ce qui a eu la chance de parvenir à l’Occident. Les travaux d’al-Biruni en géodésie, en minéralogie, etc., sans parler de l’exceptionnel miracle d’objectivité qu’est sa description de l’Inde, n’ont été connus qu’au xixe siècle[20]. En philosophie, al-Farabi n’a été que fort peu traduit au Moyen Age, et pas dans ses œuvres les plus originales de philosophie politique.
Il y a des mathématiques (ou de la médecine, de l’alchimie, etc.) arabes en ce sens que des œuvres relevant de ces disciplines ont été composées dans la langue de culture de tout l’Empire islamique, par des gens dont l’arabe n’était pas toujours la langue maternelle, qui n’étaient que très rarement originaires de la Péninsule Arabique, et qui n’étaient pas non plus tous musulmans.
En revanche, il n’y a pas de mathématiques musulmanes, pas plus qu’il n’y a une médecine chrétienne ou une botanique juive[21]. Il y a des gens de diverses confessions qui se sont occupés de diverses sciences. Même pour la philosophie, je préfèrerais parler d’un usage chrétien, juif ou musulman de la philosophie plutôt que d’une philosophie chrétienne, juive ou musulmane.

Quoi ?

Il faut distinguer aussi la nature de la marchandise : de l’héritage grec, seul est passé par l’arabe ce qui relevait du savoir en mathématiques, médecine, pharmacopée, etc. En philosophie, ne sont passés par l’arabe qu’Aristote et ses commentateurs, avec quelques apocryphes d’origine néoplatonicienne et eux-mêmes attribués à Aristote. Le reste a dû attendre le xve siècle pour passer directement de Constantinople à l’Europe, parfois sous la forme, réelle mais souvent un peu romancée, de manuscrits emportés par des savants byzantins fuyant la conquête turque.
Ce reste, ce n’est rien de moins que toute la littérature grecque : la poésie épique (Homère et Hésiode), lyrique (Pindare), dramatique (Eschyle, Sophocle, Euripide), l’histoire (Hérodote, Thucydide, Polybe), le roman. En philosophie, c’est le cas des traités d’Épicure cités par Diogène Laërce. C’est celui de Platon, de Plotin, et aussi, hélas, d’« Hermès Trismégiste », arrivés de Constantinople à la Florence des Médicis, où Marsile Ficin mit ces trois corpus en latin.
A plus forte raison, le legs théologique des Pères Grecs n’avait aucune raison d’intéresser les penseurs de l’islam. Il est entré en Europe, très partiellement d’ailleurs, en venant directement de l’Orient chrétien. Ce fut parfois par un transfert tout à fait matériel, comme ce manuscrit des œuvres du Pseudo-Denys l’Aréopagite, offert en 827 par le Basileus Michel III à l’empereur d’Occident Louis le Pieux, puis traduit par Hilduin, et à nouveau par Jean Scot Erigène, lequel traduisit aussi des morceaux de Némesius d’Emèse et de Maxime le Confesseur. Pour le reste, il fallut attendre, selon les cas, le xiiie siècle, ou la Renaissance, voire Erasme.
N’oublions pas enfin que la culture ne se limite pas à ce qui se lit et s’écrit. Outre les textes, il y a les œuvres plastiques : architecture, sculpture, peinture. L’Islam, par scrupule religieux, n’a, avant une date récente, développé de sculpture et de peinture que par exception. La plastique grecque n’a donc pu exercer sur ses artistes la même fascination que celle que l’on rencontre en Occident. Tout ce qui relève des arts plastiques est passé du monde grec à l’Occident, la plupart du temps par l’intermédiaire de copies romaines, mais en tout cas sans détour arabe.

Quand ?

Il faut aussi varier selon les époques. S. Gouguenheim a choisi de se concentrer sur la période « où tout semble s’être joué, c’est-à-dire la première partie du Moyen Age, entre les vie et xiie siècles » (AMSM, p. 11). C’est là qu’il apporte du nouveau, sinon aux savants, du moins au grand public.
En revanche, il a choisi d’arrêter son enquête au début du xiiie siècle, et il s’en explique à deux reprises. C’est d’abord pour une raison de méthode : « à partir du xiiie siècle, les faits sont trop bien établis pour qu’il vaille la peine de les reprendre » ; c’est aussi parce que l’évolution même des événements invite à un tel découpage : « au xiiie siècle, l’Europe amorce une nouvelle étape de son histoire » (AMSM, p. 11 -12, puis 199). Aucune des deux raisons n’est sans valeur. Reste qu’une présentation d’ensemble aurait permis de mieux équilibrer le propos.
Le xiiie siècle et le début du xive siècles constituent en tout cas l’apogée de l’influence exercée sur les penseurs européens par les penseurs arabes, et avant tout par les philosophes. Toute une série de travaux font aller le balancier vers une réévaluation au positif de l’apport des penseurs de langue arabe, musulmans comme juifs. Ainsi, Kurt Flasch a synthétisé les résultats de ses collègues pour montrer comment Albert le Grand, Dietrich de Freiberg, et jusqu’à Maître Eckhart ont nourri leur pensée de la discussion avec les thèses d’Avicenne, de Maïmonide et d’Averroès. Ce dernier devant d’ailleurs être distingué de l’« averroïsme » plus ou moins fictif construit au Moyen Age par les théologiens, puis de nos jours par les historiens qui leur font trop facilement confiance[22].
Comme toujours, on peut se demander si l’on ne risque pas d’aller d’un extrême à l’autre et de voir en Averroès, que l’on avait trop longtemps pris pour une simple tête de turc, tout juste bon à gésir vaincu sous les pieds d’un saint Thomas triomphant, la source exclusive de la pensée occidentale…
Après la génération de Dante, de Duns Scot, et d’Eckhart, l’influence des penseurs arabes marque le pas dans les milieux de langue latine. Elle se prolonge plus longtemps chez les Juifs, où l’influence d’Averroès reste vive jusqu’au xve siècle, de sorte qu’une continuité s’établit avec les penseurs de Padoue.

Combien ?

Ne perdons pas non plus le sens des proportions. Le mince filet d’hellénisme passé à l’Europe jusqu’au xiie siècle sur lequel S. Gouguenheim a attiré l’attention n’est pas nul, mais il est peu de choses par rapport à ce qui a été traduit au xiiie siècle. À plus forte raison, il n’est pas comparable à ce qui était passé du grec ou du syriaque à l’arabe dans l’Empire Abbasside du ixe siècle.
Mais ces trois transferts ne sont à leur tour qu’une goutte d’eau par rapport à l’inondation qui a déferlé sur l’Europe à partir du xve siècle. Elle a concerné tout ce qui était disponible en grec. Elle a débouché sur une véritable hellénomanie qui a duré plusieurs siècles, de la Renaissance italienne aux humanismes et classicismes de toute l’Europe, de Florence à Weimar en passant par Salamanque, Oxbridge, Leyde, Paris. Tout cet engouement littéraire s’appuyait sur un mouvement philologique, séculaire lui aussi, d’édition, de commentaire, de traductions.
L’hellénisme n’a été en terre d’islam que le fait d’individus comme les « philosophes » (falâsifa), intellectuellement des génies, mais socialement des amateurs privés de relais institutionnel. Ce n’est qu’en Europe qu’il a pris la forme d’un phénomène, sinon de masse, du moins de vaste envergure, puisqu’il concernait l’ensemble de l’élite intellectuelle.
Et pourtant, le phénomène capital n’est peut-être pas encore là. Pour ma part, je le situerais dans le fait que les érudits européens ne se sont pas contentés de traduire à partir du grec. Ils se sont, si l’on peut dire, avant tout « traduits » eux-mêmes vers le grec. Ce n’est qu’en Europe que l’on a appris le grec de façon systématique. Ce n’est qu’en Europe que, le plus concrètement du monde, le grec est devenu matière obligatoire dans l’enseignement secondaire—en gros, selon les pays, jusqu’au milieu du xxe siècle.

De la réceptivité

Il faut en finir avec la métaphore naïve de la transmission du savoir sur le modèle hydraulique, que je viens de filer avec un sourire : un liquide qui coulerait spontanément d’un niveau supérieur à un niveau inférieur, comme l’eau du château d’eau aux éviers. Le Socrate de Platon se moquait déjà d’une telle représentation de l’enseignement[23]. Le récepteur doit, pour pouvoir s’approprier le savoir, s’en être d’abord rendu capable, s’être rendu réceptif.
Or donc, l’Europe a effectué, à partir du xie siècle, un énorme travail sur soi, à partir de ses maigres ressources propres : Cicéron, s. Augustin, Boèce, Isidore, quelques autres encore. Elle a connu, dans la foulée de la Querelle des Investitures, et pour étoffer conceptuellement les arguments de la papauté comme ceux de l’Empire, une renaissance juridique dont le monument principal, mais loin d’être unique, est le Décret de Gratien. Elle a connu une renaissance littéraire (s. Bernard) et philosophique (s. Anselme, Pierre Abélard). Le tout s’est fait avec les seuls « moyens du bord ».
De plus, en même temps qu’elle mâchonnait les plus minces brins de l’héritage antique, l’Europe ruminait. Elle retrouva à l’intérieur d’elle-même ce qu’elle avait négligé, comme les compilations de droit romain auxquelles puisèrent les artisans de la renaissance juridique dont je viens de parler[24].
C’est cet essor intellectuel qui a permis à l’Europe de ressentir le besoin du savoir grec, d’aller le chercher là où il était, et de le recevoir de façon féconde. De plus, en même temps qu’elle allait chercher au-dehors ce qui lui manquait du savoir grec, l’Europe est revenue sur ce qu’elle en possédait déjà, elle a retraduit ce qu’elle avait traduit de par le passé. Ainsi, les œuvres de Denys l’Aréopagite, qui firent l’objet d’une troisième traduction[25].
L’appel à du savoir frais, latin, grec ou arabe, n’est donc pas seulement une cause de l’essor intellectuel européen ; il en est tout aussi décidément une conséquence.
La réception même d’Averroès le montre : c’est en Occident chrétien et juif qu’il fut lu et commenté. Après la chute des Almohades qu’il servait, son milieu d’origine l’oublia très vite. On lit parfois dans la rubrique « faits divers » qu’un chiffonnier a trouvé un collier de perles fines dans des ordures. Il en est un peu ainsi d’Averroès : l’Occident a ramassé ce joyau dans les poubelles de l’Islam.


Conclusion
L’affaire Gouguenheim aura eu au moins le mérite d’attirer l’attention d’un vaste public sur une question historique de grand intérêt. Elle était jusqu’alors, soit confinée aux monographies savantes, soit au contraire abandonnée aux bateleurs médiatiques qui en présentent des caricatures tendancieuses. Le livre de S. Gouguenheim, se plaçant sur le terrain de la bonne vulgarisation, se proposait de rectifier les secondes en puisant dans les premières. Il n’est pas l’ouvrage définitif et exhaustif dont on pourrait rêver. Mais tant que ce livre parfait restera au pays des rêves, celui de S. Gougenheim a l’avantage de contester quelques certitudes trop rapidement acquises."
"Conclusions navrées sur le livre de Gouguenheim" pour répondre à la demande de J-M. Leroy ("copie-collé" des textes publiés ici [www.renaud-camus.org] )

Pour ma part, j'étais d'autant plus enclin à défendre le livre de Gouguenheim qu'il était dirigé contre Alain de Libéra (cité en exergue de l'ouvrage) dont j'ai toujours détesté l'arrogance et la façon qu'il a d'utiliser son érudition à des fins politiques explicites (cf. son livre, "Penser au Moyen Age", écrit dans un style provocateur et, de mon point de vue, détestable)

Je ne suis pas historien et les arguments de Gouguenheim me paraissaient bien étayés. J'avais été seulement surpris du fait qu'il ne citait pas Renan alors qu'"Aristote au Mont St-Michel" paraissait s'inscrire directement dans la filiation des théories "renaniennes" (renanistes ?) qu'il contribuait ainsi à réhabiliter alors qu'elles sont aujourd'hui critiquées pour leur caractère raciste et antisémite (même par le très indulgent Rémi Brague) ?

Or, lecture faite de la quasi-totalité des analyses critiques savantes (positives et négatives) de l'ouvrage, il me semble que Gouguenheim a commis des erreurs graves qui dévaluent son travail et la cause qu'il entendait défendre.

Pour résumer, on peut dire de ce livre, en reprenant une formule connue, que s'"il est à la fois sérieux et original, quand il est sérieux il n'est pas original, et quand il est original, il n'est pas sérieux".

Rémi Brague ne veut retenir que les "bons côtés" du livre. Malheureusement pour Gouguenheim, plusieurs des spécialistes auxquels il se réfère pour soutenir sa thèse ont pu démontrer qu'il détournait en fait leurs propos et le sens de leur démonstration. En langage judiciaire, les témoins ont désavoué l'accusateur. De sorte que le procès "Gouguenheim" est une sorte de réplique du procès d'Oscar Wilde, à la différence près que la condamnation paraît bien méritée cette fois.

Au demeurant, si le propos de Gouguenheim est fallacieux, cela ne signifie pas pour autant, évidemment, que les tenants du multiculturalisme ont raison et que l'Islam est "euro-compatible"…

1° L'ouvrage se focalise sur la seule période du VIIIème-XIIème siècle en excluant le XIIIème siècle qui fut le moment majeur de la réception de la science arabe en Occident. L'ensemble du corpus aristotélicien a été lu et compris par les latins au XIIIème siècle à l'aide de commentaires byzantins et surtout arabes (Avicenne et Averroes). Dante, dans la divine Comédie, a placé Averroès et Avicenne dans le cercle des "bons païens", à côté des grands maîtres Platon et Aristote…

2° Gouguenheim reprend, sans le dire (même moi je m'en étais aperçu), la thèse de Renan selon laquelle la langue arabe, sémitique, ne permet pas, contrairement aux langues indo-européennes, de communiquer des concepts. Or cette thèse se heurte à deux obstacles infranchissables : 1° les traités philosophiques grecs avaient été fort bien traduits, commentés et donc compris par les chrétiens de langue syriaque et donc… sémite ; 2° bien des ouvrages de philosophie "islamique" ont été écrits en persan, lanque indo-européenne comme le grec et le latin… D'ailleurs, Gouguenheim passe sous silence le rôle primordial joué par les juifs au Moyen-Âge dans la transmission du savoir.

3° Gouguenheim sous-entend une solidarité entre les chrétiens de Bagdad et ceux de Byzance alors que les nestoriens étaient en conflit avec les byzantins depuis le concile de Chalcédoine et ils ont prospéré en Perse parce qu'elle était la grande rivale de Byzance

4° Les griefs qui sont faits au monde musulman seraient parfaitement transposables au monde chrétien : par exemple, la création est un article de foi dans ces deux mondes ; "les aspirations à une pensée libre" ont été censurées par les autorités ecclésiastiques etc.

5° La mise en valeur des traducteurs chrétiens s'accompagne d'un silence total sur les traducteurs arabes musulmans qui étaient leurs contemporains (ex. contemporains du nestorien Hunayn Ibn Ishq, Al Kindi et son cercle qui furent les auteurs de l'un des textes les plus influents du XIIIème siècle latin, le Liber de causis)

6° L'ouvrage afflige l'Islam d'une incuriosité scientifique en quelque sorte "naturelle" alors que les géographes musulmans n'avaient pas leur équivalent dans le monde chrétien : il fallut attendre la fin du XVème siècle pour trouver les fondements d'une astronomie comme sciences exacte. Gouguenheim prétend que "les premiers observatoires astronomiques apparaissent (en terre d'Islam) seulement dans la 2ème moitié du XIII siècle" alors que les 2 premiers ont été créés en 827 et 830 à Damas et Bagdad

7° Si l'abbaye du Mont-Saint-Michel a conservé des ouvrages savants, elle ne fut jamais "le centre actif travail de traduction" et Jacques de Venise n'y a probablement jamais mis les pieds à la fin des années 1120, contrairement à ce que soutient Gouguenheim, parce que c'était une période de troubles extrêmes qui culminèrent avec l'incendie de l'abbaye par les habitants d'Avranches en 1138. D'ailleurs les ex-libris qui figurent sur les ouvrages de l'abbaye conduisent nécessairement à conclure que ces ouvrages sont postérieurs d'un siècle à Jacques…

8° Gouguenheim commet de très nombreux erreurs que les historiens spécialistes du sujet ont relevés avec un compréhensible agacement : par ex; Pierre Lombard mort en 1160 peut difficilement avoir utilisé la Métaphysique d'Aristote en 1175, comme le soutient Gouguenheim. Etc, etc.

Bien entendu ces critiques adressées à Gouguenheim ne doivent pas conduire à remettre en cause les travaux d'autres historiens, très sérieux ceux-là, qui soulignent bien les limites culturelles des sociétés musulmanes (cf. notamment Rémi Brague et Dominique Urvoy qui montrent par exemple qu'Averroes n'a pas eu de postérité en Orient et qu'il était rien moins qu'un prophète de la tolérance).

(en réponse à une observation d'Henri Bes) :
Vous dites : "j'ai toujours été gêné que l'on identifie tel auteur par son origine religieuse et ethnique (…) Je ne suis pas sûr qu'Avicenne et Averroës soient des penseurs "islamiques", ou que tel traducteur syriaque chrétien d'Orient soit le représentant des chrétiens en terre arabe"

C'est précisément un argument des "anti-Gouguenheim" : Gouguenheim soutient que les traducteurs étaient chrétiens et que donc l'Islam n'a rien apporté en propre au monde latin. Les critiques font valoir qu'on ne peut séparer les traducteurs chrétiens de la société musulmane au sein de laquelle ils travaillaient. Significativement Gouguenheim ne cite pas l'ouvrage de Gutas, que vous aviez commenté sur ce site je crois, "Pensée grecque, culture arabe", dans lequel il montre que la pensée grecque a bien "infusé" dans la culture lettrée arabe qui comprenait un milieu scientifique interconfessionnel.

Gouguenheim avait cru pouvoir prendre appui sur les travaux de Marie-Geneviève Balty-Guesdon. Malheureusement, la conservatrice des manuscrits arabes à la BNF lui reproche d'avoir détourné son propos :

"Gouguenheim se livre à des tours de passe-passe successifs : à l'entendre, les savants arabes chrétiens sont chrétiens et non arabes ; et ce qui requiert l'attention de ces savants arabes chrétiens est un savoir gréco-chrétien, non un savoir gréco-arabe ! Les identités sont figées. Est niée l'appartenance à ne société en cours d'élaboration, où l'identité chrétienne coexiste avec d'autres types d'identité en entretenant des relations spécifiques, et où le travail des traducteurs est suscité par des musulmans dans une dynamique propre à cette société en construction. Au lieu et place de ce processus créateur, est affirmé un rattachement des Arabes chrétiens à une entité chrétienne, dont on perçoit qu'elle inclut la chrétienté occidentale. Un tel ensemble est dépourvu de fondements historiques"

Source : Max Lejbowicz, L'Islam médiéval en terres chrétiennes. Science et idéologie, éditions Presses universitaires du Septentrion, 2008

Pour illustrer le propos de Mme la Conservatrice des manuscrits arabes de la BNF:

Trouvé dans l'article de Gotthard Strohmaier "Réception et tradition : la médecine dans le monde byzantin et arabe" in Mirko D. Grmek "Histoire de la pensée médicale en Occident, t.1, Seuil 1995 :
À propos d'une histoire qui eut lieu pendant la troisième croisade : "Un trait caractéristique de cette histoire est aussi que le médecin arabe était un chrétien, enraciné toutefois dans la culture islamique, et qu'il voyait les Francs comme des étrangers et des barbares"
Non, Rémi Brague ne voit pas que les bons côtés du livre, (il condamne entre autres, lui aussi, l'affirmation de SG selon laquelle les langues sémitiques ne se prêteraient pas à la philosophie), il le défend contre des attaques qu'il juge excessives ou injustes et considère que globalement il a raison.

Pour le premier reproche, voici ce qu'en dit très justement Rémi Brague :
"Il faut aussi varier selon les époques. S. Gouguenheim a choisi de se concentrer sur la période « où tout semble s’être joué, c’est-à-dire la première partie du Moyen Age, entre les VIIIème e et XIIIème siècles » (AMSM, p. 11). C’est là qu’il apporte du nouveau, sinon aux savants, du moins au grand public. En revanche, il a choisi d’arrêter son enquête au début du XIIIème siècle, et il s’en explique à deux reprises. C’est d’abord pour une raison de méthode : « à partir du XIIIème siècle, les faits sont trop bien établis pour qu’il vaille la peine de les reprendre » ; c’est aussi parce que l’évolution même des événements invite à un tel découpage : « au XIIIeèmesiècle, l’Europe amorce une nouvelle étape de son histoire » (AMSM, p. 11 -12, puis 199). Aucune des deux raisons n’est sans valeur. Reste qu’une présentation d’ensemble aurait permis de mieux équilibrer le propos."

Pour le deuxième reproche, Rémi Brague dont je n'ai pas cité le texte entier, condamne lui aussi l'affirmation de SG selon laquellle les langues sémitiques rendraient la philosophie impossible, mais cette thèse est à peine effleurée par SG (un petit paragraphe si je me souviens bien) et ne constitue en rien l'essentiel de son propos. En revanche les chrétiens syriaques à la double culture grecque et syriaque, parlant couramment les deux langues ( le syriaque étant plus particulièrement réservé aux activités cultuelles) n'étaient pas considérés comme des arabes par les conquérants arabes eux-mêmes. De plus affirmer que les chrétiens, les zoroastriens ou les païens auraient été autour du 12ème, treizième siècle influencés par le "climat" intellectuel favorisé par les musulmans me semble une contre vérité criante. Ce sont les musulmans encore minoritaires dans les pays conquis jusque vers le milieu du 14ème siècle qui ont bénéficié des lumières de ces pays lesquels, est-il besoin de le rappeler faisaient partie des civilisations parmi les plus brillantes de l'ancien monde , celles dites du "croissant fertile". Elles n'avaient pas attendu l 'islam pour se développer et c'est bien au contraire l'islam qui, en devenant religion majoritaire, va finir par les anéantir. et stériliser en même temps toute curiosité scientifique par la crainte de contredire ou simplement nuancer les "vérités" coraniques.

Idem pour le troisième reproche : qu'il y ait eu solidarité ou pas ou pas avec Byzance, cela ne change rien au fait que les nestoriens chrétiens ont été les principaux traducteurs des oeuvres grecques en arabe.

Quatrième reproche : sauf que, à la différence radicale des autorités religieuses musulmanes, les autorités religieuses chrétiennes, surtout orientales en la personne des " pères de l'Eglise" étaient nourries de culture et de philosophie grecques.

Cinquième reproche : il est d'autant plus excusable d'avoir occulté les traducteurs musulmans des oeuvres grecques qu'ils n'ont ... pratiquement pas existé.

Sixième reproche : erreurs factuelles qui n'invalident en rien la thèse de SG.

Septième reproche : c'est ce que j'appelle du pinaillage. Même si le Mont Saint Michel n' a pas été ce centre actif de traduction que dit SG , et même si Jacques de Venise n'y a pas séjourné, ce qui par ailleurs est également une opinion discutable et discutée, il n'en demeure pas moins qu'il il s'y est traduit et conservé des traductions, de Jacques de Venise en particulier, des oeuvres de la pensée grecque, ce qui suffit à valider la thèse de SG.

Septième reproche : erreurs factuelles qui n'invalident en rien la thèse de SG.

Enfin,et pour conclure : comme le remarque Rémi Brague, il ressort du livre de SG, non pas que les Arabes musulmans n'ont joué aucun rôle dans la transmission du savoir antique mais que ce rôle est loin d'avoir été décisif.
Pour l'heure je n'ai pas le temps de reprendre tous les éléments et j'espère pouvoir le faire plus tard. Mais rapidement :

1° Tout ce qui est exact chez Gouguenheim était déjà bien connu et publié de longue date, notamment chez Brague et et les époux Urvoy. Il n'est donc pas surprenant que Brague n'y voit rien à redire et qu'il se félicite que cela soit rendu accessible au grand public, lequel ne s'en serait sans doute pas plus préoccupé que des ouvrages dudit Brague sans le scandale provoqué par la polémique ;

2° Le découpage temporel effectué par Gouguenheim est parfaitement malhonnête parce qu'à aucun moment de son livre celui-ci ne signale que la période postérieure à celle qu'il étudie conduit à des conclusions inverses aux siennes ;

3° Vous tenez pour systématiquement vénielles des "erreurs" qui ne le sont pas, surtout qu'elles commencent dans le titre même de l'ouvrage...

4° Vous reprenez à votre compte la présentation de Goughenheim selon laquelle il y aurait eu un monde chrétien uni et cohérent dont la partie orientale aurait été anéantie progressivement par l'Islam, la partie occidentale ne devant sa survie puis sa renaissance qu'à elle-même.

C'est une position schématique caricaturale qui fait peu de cas :
- de la division interne au monde chrétien (orthodoxes/latins) qui a conduit à des alliances latins/musulmans contre orthodoxes : comme l'écrit Ph Sénac, "le rapprochement entre Aix-la-Chapelle et Bagdad n'a de sens que si on le met en relation avec Byzance, l'ennemi commun" (Le monde carolingien et l'Islam 2006)
- de la volonté d'une partie des byzantins orthodoxes de rompre avec l'héritage grec antique et non pas de le transmettre (la haine des moines du Mont Athos pour les restes de l'antiquité grecque perdure cf. un roman plaisant dont le nom m'échappe...)

Comme l'écrit Jacques Le Goff, dans son ouvrage Marchands et banquiers du Moyen Âge, PUF, 1956/ 2011, "c'est la constitution de l'islam qui, loin de couper l'Orient de l'Occident, a ressoudé les deux mondes et créé par de grands centres urbains de consommation un appel de produits qui est à l'origine du renouveau commercial de l'Occident barbare"

5° Ce qui est vrai c'est que les musulmans ont progressivement perdu le savoir qu'ils avaient acquis des chrétiens et qu'ils ont développé avant de nous le transmettre (cf. la citation de Dante) via les juifs, notamment : la source orientale ne peut être tenue pour nulle et secondaire par rapport à celle du Mont St Michel

Les erreurs et le manichéisme ne servent que de faire-valoir à l'idéologie de l'autre bord.
Citation
Cassandre
Non, Rémi Brague ne voit pas que les bons côtés du livre, (il condamne entre autres, lui aussi, l'affirmation de SG selon laquelle les langues sémitiques ne se prêteraient pas à la philosophie),
C'est plutôt vrai que les langues sémitiques ne sont pas faites pour la philosophie. Mais une langue sémitique comme tout autre langue, évolue et s'adapte au fil du temps, et en fonction des influences.
Quand on parle de langue sémitique (à laquelle appartient me semble-t-il l'amharique, éthiopien), il faut d'abord avoir à l'esprit, langue archaïque. Dans les populations de la protohistoire, il n'est nullement besoin de philosophie. La philosophie ne pénètre pas le langage, parce qu'elles n'ont nul besoin de conceptualiser. Il y a la vie, la mort, mais il n'y a pas l'existence. Il y a l'est, l'ouest, mais il n'y a pas l'occident ou l'orient.
La bible abrahamique repose sur une langue archaïque. il faut donc s'abstenir de conceptualiser en la lisant. La partie abrahamique date du ~XVIIIe siècle et son support est l'akkadien. Il faut donc s'abstenir de toute lecture qui ferait intervenir des concepts philosophiques, très postérieurs, d'influence grecque.
La philosophie est l'invention des grecs parce que le grec est la première langue moderne.
A partir du ~VI siècle, la philosophie grecque diffuse sur tout le bassin méditerranéen, le monde hébreu subit alors l'influence du grec, comme par ailleurs, toutes les autres cultures. Et l'hébreu adopte, et se prête alors à la philosophie, si nécessaire. Ainsi, la religion juive peut même adopter des concepts 'philosophiques' qui sont empruntés à la culture grecque: je ne sais pas ce qu'il en est exactement de la transcendance chez les juifs, mais ce concept, central chez les musulmans, est emprunté aux grecs.

[modifié: amharique, et non pas tagalog ]
Rémi Brague : Les occidentaux ont longtemps nié leur dette à l’égard des arabes musulmans. Alors que « la conscience d’une dette resta (..) encore claire pour les grands orientalistes de la Renaissance et du XVIIème, Postel, Pococke, ou Fontialis. Mais elle a été refoulée des mémoires de l’époque des Lumières, puis au XIXème siècle. En Allemagne, Mommsen a parlé de l’Islam comme du ‘‘bourreau de l’hellénisme’’. En France, Renan (..) dans sa conférence de 1883 ‘‘l’islamisme et la science’’ (..) affirme que la Grèce est l’unique source de savoir et de la sagesse (…) il ajoute au préjugé ‘‘illuministe’’ le racisme qui commençait à se chercher un fondement biologique, et explique que toutes les innovations qu’il doit concéder au monde islamisé par l’origine persane, donc ‘‘aryenne’’, des penseurs produits par celui-ci. L’Occident n’a de la sorte que la monnaie de sa pièce quand on veut lui faire accroire, par une exagération inverse, que les Arabes ont tout inventé » . Rémi Brague, La voie romaine, p. 91
Bon . Imaginons. Nous sommes en l'an 2030, les musulmans sont environ vingt millions en France et ont réussi à prendre le pouvoir. La langue arabe est imposée dans toutes les institutions et administrations publiques où cependant les non musulmans restent encore majoritaires comme dans le domaine des sciences, de la technologie, des oeuvres architecturales et de la création artisitique en général. Toutefois comme les nouveaux maîtres privilégient à compétence égale les musulmans, des non musulmans se convertissent et beaucoup arabisent leur nom. Pendant environ un siècle les choses vont à peu près leur train habituel sur la lancée de l'ancienne civilisation grâce aux connaissances et aux savoir faire dans lesquels les indigènes aux noms souvent arabisés, sur qui se reposent les nouveaux maîtres, continuent à donner l'exemple suivis par certains musulmans encore assimilés à l'ancien modèle. La France arabo-musulmane fait encore belle figure. Cependant les musulmans devenant de plus en plus nombreux évincent les non musulmans même dans les domaine où ceux-ci excellaient traditionnellement, sans pour autant se croire obligés de faire les efforts necessaires pour prétendre à la même excellence, le sentiment de la supériorité absolue de l'islam et les accomodements que celui-ci autorise avec les différentes formes de conscience (individuelle, morale, professionnelle) les dispensant d'accomplir lesdits efforts, processus qui va entraîner insensiblement le déclin du pays dans tous les domaines jusqu'à l'assoupssement final. Plusieurs siècles passent et d'éminents historiens se penchent sur cette civilisation arabo-musulmane qui s'est imposée à la France à partir de 2030. Que constatent-ils ? Que c'est pendant un siècle une civilisation brillante et que quelques grands esprits s'y sont manifestés . Qui aura raison de celui qui pensent que ce "siècle d'or " doit beaucoup à l'islam ou de celui qui pensent qu'il ne s'agit que d'un trompe l'oeil , d'une illusion peut-être savamment entretenue?

(message corrigé pour une phrase boîteuse)
(Pour critiquer le scénario de Cassandre : l'Islam s'est imposé à des sociétés chrétiennes, travaillées par des siècles de querelles autour de l'arianisme, ou à des sociétés polythéistes. En présentant une théologie plus simple, sans les difficultés de la Trinité, il avait certains avantages intellectuels sur les systèmes auxquels il a succédé. Mais l'islam pourrait-il s'imposer culturellement dans une société ayant adopté le mode de pensée scientifique et administratif comme la France ?).
Cassandre,

Je crois que Rémi ne parle pas de cette question, il se borne à souligner les faiblesses des deux documents cités (ceux de MM. Obertone et Gouguenheim).

Je pense qu'il a raison. En ces domaines, on ne peut se contenter de l'à-peu-près. Les approximations ruinent le propos.

Rémi, tout comme moi, a sans doute l'habitude de lire des textes parus dans des revues "à comité de lecture". Cela veut dire qu'ils ont été vérifiés et re-vérifiés.

Pour des gens comme lui et moi, rien n'est plus déstabilisant que l'approche pseudo-rigoureuse, si je puis dire.

Un pamphlet, oui. Une thèse boîteuse, non.
Pour préciser le point de vue de Jean-Marc du Masnau que je partage complètement, je me permettrai de rappeler que le rapprochement Obertone / Gouguenheim n'est pas de mon fait.

Dans les deux cas, je trouve rageant que ces "bricoleurs" compromettent la charge critique des travaux sérieux des véritables spécialistes.

Le texte de Brague, dont Cassandre a donné de grands extraits et que j'ai lu en entier, est superbe de simplicité et de clarté. En deux pages il règle magnifiquement son compte à la "doxa" contemporaine alors que Gouguenheim par ses erreurs, approximations et parti-pris contribue à la renforcer.

Pareillement, les propos d'Obertone que je lis sur internet me laissent penser que son livre, s'il est de la même eau, aura un effet très pervers : le premier Muchielli venu n'aura guère d'effort à faire pour renforcer le "camp du Bien" en mettant en pièce les bricolages foireux obertoniens.
Les "bricolages foireux obertoniens" sont tels parce que personne (aucun "expert sérieux") ne lui a prêté la main, chacun préférant mener des combats individuels, qui pour la plupart se confondent avec des objectifs de carrière personnelle. Il n'y a pas de camp ni de parti politique organisé qui oeuvrerait avec Oberton afin d'assurer à ces thèses la rigueur requises. Il n'y a pas d'armée de la pensée anti-doxa en France. Et tant que cela demeurera ainsi, on devra se contenter de héros brouillons, de quelque penseur audacieux mais peu avisé, isolé, fragile face à la meute des muchiellistes et autres démorantiens, impatient de "sortir son livre", de "faire son coup médiatique", etc. et presque toujours en pure perte, en n'aboutissant qu'à renforcer la meute. La contre-doxa est sans organisation, comme on nous le disait à l'école de la vieille chevalerie française qui se décimait pour la gloire à chacune des prises d'armes de la Guerre de Cent Ans. Car au fond, c'est bien de cela qu'il s'agit: d'une nouvelle Guerre de Cent Ans de la pensée, de l'idéologie, dans cette confrontation des regards et des paroles sur le passé, le présent et l'avenir. Le Parti de l'In-nocence, aurait-on pu croire, avait cette vocation-là, de focaliser et de coordonner, même de manière lâche et éthérée, la contre-offensive, d'être un foyer de coordination de la pensée, de la contre-pensée. Il n'y rien à reprocher à Obertone, rien que notre propre inexistence, notre échec à nous faire connaître de lui (plus tôt) et à lui offrir notre collaboration, votre collaboration, cher Pellet.
Entièrement d'accord avec Francis et ... Rémi Brague. Les livres de SG et d' Obertone existent faute de mieux et c'est leur grand mérite. Les spécialistes, les vrais de vrais, les objectifs, les impartiaux, les au- dessus de tous soupçons n'ont qu'à se mettre à écrire les livres de vulgarisation qui s'imposent au lieu de critiquer les auteurs qui s'y sont collés. On leur souhaite bien du plaisir quand on voit ce qu'un véritable historien comme Olivier Pétré-Grenouilleau a essuyé de critiques et d'insultes pour son ouvrage irréfutable et non réfutés à ce jour sur les traites négrières !

Cher Anton, je ne vois pas dans votre message une critique du mien mais un complément au contenu duquel j'adhère. Hélas, l'islam a les mêmes chances de triompher aujourd'hui dans une société dont les "élites" sont de moins en moins issues du mérite républicain mais de la naissance et du "piston". Elles ont substitué l'idéologie au véritable savoir, en particulier scientifique qu'elles discréditent faute d'être capable d'en assimiler les rudiments et dont l'étude aride est délaissée par la jeunesse qui lui préfère la "com' " ou la prétendue science qu'est devenue la sociologie ; " parasociologie", en vérité, qui permet de briller dans les médias acquis au système en "démontrant" par exemple que l'immigration est une formidable richesse pour la France comme jadis les alchimistes qu'on se disputait dans les salons à la mode, prétendaient réussir à transformer le plomb en or. En outre cette mystification obscurantiste s'aggrave de la manie de problématiser à l'infini surtout ce qui ne demande qu'à rester simple, comme jadis aussi à Byzance où l'on s'étripait sur la question du sexe des anges, manie très occidentale, souvent, dans le passé, fructueuse, mais devenue aujourd'hui tic de pseudo intellectuels. Que pèse une société de coupeurs de cheveux en quatre face à la grande simplicité des coupeurs de gorge ?

Question à mille francs : peut-on citer un seul nom de savant, de philosophe, de médecin, de grand inventeur né et grandi en Arabie musulmane pendant le "demi millénaire d'or " de la civilisation qu'elle a enfantée. Et si non, pourquoi, puisqu'on nous dit que l'islam aurait créé un climat favorable à l'éclosion de ces talents ?

(message modifié)
Concernant Gouguenheim, je trouve qu'il a peu d'excuse parce qu'il est historien, c'est son métier et qu'il lui était facile d'éviter les bourdes qu'il a commises et d'anticiper les objections qui lui ont été justement faites.

Quant à Obertone, il est censé être journaliste : son métier consiste à vérifier les sources et la véracité des documents qu'il publie. Encore une fois je n'ai pas lu son livre mais ce qui a été publié ici de lui est consternant.

Plus généralement, il me semble que la situation est bloquée parce qu'il y a une "doxa anti-doxa" qui se fourvoie complètement sur des sujets essentiels. J'ai essayé de le faire comprendre ici sur certains sujets, notamment la question européenne, et vous savez comme cela a été reçu...

Je reste persuadé que les mouvements de résistance à la bien-pensance ne parviennent pas à être crédibles parce qu'ils conçoivent le monde de demain comme un retour à celui d'avant-hier (souverainisme étatique national, anti-libéralisme moeursal, etc.).
"Question à mille francs : peut-on citer un seul nom de savant, de philosophe, de médecin, de grand inventeur né et grandi en Arabie musulmane pendant le "demi millénaire d'or " de la civilisation qu'elle a enfantée."

Cassandre,
la réponse à la question que vous posez est dans le texte de Brague auquel vous vous référiez, que je reproduis et qui ne donne pas qu'un nom :

: "Est venue aussi de l’Islam la contribution originale par laquelle ses savants prolongeaient et dépassaient l’héritage grec. C’est le cas en mathématiques, y compris l’astronomie et l’optique avec la révolution introduite par Ibn al-Haytham (Alhacen). C’est le cas en médecine avec Razi (Rhazès) et Avicenne. Et bien sûr en philosophie, avant tout avec, encore une fois, Avicenne, peut-être le plus novateur.
La contribution des savants écrivant l’arabe est d’ailleurs loin de se limiter à ce qui a eu la chance de parvenir à l’Occident. Les travaux d’al-Biruni en géodésie, en minéralogie, etc., sans parler de l’exceptionnel miracle d’objectivité qu’est sa description de l’Inde, n’ont été connus qu’au XIXe siècle . En philosophie, al-Farabi n’a été que fort peu traduit au Moyen Age, et pas dans ses œuvres les plus originales de philosophie politique."

"Le XIIIe siècle et le début du XIVe siècles constituent en tout cas l’apogée de l’influence exercée sur les penseurs européens par les penseurs arabes, et avant tout par les philosophes. Toute une série de travaux font aller le balancier vers une réévaluation au positif de l’apport des penseurs de langue arabe, musulmans comme juifs. Ainsi, Kurt Flasch a synthétisé les résultats de ses collègues pour montrer comment Albert le Grand, Dietrich de Freiberg, et jusqu’à Maître Eckhart ont nourri leur pensée de la discussion avec les thèses d’Avicenne, de Maïmonide et d’Averroès. "

Je n'ai pas souligné le nom de Maïmonide parce qu'il était juif bien sûr. Et nous avons eu un débat sur la question de place des juifs dans les sociétés musulmanes et chrétiennes...
Mais justement, cher Pellet, le problème est que, comme on l'a vu avec Pétré-Grenouilleau, même les véritables spécialistes auteurs d'ouvrages irréfutables sont traités comme des menteurs et des racistes par les tenants de la doxa. Les choses en sont arrivées à tel point que la vérité sur certains sujets ne peut plus être prise en compte quelle que soit la solidité des arguments avancés en sa faveur. Face à un adversaire aussi arc-bouté sur ses mensonges et aussi puissant, l'heure n'est plus à la nuance si l'on veut se faire entendre.
Francis Marche, votre analyse me fait songer à la question de la lutte contre le communisme. Celle-ci disposait-elle d'une "armée" organisée ? N'était-elle pas soutenue par quelques brillants esprits isolés malgré tout (surtout en France !) - J.F. Revel, R. Aron...- qui ont réussi, sur la durée et avec le poids des faits, à gagner le combat des idées ?
Le manque d'organisation peut être compensé par des esprits qui ne relâchent rien, ont des relais possibles dans l'édition, et un talent de polémique et de rigueur comme Revel.
Gouguenheim "en fait trop" et se discrédite alors. Pour détruire le mythe andalous, il suffit de lire Dominique Urvoy, Averroès, Flammarion, coll. Champs, n°470, 1998 et Rémi Brague, Au moyen du Moyen Âge. Philosophies médiévales en chrétienté, judaïsme et islam, Les Editions de La Transparence, 2006,

Urvoy : il faut « se rappeler qu’Averroès est un cadi et que le droit musulman a toujours et partout condamné à mort l’hérétique manifeste » . « Averroès traite de la guerre sainte en tant que juriste explicitement dans son manuel juridique. Il comprend celle-ci comme l’islam le comprend à son époque, et d’ailleurs comme l’islam tout entier l’a toujours comprise, à savoir comme une guerre très concrète. Seuls font exception quelques rares soufis, ceux-là mêmes qui ont inventé de toutes pièces et mis en circulation le trop fameux hadith sur le grand et le petit jihâds (qui) ne figure dans aucun des six recueils canoniques de déclarations du Prophète » . Averroès « voit dans la lutte le but principal de cette vertu (le courage), laquelle ne peut donc s’épanouir que dans un conflit continuel. Ce bellicisme, de la part d’une penseur qui, comme l’immense majorité des hommes de religion de son temps, n’a jamais participé à un combat effectif, est remarquable (..) Ce rôle d’exhortateur depuis l’arrière n’est guère sympathique. On pense à l’image de Barrès face aux ‘‘poilus’’ de 1914 » . Concernant « le meurtre des hommes ‘‘bestiaux’’ (…) Avicenne suggère que l’on devrait torturer le sceptique jusqu’à ce qu’il avoue que la différence entre le vrai et le nom vrai est bien pertinente. Averroès prône l’élimination des handicapés mentaux »

Par ailleurs, la pensée d’Averroès n’a eu aucune postérité en Orient : « Averroès, malgré son origine musulmane et un attachement à l’Islam que l’on ne met plus en doute aujourd’hui, est resté à peu près inconnu dans l’Orient islamique. En revanche, il fut lu et commenté avec passion par les Juifs et les chrétiens d’Europe » « (…) Averroès n’a pas été reçu dans le monde arabe, qui l’a à peu près totalement oublié dès sa mort » .

Dans la mesure où Averroès était le seul qui ne pratiquait pas la paraphrase, la digestion des textes, mais le commentaire en restituant l’original, les Arabes se sont privés de l’accès au texte, comme l’explique Rémi Brague : « Avec Avicenne, le récepteur a si profondément absorbé ce qu’il fallait assimiler qu’il en a tout simplement pris la place. La conséquence fut que la source originelle, le corpus aristotelicum, devint inaccessible. Ce qui rendit impossible une nouvelle réception directe. Avicenne mit le point final à la pratique herméneutique qui dominait jusqu’alors. Après lui, on ne trouve en Orient islamique aucune trace d’un rapport à la lettre d’Aristote » . « Les Arabes n’ont pas conservé les supports manuscrits de leurs traduction (..) après la traduction, les manuscrits furent tout simplement négligés, parce qu’ils étaient devenus inutiles » . « Ibn Khaldûn suppose implicitement que la traduction est un simple processus d’épluchage de la coquille linguistique, celle-ci étant supposée indifférente au contenu. Il explique ainsi pourquoi les manuscrits traduits n’ont pas été conservés » . « Faire d’Averroès le précurseur de quoi que ce soit, en faire le totem d’un quelconque progressisme, d’une quelconque réforme, c’est peut-être travailler pour une très noble cause. Mais c’est en tout cas aller contre la vérité historique » .

Dominique Urvoy confirme entièrement : « Il n’y a pratiquement pas de trace d’Averroès dans les œuvres de philosophie d’Orient, à plus forte raison dans les autres branches » . Dans le domaine juridique, « on relève davantage de noms de disciples, mais la filiation n’est pas dépourvue d’ambiguïté » : la plupart de ces disciples « ne sont pas, pour la plupart, des personnages notables dans le système socio-éducatif du temps ». Le seul qui l’est, « reniera complètement son maître quand celui-ci (deviendra) encombrant pour les autorités » . « Ce sont les musulmans eux-mêmes qui condamnent l’œuvre d’Averroès à n’avoir d’écho qu’en dehors du monde de l’Islam, chez les Juifs de Catalogne et d’Occitanie d’abord, dans le monde de la scolastique latine ensuite » .
Cassandre,
la pire façon de répondre à des idéologues qui falsifient l'Histoire, c'est d'employer leurs procédés.
Je reprends votre conclusion plus haut, Cher Jean-Marc :

"Ne serait-il pas plus simple de dire la vérité, à savoir que les homicides baissent et que monte la petite délinquance violente ?

Ne serait-il pas plus simple de dire que les Français risquent fort peu de se faire tuer pour une raison ou pour une autre, pour un regard ou ce qu'on veut, mais qu'en revanche ils ont de bonnes raisons de craindre de se faire détrousser ou de voir leur logement cambriolé ?"

Pouvez-vous étayez ces hypothèses de chiffres précis ?
Cassandre a raison : ce débat est ridicule !
En effet les arabes nous ont transmis en partie l'héritage grec, et alors ? Qu'est-ce cela change ? Sommes- nous obligés d'accepter des millions de musulmans sur notre terre et l'islamisation de notre société à cause de cette transmission ?
Admettons la thèse de la doxa : nous avons une dette à l'égard du monde arabo-musulman à cause de cette transmission.
Alors tous les peuples du monde ont une dette extraordinaire envers l'occident qui a élaboré 95 % de toutes les sciences et techniques !

D'autre part ce qui me paraît fondamental à propos de Sylvain Gouguenheim, c'est le déchaînement de critiques et de haine du monde universitaire et médiatique à la sortie de son livre.
Il y a même eu une pétition pour qu'il soit exclu de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon !

Pour Obertone aussi, quel déchaînement de critiques et de haine, il est intéressant de regarder la vidéo de son passage à l'émission de Ruquier le samedi soir.




Voici l'article de Riposte laïque sur ce passage.

http://ripostelaique.com/la-meute-de-on-nest-pas-couches-lynche-laurent-obertone-et-dope-ses-ventes.html][/url]
Ah ben dites donc ! Excusez du peu ! Même SG ne va pas aussi loin que ce grand islamologue qu'est Dominique Urvoy (ainsi que son épouse). Mais, précisément, qui lit les époux Urvoy ?
Eh oui Cassandre, quand je vous dis qu'il suffisait à SG de se pencher pour faire un pamphlet irréprochable scientifiquement ! Mais sa légèreté, difficilement excusable parce qu'il est un homme du métier, aboutit à compromettre la cause qu'il entendait défendre. Plutôt que de nous épuiser à sauver le soldat Gouguenheim, il aurait mieux valu assurer la diffusion des travaux des Urvoy.

Sur la question de la délinquance, Il faut maintenant trouver un Urvoy plutôt que de chercher à sauver ce pauvre Obertone qui sert désormais de faire-valoir à de minables idéologues.
On ne peut tout de même pas reprocher à SG tout et son contraire : ne pas avoir la rigueur d'un spécialiste et avoir raison avec les ultra spécialistes Urvoy !
Qu'importe les défauts du flacon pourvu qu'on ait le goût de la vérité !
On peut reprocher à SG d'avoir compromis les travaux des Urvoy : son absence de rigueur fait douter du sérieux de ceux qu'il cite.

Il permet à certains de prendre leur revanche sur les Urvoy à très bon compte. Cf. livre collectif Philippe Büttgen, Alain de Libera et alii (dir.) Les Grecs, les Arabes et nous. Enquête sur l'islamophobie savante. Fayard, 2009
A Anton: la lutte idéologique contre le communisme a été gagnée de l'intérieur par des intellectuels (Charte 77, grands auteurs dissidents russes, à commencer par Soljenitsine bien sûr) avant que ne prennent leur relai les travailleurs des chantiers navals polonais. Tous ces hommes oeuvraient à cette entreprise en s'épaulant, composaient un collectif de pensée (alors que les réseaux numériques n'avaient pas encore été inventés), étaient souvent de grands compilateurs systématiques, historiographes rigoureux de leur époque, pour ainsi dire encyclopédiques (Soljenitsine se livra à une oeuvre d'encyclopédiste dans son Archipel du Goulag, et sur sa lancée, finit ses jours en compilant un thésaurus de la langue russe dévorée par le communisme à des fins de sauvegarde et de conservation); le splendide isolement de certains d'entre eux est illusoire. Chacun savait ce que faisaient les autres et intervenait sous leur regard.

La Charte 77

La lutte idéologique qui devait contribuer à faire tomber le Mur fut une entreprise éminemment collective, coordonnée, et armée d'une vision, et à l'intention de M. Pellet, j'ajoute que dans cette vision entrait une bonne part d'aspiration d'un "retour à l'avant-hier", dont l'équivalent serait pour nous d'un retour à "la France d'avant".

L'affaire Obertone, en train de naître sous nos yeux, après ce qui est arrivé à tant d'autres dissidents européens (fatwas, assassinat, ostracisme dans le cas de Millet, camisole juridique et éditoriale dans le cas de Renaud Camus, etc.) devraient nous faire enfin prendre conscience que l'heure est proche où nous devrons prendre l'initiative d'une Charte 2013, ou 2014, ou 2015, mais certes pas 2020, car il sera alors trop tard pour le travail qu'il y a à faire.
Dans un de ses livres Olivier Lecour Grandmaison a entendu démontrer que la matrice des violences extrêmes qu'a connues les 20ème siècle se trouve dans les pratiques coloniales de l'Etat républicain français

Ce livre a été étrillé par la critique universitaire, laquelle est peu suspecte de sentiments "droitiers". On peut lire par exemple l'article de l'historien Marc Olivier Baruch, spécialiste du régime de Vichy (il est notamment l'auteur de Servir l'Etat français. L'administration en France de 1940 à 1944, Fayard, 1997) qui a très significativement titré son compte-rendu de lecture d'un des livres de Grandmaison "L'effet Poubelle" :

[www.revue-lebanquet.com]

Pierre Vidal-Naquet et Gilbert Meynier ont écrit eux-aussi tout le mal qu'ils pensent du même livre.

[etudescoloniales.canalblog.com]

Et la critique des "analyses" du même Lecour Grandmaison sur Tocqueville "colonialiste" (critique qui devrait particulièrement intéresser Cassandre, je crois...):

[www.revue-lebanquet.com]

Cela prouve qu'il n'y a pas que les historiens suspects de sympathies droitières, comme Gouguenheim, à être durement mis en cause pour leur manque de rigueur et de sérieux et que l'on peut donc encore espérer un peu de la critique universitaire.

Mais le livre de Grandmaison a été un succès de librairie. La FNAC a certes fait une promotion considérable pour ce factum. Mais cela ne suffit pas à expliquer la diffusion de l'ouvrage.

Il me semble qu'il est possible d'avancer quelques explications.... (plus tard, je n'ai pas le temps maintenant)
Autant la rigueur mathématique du spécialiste est nécessaire pour comprendre le réel quuand il échappe aux sens, autant quand il s'agit de la vie quotidienne des individus, de ce qu'ils enregistrent tous les jours, 365 fois par an, le spécialiste me semble sujet à caution. Soit il confirme le témoignage des sens, auquel cas il est inutile ; soit il l'infirme et il ne peut être alors que dans son tort, car nul spécialiste ne peut avoir raison contre le vécu, l'expérience, de millions de gens surtout s'il ne vit pas leur vie. Le fait que ce n'est pas la terre qui est immobile mais le soleil ne pouvait être connu sans le travail scientifique d'un Copernic ou d'un Galilée car ce phénomène échappe aux sens des individus qui voient de leurs yeux le soleil se lever à l'est, se coucher à l'ouest et sentent la terre immobile sous leurs pieds. En revanche un spécialiste de la société papoue en saura bien plus sur celle-ci que les non Papous mais pas davantage que les Papous eux-mêmes même s'ils le savent différemment. Rien ne me semble plus pernicieux que ce culte du spécialiste de tout et n'importe quoi qui caractérise la modernité. C'est une terrible machine de guerre contre le peuple dont elle discrédite l'expérience, le témoignage et la parole. S'il faut des spécialistes pour faire comprendre au peuple ce qu'il voit et ressent dans sa vie quotidienne, alors c'est qu'il est sérieusement débile et que la démocratie est une erreur. D'ailleurs en Droit n'y a-t-il pas un adage qui affirme que les témoignages concordants venant de personnes nombreuses qui ne se sont pas concertées à l'avance valent preuve? A plus forte raison quand il s'agit du témoignage de dizaine de milliers de personnes sur des dizaines d'années. C'est pourquoi le livre d' Obertone n'a nul besoin de la rigueur du spécialiste puisqu'il confirme ces témoignages. A la limite on pourrait dire qu'il est inutile car, en effet, il n'apporte rien que ce que le vulgum pecus connaissait déjà. S'il paraît néanmoins à ce point nécessaire c'est qu'il fait appréhender une réalité inquiétante interdite d'expression, qu'il la rend audible et lisible même à ceux qui la connaissaient déjà mais qui n'étaient pas autorisés à la dénoncer.
C'est comme "Le livre noir du communisme".
On savait mais la publication de la synthèse a permis de déniaiser les personnes les plus crétinisées ou aveuglées par
l'idéologie.
Ou bien la publication d'un livre tout à coup salué pour son sérieux, sur un sujet encore tabou, permet de lever l'autocensure et les gens s'autorisent alors à voir ce qu'ils voyaient - et qu'ils n'osaient pas voir.
Mais pour cela il faut un livre recevant l'onction sacrée. Or il est peu probable qu'Obertone la reçoive.
Le jour où un intellectuel au-dessus de tout soupçon fera l'équivalent, avec les codes nécessaires, peut-être. (Quoique l'exemple de Pétré-Grenouilleau laisse planer le doute.)
PS. Le message de Cassandre de 17h15, ce 9 mars, mériterait de figurer parmi les textes fondateurs ou référentiels. Il pose de façon simple l'essentiel du "problème des sociologues".
» Autant la rigueur mathématique du spécialiste est nécessaire pour comprendre le réel quuand il échappe aux sens, autant quand il s'agit de la vie quotidienne des individus, de ce qu'ils enregistrent tous les jours, 365 fois par an, le spécialiste me semble sujet à caution. Soit il confirme le témoignage des sens, auquel cas il est inutile ; soit il l'infirme et il ne peut être alors que dans son tort, car nul spécialiste ne peut avoir raison contre le vécu, l'expérience, de millions de gens surtout s'il ne vit pas leur vie

Cela étant, chaque sens ne peut valoir témoignage que pour la personne concernée qui en est doté : personne n'est dans le sens d'un autre, et pour établir une vue d'ensemble d'une société ou d'un pays donné à une certaine époque quant à tel phénomène, il faut bien dépasser ce "témoignage des sens" particulier pour l'assembler à d'autres témoignages du même type.
Ce travail de catégorisation des phénomènes à étudier, de subsomption des témoignages particuliers dans la bonne catégorie et, surtout, de la comparaison des données ainsi obtenues avec celles relatives à d'autres époques, seule capable de fournir des renseignements sur l'évolution dudit phénomène dans le temps, ce travail-là ne peut être, me semble-t-il, que celui d'un "spécialiste", aussi rigoureux et idéologiquement neutre qu'il puisse l'être.
Oui Kant, à travers ses 12 catégories, n'aurait pas dit mieux.
Ce travail de vue d'ensemble s'appelle tout simplement la synthèse.
Mais cher Eytan, les individus qui forment un peuple ne sont pas dans une tour d'ivoire ! Ils se fréquentent, se parlent, énchangent leurs expériences et leurs impressions. C'est ce qui finit par former ce que l'on appelle les "lieux communs" qui contrairement aux "préjugés" non fiables sont des "postjugés" généralement fiables parce que, précisément, ils sont le résultat de dizaines de milliers d'expériences et d'informations échangées sur des dizaines d'années, puis transmises aux générations suivantes. C'est plutôt l' "élite" qui risque d'avoir des préjugés parce qu'elle est trop peu nombreuse pour pouvoir échanger un nombre suffisant d'expériences surtout si elle vit éloignée du terrain. Seule la propagande peut arriver à discréditer les lieux communs, et souvent elle y arrive. C'est pourquoi il faut, à plus forte raison, prendre ceux-ci au sérieux quand ils lui résistent. Cela dit, les peuples ont aussi des préjugés quand ceux-ci ne concernent pas, non plus, leur expérience directe.
En ce qui concerne l'évolution des phénomènes et des situations dans le temps, il est certain que le spécialiste est necessaire. Encore que à une époque où les centenaires se multiplient avec bon pied, bon oeil et bonne mémoire, il est difficile, pa rexemple, d'affirmer que la société française était aussi violente (voire plus) il y a cinquante ans qu'aujourd'hui. Il est vrai que le mépris dans le quel on tient la vieillesse interdit qu'on entende la parole des "anciens" comme on disait (ce qui avait une autre allure que "troisème âge" ).
Mediapart ne recule devant rien pour discréditer Obertone ; le journal va même jusqu'à proposer dans ce nouvel article une vidéo du bon JR, dans laquelle notre enquêteur de droite, avec une papelardise presque réjouissante, explique pendant vingt minutes qu'il n'a aucune preuve du lien entre Obertone et Le "Pélicastre Jouisseur", tout en instillant méthodiquement un doute dont il sait qu'il suffit amplement, de nos jours, pour détruire la réputation d'un homme.

On attend toujours les réfutations chiffrées, les contre-arguments sur le fond. (Jean-Marc, on ne vous entend plus ?)
Je ne vois pas, Olivier, ce que vous cherchez.

Les statistiques sont publiques, et contestées par le sieur Obertone de la façon que Rémi et moi avons exposée.

Voici le lien pour 2012 :

[www.inhesj.fr]

Il y a eu 665 homicides cette année-là.


Pour les années 80 et ljusqu'à 1996 inclus, on note que le nombre d'homicides est supérieur à 1200.

Considérez que M. Obertone ne dit pas que ces chiffres anciens soient faux : il dit que les actuels sont sciemment minorés.
Certes, j'ai vu ces chiffres, mais la thèse d'Obertone en est-elle infirmée ? Il prétend que les tentatives d'homicides entraînant la mort sont moins nombreuses depuis quinze ans, en raison des progrès de la médecine -- ce qui ne signifie pas que ces tentatives elles-mêmes sont moins nombreuses (et surtout moins violentes). Pourquoi pas ? J'admets que l'explication semble un peu légère, mais elle n'est sans doute pas dénuée de vérité. Le nombre de tentatives d'homicides était en forte hausse en 2012 (+11% en zone police, +34,6% en zone gendarmerie par rapport à 2011), et n'a pas diminué depuis quinze ans.
Olivier, nous sommes au coeur du problème.

M. Obertone tombe dans le panneau : au lieu d'essayer de prouver l'improuvable, il aurait mieux fait de rester sur les faits incontestables et d'ailleurs incontestés.

On transforme en débat un sujet qui aurait, au moins sur le constat, pu faire consensus.

M. Obertone a une thèse : la criminalité explose et galoppe, et ce depuis les délits mineurs jusqu'aux homicides. Pour diffuser cette thèse, il exagère le trait. Dès lors, il s'expose à la critique.

Voyez, dans le même genre, les dires de M. Millet quant à certaine station à une certaine heure : toute personne qui y a été à cette heure là sait que c'est faux. Pour une image, une formule, on sème le trouble quant à la pertinence du propos général.

Dès lors, pourquoi ne pas faire simple et partir des statistiques officielles, et de dire, par exemple, que les cambriolages ont connu une hausse alarmante, et qu'un cambriolage est bien plus insupportable, pour une famille qui voit son intimité saccagée, qu'un vol de voiture (ces vols-là sont en nette baisse). Je prends ces deux exemples car je les pense non contestables, puisqu'il y a dans les deux cas déclaration aux assurances.

De même, on voit que le caractère "urbain" des vols avec violence est indéniable (voir comparaison entre zone police et zone gendarmerie).
Je ne comprends vraiment pas ce que font ici - je veux dire, sur ce site - les scientistes qui sévissent supra et ailleurs. Il n'existe en effet aucune étude scientifique, étayée par exemple par des chiffres universellement admis comme justes, venant confirmer la thèse du Grand Remplacement, aux dernières nouvelles point de ralliement des membres et sympathisants du PI et clef de voûte idéologique de celui-ci.
(Concernant la fausseté de la déclaration de Richard Millet sur certaine ligne de certain RER, on peut dire qu’en effet, le bon exemple n’est pas le Châtelet mais plutôt une des stations un peu plus au nord, sur cette même ligne B...)
M. Comolli,

Il y a deux façons à mon sens admissibles de parler des choses.

Soit on parle d'impressions, de ressenti. Dans ce cas, on ne peut, de mon point de vue et pour une question de méthode, dire que c'est une vérité, et on doit se borner à dire "je pense que...".

Soit on parle de faits, vérifiables. C'est une approche scientifique.

Croiser les deux (c'est à dire, concrètement, soutenir une impression par un exposé partiel des faits, voire partial) est dangereux et contre-productif.
Le problème de l'appareil statistique c'est qu'il ne prend pas vraiment en compte un ensemble de micro-faits : les regards, les menaces, les crachats, les bousculades...
S'il mesurait ces phénomènes, qui me semblent avoir explosés en quelques années, on aurait une image plus réelle de "l'insécurité". Celle-ci ne coïncide pas avec les faits avérés d'agression, mais avec le risque (avéré) d'agression. Or ce risque, qui empoisonne la vie, n'est pas mesuré.
Quand Richard Millet dit qu'il est le seul blanc dans le métro aux heures de pointe, il parle en écrivain. C'est ce qu'on appelle une licence littéraire, laquelle n'est pas faite pour être prise au pied de la lettre mais pour être interprétée dans le sens : il y a très peu de blancs dans le métro aux heures de pointe. C'est un peu comme si l'on prenait au pied de la lettre les métaphores. C'est peut-ête, d'ailleurs, ce qui arrivera bientôt au train où la méconnaissance de la langue française se répand : quand , par exemple, un témoin dira que le voleur qui l'avait brutalisé avait "les yeux yeux hors de la la tête" on établira un portrait -robot du suspect avec des yeux globuleux. Enquêter sur le chiffre donné par Millet pour conclure triomphalement que au lieu d'un seul blanc il y en avait un vingtaine sur des milliers de personnes est d'un grotesque absolu et en dit long sur l'inculture radicale des journalistes.
Obertone exagère-t-il les faits ? Non, puisque ses chiffres sont officiels et qu'il n'en invente pas d'autres. On lui oppose la baisse des homicides (c'est-à-dire des agressions ayant entrainé la mort) ; mais les tentatives ne diminuent pas, elles sont même en augmentation, et prennent des formes de plus en plus violentes et gratuites. Certes, il n'y a pas de preuves de ce dernier point, mais la lecture des faits divers peut nous en convaincre assez aisément.
Citation
Jean-Marc du Masnau
M. Obertone tombe dans le panneau : au lieu d'essayer de prouver l'improuvable, il aurait mieux fait de rester sur les faits incontestables et d'ailleurs incontestés.

Sous un régime de propagande antiraciste dogmatique, seuls les faits allant dans le sens de l'idéologie admise ont le droit de postuler au statut d'"incontestabilité".

Je dirais même que notre belle et digne soif d'"incontestabilité", qui devait fonder jadis tout discours un tant soit peu sérieux et raisonnable, est devenue une arme de discours, une nouvelle façon de disqualifier immédiatement un adversaire : "Vous dites que les Français aiment le camembert ? Qu'en savez-vous ? Où sont vos chiffres ? Quels sont les auteurs admis qui l'affirment, et dans quel ouvrage ?"

Il suffit de regarder Caron interroger Obertone ou Genest cette semaine pour comprendre cela. Le souci du chiffre, de l'exactitude, n'est qu'une manière moderne de faire taire les méchants, bien loin de toute quête sincère de la vérité.

Tout cela d'ailleurs est follement pervers et efficace : empêcher le réel d'être dit au nom même de la fidélité au réel.

Alors je dis merci aux inexacts, forcément inexacts, comme Obertone, qui, dans leurs approximations, erreurs, inexactitudes mêmes, sont plus proches du réel que le fondamentaliste Caron et sa nouvelle arme absolue ("Donnez-moi vos sources !").
C'était flagrant hier soir, lors de l'interview de Véronique Genest. Il est aisé de mettre quelqu'un dans l'embarras en lui posant des questions précises jusqu'au moment où il n'est plus capable d'apporter une réponse précise. Cela marche à tous les coups, et cela ne marche pas seulement avec V. Genest, cela marcherait avec n'importe qui, puisqu'il est impossible d'avoir une connaissance infinie de chaque détail implicite à son propre discours. L'actrice s'en est sortie avec beaucoup de classe, il me semble, et comme elle paraissait vivante et naturelle face au petit inquisiteur Caron !
Citation
Olivier Lequeux
C'était flagrant hier soir, lors de l'interview de Véronique Genest. Il est aisé de mettre quelqu'un dans l'embarras en lui posant des questions précises jusqu'au moment où il n'est plus capable d'apporter une réponse précise. Cela marche à tous les coups, et cela ne marche pas seulement avec V. Genest, cela marcherait avec n'importe qui, puisqu'il est impossible d'avoir une connaissance infinie de chaque détail implicite à son propre discours. L'actrice s'en est sortie avec beaucoup de classe, il me semble, et comme elle paraissait vivante et naturelle face au petit inquisiteur Caron !

Olivier, je ne sais pas si vous l'avez vue dans l'émission C à Vous, sur France 5. A un moment, un journaliste décide, sur un mode taquin, de poser trois questions à la V.Genest désormais politicienne: 1) Étiez-vous pour le mariage homo? 2) Seriez-vous choquer par la nomination d'un pape noir? 3) Que pensez-vous du sondage du JDD sur les hommes politiques femmes les plus en vue et dans lequel Marine Le Pen arrive en seconde position?

Avec ses trois questions innocemment choisies, le lourd journaliste voulait démasquer la vilaine fasciste, celle qui commit un jour l'irréparable en se déclarant "islamophobe". Espérait-il sérieusement, en lui tendant le plus crétin des pièges, qu'elle tomberait dedans en répondant "Non" à la question 1, "Oui" à la question 2 et "C'est super!" à la question 3? Si tel avait été le vas, qu'aurait-il fait, cet idiot, il aurait hurlé à la façon de Louis de Funès, "Ah! je le savais, c'est une facho!"?
Citation
Jean-Marc du Masnau
M. Comolli,

Il y a deux façons à mon sens admissibles de parler des choses.

Soit on parle d'impressions, de ressenti. Dans ce cas, on ne peut, de mon point de vue et pour une question de méthode, dire que c'est une vérité, et on doit se borner à dire "je pense que...".

Soit on parle de faits, vérifiables. C'est une approche scientifique.

Croiser les deux (c'est à dire, concrètement, soutenir une impression par un exposé partiel des faits, voire partial) est dangereux et contre-productif.

La scientificité de la science ne se mesure en effet qu'à l'aune du respect des critères que vous rappelez. Mais en l’occurrence, la pertinence, l'originalité et la force des livres d'Obertone et de SG ne se laissent pas sacrifier sur l'autel de la stricte rigueur. Ou à tout le moins, cela ne suffit pas. Signaler, voire dénoncer pour les plus zélés des Saint-Just de la cause académique, leurs approximations et leurs erreurs ne réduit en rien la portée de leur message, qui est iconoclaste et dérange l'ordre établi, générateur d'omerta, qui écrase les sphères journalistique et universitaire depuis des décennies. Bref, ces livres me donnent plutôt envie de croire en des alternatives aux discours officiels qui enferment la France dans le déni qu'à couper le cheveux en quatre pour savoir si, oui ou non, ils méritent le statut d'ouvrages sérieux ou dignes d'intérêt.
Notez tout de même qu'on ne parle, sur les chaînes, sur les radios et ici que des Obertone et "SG", et non des Urvoy et de Rémi Brague. Je salue au passage ces grands Toulousains et ces grands savants que sont les époux Urvoy, qui savent allier rigueur et fermeté.
» Il suffit de regarder Caron interroger Obertone ou Genest cette semaine pour comprendre cela. Le souci du chiffre, de l'exactitude, n'est qu'une manière moderne de faire taire les méchants, bien loin de toute quête sincère de la vérité.

Il n'empêche que la "vérité" existe, et que le souci de l'exactitude est encore le meilleur moyen de l'appréhender ; à vous lire, on se rangerait presque à l'opinion nietzschéenne selon laquelle "c'est vrai parce que c'est faux", ou "c'est d'autant plus probable que c'est approximatif et confus", cela parce que les grands dénégateurs du réel n'ayant, eux, que les mots "vérité" et "exactitude" à la bouche. Tout de même... on s'en fout totalement, de la conception de la vérité d'un Caron, celle-ci existe indépendamment de que ce dernier en pense, et il m'est avis qu'il existe encore des gens, même modérément raisonnables, qui en conviendront volontiers si on leur représente solidement qu'elle (la vérité) n'a que faire de ses prurits, et qu'il n'a qu'à aller cultiver ses salades ailleurs.
Je serais tenté de vous assurer, cher Jérôme Reybaud, que le Caron se prendrait une raclée monumentale s'il se risquait à attaquer un Rémi Brague, par exemple, sur la valeur et la recevabilité de ses sources étayant ses théories et son savoir.

Mais je ne tiens pas du tout, au reste, à charger Laurent Obertone (dont je n'ai pas lu le livre, d'abord), parce qu'après avoir vu l'échange en question, je trouve qu'il s'en est finalement assez bien sorti, faisant assez résistante figure, compte tenu des circonstances, et surtout du niveau consternant des "arguments" qui lui ont été opposés, et des réactions, à mes yeux pratiquement débiles, de l'aréopage qui était réuni là : car Caron n'a strictement rien dit qui puisse réellement inquiéter ou mettre en doute ce qu'avançait Obertone, on était bien en-deçà d'un tel débat — ce qui rendait une réponse ciblée et intelligente d'autant plus difficile : la seule chose chose qui se faisait jour, pour la énième fois, était l'accès d'incoercibles palpitations que provoquait la seule hypothèse qu'il puisse y avoir un lien entre délinquance et immigration.
Cher Monsieur, je suis tout à fait d'accord avec vous : "la "vérité" existe, et le souci de l'exactitude est encore le meilleur moyen de l'appréhender". Je voulais simplement faire remarquer que pour certains, le (pseudo) souci de l'exactitude est le meilleur moyen de cacher la vérité. Exactement comme le renvoi à Hitler, la petite question du chiffre exact, de la source précise, de la référence, a pour objectif, non pas de faire avancer la recherche commune de vérité dialectiquement vers son glorieux objectif, mais de disqualifier l'adversaire.

C'est pourquoi je préconise, non pas d'abandonner notre beau et nécessaire souci de l'exactitude – au contraire, cultivons-le, et ouvrons pour ce faire comme le préconisait Marche, des laboratoires, des CNRS, des EHESS in-nocents –, mais d'apprendre à répondre politiquement et médiatiquement à des procédės de disqualification politique et médiatique. Car si, effectivement, "on se fout totalement" de la conception de la vérité de Caron, on ne peut se foutre de la conception de la vérité que ce minuscule pion représente et qui est plus que dominante. Il faudra donc apprendre à répondre à Caron comme à n'importe lequel des soldats de son armée qui viendra le remplacer quand il sera usé ; il faudra apprendre à répondre sur un plateau de télévision à ces objections-grenades "Et quelles sont vos sources ?", "Quels sont vos chiffres ?", "D'où tenez-vous ces chiffres ?", "Vous les avez comptés ?"... Vous dites que Rémi Brague y parviendrait facilement, j'aimerais vous croire, mais je pense, moi, qu'il est à craindre qu'un lobotomisé en deuxième année d'école de journalisme ou de Sciences Po ne l'emporte face au plus sérieux professeur d'université ou chercheur : l'un connaîtra parfaitement les rouages de l'arène quand l'autre se croira sur une place à Athènes (j'exagère, mais c'est pour la rime).

Bref. La vérité ne se révèlera pas toute seule, simplement parce qu'elle est vraie et que quelques hommes de bonne volonté auront cherché à la dire avec le plus grand souci d'exactitude. Il lui faudra des truchements qui sauront, notamment, distinguer la "vraie" recherche de l'exactitude de son double rhétorique, et répondre à ce double efficacement, le cas échéant par l'inexactitude assumée (c'est-à-dire rhétorique elle aussi).
Le souci de rendre audible une vérité occultée doit certes s'appuyer sur un maximum d'exactitude, nul ne le conteste. Toutefois cette situation que décrit Obertone est vécue depuis trente ans par certaines catégories de la population qui vivaient au contact de l'immigration arabo-africaine. Je me rappelle encore ce témoignage d'un Français encore jeune et bien sous tous rapports qui décrivait le climat dégradé fait de vandalisme, d'insultes, de menaces, que les gens comme lui vivaient déjà dans sa banlieue depuis le regroupement familial. En parlant, cet homme avait la gorge nouée et quasiment les larmes aux yeux, non parce qu'il avait peur ou n'en pouvait plus mais parce que, ayant été élevé dans le culte de la tolérance et de l'antiracisme, ce témoignage qui allait à l'encontre de tout ce qu'on lui avait appris lui coûtait terriblement et n'en n'était, d'ailleurs, que plus poignant. Il n'empêche qu'il avait pu le faire sans que personne ne le traînât dans la boue. C'était, il est vrai, en ... 80, époque où la gauche et son idéologie immigrationniste n'était pas encore au pouvoir ni ne régnait encore de façon absolue sur les esprits. A partir de l'élection de F. Mitterrand et de la crétion d' SOS racisme ce genre de témoignage devint mpossible. En revanche quantité d'articles et de livres parurent , dont l'emblèmatique "La France raciste" de Michel Vieworka, pour expliquer qu'il n'y avait pas d'avantantage d'insécurité en France mais seulement un sentiment d'insécurité et sous-entendre que ce sentiment avait pour origine le racisme et la xénophobie des Français "de souche". Et pendant toutes ces années pas un seul Obertone pour demander aux auteurs : "Mais quelles sont vos sources ? Quels sont vos chiffres ? D'où les tenez-vous ?". Pas un seul pour démonter, par exemple, le si facilement démontable et si scandaleux " La France raciste" donné au contraire comme modèle d'enquête sociologique aux étudiants. Cette pléthore d'ouvrages ne se contentait pas de quelques approximations, eux : le plus souvent ils mentaient carrément. Et voilà qu'au bout de tant d'années de mensonges sous toutes les formes, on tombe à bras raccourcis sur le premier livre à rendre compte de la situation que vivent les Français au motif de quelques inexactitudes minuscules dont le nombre d'homicides qui serait en baisse. Le breau scrupule que voilà ! S'ils sont en baisse et même si on ne tient pas compte de l'explication qu'en donne Obertone, laquelle, me paraît pourtant valable, c'est depuis si peu de temps et en si faible proportion par rapport à l'énormité du phénomène que cela ne change rien au constat de l'auteur !
Les bêtises des uns, même lorsqu'elles ont été louangées par les Amis du Désastre, n'excusent pas celles des autres.

En appeler au "sens commun" pour attester de l'évolution du nombre d'homicides n'a, pour l'heure et fort heureusement, pas de sens en France, sauf en Corse...

Comme les homicides sont, jusqu'à preuve du contraire, les crimes les plus graves, il est logique que les Amis du Désastre soulignent la baisse du nombre de morts criminelles pour répondre à un pamphlet qui porte sur l'évolution de la criminalité.

Je répète encore une fois que je n'ai pas lu le livre mais il me semble que les explications données par Obertone et rapportées ici sur cette baisse du nombre d'homicide ne sont pas convaincantes du tout.

Cela ne veut absolument pas dire que la nocence ne croît pas en France.

Il me semble simplement qu'il n'était pas bien difficile d'expliquer que la situation générale se dégrade gravement même si le nombre de morts violentes diminue. Ce n'est hélas pas incompatible.

Je ne saurais dire si l'inverse est possible et que l'on vit mieux en Corse depuis que les truands s'y entretuent plus que de coutume...
« Et pendant toutes ces années pas un seul Obertone pour demander aux auteurs : "Mais quelles sont vos sources ? Quels sont vos chiffres ? D'où les tenez-vous ?" »

Ce n'est pas tout à fait exact, chère Cassandre. Il y a une bibliographie qui est loin d'être négligeable, parmi laquelle, pour m'en tenir aux ouvrages que je connais :

Alain Bauer et Xavier Raufer, Violences et insécurité urbaines, PUF, Que sais-je ?, 1998
Radhia Moumen-Marcoux, Immigration, prison, SIDA, CIEMI, L’Harmattan, 1998
Lucienne Bui Trong, Violences urbaines, Bayard, 2000
Renaud Fillieule, Sociologie de la délinquance, PUF, 2001
Samira Bellil, Dans l’enfer des tournantes, Denoël, 2002
Judith Lazar, La violence des jeunes, Flammarion, 2002
Et aussi l'utile Farhad Khosrokhavar, L’islam dans les prisons, Balland, 2004

Il y a surtout, en Amérique du Nord, une solide tradition de sociologie de la criminalité qui remonte à l'École de Chicago, née il y a un siècle et dont un magnifique exemple est donné par l'ouvrage La délinquance, une vie choisie, Entre plaisir et crime, du Québécois Maurice Cusson, Cahiers du Québec, 2005
Je me souviens avoir rapporté les agressions antijuives dans les années 2000 à un copain libraire, et m'inquiéter de la montée de l'antisémitisme des "cités" ; il me rétorqua immédiatement : "Pourquoi attribuer ces agressions à des jeunes des cités ? Tu as les adresses des agresseurs ?"
Réponse à Anton :

...d'où la nécessité d'avoir des ouvrages fiables et précis.

Les audiences judiciaires sont publiques : un journaliste a le droit de s'y rendre tous les jours et d'enregistrer ce qu'il y voit et entend.

J'entends déjà les hauts cris que va provoquer la mention de ce nom mais Pierre Joxe, pour écrire son dernier livre, Pas de quartier ? Délinquance juvénile et justice des mineurs, Fayard, 2012, dont les conclusions sont assurément contestables, a fait le tour de France des juridictions de mineurs comme avocat de ces jeunes gens déshérités.

Encore une fois, je redis que je ne partage pas les conclusions de l'ouvrage, mais je loue le sérieux de la démarche dont aucun journaliste de ce pays, de gauche comme de droite et même d'ailleurs, ne semble capable.

Ces plumitifs ne prennent la peine que de ratatouiller des statistiques auxquelles ils ne peuvent rien comprendre puisqu'ils sont aussi incompétents dans le domaine mathématique que dans les autres.
Citation
Marcel Meyer
« Et pendant toutes ces années pas un seul Obertone pour demander aux auteurs : "Mais quelles sont vos sources ? Quels sont vos chiffres ? D'où les tenez-vous ?" »

Ce n'est pas tout à fait exact, chère Cassandre. Il y a une bibliographie qui est loin d'être négligeable, parmi laquelle, pour m'en tenir aux ouvrages que je connais :

Alain Bauer et Xavier Raufer, Violences et insécurité urbaines, PUF, Que sais-je ?, 1998
Radhia Moumen-Marcoux, Immigration, prison, SIDA, CIEMI, L’Harmattan, 1998
Lucienne Bui Trong, Violences urbaines, Bayard, 2000
Renaud Fillieule, Sociologie de la délinquance, PUF, 2001
Samira Bellil, Dans l’enfer des tournantes, Denoël, 2002
Judith Lazar, La violence des jeunes, Flammarion, 2002
Et aussi l'utile Farhad Khosrokhavar, L’islam dans les prisons, Balland, 2004

Il y a surtout, en Amérique du Nord, une solide tradition de sociologie de la criminalité qui remonte à l'École de Chicago, née il y a un siècle et dont un magnifique exemple est donné par l'ouvrage La délinquance, une vie choisie, Entre plaisir et crime, du Québécois Maurice Cusson, Cahiers du Québec, 2005

N'oublions pas, dans un autre registre, celui totalement occulté en France par le sociologisme, de l'ethnologie urbaine, le formidable Ces gens-là (1968), de la regrettée Colette Pétonnet, disciple d'A. Leroi-Gourhan et compagnon de route de Jacques Gutwirth, auteur d'une merveille de monographie sur la communauté hassidique d'Anvers. Voilà une interview de Mme Pétonnet tout à fait éclairante sur le climat qui entourait la sortie de son livre, interview qui est aussi une défense de la méthode et du "style" ethnographiques contre les prêts-à-penser déterministes.

Un extrait: "On m'a dit : "t'es de droite", on m'a dit : "t'es d'extrême gauche", balivernes sans aucune importance ! Je montrais des hommes et des femmes dans leur milieu tout simplement, avec leur vécu, leurs rites, leurs colères, leurs ripailles, leurs désespoirs, etc. Certains se montraient injurieux et violents, d'autres enfermés en eux-mêmes, d'autres encore mobilisaient leur imagination pour tourner à leur profit un système d'assistance sociale, mais cela, il n'était pas de bon ton de le montrer, un prolétaire ne pouvait qu'être "exploité" et "généreux". La vie sociale ne correspond pas aux livres des idéologues, l'encre avec laquelle elle est écrite résulte d'une bien curieuse alchimie..."
Certes, mais, d'une part, il s'agit soit d'auteurs ultra spécialistes de la question, aux épaules solides, auxquels il est difficile de s'attaquer, soit d'auteurs d'origine extra européenne auxquels on laisse dire ce qu'on interdirait à un "de souche". D'autre part, jamais ces auteurs n'ont fait, malgré tout, suffisamment autorité auprès des médias pour que ceux-ci les convient afin d'exiger que donnent exactement leurs sources et leurs chiffres les Mucchielli et consorts comme n'hésitent pas à le faire un Caron ou ses semblables, simples porte-parole des premiers et spécialistes en rien, face à Obertone. Enfin, je soupçonne que la haine contre Obertone vient du fait que lui aussi fait le lien entre insécurité et immigration. Or, comme j'y ai fait allusion au début de ce message, seuls des auteurs ou des journalistes issus de l'immigration africaine peuvent faire ce rapprochement sans être inquiétés.
Fdesouche : "Viols : Quand le MJS confirme les chiffres d’Obertone"

[www.fdesouche.com].

Une logique circulaire qui donne le tournis. C'est, au contraire, Obertone qui a piqué ce chiffre à la propagande du féminisme politique qui est une des mamelles du socialisme diversionniste.
La chasse au nazi continue, ici dans une version pseudo-scientifique.
Cher Olivier, sans le savoir vous me rendez une fier service! J'avais en effet perdu la trace de ce nième aspirant à la co-direction des meutes parisiennes de la bien-pensance.

En tout cas, quel styliste l'ami Guénolé...

Extrait: "Cette démonstration par l’absurde permet de rappeler cette autre règle de base, corollaire de la première : présenter une corrélation comme une causalité est scientifiquement sans valeur si l’on n’est pas en mesure de prouver par ailleurs ce lien causal, autrement que par une référence circulaire de type "les immigrés sont portés à la délinquance parce qu'ils sont portés à la délinquance.""

On ne saurait mieux dire!

J'ai par ailleurs jeté un oeil à son CV et j'ai bien aimé cette mention : "2011- Première participation comme expert invité à un journal télévisé (Soir 3)".
Ah, j’espère que je le croiserai un de ces jours dans les couloirs du 27, rue Saint-Guillaume, cet animal-là (je lui exposerais ma façon de penser)...
Citation
Pierre Jean Comolli
En tout cas, quel styliste l'ami Guénolé...

Extrait: "Cette démonstration par l’absurde permet de rappeler cette autre règle de base, corollaire de la première : présenter une corrélation comme une causalité est scientifiquement sans valeur si l’on n’est pas en mesure de prouver par ailleurs ce lien causal, autrement que par une référence circulaire de type "les immigrés sont portés à la délinquance parce qu'ils sont portés à la délinquance.".

Moi, c'est plutôt ce morceau qui m'a interpellé quelque part au niveau de la langue, par exemple : "Héritière morale et philosophique de racines gréco-romaines et judéo-chrétiennes, les nouveaux arrivants doivent assimiler son système de croyances et de valeurs, afin de pouvoir eux-mêmes s’assimiler dans la population française."
Ou encore : "la population carcérale totale est de 61.076."

Mais sur le fond, j'en appelle à M. du Masnau, en le priant de bien vouloir appliquer sa science dans le maniement des chiffres, qui est grande, à la tambouille indigente qui nous est proposée par ce Guénolé, lointain cousin de l'andouille probablement... En effet, voici la chose :

(...) il y a en France, selon les chiffres de l’INSEE en 2008, 3.5 millions d’immigrés maghrébins de la première et deuxième générations. (...)
selon les chiffres du ministère de la Justice rapportés par l'Agence France-Presse, la population carcérale totale est de 61.076. En croisant avec l’enquête de 1999 de l’INSEE, on obtient donc, en arrondissant, 15.500 détenus qui sont des immigrés maghrébins. Rapportés à la population totale d’immigrés maghrébins, cela représente 0.44% du total.

0.44% du total : de fait, il est statistiquement faux de déduire de la sur-proportion d’immigrés maghrébins dans les prisons françaises une prédisposition des immigrés maghrébins à la délinquance ou à la criminalité.


Mais alors, en soustrayant 3,5 millions de 65 millions, et en appliquant ce pourcentage au chiffre obtenu, qu'obtient-on ? 270600 "détenus théoriques", si je puis dire, pour le reste de la population non maghrébine. Or, il restait 61076 - 15500 = 45576 détenus non maghrébins, dans le compte de M. Guénolé... Divisons 270600 par 45576, nous obtenons 5,937. Le taux "détenus maghrébins/population maghrébine" serait donc environ 6 fois supérieur au taux "détenus non maghrébins/population non maghrébine" ? Belle démonstration, tous comptes faits...

Pour ne rien dire des passages simplement risibles tel celui-ci :
En suivant le même type de raisonnement confondant corrélation et causalité, on devrait donc en déduire que les individus de sexe masculin ont une prédisposition à devenir des criminels ou des délinquants, et que donc, les hommes dans leur ensemble devraient faire l’objet de mesures particulières de surveillance, ou que pratiquer à grande échelle des opérations chirurgicales de changement de sexe réduirait drastiquement la criminalité en France.

"Un tissu d'ânerie", titre lui-même ce fort penseur ; ma foi, si on lui retourne le compliment, on constate qu'il lui va comme un gant.
En réalité, la proportion est au moins de dix fois supérieure si on la compare aux seuls Français de souche. On peut du reste en avoir une assez bonne idée en consultant les avis de recherche d'auteurs présumés publiés par la Police Nationale.
Quel talent pour brouiller les pistes au nom d'une idéologie ! J'aime beaucoup le couplet sur la causalité et la corrélation. Le fait que 97 % des détenus soient des hommes ne peut en aucun cas être interprété en termes de causalité. Il s'agit d'une corrélation : a) être un homme et b) être un détenu sont deux phénomènes distincts, qui se produisent presque toujours de manière simultanée, par le plus grand des hasards. Pourquoi n'est-il pas possible de penser ce rapport en termes de causalité ? Parce que "en suivant le même type de raisonnement confondant corrélation et causalité, on devrait donc en déduire que les individus de sexe masculin ont une prédisposition à devenir des criminels ou des délinquants, et que donc, les hommes dans leur ensemble devraient faire l’objet de mesures particulières de surveillance, ou que pratiquer à grande échelle des opérations chirurgicales de changement de sexe réduirait drastiquement la criminalité en France." Ce lien de causalité entre a) déduire que les individus de sexe masculin ont une prédisposition à devenir des criminels et b) déduire que les hommes devraient faire l'objet de mesures, etc. manque pour le moins de rigueur scientifique. Pourquoi a) mènerait-il à b) ? Où en est la preuve ? Où sont les chiffres qui montreraient une "corrélation" nécessaire entre ces deux déductions ? Et en quoi b) est-il une réfutation de a) ? Tout est faux et gluant dans l'esprit de cet homme. Un exemple d'embrouillamini conceptuel.
Pour répondre à M. Dangle, je dirais que ce pauvre M. Guénolé aurait bien fait de se taire, du point de vue des statistiques.

Monsieur Obertone est imprécis et hâtif, celui-là ne comprend pas de quoi il parle.

Statistiquement parlant, il ne s'intéresse pas aux biais d'échantillons. Or, tout le monde sait que la population détenue ne recoupe pas la répartition des populations par groupes socio-économiques (pour être concret, et sous le contrôle de M. Pellet, qui s'y connaît en droit, plus vous êtes pauvre, plus la pobabilité (au sens mathématique du terme) que vous soyez incarcéré est forte. Idem, plus vous êtes jeune, plus cette probabilité est élevée).

La seule base de comparaison pertinente serait de définir des groupes d'âge et de statut social homogènes et, là, de regarder si l'origine a un lien (ou, plus précisément, un lien de causalité).

Pour répondre à Olivier, M. Guénolé est brumeux, c'est certain, mais il n'a pas tort de dire qu'une très forte corrélation ne signifie pas lien de causalité (croyez-moi sur parole, on le démontre mathématiquement. Pensez par exemple à deux phénomènes indépendants qui ont la même cause).
Il n'est pas que brumeux, il est bête, M. Dangle a raison, et j'avais également tiqué sur ce passage, qui donne une valeur comparative comme un chiffre absolu (0.44%), dont on se demande bien ce qu'il peut vouloir dire en soi : le rapport du reste de la population carcérale à la population globale non-maghrébine donne 0.07%, soit en effet une proportion six fois moindre.
Ah il est gratiné, ce type...

Cela dit, je ne vois moi non plus aucun moyen logique, ou autre, de conclure d'un type de rapport "corrélatif" strictement empirique, à un rapport de causalité, en ce domaine... Et au fait, Obertone fait-il ce lien de causalité, ou se contente-t-il de constater la corrélation ?
Euh depuis Auguste Comte et Hume, je pensais que pour la plupart des positivistes la "causalité" ne voulait pas dire grand chose, et que l'on se contentait de mesurer des corrélations (la notion de "cause" étant relativement métaphysique... elle supposerait que l'on dispose d'une sorte de connaissance interne aux objets considérés, que l'on doit au contraire poser comme des "boîtes noires").
Sur la causalité et la corrélation, un exemple :

Dans la France d'autrefois, les propositions "le coq chante" et "les paysans se lèvent" étaient fortement liées.

Or, ce n'est pas parce que le coq chante qu'on se lève, ni l'inverse.

Il manque une troisième proposition qui est cachée et qui est "causale" des deux mais qui peut se dérouler sans qu'aucun des deux n'ait lieu : "c'est le matin".
Le matin est-ce une cause ou simplement une corrélation supplémentaire ?
Certains se lèvent le matin, d'autres non (ils sont malades ou autre).
En fait, la distinction entre "corrélation" et "cause" n'est-elle pas métaphysique (on inclue une "explication" censée relier les phénomènes, alors qu'il suffit de voir si la corrélation est forte ou faible pour les prévoir...).
L'argument de la recherche de la "causalité" sert surtout aux Amis pour disqualifier le sens commun, accusé dee s'attarder aux simples "corrélations". Sous un auspice scientifique cet argument est sans doute le reliquat d'une épistémologie scolastique, avec ses recherches des "causes" sous les phénomènes. Il n'y a rien d'accessible "sous le phénomène" !
La recherche du lien de causalité entre le dommage subi et une faute (intentionnelle ou non (l'imprudence)) reste la base du droit de la responsabilité civile (dite "subjective", puisque la faute est celle d'un sujet) même si a été ajoutée ultérieurement une autre catégorie de responsabilité, celle dite "objective", "pour risque", "sans faute", qui n'est fondée, en quelque sorte, que sur des "corrélations", c'est-à-dire l'établissement de faits (d'où l'expression de resp. "objective") concomitants (par ex. l'employeur sera tenu responsable des dommages survenus aux salariés lorsque ceux-ci les auront subis "au temps et au lieu du travail"), sans qu'il faille prouver la faute de l'individu tenu pour responsable "pour risque" parce que son activité a créé le risque et qu'il doit assumer toutes les conséquences dommageables de ses actes même quand ils ne sont pas fautifs.

Tout cela pour dire que la recherche d'un lien de causalité pour pouvoir juger et condamner est à la base de l'organisation de nos sociétés libérales : il n'est donc guère étonnant que ce principe soit spontanément évoqué quand il est question de la responsabilité de tel ou tel groupe social, même si, bien évidemment, le passage du niveau individuel au niveau collectif rend, la plupart du temps, inopérant l'application du "paradigme" (c'est même la démonstration de base de la sociologie qui est fondée, si j'ai bien compris, sur l'idée que le comportement d'un groupe ne peut être analysé comme celui d'un individu)
Vouloir faire de simples corrélations des causes efficientes est une erreur mais vouloir faire de causes effcientes de simples corrélations en est une autre.
Or nous savons que les départements les plus pauvres de France sont les moins délinquants et il se trouve qu'ils sont aussi les moins "divers". D'autre part il y a bien eu vers les années 90 une étude vite enterrée qui montrait qu'à condition socio économique égale le taux de délinquance des immigrés d'origine maghrèbine restait toujours très largement supérieur à celui des "de souche". En outre le taux de délinquance dans la population immigrée d'origine asiatique est lui aussi très inférieur à celui des immigrés d'origine africaine. Est-ce une simple corrélation ? Enfin même si l'explication de la pauvreté était valable elle n'expliquerait en fait pas grand chose car la question se poserait alors de savoir pourquoi certaines populations se maintiennent dans cet état de pauvreté alors que précisément les Asiatiques par exemple sont capables d'en sortir ? Une étude très précise et très fournie avait été faite il y a une dizaine d'année par un sociologue américain d'origine hindoue qui démontrait que la violence des ghettos noirs ne provenait pas de la pauvreté mais que c'est au contraire la violence, une violence due à la culture du ghetto faite de machisme, de culte du plus fort et de la frime plutôt que de l'étude ou du travail qui engendrait la pauvreté. Il n'est pas interdit de penser que cette analyse pourrait s'appliquer à nos banlieues.
14 mars 2013, 11:06   The whys and wherefors
Il y a des hiérarchies de causes -- le cas du matin, du coq et du paysan: le coq qui fait lever le laboureur est une cause de même niveau hiérarchique que la moto qui démarre à six heures au bas de la rue pour l'employé ou l'ouvrier qu'elle tire du lit à cette heure; il s'agit de causes qui, pour être d'ordre subalterne, n'en sont pas moins aussi réelles que la nécessité plus profonde de labourer le champ ou d'aller pointer au bureau et sourire au chef dans des conditions propices à placer ses RTT dans la journée, etc.. Cet ordre des causes déclenchantes n'est donc point illusoire, il n'est que subalterne à d'autres causes motivantes plus profondes, macro-économiques, sociales et civilisationnelles qui répondent à la question des motifs. Dans la criminalité, il en va de même: un tel a été condamné pour avoir été pris en flagrant délit de trafic de stupéfiant ou parce qu'il n'a pas su "planquer" sans se faire repérer, cause immédiate, comme le coq au lever; mais le fait de s'être livré à un trafic de stupéfiant admet pour causes des facteurs d'ordre intermédiaire relevant de la nécessité subjective de satisfaire ses envies; d'autres enfin, de niveau hiérarchique plus élevé, des penchants plus profonds, et plus collectifs, touchant à la macrosphère sociale et économique, eux-mêmes subissant l'influence parfois très forte,de facteurs civilisationnels (les wherefors shakespeariens) et moraux qui conditionnent les "choix de vie", et qui se donnent bel et bien à lire dans les statistiques de la population carcérale.

L'argument d'une opposition cause / corrélation est faux et engage un sophisme, une distraction pour élève de classe terminale en apprentissage doxique.
Il y a pauvreté et pauvreté, c'est encore une question d'échantillonnage.

Un département comme la Creuse est, par exemple, "pauvre" au sens de la "pauvreté monétaire" (c'est à dire que les revenus perçus par la population sont, en moyenne, inférieurs à ceux perçus en France).

Or, la Creuse compte 39,1 % de retraités (contre à peu près 25% en France). Le revenu des retraités est plus faible que celui des actifs.

Cela étant, les retraités (creusois ou autres, mais surtout ceux des départements ruraux) sont souvent propriétaires de leur résidence. Il y a donc, dans le calcul de leur niveau de vie, un biais.

Je vais prendre un exemple, celui de deux couples.

Couple de retraités creusois : revenus mensuels, 2500 €, propriétaires du logement.

Couple de jeunes actifs sans enfants du Val-de-Marne : revenus mensuels, 3000 €, logement 900 €.

On voit que le premier couple est "plus pauvre", mais qu'il dispose d'un revenu disponible en fait plus élevé.
Si vous vous intéressez aux répartitions de la délinquance par âge et catégorie socio-professionnelle, je vous recommande une excellente étude parue en 1976 et qui porte sur les années 60, donc dans la "France d'avant". On ne peut donc suspecter les sociologues modernes.

[www.persee.fr]

Qu'y voit-on ?

Tout d'abord, que la délinquance est un phénomène "de jeunes" :



Ensuite, qu'elle est très fortement liée à la "CSP".

Vous noterez, page 107, qu'en 1968 la délinquance des ouvriers et catégories assimilées au sens de cette étude est très supérieure à celle de la masse "agriculteurs plus employés plus cadres moyens", d'une importance numérique comparable, dès lors qu'on s'intéresse à la délinquance violente.

En revanche, comme ce tableau un peu complexe s'intéresse à tous les délits et contraventions, on voit que les patrons condusient aussi mal que leurs ouvriers, et que la délinquance astucieuse est souvent le fait de commerçants.
Il n'y a pas de corrélation systématique entre niveau de vie (quelle que soit la méthode utilisée pour le calculer) et criminalité. le fait qu'il y ait davantage de pauvres que de riches en prison reflète, pour l'essentiel, le fait qu'il y a davantage de pauvres que de riches dans la société. En revanche il y a une différence dans les crimes commis : par exemple, moins de vols à main armée par des riches mais davantage d'escroqueries. Ce qui est exact est que les actes délictueux commis par des riches ou des enfants de milieux aisés sont moins visibles et entraînent moins souvent des poursuites, voilà ce qui explique le reliquat. Mais dans les enquêtes sérieuses sur la délinquance juvénile par auto-révélation on ne trouve pas de différence statistiquement significative, sauf une très légère pour les deux strates extrêmes de la population (les vrais riches et le lumpen).

Il y a un chapitre consacré à cette question dans l'ouvrage universitaire de Renaud Fillieule, Sociologie de la délinquance, PUF, 2001, que je citais.

Ce qui complique les choses c'est que les facteurs (sexe, âge, milieu culturel, mode d'éducation) se croisent et parfois s'annulent, mais les enquêtes sérieuse menées sans tabou en Amérique du Nord permettent de très bien séparer l'influence des différentes variables.

Obertone relève les corrélations, note soigneusement le fait que corrélation ne signifie pas forcément lien de cause à effet mais il n'élude nullement la question du lien entre délinquance et immigration.
Restent donc plus 70 pour cent de la population aussi ou plus pauvre que celle de nos banlieues sensibles, puisque tous les retraités de ces départements ne sont pas, comme vous le dites vous même, propriétaires, ce qui l'un dans l'autre fait une différence infime. Mais surtout, il faut compter dans la richesse d'un département non seulement les revenus des habitants mais aussi les aides en tous genres apportées par l'état ou les collectivités publiques avec nos impôts. Or elles sont jusqu'à ... mille fois supérieures dans certaines banlieures dites défavorisées (sic) que dans les départements en question.
Marcel,

Je ne suis pas d'accord avec vous, et je ne sais sur quelles études précises vous vous basez.

Le document de 1976, que j'ai joint, montre que certaines catégories sociales connaissent une plus forte proportion de délinquants, noatmment pour le vol simple et le vol avec violence. Il est vrai que d'autres ont un taux de commission des faits plus fort par exemple pour la "délinquance astucieuse".

Cela rejoint le titre de Chevalier, "Classes laborieuses et classes dangereuses".

Dans les classes populaires (au sens ancien) il y avait bon nombre de personnes méritantes, il y avait une "aristocratie ouvrière" (souvent des compagnons en fait, souvent syndiqués, souvent communistes). Ces gens élevaient leurs enfants dans l'amour du travail et la droiture. Cela dit, il y avait aussi une vaste proportion de personnes à la limite de la marginalité, sachant bien se plaindre et moins bien travailler, allant des chemineaux aux vagabonds et gens sans aveu, ce fameux Lumpen décrit par Marx et Engels (prenez Berlin Alexanderplatz, quatre-vingts ans plus tard : le Lumpen berlinois de 1930, ethniquement et culturellement remarquablement homogène, y est fort bien décrit, comme est décrite son opposition aux ouvriers d'élite).
Le problème, pour l'auteur de l'article ci-dessus, comme pour tous les Caron, Demorand, etc., se pose en termes beaucoup plus simples, car ils ne se préoccupent nullement de logique ou de mathématique. Ils pensent : s'il existe un lien entre l'immigration et la délinquance, alors il faudra -- selon une autre Loi qu'ils sont les seuls à connaître -- exterminer les immigrés. DONC ce lien n'existe pas, ne peut pas, ne doit pas exister. Seule la théologie est habituellement capable d'élaborer des dogmes d'un tel raffinement.
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