Cher Alain,
Quand vous voyagiez en Inde dans les années 70, le Cambodge, alors Kampuchea, appliquait une forme de contrôle des naissances particulièrement brutal, comme vous ne l'ignorez pas. La clique alors au pouvoir, tant avant qu'après la prise de Phnom Penh, s'était fabriqué la vision d'un Cambodge "à démographie allégée", c'est François Bizot qui nous l'apprend, dans son dernier opus
Le Silence du bourreau, à l'occasion du procès Douch. On a su un peu tard comment cet objectif de "démographie allégée" avait été accompli dans ce pays. Les générations de Khmers qui n'on pas connu cette époque "compensent le déficit démographie" volontairement créé alors. C'est humain et c'est compréhensible : une réaction au génocide, d'inspiration aussi primaire qu'avait pu l'être ce dernier.
D'une part il est normal, il est sain, qu'un certain "contrôle des naissances", soit un contrôle du nombre des vies humaines, soit tabou, (il est juste que la vie humaine soit taboue, aussi tabou que doit l'être le cannibalisme), d'autre part hélas, il est malsain de faire naître des être humains dont on sait que l'on ne pourra ni les nourrir, ni les éduquer, ni même les vêtir. Mais bah, dans le cas du Cambodge, la communauté internationale y pourvoira. Au Cambodge, la
communauté internationale, c'est Dieu,
c'est l'autre nom de Dieu. Il aurait pu en aller autrement (si l'ONU n'avait pas décidé de prendre en main ce pays il y a trente ans), mais c'est trop tard. Il faudra s'en remettre encore à ce dieu là, au drapeau bleuté comme les casques de ses soldats, pour espérer faire entendre à ce pays que la voie de la "démocratie allégée" sans
killing field, pourrait bien être celle de son salut. Ne rien espérer de personne sinon.
La surpopulation mondiale est une réalité de tous les instants, oppressante, à qui voyage aujourd'hui après avoir vécu dans le siècle dernier. C'est un régime d'existence tout autre qui nous est désormais imposé: la génération Y, celle qui va avec deux fils qui lui pendent des oreilles et qui doivent l'isoler de congénères en surnombre, semble être née avec cette volonté de survie dans l'isolement artificiel (ne rien voir, ne rien entendre, être fermé à tous, n'être présent pour personne) qui lui aurait fait pousser ces deux fils de la coque des oreilles comme organe d'adaptation néodarwinien (les cornes du taureau, la mâchoire du crocodile) à l'existence en foule, à l'indifférente et permanente cohue du surnombre où il n'est désormais plus question jamais de se faire connaître de son prochain.
Ceux qui se plantent des bouchons filaires dans les oreilles, qui
vivent ainsi, ou qui vivent toutes les occasions du vivre-ensemble les deux yeux plantés dans l'écran de leur réseau social qu'ils tiennent dans la main, appartiennent à ce régime d'existence en surnombre. La surpopulation a créé Facebook et on lui doit aussi tout l'autisme de l'existence commune dans le virtuel. A terme cette surpopulation ne tolérera plus d'autre existence humaine que virtuelle, c'est à présent déjà le cas, pour 40 à 50 pour cent de l'humanité. Les hommes et les femmes sont déjà si nombreux qu'on les voit occuper la majorité de leur temps à se fuir par écrans interposés.