Ah oui, c'est une très bonne grille de lecture, d'ailleurs plutôt que de la cantonner aux pays européens, je crois qu'il vaudrait mieux en faire un dualisme universel, celui que mon arrière-grand-oncle Oswald tente souvent de nommer avec des couples de mots genre totem-tabou, et que les différents assemblages humains mettent en scène chacun à leur manière.
Le problème actuel, justement, c'est que la France s'était habituée, pour des raisons singulières et vitales, à nier cette dualité, soit en étendant indéfiniment le lexique d'un courant pour recouvrir l'autre, soit l'inverse. Et même dans le si transparent nom Etat-Nation, personne ne veut voir qu'il y a deux choses.
Quant à la métaphore du fleuve, qu'on l'assume ! Un fleuve finit dans la mer (ou dans le désert), puis l'eau, etc.
Bernanos dit en 1944 : "Il y a vingt ans, le petit bourgeois français refusait de laisser prendre ses empreintes digitales, formalités jusqu'alors réservées aux forçats. Oh ! oui, je sais, vous vous dites que ce sont là des bagatelles. Mais l'homme de mon pays, l'homme de l'ancienne France attachait à ces bagatelles une importance énorme. Chaque citoyen, chaque corporation, chaque état, chaque confrérie, chaque ville et presque chaque village, avait ses privilèges et les maintenait coûte que coûte. Durant des siècles pas un homme de police n'eût franchi le seuil inviolable de l'université de Paris, sans être massacré par les étudiants." Sympa.
Mais tout va bien, un jour il pleut de nouveau, car il disait aussi en 1938 : "Tout ce qui a une fois existé peut renaître. Et puisqu'il existe une chevalerie totalitaire, une fausse chevalerie, pourquoi l'autre ne surgirait-elle pas tout à coup ? Il y a seulement dix ans, qui eût pu imaginer de revoir un jour l'Inquisition ? Je l'ai revue. (...) Que, d'une manière ou d'une autre, la Barbarie nouvelle enfante une nouvelle Chevalerie, l'idée peut vous paraître drôle. Mon Dieu, la vie ne donne pas tant d'occasions de s'amuser un peu, ne comptez donc pas sur moi pour vous empêcher de rigoler."