Au contraire, cher Dominique, ce qui fonde dans leur argumentation ce remplacisme indifférentiateur (lequel se force à l'aveuglement multiculturel, sauf pour les peuples de souche), c'est l'égalité des droits :
Si les droits sont égaux, personne n'est plus français que personne,
Donc, les Français récents (même de papier) sont aussi français que les Vieux-Français,
En conséquence, les uns et les autres ont une égale légitimité au discours historique.
Or, si on admet l'égalité (juridique) des droits, il est possible de répondre par une différence des devoirs :
Les Vieux-Français ont une dette d'autant plus grande envers la terre et les morts de leurs aïeux qui y reposent que ces morts y sont plus nombreux, que leur mémoire peut remonter plusieurs générations.
La différence fondamentale de légitimité se fonde sur l'excès de devoir et de dette envers cette seule terre, non sur une différence de droits.
Un Français d'origine algérienne ou polonaise peut se sentir français, mais une partie de sa mémoire et l'essentiel de ses ancêtres sont ailleurs. Il conserve une dette envers ces terres où reposent ses ancêtres.
Un Vieux-Français n'a de dette qu'envers la terre d'une des provinces de France. Cette dette est d'autant plus grande que son nom résonne dans l'histoire de la province, sinon du pays tout entier.
Un Rohan-Chabot ou un La Rochefoucauld n'est pas français (ou même breton dans le cas d'un Rohan-Chabot) comme un Dupond, moins encore comme un Ben-quelque chose. Leurs droits sont rigoureusement les mêmes, leurs devoirs envers leur patrimoine, leur mémoire et leur nom sont différents.
Or, cette différence fonde, il me semble, une différence de légitimité historique - celle dont parla si bien Denis Tillinac lorsqu'il fut invité à l'émission Répliques.
Il s'agira donc d'expliquer qu'une différence existe, celle d'une dette supplémentaire, laquelle implique des devoirs en plus.
Sur l'immigration, les uns et les autres parlent sans cesse de la nécessité d'en avoir davantage, ou de la non-nécessité d'en avoir davantage. Aucun journaliste ne les interrompt pour leur dire que la question n'est pas économique, mais politique : Le peuple français veut-il, ou non, davantage d'immigration ? Veut-il se dissoudre dans autre chose ?
Les diktats des tenants de la diversité ne doivent pas nous impressionner.
Si le choix n'existe plus, la politique cesse d'exister aussi. La politique c'est le choix de conserver ou de changer un état de la société, éventuellement de conserver ou de changer l'état de la population - plus rarement.
Quand on nous explique que tel changement social est inéluctable, que nous sommes en retard (par rapport à quel étalon ?), quand on nous explique que les gens ont le droit de venir et que nous n'avons pas le droit de les choisir, on nous dit, à mots couverts, que la démocratie n'existe plus et que la politique est devenue une pratique scientifique consistant à avancer dans un sens unique, à des vitesses différentes - on retrouve une forme discrète de totalitarisme.
(Proverbe turkmnène illustrant cette mémoire partout : Qui ne connaît ses sept ancêtres est un traître - il faut comprendre : qui ne connaît le nom de ses pères sur sept générations. Nos CPF, lorsqu'ils connaissent quelque chose du passé, connaissent rarement l'histoire de notre pays sur sept générations et rarement celle de leur famille et de son pays d'origine durant la même période)