Evidemment, c'est moins spectaculaire que le gauchisme effréné du Syndicat de la Magistrature, c'est moins spectaculaire que de remettre en liberté tous les participants à l'attaque du RER de Grigny. Jeter à la poubelle un manuscrit politiquement incorrect, c'est un parfait non-événement. Personne n'en parle, surtout pas le rejeté pas très fier de sa lettre de licenciement. ''Monsieur, nous n'avons pas été convaincus par votre manuscrit...'' Autrefois, ils se fendaient quand même d'explications plus précises.
Pierre Mérot, auteur non-correct de ''Toute la noirceur du monde'' avait été accepté chez Stock par Jean-Marc Roberts. Celui-ci meurt, Manuel Carcassonne de chez Grasset le remplace, refuse le manuscrit déjà pris. Les états d'âme d'un professeur de lycée devant le grand remplacement de ses élèves, ça ne peut manifestement intéresser personne. Birnbaum dans ''Le Monde des Livres'', La Mecque de la bien-pensance intellectuelle, accouche aujourd'hui d'un article crapuleux où il éreinte un livre qui a bien du mal à paraître. Voilà : le lien est fait, il existe à Paris une camarilla qui s'est vouée à faire régner dans l'édition un ordre moral bien pire que la Société du Saint Sacrement à l'époque où Molière voulait faire jouer ''Tartuffe''.
Si l'Eglise catholique réactionnaire du début du XIXème siècle (pardon aux nobles mânes de Lacordaire, Montalembert et Lamennais) avait eu la même influence sur la parution des livres que la camarilla gauchiste de l'édition parisienne d'aujourd'hui, Victor Hugo serait resté un pur inconnu, et beaucoup d'autres comme Balzac dont le catholicisme, fortement teinté d'illuminisme, sentait le soufre.
Renaud Camus-écrivain est assassiné sous nos yeux par l'édition bien-pensante dans le plein épanouissement de son talent, j'ai été assassiné à l'état de bébé littéraire après quelques ouvrages parus sous le pseudo de Nueil, vraisemblablement parce que mon premier livre, chez Grasset, finissait par une guerre civile sanglante en Afrique. Une guerre civile sanglante en Afrique, vous n'y pensez pas, mon jeune ami ! Cela n'arrive jamais, strictement jamais. Vous fleurez un peu le racisme, jeune homme, parfumez-vous autrement.
Mais je pense aussi à tous les jeunes écrivains qui, voulant décrire la société française telle qu'elle est, sont arrachés du ventre de la littérature à l'état d'avortons parce que leur roman ose évoquer la difficulté de vivre à Marseille ou de prendre son train pour retourner le soir à Grigny. A la poubelle, tous ces jeunots qui risqueraient de faire monter Marine dans les sondages, à la poubelle même s'il y a parmi eux un Hugo, un Mauriac, un Malraux ! Que meure la littérature française si elle doit attenter aux principes sacro-saints de l'antiracisme officiel !
Or il se trouve que la littérature est faite pour déranger les vérités officielles, il se trouve que les textes les plus forts que concoctent en ce moment les jeunes cervelles ne pourrront pas parler d'autre chose que du Grand Remplacement, cet événement obsédant et inouï qui nous frappe de plein fouet dans les fondements mêmes de notre être. Quel autre sujet traiter ? Aucun. La littérature française sera incorrecte ou ne sera plus, elle végétera en plante de serre cultivée par la Sainte Camarilla à laquelle, coup de pied de l'âne final, j'adjoindrai volontiers le très onctueux et correct Bernard Pivot.