Tout d'abord, l'UMP.
La considérer comme un parti de même nature que les autres partis serait une profonde erreur. René Rémond l'a démontré. Historiquement, en France, les partis politiques de droite modérée sont très faibles.
L'ensemble RPF-UNR-RPR est d'une nature différente : il s'agit de rassemblements qui ne sont pas limités à la droite modérée, qui sont concurrencés par une partie de la droite modérée (les Indépendants puis l'UDF) et qui sont renforcés par des progressistes sociaux amis de l'ordre.
L'UMP se situe en fait dans la tradition de ces conglomérats conservateurs qui ont peu de militants, presque pas de programme mais bon nombre d'électeurs. Pourquoi cela ? justement parce que les électeurs conservateurs se méfient des programmes trop précis, ont une aversion pour l'emphase et détestent l'embrigadement.
Pour donner une idée de ce qu'est l'UMP et de ce que furent ses prédécesseurs, tout le monde sait ici, j'imagine, à quels partis appartenaient Herriot, Blum ou Thorez. Je suppose que nul ne peut dire sans "googler" à quel parti appartenaient d'une part Tardieu, Paul Reynaud, Poincaré, Lebrun ; d'autre part François de Wendel, Debû-Bridel, Louis Marin ; enfin, Mandel ou de Kérilis. Trois partis inconnus, trois associations plutôt.
Les électeurs UMP (et de la droite conservatrice en général) sont des plus indociles : ils se fichent comme de l'an quarante des consignes de leur parti.
L'unité de courant tient en fait à l'existence, à côté de divergences de façade que tout le monde voit, de deux axes très forts : le primat donné à l'économie, notamment celle de marché, et la mise en avant des valeurs "travail" et "liberté" contre la valeur "égalité". C'est profondément fédérateur. On notera que, quand il est battu aux élections, ce courant n'est pas écrasé, contrairement au PS, par exemple, qui fut laminé en 1993.
Ensuite, le Front National.
Il est, de mon point de vue, dans une situation politique qui va exiger de sa part des choix.
En effet, il ne peut envisager sérieusement arriver au pouvoir seul. Or, son discours ne facilite pas les alliances. Depuis toujours, il se pose seul contre tous (la Bande des quatre au temps de Le Pen père, on a vu ensuite qu'assimiler le PC au RPR tenait du délire) et attaque plus férocement la droite modérée que la gauche (alors que les communistes, par exemple, ont toujours distingué le rhûme (les socialistes) de la grippe (les radicaux) et de la peste (la droite)). Cette attitude pose de gros problèmes vis-à-vis des élus locaux de droite.
Ensuite, son électorat semble évoluer assez vite. On estimait qu'il était composé d'une large majorité de personnes venues de la "droite dure" mais aussi d'une minorité venue de la gauche proche des communistes. Actuellement, les transferts depuis la droite modérée ont cessé. La nouvelle source d'électeurs vient du centre-gauche, et donc du parti socialiste. Cela rend la définition d'un programme économique très difficile.
Aux prochaines élections, il devrait sans doute faire jeu égal avec la droite conservatrice (qui dispose néanmoins de réserves au centre) et dépasser les socialistes. Mais que peut-il faire ensuite ?
Bien des électeurs conservateurs sont prêts à le suivre quand il parle d'immigration, mais sont rebutés par l'absence de doctrine économique. D'autres ne se résignent pas à voir de temps en temps surgir de vieux démons.
Tôt ou tard, Mme Le Pen, qui est intelligente, devra répondre à la question "en quoi le FN doit-il évoluer pour se rapprocher de la droite classique ?" alors que jusqu'à présent le discours est "laissez venir à moi les petits électeurs".