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Discours de Notre-Dame, hommage à Dominique Venner, vendredi 31 mai 2013

Mes Chers Concitoyens et Vous, les Amis, les Admirateurs et les Lecteurs de Dominique Venner, qui êtes aujourd'hui, comme nous, comme moi, en deuil, et dans le chagrin,

Tout est signe, et doit faire signe.

Nous sommes réunis ici au pied de la statue de Charlemagne, qu’on a appelé, ainsi que d’autres, le Père de l’Europe et dont on apprenait aux enfants, quand j’étais enfant, qu’il accordait la plus grande importance à l’enseignement, à l’École, et qu’il protégeait les arts et les lettres.

Il était aussi le petit-fils de Charles Martel, autre figure tutélaire de l’Europe telle que nous la connaissons, puisque sa victoire de Poitiers a mis fin à la progression d’un changement de peuple moins massif, certes, mais tout aussi radical et encore plus violent que celui que nous éprouvons.

Surtout, nous sommes réunis devant cette cathédrale où un homme, un écrivain, un historien — c’est très important —, un grand intellectuel, a choisi de mettre fin à ses jours, il y a une dizaine de jours.

Je sais que beaucoup, parmi nos amis catholiques, ont été choqués, et je les comprends, par ce geste qui va contre leur foi en la vie et qui, de par le lieu choisi, leur semble sacrilège.

Mais je crois qu’ils se tromperaient gravement en y voyant une volonté d’offense à leur religion, qui est celle aussi de la plupart d’entre nous.

Je crois, et les différentes lettres que Dominique Venner a laissées derrière lui le confirment, qu’il faut l’interpréter au contraire comme un hommage, un hommage à la place immense que tiennent l’Église et la foi, le christianisme, dans notre culture et notre civilisation menacées.

Hommage à l’art et à la beauté, aussi, à la culture et l’architecture.

Certes a joué ceci, pour ce païen proclamé, que cette cathédrale comme tant d’autres est bâtie sur l’emplacement d’un temple païen.

Mais plus encore que partent d’elle, de cette place, de l’emplacement où nous nous trouvons, toutes les routes de France.

Tout prouve que cette immolation, ce sacrifice de soi, ont été voulus, comme ceux de Jan Palach ou des bonzes tibétains qui protestent eux aussi contre la substitution ethnique qui ravage leur pays et le leur ravit, comme un signe, un cri, un appel, un acte fondateur, et en ce sens profondément positif, malgré son aspect tragique, ou à cause de lui, grâce à lui.

C’est pourquoi il ne nous a pas semblé que des funérailles strictement privées, si profondément respectable que soit la douleur de la famille, et une réunion de proches et de bons connaisseurs de l’homme et de l’œuvre, dans une salle fermée, soient tout à fait suffisants pour signifier sous le ciel, fût-il peu favorable, que ce cri d’avertissement et d’horreur, que cette incitation tragique à dire non, avaient été entendus et compris; et que désormais, pour reprendre une expression chère à certains de nos amis, « on ne recule plus ».

Dominique Venner m’a fait l’honneur de me nommer, dans ses écrits testamentaires ; et surtout il a désigné le Grand Remplacement, le changement de peuple et le changement de civilisation qu’il implique nécessairement, comme la raison principale de son geste, à la fois, et comme la plus grave, de très loin, des menaces qui pèsent sur nous et sur notre histoire.

Il ne s’agit d’ailleurs plus d’une menace, mais d’une réalité de tous les jours.

D’une réalité qui perce quotidiennement la chape de mensonge, ce règne du faux — ce que j’ai appelé le faussel, ce double inversé du réel — que nous imposent presque unanimement la radio, la télévision, les discours des hommes et des femmes politiques, avec leur chapelet de jeunes, de quartiers sensibles, de milieux populaires, de victimes de l’abandon, un abandon qui nous ruine et nous met à genoux.

Le faussel, ce règne du faux, est percé, troué, déchiré, tous les jours un peu davantage par le crime, par la violence, par la guerre ethnique en Suède, par la guerre ethnique en France, par l’assassinat d’un soldat à Woolwich, par l’agression meurtrière contre un soldat à La Défense, par l’engagement de plus en plus fréquent de supposés “Français” dans le terrorisme anti-Français et anti-occidental, par le suicide d’un historien au pied de l’autel majeur de Notre Dame.

Tout à coup la réalité pousse son cri, et elle déchire le voile.

Et même la télévision, la radio et les journaux sont parfois obligés de ne plus faire semblant de ne pas l’entendre.

Mais le faussel résiste, il continue d’imposer sa fiction malgré les déchirures et les trous vite colmatés que lui inflige, dans sa brutalité croissante, le réel sous-jacent.

Cette fiction, ce mensonge central qui commande tous les autres, c’est qu’en changeant de peuple on peut avoir encore la même histoire, la même culture, la même civilisation, le même pays, la même nation éternelle, la même France, la même Europe, la même identité.

Qu’en changeant la lame, puis le manche, on peut avoir encore le même couteau.

Au demeurant il n’est pas de conception plus basse et plus indigne de l’homme que celle qui le voudrait et qui tâche de le produire désoriginé, déculturé, décivilisé, dénationalisé, désafilié, fils de personne : un pion, en somme, un robot lisse, échangeable à merci, délocalisable à volonté.

C’est ce que j’ai appelé l’homme remplaçable, l’homme du Grand Remplacement.

Le changement de peuple, il est voulu par les gouvernements de gauche parce qu’ils en espèrent, grâce aux voix des nouveaux venus, des remplaçants, qu’il s’agit de faire voter au plus vite, la pérennité de leur pouvoir — semblant ne pas se douter, ces gouvernements et ces hommes, qu’ils seront emportés eux aussi par cette force qu’ils flattent et qu’ils gonflent et qui les dévorera comme les autres dès qu’elle pourra se passer d’eux.

Terra Nova, le notoire “think tank” conseiller du parti socialiste, n’a fait au fond que prendre au sérieux la fameuse boutade de Brecht :

« Si le gouvernement n’est pas content du peuple, il n’a qu’à en changer ».

C’est exactement ce que fait le gouvernement socialiste : il change de peuple.

Quand il nous annonce : « le changement, c’est maintenant », il faut comprendre évidemment : le changement de peuple, c’est maintenant.

Mais le changement de peuple est voulu tout autant par les intérêts de droite, c’est-à-dire par les intérêts tout court, qui sont assez malins pour être à gauche autant qu’à droite — ça ne les concerne plus —, mais qui ont le plus grand besoin de l’homme remplaçable.

Et comment les média ne le désireraient-ils pas eux aussi, ce changement de peuple, ce Grand Remplacement, eux qui sont les maîtres et les valets, alternativement, la servante-maîtresse, les serviteurs tout puissants, des conglomérats et des partis ?

C’est ainsi que le Grand Remplacement, haï par les hommes et les femmes qui le subissent mais profondément désiré par les pouvoirs et les intérêts qui l’imposent, a pu paraître à ce point irrépressible qu’un homme comme Dominique Venner, un penseur mais aussi un soldat, a voulu mourir par horreur de lui, mais aussi par esprit de sacrifice, pour nous alerter, nous réveiller, nous tirer de l’hébétude avant qu’il ne soit tout à fait trop tard.

Tandis que je vous parle le corps est réduit en cendres de l’homme qui est mort il y a dix jours dans cette cathédrale, dans ce monument admirable de notre culture, de la foi de nos pères et souvent de la nôtre, pour nous inciter à en croire nos yeux.

Il a péché contre le Christ, c’est vrai. Mais péché comme saint Thomas, en sectateur du regard ; non pas en demandant à voir, lui, mais en nous intimant de faire confiance à nos prunelles, à notre expérience de la rue et de l’image, à notre chagrin ; et cela contre le faussel, le réel inversé, le règne du faux : celui du novlangue, du novpeuple et du novpays.

Cette mort de sang nous est témoin parmi d’autres, cet historien suicidé nous est témoin comme le soldat assassiné de Woolwich ou le soldat étranglé de La Défense : le réel, celui qui fait mal, celui qui tue, c’est le Grand Remplacement, le changement de peuple.

Et comme nous en avertissait Houari Boumedienne il y a quarante ans, les remplaçants ne viennent pas en amis. Ils peuvent être très amicaux individuellement, en tant que peuple ou que peuples, culture et civilisation, religion, religion bien plus vivante que les nôtres, ils sont nécessairement et naturellement conquérants.

Les remplacistes, eux, les promoteurs et les agents du Grand Remplacement, se croient les habiles protecteurs de nos remplaçants innombrables : ils seront bientôt leurs protégés, leurs obligés, leurs convertis, leurs dhimmis, leurs valets.

Pour notre part, nous n’avons d’autre issue que de nous rendre irremplaçables : par la force et par la pensée, par la force de la pensée, par la culture, par le vote, par la loi, par l’action politique, par la défense du territoire, par le refus de reculer encore et d’en supporter davantage.

Cette mort de Dominique Venner, nous lui devons d’en faire un point de non-retour.

Qu’elle nous aide à nommer ce qui survient, pour commencer — à nommer vraiment : conquête, contre-colonisation, lutte pour le territoire, choc des civilisations, guerre de religion, changement de peuple.

Puis à nous unir, malgré nos divisions, pour empêcher ce qui survient de survenir plus longtemps.

Le sens de l’histoire est comme tous les sens, stratifié par l’alternance en couches du oui et du non, et il se renverse sur place en creusant en lui-même, bien plus volontiers qu’on ne l’a dit.

Qu’est-ce que la contre-colonisation, sinon un renversement de la colonisation, très inattendu il y a trois-quarts de siècle ?

Eh bien il faut renverser ce renversement, ne serait-ce que pour arrêter au milieu, un moment, le balancier désaxé de l’histoire.
Pour information : Mardi 25 juin 19H – 21H
Librairie Contretemps – 41 rue Cler . 75007 PARIS




« Nous avons le confort, le savoir, l’opulence. Mais nos villes ne sont plus des villes et nos anciennes patries ne sont plus ce qu’elles étaient. L’excitation des caprices les plus fous fait imploser notre civilité. L’argent est devenu l’étalon exclusif de toute valeur. Sous les apparences de la démocratie, nous ne sommes pas libres.

Les causes remontent loin. Mais l’histoire n’est jamais immobile. Le moment est venu pour les Français et les Européens de se réveiller et de se libérer. Comment ? Certainement pas en replâtrant ce qui nous a conduits où nous sommes. A défaut de posséder une religion à laquelle nous amarrer, nous avons en partage depuis Homère une riche mémoire occultée, dépôt de toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance.

Devant le vide sous nos pieds, la voracité démente du système financier, les menaces d’un conflit de civilisation sur notre sol, ce « bréviaire » propose de réveiller notre mémoire et d’ouvrir des pistes neuves pour penser, vivre et agir autrement, permettre à chacun de se reconstruire dans la fidélité à des modèles supérieurs. »

Dominique Venner
12 mai 2013
Pour prolonger la réflexion suite à sa mort et inviter à la lecture de son livre posthume, voici un large extrait d'un texte qui vient d'être publié sur le site de Polémia et intitulé « Un samouraï d’Occident » de Dominique Venner : vu par Alain de Benoist * :


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Le rapport à la nature et les modèles éthiques

L’ouvrage, on vient de le dire, se veut l’exposé d’une conception du monde. Une conception structurée. Venner dit que « le premier principe du stoïcisme est la cohérence » (le second étant l’ « indifférence aux choses indifférentes »). Sa vision du monde est elle aussi parfaitement cohérente. Elle privilégie deux axes : le rapport à la nature et les modèles éthiques qui permettent à l’homme de donner le meilleur de lui-même. L’essentiel du livre, qui reprend la matière de plusieurs textes publiés ces dernières années en les assemblant d’une manière qui en fait précisément bien apparaître la cohérence, est consacré à ces deux thèmes.

Et d’abord à la beauté de la Nature, cette Nature dont Héraclite disait qu’elle « aime à se cacher », qui fut si longtemps désacralisée et qui constitue pourtant toujours un recours. « En rupture absolue avec l’antique sagesse, écrit Venner, la raison des Modernes, chrétiens ou athées, a cherché à en finir avec l’enchantement de la Nature comme avec la perception des limites nécessaires et avec le sentiment tragique de la vie cultivé depuis Homère ». Il explique comment y revenir d’une manière qui n’est pas sans évoquer le « recours aux forêts » dont parlait Ernst Jünger dans son Traité du rebelle.

La tenue ? « Cela signifie être à soi-même sa propre norme par fidélité à une norme supérieure. S’en tenir à soi devant le néant. Veiller à ne jamais guérir de sa jeunesse. Préférer se mettre le monde à dos que se mettre à plat ventre ». Venner passe en revue quelques-uns des « maîtres de la tenue » qui lui sont familiers : les héros homériques, auxquels il consacre quelques-unes de ses plus belles pages, les Vieux Romains, dont la vie s’organisait autour de la gravitas, de la virtus et de la dignitas, les stoïciens, qui « ont fait du suicide l’acte philosophique par excellence, un privilège refusé aux dieux », les samouraïs enfin.

La couverture du livre reproduit la célèbre gravure de Dürer, Le Chevalier, la Mort et le Diable (1513). « Le solitaire Chevalier de Dürer, ironique sourire aux lèvres, continue de chevaucher, indifférent et calme. Au Diable, il n’accorde pas un regard ». Dominique Venner se sentait de toute évidence frère de ce grand insoumis qui a traversé le temps et qui nous parle encore. Cependant, lui qui pensait que les grandes civilisations constituent des « planètes différentes » n’hésite pas à se présenter aussi comme un « samouraï d’Occident », comme un adepte des préceptes du Bushido. L’un des chapitres de son livre propose d’ailleurs un « détour par le Japon, exemple de complète altérité en regard de l’Europe ».

« Exister, c’est combattre ce qui me nie »

« Exister, c’est combattre ce qui me nie », dit encore Dominique Venner. De l’invasion programmée de nos villes à la négation volontaire de la mémoire européenne, au fil des pages, il ne cesse en effet de s’insurger contre ce qui le nie. Il met en cause la « métaphysique de l’illimité », c’est-à-dire cette démesure (hybris) par laquelle l’homme a entrepris d’arraisonner le monde en confondant le « plus » et le « mieux ». « Si les Européens ont pu accepter si longtemps l’impensable, c’est qu’ils ont été détruits de l’intérieur par une très ancienne culture de la faute et de la soumission », écrit-il aussi, en proposant d’opposer à cette culture une éthique de l’honneur : « Je souhaite qu’à l’avenir, au clocher de mon village comme à ceux de nos cathédrales, on continue d’entendre la sonnerie apaisante des cloches. Mais je souhaite plus encore que changent les invocations entendues sous leurs voûtes. Je souhaite que l’on cesse d’implorer le pardon et la pitié pour en appeler à la vigueur, à la dignité et à l’énergie. »

« La tradition, c’est ce qui ne passe pas et qui revient toujours »

Dominique Venner se réclamait de la tradition, terme auquel il donnait un sens qui n’est pas le plus courant. « La tradition est la source des énergies fondatrices. Elle est l’origine. Et l’origine précède le commencement […] La tradition n’est pas le passé, mais au contraire ce qui ne passe pas et qui revient toujours sous des formes différentes ». C’est en incarnant la tradition qu’Antigone se dresse face à Créon, au nom d’une légitimité immémoriale opposée à la légalité du désordre établi. « L’insoumis est en rapport intime avec la légitimité. Il se définit contre ce qu’il perçoit comme illégitime. »

Telle est aussi la raison pour laquelle Venner rejette toutes les fatalités historiques. Ceux qui l’ont connu savent à quel point il était étranger aux propos négatifs, aux critiques personnelles et aux ragots. Il était tout aussi étranger aux prophètes de malheur qui annoncent l’inéluctable déclin. S’il s’adresse à une Europe « entrée en dormition », c’est avec la certitude qu’elle se réveillera. Martin Heidegger a écrit que l’homme est inépuisable, en ce sens qu’il garde toujours en réserve plus qu’il ne montre : « Il y a toujours provision d’être ». Venner dit simplement : « L’histoire est le domaine de l’inattendu ». Aussi, par son geste romain, a-t-il voulu délivrer un message de protestation (« Je confesse mon dégoût pour l’imposture satisfaite des puissants et impuissants seigneurs de notre décadence »), mais aussi de fondation, c’est-à-dire tout à la fois de volonté et d’espérance – d’ « espérance argumentée et raisonnée », comme l’a écrit Bruno de Cessole.

« La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon »

Ce « bréviaire » n’est ni un petit catéchisme ni un livre de recettes (même si l’auteur suggère quelques conseils « pour exister et transmettre »). C’est plutôt une boussole. Et aussi une main tendue pour nous amener vers les cimes, là où l’air est plus vif, où les formes deviennent plus nettes, où les panoramas se dévoilent et les enjeux apparaissent. C’est une invitation à devenir ce que l’on est. Et c’est encore de l’œuvre d’Homère – dont les Anciens disaient qu’il était « le commencement, le milieu et la fin » – que Dominique Venner tire cette triade qui résonne comme une consigne : « La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon ».
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(*) Source : Polémia
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