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Sur la retro-migration pacifique

Envoyé par Gilles Barrique 
Stopper net l’immigration extra-européenne est nécessaire, mais pas suffisant pour éviter la disparition du peuple de France. Nous avons 15 millions d’Africains en France, et ils seront 30 demain grâce « aux ventres de leur femmes ». Donc, notre survie dépend de leur retour au pays de leurs ancêtres.
Le problème n’est pas ce but, mais le moyen : quatre approches sont envisageables dans l'absolu.

1) La rétro-migration « en force »
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Qui songe à priver unilatéralement de leur citoyenneté 15 millions de « Français de papier » ?.
Comment comptent-ils utiliser la violence juridique - la fameuse « déchéance » - , puis physique – le cargo - , contre 15 millions, « ni vu ni connu » ?
Comment obtenir du gaz algérien ou du pétrole arabe en déclarant ainsi la guerre « aux Arabes » ?
Choisir ce scénario revient à se bannir de la communauté des nations. Et ne nous faites pas rire avec ce veto au conseil de sécurité ! Tout le Monde s’en fiche, à commencer par les vrais « grands Etats» qui y siègent, et dont deux au moins sauront organiser toutes les rétorsions imaginables contre la France, sous les applaudissements de ceux qui n’y siègent pas.
Au fait ; on les envoie où ces cargos ? Pas en Antarctique, je présume. Ni en Guyane, j’espère. Donc, une fois à Alger ou à Abidjan, on tire sur la police locale pour débarquer la « marchandise » ? Les irréalistes sont ceux qui imaginent cela.

Pour éviter le blocus de la France qui la stopperait d'ailleurs très vite, la retro-migration forcée ne peut concerner, tout au plus, que ceux qui n’ont pas présentement la citoyenneté française. Et cela ne fait pas 15 millions !

L’équation d’une retro-migration qui, à l’inverse, se base sur le consentement est : propension nette à partir = incitation brute à partir A – incitation brute à rester B.
Aujourd’hui, A – B < 0 nettement, de sorte que s’ils ont le choix, ils ne partiront pas.
Il faut donc rendre A – B positive, ce qui ne peut se faire qu’en affectant A, B ou les deux.

2) La rétro-migration « de peur » : B < 0
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Il s’agit, avec ce scénario, de rentre négative l’incitation brute à rester A. On ne met pas les gens de force dans un bateau, on ne les prive pas unilatéralement de leur citoyenneté, mais on les prive de tout le reste et on leur « fait peur ».
Cela peut marcher au début. Mais je ne vois pas comment la France ne subirait pas finalement le sort de la Yougoslavie ou du Liban. Il n’y a pas de violences officielles, mais des commandos se tirent dessus et maltraitent de temps en temps la population ennemie. Mais cela s’appelle « guerre civile « , et comme l’Etat est paralysé, quelque « shérif global » vient arrêter lui-même l’exode et découpe arbitrairement le territoire de la France.
Pour éviter les foudres internationales qui produirait l’inverse du but poursuivi, la rétro-migration par la peur doit rester marginale : un petit délinquant condamné à la prison, que l’on gracie s’il accepte de partir ; ou même un criminel dont on réduit la peine sous la même condition, et qu’il purge le reste dans l’Etat cible.

3) La retro-migration « en paix » : B ≥ 0
Le scénario précédent (treat or trick) n’est pas exclus, mais vous ne songeriez pas à le provoquer vous même si vous êtes raisonnable et qu’il y a une autre solution.

3a) La rétro-migration pacifique marginale. : B proche de 0 et A inchangé
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Certains pensent que baisser simplement l’incitation à rester sans toutefois la rendre négative suffira à faire basculer positivement la propension à partir. Or l’incitation brute à partir est nulle ou très faible : il n’y a pas de CAF au Mali ! Disons qu’elle est de 10 au mieux dans certains Etats cibles. Or vous ne voulez pas dégrader votre « modèle social » en dessous de cela. Donc même si vous baissez l’incitation à rester de 100 à 15, la propension nette à la rétro-migration augmentera à – 5 mais restera négative, donc ils ne partiront pas.
A – B n’étant qu’une propension moyenne, ce scénario la rendra peut être légèrement positive pour une frange marginale de la population allogène, mais pas pour le gros des troupes, qui restera là.

3b) La rétro-migration pacifique maximale : B ≥ 0 et A > B
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Il est possible que nous n’ayons même pas à décider de réduire B au minimum imaginable car notre « modèle social » ne peut que tourner à la faillite. Mais cela ne peut pas suffire. Même si B diminue toute seule ou par notre action délibérée, il nous faut augmenter spécialement l’incitation brute à partir A de sorte que A – B > 0 nettement. La rétro-migration pacifique maximale ne peut s’accomplir dans la réalité que si la propension moyenne est rendue nettement positive.
Cela ne peut se faire qu’en offrant un certain capital aux partants (citoyens), ce qui dépend de nous, mais aussi en s’assurant du meilleur accueil possible dans les Etats cibles, ce qui dépend d’une négociation avec ces Etats.

Pour ceux que cela intéresse, cette approche, qui ne viole, quant à elle, aucune réalité, politique, juridique, économique, ou tout simplement humaine, est présentée ici :

[retro-migration.olympe.in]
Cette politique d'aide au retour avec un pécule offert par la France (c'est vrai aussi pour d'autres pays d'immigration) a été mise en place dans les années soixante-dix. Elle a largement échoué (une dizaine de milliers de personnes en bénéficient par an contre deux cent à trois cent mille arrivées légales et clandestines), mais reste en place en principe — Manuel Valls avait du reste annoncé son intention d'y mettre fin (voir ici).
Il n'y aura d'autre solution à terme qu'un partage de la France entre un Frankistan central autour de Paris, un Frankistan méditerranéen autour de Marseille et le reste français.
Le reste français ? Vous êtes une incorrigible optimiste Cassandre !
Une société qui serait sûre de ses valeurs et de son système éducatif parierait plutôt sur ceux-ci pour intégrer en masse de nouvelles populations. Parler de "remigration" n'est-ce pas déjà avouer sa défaite ? D'autant qu'étant donné les prises de positions de qui dirige et dirigera encore, c'est une expérience de pensée.

Le mieux ne serait-il pas plutôt de tabler sur le triptyque suivant :

- "réarmement moral" et intellectuel des Européens (re)devenus conscients de leur vision du monde et prosélytes (cela concerne les chrétiens mais pas seulement eux) ;

- éducation (quasiment un "Plan Marshall" de l'éducation serait nécessaire) ;

- durcissement des sanctions envers les délinquants, avec pour ceux-ci des mesures fermes et certains bannissements (mesures qui, étant donné l'état de la France "orange mécanique", n'entraîneront pas de condamnation morale mais seront comprises et soutenues par tous).
(Un autre élément non pris en compte dans l'expérience de pensée de ce fil est l'ensemble des couples mixtes et de leurs enfants. Vu les évaluations du fil, on pourrait considérer 2 à 3 millions de personnes voire plus dans ce cas).
Pour Marcel Meyer

Il s'agit - vraisemblablement - d'au moins 30 000 euros par personne.
Pour une famille avec 4 enfants, cela fait 180 000 euros.
Aucun gouvernement n'a jamais offert cela à des citoyens, "pour solde de tout compte". (hors liquidation retraite).
Très chère Cassandre, l'histoire, hors celle de notre pays, nous montre que cela s'est déjà fait, par exemple, en Chine. Que constate-t-on alors ? Ce que vous avez déjà deviné : les gens du Frankistan déclareront la main sur le coeur et le regard perdu trois pouces au-dessus du sommet de nos crânes, que la vraie France, la France de toujours, l'âme de la France, ils en sont les dépositaires, que tous ceux qui ne sont pas eux, sont des êtres rances (c'est déjà leur mot), amputés par l'histoire de toute grandeur, et que les purs continuateurs de la patrie de Descartes, Voltaire, Jeanne d'Arc et le Grand Ferré, ce sont eux, les sans-terres, et que la vieille bouse nationale sans attrait aucun ne saurait avoir qu'un seul destin : s'identifier à eux et les suivre.

Le Grand Remplacement n'est pas que physique, ou s'il ne devait être que physique, il ne serait rien; son parachèvement, le clou de notre cercueil, sera spirituel.
Pour Cassandre

Dans ma proposition - et dans mon esprit- la balkanisation est une punition finalement imposée à la France par "le Monde", parce qu'elle aura échoué dans la résolution pacifique de son problème, soit que des groupes aient tenté de jouer la force, soit que la faillite aient décomposé l'Etat.

J'ai ouvert cette proposition, ici même, parce que l'immense majorité des partisans du "grand déplacement" sont tentés par la force. Or outre que leur solution est inhumaine, elle ne peut qu'échouer.

Et à ceux qui me répondent que "ma" solution a déjà été utilisée en France, je réponds que c'est faux, et qu'ils n'ont même pas ouvert la page :

[retro-migration.olympe.in]

en particulier les paragraphes

La Rétro-migration dans la Paix/Rétro-migration et Réalité/Raison publique et raisons privées
Pour loïk Anton

"Parler de "remigration" n'est-ce pas déjà avouer sa défaite ?"

Vu la teneur de votre message, il est clair que vous avez une définition "purement culturelle" de la France. Je ne tenterais pas, ici, de vous faire changer d'avis, mais je vous dois au moins ce paragraphe, extrait de mon texte.

[retro-migration.olympe.in]

Last but not least, l’effet anthropologique est monstrueux car irréversible si nous l’acceptons. Un peuple peut bien rétablir sa sécurité intérieure, se relever d’une faillite extérieure, mais il ne peut pas ressusciter une fois disparu. Notre peuple européen, dont la propre fécondité est inférieure au taux de remplacement, est en passe d’être englouti par un raz de marée d’ethnies africaines dont le nombre double à chaque génération.

Voilà une chose qui laisse indifférents, s’ils ne s’en réjouissent pas, ces Européens désaxés dont la seule religion est l’anti-racisme, et dont on pourrait formuler le dogme par renversement du délire existentiel qui animait Himmler et « sa race de saigneurs ». Tandis que les SS parcouraient le (toit du) Monde pour prouver que seuls les gênes des nordiques y avaient fait naître toute civilisation digne de ce nom, le renversement doctrinal consiste à affirmer qu’une Civilisation ne doit rien aux Gens qui la font ! Prenez 60 millions d’Africains, ripolinez les à l’ « école de la république », et vous en feraient des Européens en tout point capables de maintenir, voire d’améliorer, la version européenne de la civilisation : voilà ce que nos savants bêtes d’aujourd’hui prétendent opposer aux méchants docteurs d’hier.

Or cette antithèse contredit le point de vue anthropologique, récemment éclairé par la cartographie génétique : la formation, à partir de lignées africaines, avec ou sans détour asiatique, de lignées européennes acquérant certains gènes, résulte, avant tout croisement entre elles, d’un énorme stress génétique subi dans un environnement hostile. C’est bien la souffrance qui a fait les lignées européennes telles qu’elles sont, et ce que le Monde voit de spécifiquement beau en elles, et de bon accompli par elles, résulte de cette souffrance surmontée dans le temps. C’est en cela que notre vérité spirituelle centrale, le Christianisme, nous était particulièrement destinée, lui-même tenant à la transfiguration de la souffrance héroïque d’un Dieu fait Homme. Les Gens d’Europe étaient faits dans le temps pour accueillir, défendre et répandre, cette Vérité hors du temps, née hors d’Europe.
Pour Francis Marche

"Le Grand Remplacement n'est pas que physique, ou s'il ne devait être que physique, il ne serait rien; son parachèvement, le clou de notre cercueil, sera spirituel."

J'oserais dire que c'est le contraire. Le Grand Remplacement a commencé le jour où a été abjuré la partie spirituelle du pacte fondateur. Qu'est-ce que l'Afrance qui vient ? L'incarnation ethnique définitive de la révolution, laquelle est essentiellement volonté de priver la France de son essence, telle que surgit de sa fondation à fin du Ve siècle, quand le Chevelu est entré dans le Baptistère.

Et si je n'insiste pas trop là-dessus, c'est que ce n'est pas le sujet ici, mais aussi que nous n'avons pas le temps de faire les difficiles. En bref : si l'anéantissement est évité, "nous" aurons l'éternité pour convaincre les Français qu'ils se sont jetés dans le fossé il y a deux siècles. Mais pour cela, il faut éviter l'anéantissement dans les années qui viennent, et il nous faut aussi faire alliance avec les "saucisson-pinard-marseillaise" .
Euh oui effectivement, ma conception d'un pays est culturelle - puisque c'est l'esprit, à mon sens, qui importe et l'emporte (le reste...). En ce sens, mon intervention est sans doute hors-sujet sur un tel "fil".
Pour loïk Anton

Vous n'êtes pas hors-sujet : vous attaquez frontalement la thèse que je défends.
Vous êtes - osons le mot - "assimilationnistes", comme 80% de Français, et la différence est que vous mettez "la barre très haut".
Vous êtes ainsi dans la ligne implicite du parti de l'innocence, et c'est plutôt moi qui devrais m'excuser de venir polluer ce site avec mes propositions ...

Si je viens proposer ici une retro-migration "pacifique", c'est que je constate que les partisans du grand déplacement sont, quant à eux, souvent portés à la "nocence". Et cela me désespère plus que tout, parce que je pense qu'ils courent au suicide temporel et spirituel.
Sans ce grand déplacement nous sommes morts, mais si nous le faisons "à Thor", nous sommes morts aussi ...
Et le paradoxe de cette affirmation est que ma fréquentation de la mythologie nordique n'est pas pour rien dans la distance maximale que j'ai adopté vis à vis de notre problème. Je me suis bien dit, à un moment, "comment auraient-ils fait, eux ?".
Il y a dans l'assertion de Loïk Anton une part de résignation. Les choses sont ce qu'elles sont. N'en déplaise à De Gaulle, l'Europe n'est plus blanche. Faisons de mauvaise fortune bon coeur, décidons que la race est sans importance, et défendons ce qui peut l'être encore, la culture : nul besoin d'être blanc pour aimer Corneil.

Il y a aussi une part de conviction ou d'idéologie : l'assimilation de la culture au software et de la race au hardware. Dispersés dans le forum, on trouve de belles pages, des arguments littéraires, qui réfutent cette dichotomie sommaire, encore qu'il manque une véritable pensée pour reléguer définitivement l'opposition race / culture au nombre des fausses évidences. N'y a-t-il pas, en effet, une esthétique des races (pensons aux arts, aux gestes, à l'expression des corps et des visages), une éthique des races (pensons au sens ancien du mot, la communauté vivante des morts et des vivants au sein du lignage), une morale des races (pensons combien elles nous dépassent comme nous dépassent les reliefs, et combien de drames, d'affres et de joies elles conservent)?

Mais, revenons à la part de pragmatisme qui conduit à mépriser l'idée de race, "concept aberrant" décrète tel ministre. Si l'action doit s'accommoder de la réalité, seule la vérité doit conduire la réforme intellectuelle et morale qui inspire l'action. Que nos races soient dissoutes ne retire rien à la valeur qu'on peut leur accorder. Et puis, croyons après Dominique Venner que l'Histoire a parfois des imprévus qui rendent caducs les objectifs initiaux de l'action. Le clonage promu par les antiracistes prépare, peut-être, un retour des races sur un mode marchand qui rendra autrement précieux le souvenir ancien du mot race en son noble sens. Les jolies Blanches ne sont-elles pas déjà un argument publicitaire pour vendre tout et n'importe quoi ? N'apprend-t-on pas que Monsieur Hollande confond Chinois et Japonais, que le délégué de la France Black-Blanc-Beur ne distingue pas entre les Jaunes ? Si le "concept" leur paraissait moins "aberrant", peut-être auraient-ils plus d'égard à l'endroit des nations et des Européennes.
Pour Pierre Henri

Dans le texte où je décris mon approche de la rétromigration, voici ce que j'écris au sujet de "l'effet anthropologique"

'Voilà une chose qui laisse indifférents, s’ils ne s’en réjouissent pas, ces Européens désaxés dont la seule religion est l’anti-racisme, et dont on pourrait formuler le dogme par renversement du délire existentiel qui animait Himmler et « sa race de saigneurs ». Tandis que les SS parcouraient le (toit du) Monde pour prouver que seuls les gênes des nordiques y avaient fait naître toute civilisation digne de ce nom, le renversement doctrinal consiste à affirmer qu’une Civilisation ne doit rien aux Gens qui la font ! Prenez 60 millions d’Africains, ripolinez les à l’ « école de la république », et vous en feraient des Européens en tout point capables de maintenir, voire d’améliorer, la version européenne de la civilisation : voilà ce que nos savants bêtes d’aujourd’hui prétendent opposer aux méchants docteurs d’hier.

Or cette antithèse contredit le point de vue anthropologique, récemment éclairé par la cartographie génétique : la formation, à partir de lignées africaines, avec ou sans détour asiatique, de lignées européennes acquérant certains gènes, résulte, avant tout croisement entre elles, d’un énorme stress génétique subi dans un environnement hostile. C’est bien la souffrance qui a fait les lignées européennes telles qu’elles sont, et ce que le Monde voit de spécifiquement beau en elles, et de bon accompli par elles, résulte de cette souffrance surmontée dans le temps. C’est en cela que notre vérité spirituelle centrale, le Christianisme, nous était particulièrement destinée, lui-même tenant à la transfiguration de la souffrance héroïque d’un Dieu fait Homme. Les Gens d’Europe étaient faits dans le temps pour accueillir, défendre et répandre, cette Vérité hors du temps, née hors d’Europe"

Il n'y aura pas de culture européenne sans les Européens. L'idée de sauver une culture malgré la disparition des gens qui l'on faite, n'a pas de sens.

On pourrait même ajouter que l'idée de sauver une culture en général, n'a pas de sens. Une culture, c'est une chose vivante, qui meurt quand on ne la porte pas sur soi - comme les perles. De plus la culture européenne est mutable depuis le début. En réalité, ne ne saurions pas quoi conserver, s'il fallait le "décréter".

La condition nécessaire - suffisante, c'est autre chose - de survie de la culture européenne, c'est la survie des Européens.
Disons, pour faire vite, que sans race, pas de culture vous permettant de vous affranchir de cette race, et du clan, du terroir, du milieu, de tous ces fichus déterminismes qui vous rivent aux circonstances précises de votre naissance comme des clous un crucifié à sa croix...
Alain Eytan [ Répondre par message privé ]
14 juin 2013, 02:50 Re : Sur la retro-migration pacifique
Disons, pour faire vite, que sans race, pas de culture vous permettant de vous affranchir de cette race, et du clan, du terroir, du milieu, de tous ces fichus déterminismes qui vous rivent aux circonstances précises de votre naissance comme des clous un crucifié à sa croix...
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Pour faire encore plus vite : nous ne sommes pas des anges ...
Nous nous inscrivons dans l'humanité par nos ancêtres.
Sans possibilité, ou notion, de terroir et du reste, race comprise, pas de culture et par conséquent point de conception possible en notre esprit de ces notions, point de place particulière pour elles en notre âme qui, privée par pareille impossibilité de toute place particulière de cet ordre, s'en trouve amoindrie, affaiblie. Le terroir, la race, sont comme les baleines, la forêt amazonienne ou l'arctique: des choses que vous ne toucherez jamais du doigt, que vous ne rencontrerez jamais en chair, en feuillage ou en glace, sur lesquelles votre regard n'aura pas le loisir de se poser, de s'attendrir, ni votre âme de communier avec elles dans le monde sensible mais qui doivent impérativement exister ne serait-ce que pour dissiper toute crainte éventuelle que nous ne cessions nous-mêmes d'exister, qui doivent se rendre manifestes, même indirectement ou médiatiquement, sous peine de mort générale ou de dénuement complet face au risque de survenue de pareille mort. Ne point mourir tout nu, ce qui serait la pire manière de mal finir. La culture repose sur ce sentiment de la présence actuelle de ces choses ou de leur pure existence, ou a minima du consensus humain que cette existence n'est point totalement imaginaire ni solipsiste.
Oui, cher Francis, je n'en disconviens pas, mais la culture veut autre chose que sa propre condition de possibilité, elle ne peut se résumer à être identifiée purement et simplement à ce qui la rend seulement possible, sous peine de n’être qu'une stérile tautologie.
"Reposer sur" ne veut pas dire nier le mouvement même que cette assise projette toujours au dehors, d'aucuns l'ont formulé très clairement : "ouverture" sur un horizon de possibles, pas repli opiniâtre vers la seule source de la force centrifuge.
D'autand que toute culture n'est pas réflexive.
Toute notre culture dit toujours aussi ce que nous sommes, mais toute notre culture n'est pas faite pour cela.
Toute trace n'est pas signature, à savoir trace volontaire de soi.
Personne ne sait pour quoi est faite la culture, si ce n'est, en effet peut-être, pour tout ce qui n'est pas elle.

Il y a incontestablement un élan extrovert et extensif qu'elle permet (le fameux "aller vers l'Autre") ou peut permettre, dans les cas où elle ne s'y oppose pas canoniquement (cultures froides selon la terminologie de Levi-Strauss); et cet élan a bien son retour ou son contrepoint dans l'élan centrifuge qu'elle suscite par sa puissance d'attrait, sa force de gravité propre, exercées (parfois ou jadis) sur les barbares ou les hétéro-culturés. Mais on aurait tort de voir dans cette circularité une tautologie. La culture doit être comme le corps: elle doit comme lui exercer un attrait, rayonner de beauté, et comme lui être le socle ou le siège de l'âme, celle-ci autorisée au vagabondage et à l'aventure, dégagée, désintéressée de lui, le corps-culture, sans regard pour lui, sans appui manifeste et culturiste sur lui/elle.

L'indépassable beauté : être le plus attrayant des êtres physiques en même temps que le plus oublieux de soi, le plus absent à soi-même, en départ permanent de soi, et rayonner dans cette contradiction.

Le corps-culture est un paradigme occidental, parfaitement étranger à l'extrême-orient, par exemple (longs développements de François Jullien sur la question), et vraisemblament plus étranger encore au monde islamique.

[corrigé centripète en centrifuge]
La culture, c'est ce qui corrige centripète en centrifuge.
Gille Barrique ayant écrit que "toute culture n'est pas réflexive", j'ai enchaîné en analysant ce que pouvait être l'attrait culturel : un élan positif (on se rend à elle, soit un mouvement centripète) d'une part et d'autre part chez celui qui la possède comme socle corporel pour un élan hors d'elle vers d'autres cultures ou vers une déculturation délibérée et non spécifique, ce que figure le mouvement centrifuge.

La non-réflexivité de la culture est analogue à celle qui caractérise le rapport au corps chez les sujets non essentiellement narcissiques, d'où le concept de culture-corps, la culture étant un corps non précipité vers lui-même mais attrayant; cette singularité d'un attrait résolument non-réflexif m'a conduit à introduire ici la notion de beauté effable : celle d'un être à l'attrait physique absolu qui se meut en totale indifférence à lui-même, soit, en Occident, l'étant même de la culture, d'où le concept de corps-culture, lequel rappelle alors que, comme en a abondamment exploré les implications l'helléniste et sinologique (plus helléniste que sinologique) François Jullien : la présence et la représentation du corps dans l'art en Occident se distinguent radicalement, sont radicalement étrangers à ce qu'elles sont en Orient, et cette différence témoigne de la vigueur en Occident de ce paradigme d'une culture qui fait corps dans ce double sens : celui d'être corporéité, vaisseau amiral, de l'aventure intellectuelle et spirituelle d'une part; celui qui impose la présence figurée du corps dans la culture; ajoutons que cette présence figurée est évidemment elle-même hautement symbolique du sens premier ("vaisseau amiral").
Francis Marche [ Répondre par message privé ]
14 juin 2013, 15:18 Re : Sur la retro-migration pacifique -nouveau-
Personne ne sait pour quoi est faite la culture, si ce n'est, en effet peut-être, pour tout ce qui n'est pas elle.

Il y a incontestablement un élan extrovert et extensif qu'elle permet (le fameux "aller vers l'Autre") ou peut permettre, dans les cas où elle ne s'y oppose pas canoniquement (cultures froides selon la terminologie de Levi-Strauss); et cet élan a bien son retour ou son contrepoint dans l'élan centrifuge qu'elle suscite par sa puissance d'attrait, sa force de gravité propre, exercées (parfois ou jadis) sur les barbares ou les hétéro-culturés. Mais on aurait tort de voir dans cette circularité une tautologie. La culture doit être comme le corps: elle doit comme lui exercer un attrait, rayonner de beauté, et comme lui être le socle ou le siège de l'âme, celle-ci autorisée au vagabondage et à l'aventure, dégagée, désintéressée de lui, le corps-culture, sans regard pour lui, sans appui manifeste et culturiste sur lui/elle.

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Je verrais plutôt la culture comme un vêtement que comme le corps qui est dessous, plutôt comme la coiffure que comme les cheveux qu'elle met en forme. Mais ces analogies montrent bien que le bon "faire-art" (artifice) n'est pas un "faire-contre-nature". Le meilleur Art (die Kunst) n'est pas dirigé contre la Nature (die Art).
Inversement, une "nation" - on gardera le terme pour l'occasion -, est une Humanité personnalisée, qui se comporte "à sa façon" (auf seine Art). Les "nations" sont la forme collective de notre liberté humaine, l'expression collective de notre personnalité, dans l'humanité.
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L'indépassable beauté : être le plus attrayant des êtres physiques en même temps que le plus oublieux de soi, le plus absent à soi-même, en départ permanent de soi, et rayonner dans cette contradiction.
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Typiquement, "le héros qui se jette". C'est tout le danger du beau, d'ailleurs, que d'être comme un être pour la guerre (bellum) - dans les langues romanes, du moins. Autrement dit le Beau est intrinsèquement dangereux. Mais ce n'est pas une raison pour l'anéantir. Le Vrai, Le Bon et le Beau doivent être ramenés à l'Un : tâche difficile, mais c'est ainsi.
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Le corps-culture est un paradigme occidental, parfaitement étranger à l'extrême-orient, par exemple (longs développements de François Jullien sur la question), et vraisemblament plus étranger encore au monde islamique.
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Typiquement, ce corps que l'on cache par peur du désir qu'il susciterait, ou, à l'inverse, cette danse du ventre qui est l'antithèse absolue de tout ce que l'Occident a pu inventer dans le genre.
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Cela dit, je rajouter une chose à votre commentaire.
Je n'ai pas lu François Julien, mais je sais ceci : le Japon a montré que l'on peut s'ouvrir au maximum l'esprit en maintenant intact son corps. On pourrait d'ailleurs discuter de son absorption de certains poisons occidentaux, mais le remède ayant été terrible, on se gardera bien ici de lui faire la leçon.

Pour le dire trivialement : point besoin de coucher avec pour parler avec.
La culture-corps : ici le vaisseau amiral de l'âme, lors d'une incursion dans le bain turc. En terre étrangère mahométane, le vaisseau est re-figuré, l'allégeance qui lui est due réaffirmée. Le pavillon de la culture, ainsi, voyage, se fait connaître, déploie ses attraits.


Thomas Rothomago [ Répondre par message privé ]
14 juin 2013, 16:09 Re : Sur la retro-migration pacifique
La culture, c'est ce qui corrige centripète en centrifuge.
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Très mignon.
... et la super-culture, c'est ce qui inventerait un autre mot que ce centripète qui sent pas la rose.
Francis Marche [ Répondre par message privé ]
14 juin 2013, 17:40 Re : Sur la retro-migration pacifique -nouveau-
La culture-corps : ici le vaisseau amiral de l'âme, lors d'une incursion dans le bain turc. En terre étrangère mahométane, le vaisseau est re-figuré, l'allégeance qui lui est due réaffirmée.
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Putain, quel bordel !
Pour Francis Marche

Plus sérieusement, et poliment ...
Cela prouve que tout est (possible) en Europe : Omnia Gusta in Europa.

Cela prouve que l'on peut préférer Vermeer à Rubens, Dürer à "je suis incapable de dire qui", le David de Celini à celui de Michel-ange, le "moyen-age" à la "renaissance" ..... ou l'inverse.

Car l'un ne va pas sans l'autre. Sans le Nord, l'art du Sud finit en cul de sac (et, en l'espèce, en sac de culs), mais sans le Sud, l'art du Nord ne se concrétise jamais, ne se réalise jamais.
Sans le Sud : plus précisément : sans la leçon du Sud
Vous avez raison, cher Gilles Barrique, de nous parler de la beauté habillée, et donc à effeuiller : si elle est "départ", sortie de soi, risque hors de soi, la beauté se doit pour se faire connaître de nous faire connaître qu'elle ne se connaît pas; vous êtes charmant(e), vous êtes ce soir la plus belle, etc. se dit (se disait) comme dévoilement à celle-là (celui-là) qui se défendait bien d'avoir su cette chose extraordinaire avant vous.

La beauté, par conséquent, n'attend que vous pour prendre conscience d'elle. Et tout l'attrait qu'elle exerce sur qui s'avise d'elle n'est autre que ce mouvement d'information. En effet, son interdit ontologique (la beauté se définit par cet interdit) de se connaître, d'être penchée sur soi, faisait qu'elle avait besoin de vous pour dévoiler son être, la déshabiller. Reste que, déshabillée, la beauté est matière, est corps reconnu.

La culture, en Occident, est cette beauté coquettement inconsciente, qui a besoin de l'univers pour se faire révéler d'autrui, et qui, entretemps, vogue, vaque, se perd, s'aventure. Jusqu'à nos temps actuels, elle avait pour réflexe de se rappeler son corps, comme dans ce tableau d'Ingres aux bains turcs, lorsque trop loin aventurée ou dépaysée, elle se re-dépeignait pour se réaffirmer. Aujourd'hui, le corps se perd, ne se rappelle plus (comme il "se rappelle" dans ce tableau d'Ingres), et une de ses manières les plus désolantes de se perdre de vue est bien celle de ne plus s'intéresser qu'à soi : la culture pour la culture.

Quel bordel, comme vous dites, Barrique.
Ouvrant au hasard le Traité sur le Beau de Plotin (trad. de Jean-François Mattei) :

Nous disons donc que l'âme, tournée vers la meilleure des réalités, lorsqu'il lui arrive de voir quelque chose qui est apparentée à la nature qu'elle a, ou, au moins, une trace de cela, elle se réjouit, s'agite, revient à elle-même, se ressouvient d'elle-même et de ce qui lui appartient.

La ressouvenance de soi s'opère dans le moment où l'annonce est faite à la beauté de ce qu'elle est. Et cette ressouvenance est indispensable, comme son havresac à l'alpiniste, dans ce départ vers la toute-beauté inconsciente : celui qui déclare à l'autre sa beauté, qui, la lui faisant connaître, lui dévoile l'attrait qu'elle exerce sur lui, est en acte de ressouvenance, est enchanté dans cette ressouvenance. Le corps-culture (et la culture-corporéité) n'a point besoin de se réaffirmer hors ces moments de départ incertain vers la beauté.
Si ce n'est que la beauté sensible, pour Plotin, n'est je crois qu'un pis-aller, une chute avachissante dans la matière vireuse, division de l'Un, corruption de l’Éternel, incarnation fétide de l'Idée, et l’objet de la "ressouvenance" n’est pas de ce monde, justement, dont rien ne pourra jamais être parfaitement pénétré, informé par l'eidos.
Jetez Plotin aux louves pompières et fumantes d'Ingres, ce sera un spectacle horrible.
Vous jugez qu'il faille jeter aux chiens la notion d'une dialectique descendante (de mouvement inverse à celui de la réminiscence platonicienne) vers la culture-corps, forme oubliée mais citable, ou rappelable (ressouvenance) dans l'aventure intellectuelle hors sa culture, Alain ? ou vous ai-je mal interprété ?
Non ! ce n'était qu’une parenthèse pour remarquer que la beauté plotinienne du corps, la beauté si allusive dans le corps, devra pour se (re)trouver réellement jeter ce même corps aux chiens, sous peine, pour citer Plotin, « d'errer comme un aveugle aux Enfers, parmi les ombres. »
(Et, incidemment, suggérer ce mouvement en chiasme que vous semblez affectionner : sa propre dialectique ascendante, de la trace matérielle imparfaite vers la source — « beauté intelligible sise en une sorte de temple secret » —, croisant la vôtre, descendante, en précipitant Plotin dans les bains turcs...)

Je m'aperçois que j'ai déjà cité ce passage de Panofsky dans Idea...

« Pour Plotin en revanche la "matière" représente le mal absolu, le complet non-être ; elle est incapable d'être jamais parfaitement "informée", elle n'est jamais vraiment pénétrée par l'"eidos" mais conserve au contraire, même lorsqu'il lui arrive d'être (apparemment) "informée", les caractéristiques de la négativité, de la stérilité et de l'hostilité ; il y a dans la matière une impassibilité devant la forme et quelque chose en elle qui, du point de vue de cet "eidos", justement parce qu'elle demeure toujours étrangère à l'"eidos", lui résiste. Dès lors, dans la philosophie de Plotin, qui par "eidos" entendait non pas seulement la forme aristotélicienne, mais également l'Idée platonicienne, l'antagonisme de la forme et de la matière prend l'aspect d'un conflit entre la force et l'inertie (celle-ci faisant obstacle à la force), entre la beauté et la laideur, entre le bien et le mal. »
A la bonne heure ! Voyez au passage comme l'annonce faite à la beauté négligée, plus bouleversante de toutes les beautés, dans le dépaysement qu'elle suscite, renvoie à la rémigration pacifique (et douce) qui donne son titre à cette causerie.
Les chevaliers des tapisseries sont tous ou presque blonds. Les révolutionnaires français ne doutent pas que la vertu des citoyens s'accorde avec leur teint. (Que font les médecins? Les tomates sont toujours plus rouges quand l'homme est de moins en moins blanc !) La noblesse de sang déclassée réclame de se fondre, à tout le moins, dans un peuple de seigneurs. La révolution russe n'est pas en reste : les corps émancipés sont aussi tanslucides que forts. Plantu qui dessine Obama plus noir que nature ne doute pas que blanc, il n'est pas. La reductio ad hitlerum est donc bien ce qu'elle est et ne fait pas justice au sens métapolitique, noble ou vulgaire, que les Européens attribuent à la race.

D'ailleurs, peut-on parler de racisme ? C'est l'humanité tout entière qui est appelée à tendre vers cette pâleur, cet opale, cet azur ou ce jade, cette blondeur, pour tout dire cette pureté. Idéal de pureté qui peut conduire l'esthète à vanter la beauté intacte de telle ou telle peuple primitif.

Le traumatisme génétique dont nous serions issus nous aurait destinés à comprendre le sacrifice de Dieu. Que le corps y soit une source pure, ne préparait-il pas l'Europe à comprendre que Dieu se soit incarné ? Mais que peut bien signifier l'idée que le corps européen soit source pure ?

La danse du ventre ne pense pas. La danse indienne non plus. Elle codifie dans ses idéogrammes parfaits les récits légendaires. Frederik Wiseman a consacré un documentaire à l'Opéra de Paris intitulé La Danse. Il reconnaît dans la danse européenne un système de pensée. Or, cette pensée corporelle procède directement du ballet politique (le ballet de cour) et du ballet cosmique (l'opéra ballet). Le corps est médiateur. L'Europe sans corps est sans culture.

Diane dénudée est prisonnière du courant vif où elle se baigne : Actéon profite que son arc soit resté sur la rive. Anactéon changé en cerf est acculé par ses chiens. La honte tue. D'être vue, Diane se re-présente nue, dis-pose du monde par devers soi. Le Monde s'écroule, la source vive de l'Être est obturée. Si la berge avait été accessible, Anactéon serait mort sur le coup. Mais la honte le frappe aussi vite. Il ne peut rejoindre les siens. Il est d'ailleurs trop tard. Sa propre meute accourt. Le Corps d'Anactéon n'est plus source : ex-posé au monde, il le porte comme l'étoile jaune, déchiré par les crocs. Il appelle ses chiens qui ne l'entendent pas. Il voudrait être ailleurs pour être autre, il ne le peut pas, rivé à son âme qu'il exhale peu à peu.

L'intériorité du monde, autrement dit l'être en soi, n'est rien d'autre qu'un concept. Le corps est l'intériorité du monde : l'objet du Monde saisit l'oeil qui se lève sur le fond du Corps. Cette dimension intime de l'Être (le Corps occupe la position du Je) explique l'obscur élan vers le Monde et ses mondes du corps européen et la nécessité, en retour, de sa re-présentation dans la lumière du Monde, comme une manière de se ressouvenir, depuis le Monde, de la source charnelle du Monde. Cette intime institution de l'Être européen est reconduite dans l'ordre politique et cosmique : pour le meilleur et pour le pire, la race re-présente, dans la lumière du Monde, l'intériorité, la position du Nous, la substance ontologique de toute communauté possible.
La race, le corps, et donc aussi le visage : que dire à la beauté, au-delà de lui signaler son être, de lui dire son fait en deux syllabes douces qu'il vaut mieux garder pour soi ? Ici l'actrice française Miren Pradier.




Par coïncidence Miren est une locution chinoise (orthographe pinyin) qui se prononce mi jen et qui signifie "faire perdre la tête". Je l'entendis la première fois (ces deux syllabes) sans la comprendre dans la bouche d'une amie chinoise qui "s'émerveillait" (qui jouait à s'émerveiller) de la "clarté de mon teint" (pourtant bien relative, ce teint étant méditerranéen). Pourquoi cette blancheur relative vous plaît-elle tant ? Parce que la blancheur, cela 迷 人 (cela ensorcelle). Ce mi 迷 c'est "ensorceler", "faire perdre la tête", "enchanter", "éblouir". On peut voir dans l'aster du phonétique, qui fait spontanément prononcer ce sinogramme "mi", le clignement des paupières, l'oeil ébloui qui se ferme très volontairement (et la volonté de marquer son éblouissement, de le faire connaître, le signifier). Curieusement, ce mot sert aussi à désigner les charmes du sorcier, faits de sentences énigmatiques qu'il trace sur un bout de papier à valeur de talisman : 迷信. Le charme que l'on éprouve face à la beauté se trouve ainsi filtré dans la même polysémie (métonymie) en Chine qu'en France.
Renaud Camus a écrit quelque part que "voir Fanny Ardant quelques minutes à la télévision" suffisait à le rendre heureux pour la journée (je cite de mémoire et il est possible que je caricature un peu). La race, le sentiment de la race, et la culture, c'est bien ceci : savoir que Miren Pradier existe et s'en trouver heureux, content pour longtemps, le coeur gonflé d'une espérance diffuse et intemporelle.
Il suffira de l'écouter à une émission de Ruquier pour, on peut le craindre, être désébloui. N'est-ce pas d'ailleurs l'une des malédictions du temps de voir toutes ces belles actrices tenir des propos le plus souvent décevants - pour ne pas dire plus ?

(Par ailleurs la danse du ventre semble ouvrir des canaux subtils et quelques femmes qui m'en ont parlé pour l'avoir pratiquée allaient à l'encontre des envolées négatives sur cette forme de danse. Je ne suis pas sûr que les islamistes l'apprécient particulièrement d'ailleurs ; ne relèverait-elle pas d'une forme d'art anté-islamique, voire chamanique ? Sans parler de la danse indienne... Enfin bref.)
Cela m'a fait penser aux belles pages sur la blancheur de la baleine, dans Moby Dick : blanc presque blafard, spermeux, clarté d'une aube de morgue, qui est la pâleur atroce des choses, Mal en concentré que poursuit Achab dans sa fureur à travers la baleine.
Francis Marche [ Répondre par message privé ]
15 juin 2013, 08:12 Re : Sur la retro-migration pacifique -nouveau-
A la bonne heure ! Voyez au passage comme l'annonce faite à la beauté négligée, plus bouleversante de toutes les beautés, dans le dépaysement qu'elle suscite, renvoie à la rémigration pacifique (et douce) qui donne son titre à cette causerie.
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Puisqu'on en parle ...
Sans vouloir vous déranger ...
Serait-il possible, éventuellement, mes enfants, de se rapprocher de la question posée ?
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Je ferais bien de me taire, vu que je suis parti en flèche, moi aussi ...
Mais si je ne le dis pas , qui le dira ?
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Au fait : jolie la petite ...
On se croirait sur apricity ... en plus poétique, toutefois ....
(Je ne sais pourquoi, Francis, mais je ne trouve pas à Miren Pradier un air si oublieux de soi ; au contraire même...)
La poursuite de la Baleine par Achab a pu vous venir à l'esprit après que je vous ai dit qu'une communion avec sa race se situerait hors l'objet de la race, comme il est sans objet de "nager avec les baleines", ou de ne faire qu'un avec les feuillages amazoniens ou les glaces de l'Arctique, toutes choses qui ne doivent point être investies d'un autre mérite que celui d'exister et de "donner d'elles-mêmes des nouvelles rassurantes" de temps en temps. N'est-ce pas justement cette erreur (ou cette monstruosité) d'Achab -- la chasse-poursuite de ce qui est d'abord sien, soit sa corporéité meurtrie, la partie manquante de son corps que la Baleine lui a ravie -- qui le condamne ? Achab court, sinon vers un rendez-vous du moins en vue d'une réunion avec la totalité de soi, Achab chasse résolument l'Un.

Appris ce soir que Homo Sapiens, toute la race humaine donc, pourrait n'avoir pour tous ancêtres communs qu'un groupe de 600 chasseurs-cueilleurs-pêcheurs réfugiés sur un rivage d'Afrique australe suite aux grandes sécheresses qui firent disparaître le gibier dans de vastes parties de ce continent, il y a 200 000 ans; ce groupe se serait appris à pêcher à cause des pénuries de ressources de protéines dans l'intérieur des terres; d'où peut-être l'horreur naturelle et fort saine de l'endogamie qu'éprouve normalement cette race qui ne respire à l'aise qu'à une certaine distance de soi. La misanthropie, la fuite devant ses semblables serait, de ce point de vue, une forme de réflexe salvateur de la race contre tout retour de la menace ancestrale d'une extinction par affaiblissement génétique. Mais les paléontologues se perdent en conjectures, et dans leurs contradictions : après avoir ces trente dernières années continué de privilégier l'incidence du milieu comme facteur d'évolution (c'était encore le cas de Coppens il y a six ou sept ans, quand je commençai à intervenir sur ce forum à l'occasion de l'affaire Dambricourt) ils avancent aujourd'hui que ce ne serait pas le milieu, ou tout milieu déterminé (savanes aux hautes herbes, etc.) qui aurait infléchi l'évolution mais les désordres climatiques provoquant des changements chaotiques et imprévisibles au milieu, soit, très précisément, l'absence de tout milieu stable ! En 30 ans, la doxa paléontologique a ainsi opéré un virage à 180 degrés sans que cela ne paraisse émouvoir quiconque. Et ces mêmes savants s'appuient, pour dater les bifurcations de lignées évolutives entre les diverses espèces d'hominidés et les grands singes, sur ce qu'ils appellent "l'horloge moléculaire", soit la régularité dans le temps des mutations de l'ADN dont on nous rabache depuis Le Hasard et la nécessité qu'elles sont aléatoires comme les coups de dés. Et personne ne se présente pour objecter que si le rythme de ces mutations est régulier comme celui d'une horloge, l'évolution que scande ce mouvement est programmatique et obéit à une impulsion qui transcende le hasard, bref que pour qu'il y ait horloge, il faut qu'il y ait horloger, ou, si l'on répugne à aborder toute problématique d'horlogerie transcendante, que l'on s'arraisonne au moins au fait que tout mouvement régulier comporte une direction anticipable, voire un sens, ou tout au moins que la notion d'orientation, de trajectoire, de force agissante suivant un programme, telle que la défend Anne Dambricourt, cesse d'être perçue comme hérésie.
Francis Marche : hasard et sens.

Il y a bien des mutations en permanence, mais la plupart de servent à rien (sinon de trace aux généticiens, telle la partie morte du chromosome Y, parce qu'il ne se recombine jamais), de nombreuses sont mortelles ou diminuent les capacités, et un nombre minuscule servent à quelque chose, sous réserve que le porteur soit dans le bon milieu.

En fait, la mutation elle-même est aléatoire (ce qui change), mais dans un certain intervalle de temps (très long), pour un même milieu, la probabilité des mutations tend à être cernée par les généticiens.

Mais cela, effectivement, est le niveau local, celui de l'individu. A ce niveau là, c'est "comme du hasard". Mais au niveau du groupe dans laquelle la mutation est susceptible de se répandre, ce n'est plus du hasard, c'est "du sens", et en premier celui de l'adaptation au milieu.

Typiquement, si l'on considère le type blanc le plus fragile (spécialisé, en fait) : les roux ne sont pas bien en Australie, et pas bien (pour un pourcentage élevé), avec certaines nourritures nulle part. Par contre dans le milieu - extrême, en fait - où ils sont apparus, ils devaient "être bien". Par ailleurs, les roux ont une "stratégie maritale", qui leur permet en fait de faire profiter le groupe de leur présence "énergique", mais sans l'exposer en permanence - mais tout cela déborde votre remarque.
et en premier celui de l'adaptation au milieu.

Et vlan Nous y revoilà ! Mais de quel milieu parlons-nous au juste quand le continent africain, "berceau de l'humanité" comme aiment à le dire les publicistes, dans le moment crucial de l'hominisation, changea de décor, de climat, de milieu douze à quinze fois en cinq cents siècles ? de la forêt dense inondée au désert, en passant par tous les stades de la savanisation et désavanisation et avec l'apparition de quelques glaciers de temps en temps pour faire bonne mesure ?

La question qui se pose est fort directe :

s'il advenait que, brutalement, à l'échelle de deux ou trois siècles, les glaciers descendassent de la calotte polaire pour aligner leur front sur la latitude de Strasbourg et Brest, que ferait Homo Sapiens habitant le Maine-et-Loire et le Cher ?

a): son corps se couvrirait d'une épaisse toison blanche à la manière des ours polaires; ses pomettes se prendraient à gonfler et à saillir pour augmenter la taille des sinus propres à réchauffer l'air glacé qu'il inspire; ses jambes raccourciraient et se feraient torses pour mieux lui permettre de se glisser dans ses igloos et diminuer sa voilure et son exposition aux blizzards, etc. (je vous laisse continuer en vous inspirant des contes pour enfants que nous débitent les paléontologues adaptationnistes depuis deux siècles et demi)

b) il userait de nouveaux modes de chauffage, économiquement viables, modifieraient ses pratiques agricoles,

c) il fuirait vers le sud.


Certains scientifiques, comme je vous l'ai dit, émettent à présent l'hypothèse, à mon sens rationnelle et plausible, que loin d'être une adaptation au milieu c'est l'inadaptabilité, la non-plasticité de l'espèce Homo sapiens aux folles modifications du milieu qui l'ont conduit à l'adapter lui, le milieu, à elle, l'espèce. Au risque de me répéter : ce n'est pas l'espèce infrangible qui s'est adaptée à je ne sais quel "milieu" mais bien elle qui a adapté le milieu à ses contraintes spécifiques et à son infrangibilité, et qui continue de le faire. Dans les cas les plus extrêmes, dans l'impuissance de réguler le milieu ou d'adapter ses pratiques de chasse, de pêche et d'agriculture à ses nouvelles donnes, autrement dit face à la catastrophe systémique, l'espèce a migré, et a remplacé d'autres espèces, dont les néanderthaliens, dans les espaces où elle s'est portée.

Quant au reste : les lois de probabilité, comme chacun sait depuis ses cours de mathématiques de classe de troisième, quelles que soient les conditions aléatoires des tirages ou jets de dés, produisent des courbes régulières; le cas le plus élémentaire à cet égard est bien celui du jeu de pile ou face, chaque lancer produit un résultat aléatoire mais cent mille lancers produiront un équilibre sûr de 50/50. D'où l'on peut et doit tirer une loi programmatique : le premier lancer de dés lance lui-même un programme au produit final prévisible, qui ne dévie point de sa course. Si l'espèce est soumise à des mutations aléatoires qui s'ordonnent suivant des structures en lesquelles les scientifiques s'autorisent à voir l'action d'une "horloge moléculaire", et que cet ordre obéit à des lois de probabilité, alors ces mêmes lois de probabilité trouvent leur expression biologique dans une loi d'évolution indépendante du "milieu", lequel, de surcroît et comme on vient de le dire, n'existe pas.
"[...]Enfin bref..." Loïk Anton

Cher Loïk Anton, je comprends mal votre agacement, car ce ne sont pas mon orthographe malade (Corneille), ma rédaction bâclée (Diane et Anactéon) qui vous exaspèrent, mais le sujet qui nous occupe. (Ce même agacement, dirigé contre Gilles Barrique, m'avait décidé à mettre ma cuillère.)

Pourtant, en temps de Grand Remplacement et au seuil du Grand Clonage, défendre et illustrer l'idée de race est très légitime. Un pan entier de la race humaine disparaît, la race humaine tout entière disparaît, et il faudrait ne rien remarquer.
Pourquoi, dès lors, s'inquiéter du reste, de tout le reste, mais du reste uniquement ? Pourquoi les fatigues, les déboires, les luttes, les Venner ? Pour le reste ? Si vous abandonnez le corps de l'humanité aux métisseurs, aux salles de gym, aux laboratoires et à l'uniforme islamique, vous ne pourrez pas sauver le reste.

"...envolées négatives..."

Rien de négatif dans mes "envolées". Les origines chamaniques de la fascinante danse du ventre confirment ce que j'entendais en affirmant abruptement, certes, que la danse du ventre ne pense pas : la connaissance n'est pas la mystique. Dégager une corporéité européenne n'implique aucun racisme : je sais que Cuba a donné à la danse "classique européenne" de très bons danseurs qui pensent. Je vous invite à visionner une vidéo de Caridad Martinez dans Muneco (A comparer avec l'interprétation qu'en donne Carlos Acosta : très instructive pour l'Histoire en générale).
C'est vrai que je ne vois pas trop le sens de "défendre et illustrer l'idée de race" (comme un message plus haut l'indiquait) ;
ce qui m'intéresse c'est une culture, séparable de tout substrat biologique et de "la race" (je ne connais pas de gène de la musique classique, de la philosophie platonicienne ou de la religion chrétienne...). (Et s'il s'agit de défendre la diversité anthropologique, ce sont plutôt les langues qui sont menacées, ou certaines tribus amazoniennes).

Sinon, psychanalytiquement parlant,
défendre la civilisation européenne en recourant à un concept utilisé par les nationaux-socialistes alors que l'on est facilement soupçonné d'être un nazi dès que l'on suggère qu'il y a peut-être de bonnes choses dans la culture européenne,
c'est quand même curieux !

Peut-être se fait-il qu'une forme de romantisme anime une certaine partie des courants conservateurs, qui désirent se donner tous les moyens d'être peu entendus.

Message modifié
Pour Pierre Henri

Les origines chamaniques de la fascinante danse du ventre confirment

Chamaniques, vous êtes bien gentil ...
C'est du peep show oriental, et ce n'est pas fait pour élever la pensée ...

Sinon, vous tenez au mot race (sans jeu de mot), tandis que Loïk Anton ne tient pas à "défendre la race".

Pour Pierre Henri et Loïk Anton :

Pour ce qui est de moi, j'ai quatre raisons de ne pas aimer le mot "race", mais toutes les raisons imaginables de ne pas vouloir nuire à la réalité humaine qu'il désigne.

1°) race, de même que tronc, lignée, souche, etc. sont des termes métaphoriques.
2°) Rasse se conjugue pas mal avec Hass (haîne), en allemand ....
3°) race contient par malheur le son du suffixe péjoratif majeur de la langue française (con/connasse)
4°) race, avant le 19e siècle, ne désignait pas principalement, le type moyen d'une ethnie, mais des dynasties, à commencer par les nôtres : les trois races disait Montesquieu, que je relisais hier pour autre chose.

Donc, pour ce qui est des discussions "purement" anthropologiques, j'emploie évidement type (génotype/phénotype, etc.). Mais pour tout le reste, à ce mot race qui "nous gonfle" depuis 150 ans , j'oppose le mot gens, parce qu'ils contient exactement toute l’ambiguïté que je veux signifier. Des gens, ce peut être "les gens", ce peut être leurs familles agnatiques (ou pas), ce peut être leurs peuples, et ce peut être aussi leurs gênes.

Pour moi, une "nation" est bien une collection - une co-élection - de gens séparés des autres par quelque frontière. Et quand je dis les Gens de France ou les Gens d'Europe, tout le Monde comprend tout ce que je veux dire. Et quand je donne la première définition, tout le monde comprend pourquoi la France file vers l'Afrance. Nous n'avons pas tenu la frontière, et ces Gens là nous détestent à peu près autant que nous ne les avons jamais aimé.

Puisqu'on en parle, le délire nazi consiste à faire de la race la chose à la quelle on peut sacrifier les gens, les bourreaux, comme les victimes, ceux qui portent un matricule et ceux qui en portent un autre. Or la race n'existe pas au-delà des gens qui la porte. Assez de platonisme ! Vive Aristote ! Il faut défendre "les gens", à commencer par ceux que nous avons choisi pour garder la frontière avec nous.
Francis Marche [ Répondre par message privé ]
16 juin 2013, 13:44 Re : Sur la retro-migration pacifique
et en premier celui de l'adaptation au milieu.
etc.
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A mon avis, vous n'êtes pas roux, sinon vous sentiriez le problème ...

On va le dire autrement : tous les jours, il naît ici ou là dans le monde, des gens qui ont la peau plus claire, et/ou les cheveux plus clairs et et/ou les yeux plus clairs, sauf que, à l'endroit ou ils vivent, ce n'est pas un plus pour eux, mais un moins. Et je ne parle que de couleur et pas de morphologie.

Mais cela, bien sûr n'implique pas qu'il n'y ait aucune réaction des gens sur le milieu. Quand ils survivent au milieu, ils font avec le milieu.

Ou encore, le truc bateau : oui, on peut envoyer des soldats noirs américains dans le grand nord, mais avec des pilules. Oui on peut envoyer des roux en Australie, mais pas pour faire du surf ... Les bruns, pas de problème, les blonds ça fera la couverture des magazines, mais les roux, ça n'ira pas.
La race n'a évidemment rien à voir avec "les gens"; elle leur est même tout étrangère, quelle qu'elle soit et quels que soient "les gens" (la race des Médicis se composait de gens effroyablement dégénérés). Pourtant, elle a besoin d'eux pour se rappeler, et rappeler à tous sa place et son sens, et dans ces moments use de la culture et de la culture-corporéité pour ce faire, et en occident, se sert du corps représenté (agent de la race) pour sonner ce rappel. La culture, la race, ne peuvent intervenir que comme rappel dans le mouvement de la civilisation, comme le fait la vaine beauté qui doit se contenter d'apparaître, à qui nous avons tout à dire et aucun mot pour ce dire.

Le "problème de la race" est très exactement celui de la beauté qui "nous cloue le bec" et nous fige l'idée. La race ne vaut que pour être tue.

Dire "la race est valeur" forme un discours qui n'a aucune espèce de direction et n'appelle aucune réponse, pas plus que la belle information livrée dans l'énoncé d'avance dissipé dans les courants d'air : vous êtes belle.
16 juin 2013, 21:30   Que faire de "la race" ?
Une mère Mwila à Halé, en Angola, et son enfant (albinos). Que viennent faire "les gens" dans la race ? Et surtout que vient faire la race chez les gens ?





Cliché pris par le reporter-photographe Eric Lafforgue (sans date) page Flick
La race n'a évidemment rien à voir avec "les gens"; elle leur est même tout étrangère, quelle qu'elle soit et quels que soient "les gens" (la race des Médicis se composait de gens effroyablement dégénérés).
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Faux : j'ai hérité, dans le désordre et avec déperdition permanente, des gênes de tous les gens de mon arbre généalogique. La population française indigène, pour ne citer qu'elle en Europe, "se referme" vite, en remontant dans l'arbre généalogique de chacun, sur les mêmes ancêtres, donc sur les mêmes gens, au sens agnatique du terme - et ce malgré la dispersion, et les proximités évidentes avec les voisins et autres cousins.

[www.20minutes.fr]

L'article est nul, mais on comprend vite de quoi il retourne.


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Pourtant, elle a besoin d'eux pour se rappeler, et rappeler à tous sa place et son sens, et dans ces moments use de la culture et de la culture-corporéité pour ce faire, et en occident, se sert du corps représenté (agent de la race) pour sonner ce rappel. La culture, la race, ne peuvent intervenir que comme rappel dans le mouvement de la civilisation, comme le fait la vaine beauté qui doit se contenter d'apparaître, à qui nous avons tout à dire et aucun mot pour ce dire.

Le "problème de la race" est très exactement celui de la beauté qui "nous cloue le bec" et nous fige l'idée. La race ne vaut que pour être tue.

Dire "la race est valeur" forme un discours qui n'a aucune espèce de direction et n'appelle aucune réponse, pas plus que la belle information livrée dans l'énoncé d'avance dissipé dans les courants d'air : vous êtes belle.

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Vrai
Francis Marche [ Répondre par message privé ]
16 juin 2013, 21:30 Que faire de "la race" ? -nouveau-
Une mère Mwila à Halé, en Angola, et son enfant (albinos). Que viennent faire "les gens" dans la race ? Et surtout que vient faire la race chez les gens ?
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[www.agoravox.fr]
La race en hypostase de la beauté :



(photo Eric Lafforgue)
16 juin 2013, 22:27   Chasseur de lumière
» La poursuite de la Baleine par Achab a pu vous venir à l'esprit après que je vous ai dit qu'une communion avec sa race se situerait hors l'objet de la race, comme il est sans objet de "nager avec les baleines"

Non pas, cher Francis, mais après l'évocation par Pierre Henri de la "tension" quasi universelle vers la pâleur et, pour tout dire, la pureté...
Achab, lui, poursuit cette pâleur — qui est peut-être à la lumière ce que les sirènes étaient au chant — avec une rage destructrice qui n'a rien en commun avec la Sehnsucht.


(Concernant cette "horloge moléculaire", je crois que vous ne pouvez tout simplement pas vous servir de cette théorie, dont certains postulats, comme la constance de la fréquence mutationnelle précisément, ont été partiellement invalidés, vous en servir donc contre la théorie de l'évolution, parce que loin d'être une conséquence nécessaire de cette dernière, elle propose en fait un modèle complémentaire plus général que l'évolution, et éventuellement concurrent, puisque reposant sur une conception "neutraliste" de l'évolution (valeur adaptative nulle des mutations considérées).)
Citation
Francis Marche
La race en hypostase de la beauté :



(photo Eric Lafforgue)


Comme quoi la lumineuse beauté n'a strictement rien à voir avec la clarté du teint.
Ce n'est tout de même pas une si grande surprise...
Utilisateur anonyme
17 juin 2013, 07:13   Re : Sur la retro-migration pacifique
La petite a 20/20 en blancheur de dents, aussi... Bon, je ne sais pas où cela nous mène de choisir comme illustration les 2-3% de personnes sublimes que l'on trouve dans chaque race, justement, rousse irlandaise ou chinoise à la peau parfaite. Ce n'est pas ce que je vois sur le quai du RER.

Mettez-nous plutôt côte à côte les visages de Djamel Debbouze et Dominique Pinon et constatons que l'un et l'autre se valent dans le manque de finesse.
Le noir est lumineux aimait à rappeler Soulages.

S'il fallait une preuve poïétique de l'identité de la race et de la beauté : l'a-racisme institutionnel et policier s'apprête en France à faire retirer le terme de race de la constitution à mesure que se retire la beauté de l'Art et des paysages européens, urbains, péri-urbains et ruraux. Le mouvement a-raciste européen se montre immuable et indissociale du retrait de la Beauté : Effacée du langage et censurée des discours, la race ; gommée des paysages naturels, artificiels et urbains, interdite en Art, la beauté, qui nous rendait jadis interdit (nous retirait les mots); la beauté qui ne parvient plus à nous faire taire, quand nous faire taire était sa manière de se faire entendre.
Citation
Emmanuel Michon
La petite a 20/20 en blancheur de dents, aussi... Bon, je ne sais pas où cela nous mène de choisir comme illustration les 2-3% de personnes sublimes que l'on trouve dans chaque race, justement, rousse irlandaise ou chinoise à la peau parfaite. Ce n'est pas ce que je vois sur le quai du RER.

Mettez-nous plutôt côte à côte les visages de Djamel Debbouze et Dominique Pinon et constatons que l'un et l'autre se valent dans le manque de finesse.

Imparable!
"Non pas, cher Francis, mais après l'évocation par Pierre Henri de la "tension" quasi universelle vers la pâleur et, pour tout dire, la pureté... "

Cher Alain Eytan, vous aurez bien compris que je ne dressais pas un programme. Poursuivant le "vaisseau amiral", la "présence figurée", je croise, bien sûr, des gens laids et des mirages mortels.

Cher Loïk Anton, je ne connais rien à la biologie. Cher Gilles Barrique, je ne tiens pas plus que ça au mot race.

***

Il se répète que l'Europe chrétienne néglige le corps au contraire de l'Orient. Pourtant, on apprend en Orient (vaste Orient...) que la douleur est une illusion, que même la douleur est une illusion. L'Europe chrétienne, au contraire, juge la douleur salvatrice (à d'autres d'établir si cela résulte d'un traumatisme génétique fondateur), en cela même que la substance de l'Être est affective, que la réalité effective de la représentation est affective, en cela même que le corps pense. (Je me promène peut être une pensée, admet Descartes en réponse à Gassendi.)

Le corps européen n'est pas rejeté aux périphéries de l'Être, dans quelque cercle extérieur et ténébreux. Tout laisse penser, à commencer par le terrible sabordage du XXe siècle, que le corps est bien le "bateau amiral" de l'Europe. Quand pressée par les Ottomans, elle s'élança corps et âme vers l'Ouest, elle reproduisait la geste des Solutréens. Les navigateurs, les alpinistes, les astronautes et, d'une certaine manière, les humbles cyclistes participent du même élan du corps vers l'inconnu. Les illustrations du XVIe siècle représentent avec un peu de maladresse et beaucoup d'ethnocentrisme les corps du Nouveau Monde, mais elles s'appliquent toujours à rendre soigneusement l'européanité des corps européens exposés au risque de la dissolution dans l'espace infini.

Si le corps est le véhicule de la culture européenne, comment cette culture pourrait-elle poursuivre sa course avec un corps indifférencié ?
Dans un passage de son ouvrage L'Invention de l'idéal et le destin de l'Europe (Le Seuil, septembre 2009), si typique de son oeuvre, Jullien expose les voies divergentes de l'Occident et de l'Orient en matière de sens et d'esthétique, et comment en Occident "la création platonicienne du Beau", et après elle le néo-platonisme de la Renaissance, a pour celle-la lancé, et pour celle-ci relancé, la sensibilité occidentale en lui (re)donnant le Beau pour axe; à la Renaissance cette relance se fit par la figuration du Nu et la réintroduction de la corporéité, laquelle paraît avoir fait naitre le concept moderne de Culture (un culte renouvelé au Beau dont les formes, les contours arrêtés (morphé) sont figurables), et fonder la Culture-corps occidentale, inaugurant ainsi le mouvement dialectique descendant, évoqué avec Alain Eytan, de la beauté emblématique des corps, émettrice d'un rappel constant à l'idéal du Bien et du Beau, fort utile dans l'exploration des mondes extérieurs à l'Occident. En Chine, rien de tout cela, où ou la "transmission d'une dimension d'esprit" (chuan shen [ 傳神 ]) s'effectue sans la subsomption du Beau.
"Bon, je ne sais pas où cela nous mène de choisir comme illustration les 2-3% de personnes sublimes que l'on trouve dans chaque race, justement, rousse irlandaise ou chinoise à la peau parfaite. Ce n'est pas ce que je vois sur le quai du RER. " Emmanuel Michon


On a bien raison de rappeler la laideur commune qui fait toujours paraître miraculeuse la beauté : au mieux trois pour cent personnes dans chaque race sont belles. (D'ailleurs, pardonnez-moi, mais ces photos... Je préfère Ingres.)

Néanmoins, trois pour cent, c'est aussi, à quelque chose prêt, le pourcentage des oeuvres culturelles méritant ce qualificatif. Or, les quatre-vingt-dix-sept pour cent restant n'empêchent pas de révérer la culture. Il ne vient pas à l'esprit des mêmes qui jugent des races en attendant le RER de juger de l'art en parcourant le rayon déco' des hypermarchés, ni de réduire la France aux Français. Pourquoi, quand il s'agit de race, la rigueur habituelle fait place au sarcasme ? Pourquoi adresser les reproches antibiologistes à d'autres qu'aux destinataires qui conviennent, les laboratoires du capitalisme libertaire et métisseur qu'occupe tant la question du gène des maths et des cuisses roses ? Encore faudrait-il ne pas se tromper d'argument : l'artificialisation et la marchandisation de la conception et des corps ne sont pas sans rapport avec l'aniconisme, cette spectrale culture sans corps. L'eugénisme viendra vite à bout de la vague résistance des comités d'éthique. Qu'à tout le moins une noble idée des races inspire aux laborantins un peu de crainte devant leur majesté pour que, nouveaux Raphaël, ils cultivent avec art la vieille race humaine.

Mais puisque l'Histoire serait imprévisible, le "bateau amiral" pourrait ouvrir d'autres voies, préparer d'autres avenirs : au nombre de ceux-là, qui sait, le "devenir juif" de l'Europe (entre diasporas, sionismes et Providence) et la rencontre du christianisme et du néo-paganisme (cette religion malheureusement mort née au XXe siècle, qui n'a laissé que des noms, Guenon, Heidegger, Abellio, Jünger, Venner...) dans le catholicisme.

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"Une société qui serait sûre de ses valeurs et de son système éducatif parierait plutôt sur ceux-ci pour intégrer en masse de nouvelles populations." Loïk Anton

Mettons qu'à "l'école Ripolin", les peuples nouveaux puissent contracter l'amour du glorieux passé de l'Europe, s'inventer une filiation mythique, prétendre, à leur tour, descendre des Troyens ou rétablir Israël. Cependant, outre que cette Ecole républicaine ne reviendra sans doute pas, nul ne croit que Charlemagne ressuscita vraiment David et les Francs, le peuple hébreux.

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L'Afrance... Sans doute, les amours de l'Europe avec l'Afrique auraient dû rester marginales. Intenses, passionnelles, peut-être, mais marginales. L'Europe a manqué son mariage : l'Indochine était "la perle des colonies". Malheureusement, l'ultime blessure est algérienne. Elle a fait oublier le mal jaune. Pour échapper au tropisme suicidaire de l'Afrique, il eut fallu un autre Ailleurs à l'Europe, un Ailleurs qui la complète.
» En Chine, rien de tout cela, où ou la "transmission d'une dimension d'esprit" (chuan shen [ 傳神 ]) s'effectue sans la subsomption du Beau

Est-ce que cela veut dire que le beau, en Chine, se soit d'emblée détaché de la tutelle de l'intelligible, à quoi en Occident il a dû pendant très longtemps rendre des comptes (on trouve encore dans l'Æsthetica de Baumgarten cette définition du beau : « Perfection perçue de façon sensible ou perfectio phenomenon », cette "façon sensible" impliquant une dépréciation, et pour tout dire une "confusion" de la perfection originelle et supérieure, nécessairement idéelle ou intelligible) ?
Vous conviendrez, Francis, qu'en séparant ainsi la chair (le sensible) de l'esprit (l'intelligible), on réintègre peut-être d'autant mieux le corps : mais ce sera alors le corps pour le corps, le corps intrinsèque, le corps absolu : dignification ultime.
Je suis un peu hors sujet, mais ce fil sur la beauté m'a conduite à la reflexion suivante :
Il était admis en occident que la séduction d'une femme pouvait résider non seulement dans sa beauté et sa jeunesse mais aussi dans ce qu'on appelle le charme. Il était fréquent d'entendre dire : une telle n'est vraiment pas belle mais elle a un je ne sais quoi d'irrésitible ! Je me suis toujours demandé si cette notion inndéfinissable de "charme" valait pour les autres civilisations. Il m'a semblé que non. En pays musulman, par exemple, les hommes ne semblent guère être sensibles à cet aspect de la séduction. Ils attendent seulement de la femme fraîcheur, beaux cheveux, belle croupe et beaux seins. Il ne leur viendrait pas à l'idée de trouver un charme irrésistible à une femme, si minaudante soit-elle, jugée laide selon leurs critères. Il m'est apparu qu'il y avait là, peut-être, un marqueur occidental qui pourrait en dire plus long qu'il n'y paraît sur notre civilisation.
Non Cassandre, l'Orient extrême fourmille de séductrices sans beauté. D'ailleurs, osons le dire, quitte à paraître brutal : dans l'Orient de haute civilisation (Chine, Japon), il n'y a pas de beauté (de belles plastiques incarnant la Forme) le Beau n'existant pas, il n'y a que séduction et esprit, charme et ensorcellement. La Geisha n'est pas "belle", elle est séduisante. Les canons de la beauté y sont ceux de la séduction et de la mode (les pieds bandés n'ont rien de beau, mais sont l'emblème d'une délicatesse aristocratique, comme peuvent l'être les ongles démesurés de qui, sous aucun prétexte, ne doit jamais travailler et bien le faire assavoir), soit des canons sociaux, comme l'esprit (wit), d'une part -- la femme, dans l'Orient dont je parle, a de l'esprit, toujours, se doit d'en avoir et d'en user avec malice, de préférence en déployant un humour discret mais mordant -- ; et, d'autre part, l'ensorcellement, qui charme et fait divaguer l'esprit, qui l'enivre, fait "perdre la tête" (mi jen), qui est poésie.

La beauté n'y existe que dans et par l'envoûtement, comme en Europe avant la Renaissance et la révolution néo-platonicienne (et la figuration du Nu dont les doigts d'archange se doivent de chatouiller le ciel de l'Idée), exerçait son pouvoir la beauté ensorceleuse, moyen-âgeuse, un pied dans l'état de sorcière.

Relisant Thérèse Desqueyroux récemment, j'ai retrouvé un peu ce type de femme fatale "à l'orientale", qui n'est pas belle, mais dont tous, dans cette campagne noire, admettent le charme. Thérèse est le type de "la sorcière" (empoisonneuse de surcroît); elle est ensorcelleuse, mal-aimée, irrésistible et sans même avoir à intriguer activement, fait se perdre les hommes, égare les uns et les autres rien que d'exister. Le charme primitif en quelque sorte, qui s'exerce sur les hommes sans la beauté plastique, sans la bénéfique Forme, est toujours maléfique, que l'on soit en Orient ou en Occident.
Cher Francis Marche, avez-vous songé à écrire quelqu'ouvrage sur l'orient expliqué aux Occidentaux ?
Cher Francis vous m'avez convaincue sur le Japon et ses geishas auxquelles j'avais pensé moi aussi sans m'y arrêter. Mais peut-être dans leur cas s'agit-il d'un "charme" codifié, presque d'un art, ce qui n'est pas la même chose que ce qu'on entend par "charme" en occident qui reste quelque chose au contraire d'indéfinissable, de mystérieux ? En somme c'est un peu comme si en occident la beauté était codifiée mais pas le charme et que ce soit l'inverse au japon ...
Non Cassandre, pas davantage, suis-je enclin à vous répondre spontanément. Bien sûr il y a les codes mais comme pour tous les arts, il s'agit de les interpréter, les contourner, les controuver, jouer avec eux de mille manières sans les briser. La beauté est mondaine au Japon (et en Chine); elle n'est pas l'hypostase de l'idée du Beau comme en Occident depuis la Renaissance. Que signifie mondain dans ce cas ? Eh bien que la séduction est un jeu social et spéculaire : on cite indirectement des images et des étants sociaux et sous-culturels. L'art de l'apprêt est une sous-culture mais pas seulement en tant que tel: il se nourrit et renvoie à des images et des récits, des mythes de tous les ordres qui eux-même font la pâte de la sous-culture de la mode. Dans le Japon moderne, il y a aujourd'hui le phénomène du Cosplay dont vous avez entendu parler : des jeunes filles s'apprêtent avec une folle fantaisie à l'image de héroïnes de mangas, d'anime, et de mille êtres imaginaires qui irriguent l'iconographie de la sous-culture moderne (celle des jeux vidéo notamment). Le résultat en est fascinant, follement séduisant, mais la beauté, le Beau, en sont absents bien sûr; le clin d'oeil spirituel, la citation personnalisée, produisent l'attrait et la séduction mondaine, qui est le régime de la beauté en Orient, du moins dans cet Orient-là.

Il n'y a pas de code établi du Cosplay; chacune fait ce qui lui chante, et toutes chantent juste dans le concert mondain.


Vous savez, Francis, le "Beau", comme vous l'écrivez, semble bien exténué en Occident aussi, et il n'a pas manqué, depuis la Renaissance, d'iconoclastes qui en voulant fracasser les idoles intangibles et prototypiques ont entraîné, dans leur élan, l'éparpillement à tout vent des restes des statues de Forme : la beauté s'est ramassée, ici également, sous les espèces du mondain, c'est à dire du monde, du séculier, de la matière et du sensible, en un mot du goût, faculté plus "moderne" et subjectiviste qui se faisait fort de distinguer le beau du laid par le sentiment immédiat, et non plus par la conformité avec quelque modèle intelligible un peu trop lointain.
C'était là d'ailleurs le sens de ma question précédente : en n'accordant, d'après vous, aucune précellence particulière à la seule dimension idéale dans leurs dilections esthétiques, est-ce que les "orientaux" n'ont pas été modernes bien plus tôt que nous-mêmes ?
"Vous savez, Francis, le "Beau", comme vous l'écrivez, semble bien exténué en Occident aussi, et il n'a pas manqué, depuis la Renaissance, d'iconoclastes qui en voulant fracasser les idoles intangibles et prototypiques ont entraîné, dans leur élan, l'éparpillement à tout vent des restes des statues de Forme : la beauté s'est ramassée, ici également, sous les espèces du mondain, c'est à dire du monde, du séculier, de la matière et du sensible, en un mot du goût, faculté plus "moderne" et subjectiviste qui se faisait fort de distinguer le beau du laid par le sentiment immédiat, et non plus par la conformité avec quelque modèle intelligible un peu trop lointain. "
Je suis d'accord. Désormais tous les goûts sont, comme on dit, dans la nature et parce que c'est mon choix. Point final.

"en n'accordant, d'après vous, aucune précellence particulière à la seule dimension idéale dans leurs dilections esthétiques, est-ce que les "orientaux" n'ont pas été modernes bien plus tôt que nous-mêmes ?"

En l'occurrence, plutôt les extrêmes orientaux.
Comment s'accommoder de l'inaccessibilité de l'Idée, de tout échec de sa réalisation ? Deux voies possibles : sa re-idéalisation dans le sublime en (re)instaurant l'idée du Beau -- si l'Idée est irréalisable c'est parce que le Beau l'est aussi; et la voie de l'Idée pourra nous être ouverte par le cheminement esthétique vers le Beau et toute valorisation d'effort en ce sens. C'est la voie de l'Occident à partir de ses siècles d'or. Seconde voie : jouer avec le laid et l'impossible, s'en charmer, en créer le goût; faire de toute contorsion ici-bas, un ensorcellement; décréter que la "beauté" nue est vulgaire, que le Nu mis à vif est catastrophique pour le goût et l'idée, qu'il est insensible à l'esprit, que le sein dénudé dans un tableau vaut un pis de vache, que l'habit fait le moine, la poupée autant que l'impératrice.

Mais oui, il y a un retour vers cette approche primitive du goût immanent (le sentiment immédiat) dans l'Occident du troisième millénaire : en témoignent les tatouages qui habillent le nu de manière indélébile, désormais, dans la jeunesse à peau claire d'Europe, avec le piercing et puis le cosplay japonais s'est transmis lui aussi, semble-t-il, dans certains milieux (et avec lui, diverses manières de se travestir, de "s'enlaidir" en citant le monde de la fantaisie héroïque, comme on le fait au Japon -- goths, zombies, etc.). Et l'on assiste, comme de juste, à un mouvement de chassé-croisé, en Chine notamment, et au Japon, où se fait jour la culture-corps, le body-building, qui accompagne l'extraordinaire essor des corps orientaux depuis une trentaine d'années, Orient où croiser des jeunes hommes et jeunes femmes de taille européenne est désormais monnaie courante sous l'effet de l'occidentalisation des meurs alimentaires.

L'entropie générale, le gommage des particularismes ou des marqueurs civilisationnels s'amorcent par des mouvements de chassé-croisés. Peut-être faut-il y voir une de ces lois physiques de l'histoire.

A mon sens le Grand Chassé-Croisé entre Orient et Occident est datable : il correspond à la charnière du millénaire (voir tout ce que nous disions du "passage de bâton" déclenché en 1989 par la fin générale du communisme, l'ouverture de la Chine au capitalisme industriel mondialisé, etc.)
Je comprends très bien ce que veut dire Francis, mais je persiste à penser que ce que l'on appelle " charme" dans notre culture occidentale est justement tout ce qui ne s'explique pas, ni par le physique en lui-même ni par les artifices de la mode. J'ai bien connu une femme franchement laide qui pourtant possédait ce charme inexplicable. En l'observant, elle et d'autres, j'en ai conclu que leur attrait venait essentiellement d'une subtile alchimie entre l'expression du visage, la voix, le sourire et la gestuelle dont le vêtement, la coiffure et le maquillage pouvaient parfois renforcer l'attrait sans toutefois s'y substituer.
J'ajouterai que les nouvelles genérations d'occidentaux semblent de moins en moins sensibles à ce fameux "charme" si vanté hier encore, tellement les canons de beauté physique tendent à s'imposer implacablement par la faute, entre autres, de la chirurgie esthétique.
Cassandre, ils ajoutent, à leur corps remodelé, souvent, d'authentiques charmes, au sens chamanique du terme, sous l'espèce des tatouages dont bien souvent, eux-mêmes, en Occident ne comprennent ni le sens ni la puissance occulte. Je vois des personnes, souvent fort belles (et beaux) qui arborent des sinogrammes tatoués sur la nuque, la cuisse, etc. sans se douter le moins du monde qu'ils et elles se rendent ainsi porteurs d'un charme au sens le plus littéral et sorcier du terme. La culture-corps se re-barbarise dans et par ces manifestations. Le corps nu porteur d'inscription est une terrible injure à la culture-corps occidentale, le tatouage étant antinomique à la pure nudité qui révèle la beauté et sa parole. Le Nu, et donc la nudité dévoilée depuis la Renaissance, adressait un message tout aussi nu qui disait (dans la monstration) nous ne craignons point la Vérité et voyez, la Vérité est Beauté. Le tatouage use du corps comme d'un palimpseste dont l'écrit originel serait celui-là.
» Mais oui, il y a un retour vers cette approche primitive du goût immanent (le sentiment immédiat) dans l'Occident du troisième millénaire

Je crois qu'il y a eu en Europe une véritable "invention du goût" dans le processus plus général et inexorable de la "subjectivisation" du monde qui a marqué la pensée et la politique et par quoi se caractérise la "modernité" : désenchantement du monde, retrait du divin, révolutions coperniciennes, nombrilisme du regard et, bien sûr, autonomisation de plus en plus grande de la sphère de la sensibilité par rapport à celle de l'intelligible, autonomisation qui s'est manifestée par l'apparition d'une nouvelle discipline chargée d'en rendre compte et d'esquisser une théorie de la sensibilité, l'"esthétique", où le beau ne relève plus exclusivement de la "présentation sensible" d'instances supérieures, mais de plus en plus d'une faculté humaine (ce sera l'analogon rationis de l'Æsthetica susmentionnée de Baumgarten (1750), esthétique qui se définit comme "science de la connaissance sensible").
L'Idée n'est plus ce qu'elle était depuis longtemps déjà, par une dynamique qui me semble interne à l'Occident, et il ne s'agit peut-être pas d'"inaccessibilité", mais de pur et simple étiolement puis mort de l'étoile.
De quel moment historique cette invention du goût est-elle datée, Alain ? Pardonnez-moi, je ne connais Baumgarten que de nom, qui n'apparaît dans le paysage lacunaire de mes connaissances que comme une sorte de poisson-pilote de Leibniz, que ce dernier emporte et fond dans son système. Puis-je vous inviter à nous présenter l'analogon rationis et la rupture qu'introduit ce concept dans l'articulation des temps de la pensée en Occident ? Je vous promets, en échange de cet effort de pédagogie, de me mettre en quatre pour vous exposer par le menu ce que je trouve tous les jours dans la dernière période de Koestler qui est susceptible de vous intéresser.
Vers le mois d'octobre 1653...

« Selon une thèse développée par l'historien Karl Borinski dans son beau livre consacré à l’œuvre de Balthazar Gracián, c'est ce dernier qu'il faudrait créditer d'avoir le premier employé le terme de "goût" en un sens métaphorique. Pour Borinski, cet usage figuré marque une véritable rupture dans l'histoire de la subjectivité : avec le concept de goût, c'est l'humanisme moderne qui ferait son apparition en même temps que l'univers de la Renaissance basculerait irrémédiablement dans le passé.
Il est toujours difficile, voire parfois impossible de dater en toute certitude la naissance d'un concept et la thèse de Borinski fut, comme on pouvait s'y attendre, critiquée chaque fois qu'on put découvrir chez tel ou tel auteur de l'Antiquité un emploi un tant soit peu élargi du mot gustus. Une chose est cependant certaine : c'est bien vers le milieu du XVIIème siècle — d'abord en Italie et en Espagne, puis en France, en Angleterre et, plus tardivement en Allemagne — où l'on eut même quelque difficulté à trouver avec le mot Geschmack une traduction adéquate — que le terme acquiert une pertinence dans la désignation d'une faculté nouvelle... (...) Et c'est bien aussi à partir de la représentation d'une telle faculté que nous entrons définitivement dans l'univers de l'"esthétique moderne". »

Extrait d'un essai de... Luc Ferry, L'Invention du goût à l'âge moderne, datant de l'époque où ce dernier s'occupait encore de philosophie — à mon humble avis, l'ouvrage est très bien, très clair et cohérent, par moment étonnant (c'est la meilleure introduction que je connaisse à la Faculté de juger), et ne propose rien moins qu'une histoire de la subjectivité à travers l'histoire de l'art, et plus particulièrement l'avènement de l'esthétique moderne.

L'analogon rationis désigne un ensemble de facultés supposées être l'analogue, dans la perception du monde sensible environnant, de ce qu'est la raison pour le monde intelligible, le jugement esthétique étant rendu possible par l'exercice de ces facultés.
Le jugement de goût n'est donc plus redevable à la seule sphère rationnelle, ou idéelle, etc., et il ne s'agit plus d'une beauté messagère du Vrai, essentiellement, et de l'être véritable, immatériel et immarcescible, dans la contemplation duquel résiderait le Bien suprême, mais d'une propriété fondamentalement humaine se manifestant dans et par des aptitudes strictement perceptives et sensibles.
En un mot, l'instance de délibération et les attendus du jugement se sont déplacés du ciel à l'homme, rien de bien original dans une telle constatation ; cela est au reste valable pour la recherche scientifique, mais j'en toucherai un mot dans le fil idoine s'il ne fait pas trop chaud ...
Votre réponse dépasse mes espérances, Alain. Mille six cent cinquante-trois, cela est bien précoce, même si Balthazar Gracian eut le bon goût d'attendre la mort de Descartes pour frapper ce grand coup. Il est probable que cette rupture, avant de s'affirmer au grand jour, fut d'abord souterraine, et qu'elle dût le rester encore un siècle et demi, peut-être jusqu'à Waterloo. Mais c'est pure conjecture de ma part.

Je viens de parcourir l'étude d'une Mary J. Grego sur l'Æsthetica de Baumgarten (parue dans la Review of Metaphysics de 1983) où en effet l'analogon rationis est présenté comme homologue dans les "perceptions sensibles" des principes d'organisation logique de la sphère cognitive, mais sans que cette étude ne m'éclaire beaucoup sur le caractère décisif de la rupture en question, et sans que j'y trouve de quoi m'enthousiasmer pour l'oeuvre de Baumgarten, hélas -- celui-ci ne paraissant avoir fait qu'envisager "la possibilité théorique" de pareille rupture, sans l'instaurer ni donner la mesure de ses implications, travail qu'il aura peut-être laissé le soin à Kant de mener à bien, je ne sais trop.

Je tiens à vous remercier pour nous avoir fourni ces références, ce qui devrait faire la vocation de ce lieu, tout au moins dans les heures où nous manque une plateforme d'échanges réels, immédiats et substantiels sur le fond de nos préccupations -- un forum webmatique où ne compte, dans une part de son espace, que la substantifique moëlle, pure, essentielle, dont la livraison doit être généreuse et instantanée, sans chicane ante, et que si cette matière essentielle doit elle-même être l'occasion d'un détour dans l'exploration des thèmes abordés, que cela soit de notre choix et par nécessité dialectique, et non le résultat d'une contrainte objective (temporelle, technique ou sociale) qui nous mettrait en échec en dissipant notre concentration.
(Francis, vous qui situez Koestler haut dans votre panthéon personnel - ce qui est aussi mon cas -, quand vous nous éclairerez sur son oeuvre, j'espère que vous donnerez aussi sa place à son intérêt marqué pour la parapsychologie !)
"L'analogon rationis désigne un ensemble de facultés supposées être l'analogue, dans la perception du monde sensible environnant, de ce qu'est la raison pour le monde intelligible, le jugement esthétique étant rendu possible par l'exercice de ces facultés."


Ce n'est que sur la pointe des pieds que je m'immisce dans cette dicussion tant je sens qu'elle me dépasse. Permettez, cependant à la béotienne que je suis de poser quelques questions au risque de grosse bourdes. Il me emble, par exemple, que si la raison est un ensemble de facultés elle obéit aussi à des règles. Le goût obéit-il à des règles ?
(Je crois que d'une certaine façon, il a été répondu par Francis à cette question sur l'autre fil avant que je la pose, mais je ne suis pas sûre d'avoir bien compris)

( Cher Francis, je vous parle de ce ne sais quoi d'évanescent qui fait pour moi, et pour d'autres, le "charme", et vous me répondez déguisement, tatouage et pearcings ! )
à Loïk Anton : oui, bien sûr, la parapsychologie de Koestler est le volet le plus délicat de son travail. Koestler avait su amasser une fortune non négligeable avant de mourir, dont il fit don à l'Université pour qu'elle crée une de "chaire parapsychologie"; il ne se trouva pas d'institution cliente au Royaume Uni à ce moment (Koestler mourut en 1983), jusqu'à ce que l'université d'Edimbourg accepte, deux ans plus tard, avec des pincettes, de créer avec ces fonds la Koestler Paraspychology Unit

à Alain Eytan : la datation que vous proposez (1653) pour cette "invention du goût" en Occident, qui peut paraître remarquablement précoce, me conduit à voir autrement que je ne l'avais fait jusqu'ici cette phase éclatante du romantisme anglais en poésie, contemporaine d'Hölderlin -- l'anglais John Keats qui dans le poème cité par Koestler (voir l'arborescence Dans la mosaïque des réflexions sur le Beau et l'Occident) met en relation d'identité la beauté et la vérité, mourut à Rome l'année du trépas de Napoléon : 1821. Ce classicisme romantique, loin d'être révolutionnaire s'inscrivait-il donc en réaction à l'esthétique du goût inaugurée cent cinquante ans auparavant (selon Luc Ferry) ? Keats inspira les peintres anglais de la Fraternité pré-raphaëlite qui devait se former vingt ans après sa mort et dont les membres ambitionnaient de réhabiliter le quattrocento de Côme de Médicis, celui qui avait vu la fondation de la première Académie platonicienne en 1459 à la Villa Careggi près de Florence. On peut tirer de cette évolution en dents de scie l'image d'un graphe sismique : une succession de secousses telluriques qui mit deux bons siècles à ébranler l'âme d'Occident, laquelle avait vu le jour dans l'équation néo-platonicienne qui lui avait donné forme et qui devait peu à peu, au terme d'une dynamique alternant assauts et résistances, céder la place au goût profanateur du Beau.



Médée d'Evelyn de Morgan , 1889, dans le style quattrocento
Je sais que Koestler s'est impliqué dans la parapsychologie (tout comme dans l'idée de transdisciplinarité, dont il est l'un des initiateurs - cf. rencontres d'Alpsbach ? - ; mais vous qui le tenez en haute estime, comment estimez-vous cet intérêt ? Vous semble-t-il légitime ?
Il a d'ailleurs mis en scène et intriqué ces différents thèmes dans Les call-girls, un de ses romans sur la fin du monde et le rôle ambigu des intellectuels face au Désastre - déjà.
C'est d'abord par la notion de temps non chronologique ("temps comme dimension de l'être", si vous voulez) que Koestler semble s'être orienté vers ce qui est communément appelé "parapsychologie". J'avais effleuré cet aspect ici lors de la discussion sur le désordre de la temporalité (l'indécidabilité entre nature augurale et inaugurale des scènes primitives violentes dans le roman Croisade sans Croix, singulièrement dans le récit de la cure psychanalytique du héros). Mais avant que la parapsychologie n'entre en scène il s'était penché sur la question de la télépathie, congruente à la notion de temps non chronologique; l'expérience EPR, en particulier, l'avait intrigué. Je ne sais pas s'il eut connaissance de l'expérience d'Aspect en 1982, un an avant sa mort.

Le Paradoxe EPR

Une autre voie d'approche de la "paraspychologie" de Koestler fut celle des "champs morphogéniques" et du néo-lamarckisme, explorés dans The Case of the Mid-wife Toad, et surtout dans ce titre majeur, dont Janus livre la quintessence : The Ghost in the Machine. J'espère avoir l'occasion, et le temps chronologique, d'y revenir.
Citation
Cassandre
"L'analogon rationis désigne un ensemble de facultés supposées être l'analogue, dans la perception du monde sensible environnant, de ce qu'est la raison pour le monde intelligible, le jugement esthétique étant rendu possible par l'exercice de ces facultés."


Ce n'est que sur la pointe des pieds que je m'immisce dans cette dicussion tant je sens qu'elle me dépasse. Permettez, cependant à la béotienne que je suis de poser quelques questions au risque de grosse bourdes. Il me emble, par exemple, que si la raison est un ensemble de facultés elle obéit aussi à des règles. Le goût obéit-il à des règles ?
(Je crois que d'une certaine façon, il a été répondu par Francis à cette question sur l'autre fil avant que je la pose, mais je ne suis pas sûre d'avoir bien compris)

( Cher Francis, je vous parle de ce ne sais quoi d'évanescent qui fait pour moi, et pour d'autres, le "charme", et vous me répondez déguisement, tatouage et pearcings ! )

Chère Cassandre, selon Baumgarten il y a bien des "règles", certaines "modalités d'appréhension des relations entre les choses du monde sensible" qui suscitent le sentiment esthétique, l'"analogue" de la faculté rationnelle impliquant également une "vérité esthético-logique".
Et non seulement vous n'avez commis aucune bourde, mais comme à votre habitude avez franchement mis les pieds dans le plat et formulé exactement ce qui deviendra l'"antinomie du goût" chez Kant, que Baumgarten en effet annonce : comment rendre compte d'un sens commun dans le jugement de goût (qui pourtant semble bien, dans une certaine mesure, exister), si celui-ci est si particulier et subjectif et ne peut, à l'instar des vérités rationnelles, être démontré ?
La façon dont Kant s'y prend pour résoudre le problème (ou prétendre le résoudre) m'a toujours laissé bouche bée, et j'avoue que je ne sais toujours pas si j'ai véritablement saisi la portée de sa solution, tant la voie mitoyenne qu'il propose me semble subtile, riche et, pour tout dire, géniale.

Francis, la "rupture" consiste en ceci que le beau — entendez par là le "beau sensible", l'objet ou la configuration d'objets dont l’appréhension suscite le "sentiment du beau" — n'est plus considéré, littéralement, comme un faux-fuyant ("faux", parce qu'il s'agit du monde sensible, de l'apparence, du phénomène, et "fuyant", parce qu'il n'est en réalité que la trace d'une autre réalité, est strictement une invite instante à le délaisser et aller voir ailleurs, toujours plus haut, et hors l'apparence) : L'Esthétique distingue toujours entre deux facultés : les premières, supérieures, qui concernent les facultés proprement rationnelles (logico-mathématiques), voie de l'intelligible, et les "inférieures", qui ne concernent que l'ordonnancement des objets du monde sensible et qui servent à penser l'apparence, justement ; or cette apparence acquiert par là une "légalité" et une dignité intrinsèques, et devient dorénavant capable de susciter de la beauté sensible "en soi", c'est à dire de la beauté immanente au monde sensible, qui n'est plus (ou plus seulement) le reflet d'un autre ordre de réalité.
Dans la mesure où vous considérez l'avènement de la modernité, comme je l'ai dit plus haut, comme un processus de subjectivisation du monde, c'est une étape importante, qui annonce la révolution kantienne et (ré)habilite le point de vue de l'homme.
» la datation que vous proposez (1653) pour cette "invention du goût" en Occident, qui peut paraître remarquablement précoce, me conduit à voir autrement que je ne l'avais fait jusqu'ici cette phase éclatante du romantisme anglais en poésie, contemporaine d'Hölderlin – l'anglais John Keats qui dans le poème cité par Koestler (voir l'arborescence Dans la mosaïque des réflexions sur le Beau et l'Occident) met en relation d'identité la beauté et la vérité, mourut à Rome l'année du trépas de Napoléon : 1821. Ce classicisme romantique, loin d'être révolutionnaire s'inscrivait-il donc en réaction à l'esthétique du goût inaugurée cent cinquante ans auparavant (selon Luc Ferry) ?

Octobre 1653 était une datation un peu au pied levé, bien entendu, et j'aurais pu choisir un autre mois... Toujours est-il qu'il y a en effet un certain consensus à situer l'apparition de cet usage métaphorique vers le milieu du XVIIème, apparemment.

La "réaction" que vous évoquez est toujours possible, mais n'y a-t-il pas également une autre façon d'entendre ce vers, surtout dans un poème de Keats ?
Proclamer, si ardemment, que "beauty is truth" peut aussi vouloir dire que "seul le beau est vrai", autrement dit que la sensation de la beauté est en soi l'état le plus authentique et le plus juste qui se puisse concevoir en l'homme, dans la mesure où est acquise d'emblée la certitude que tout être possible se réduit à la seule présence dans la représentation ("Être c'est percevoir ou être perçu", etc.).
Permettez-moi d'illustrer cela par cette citation de Hume dans les Essais esthétiques, que je vous avais déjà adressée ici-même, eh oui... : « Tout sentiment est juste, parce que le sentiment n'a référence à rien au-delà de lui-même et qu'il est toujours réel, partout où un homme en est conscient. En revanche, toutes les déterminations de l'entendement ne sont pas justes parce qu'elles portent référence à quelque chose au-delà d'elles-mêmes. »

Cela veut dire qu'en dernier ressort la vérité réside uniquement dans ce que j'éprouve au sein de ma conscience, en l’occurrence, le sentiment du beau. Si c'est le cas, cette "vérité" ne renvoie pas la beauté à un autre monde, mais signifie tout au contraire que c'est précisément le fait de la ressentir qui la doue de toutes les garanties de légitimité, et même d’absoluité , dont elle aurait besoin pour être pleinement : nous sommes, de plus belle, dans le domaine du goût, et de la seule juridiction qui puisse compter en la matière : celle de la sensibilité humaine.
Merci, cher Eytan, de me faire aimablement croire que je pourrais avoir la tête philosophique. Dieu sait que pourtant ... Du coup, je m'enhardis : Est-ce que par ailleurs, cette discussion ne rejoindrait pas à certains égards l'interrogation sur l'inné et l'acquis ? J'ai lu il y a bien longtemps la grande thèse de Konrad Lorenz et je crois me souvenir que tout à la fin, il émet brièvement l'hypothèse qu'il y aurait peut-être un sentiment inné du beau chez l'homme. Il se pourrait, en outre, toujours d'après son hypothèse, que ce sentiment fût réveillé spontanément chez les humains les plus différents par certaines mêmes formes, certaines mêmes combinaisons de formes et de couleurs, l'acquis culturel ou purement individuel se greffant sur ce "canevas" préexistant.
Comme il est probable que le sentiment du beau, en tant que faculté esthétique, fasse partie des autres facultés supérieures comme la raison et la morale, et que ces facultés comportent nécessairement une part d'inné, ne serait-ce que dans l'organisation cérébrale qui "fabrique" et/ou constitue ces facultés et les productions psychiques induites, il est tout aussi probable que ce sentiment ait lui aussi une part d'inné.
Le problème, me semble-t-il, est qu'en disant cela nous n'avons pas dit grand'chose, tant qu'on ne dispose pas d'une connaissance précise de la façon dont l'inné, c'est à dire l'hérédité, détermine cette organisation cérébrale, puis les phénomènes mentaux.
Les neurologues aiment à parler je crois de "plasticité neuronale", désignant par là une aptitude du cerveau à se réorganiser et créer continuellement de nouvelles associations neuronales, et cela concernant la perception même — perception qui constitue déjà un décodage, triage et une mise en forme et en rapport des innombrables signaux reçus de l'extérieur ; qu'il puisse exister, déjà à ce niveau-là, strictement perceptif, certaines "prégnances formelles" , dans certaines dispositions de formes, de volumes, de couleurs, etc., suscitant en soi ce que je me hasarderais à appeler une satisfaction esthétique, c'est fort possible.
Mais en un sens, quelle chute, du ciel ou de l'ange, à la neurophysiologie...
25 juin 2013, 03:14   Le goût des orties
"I HAVE TASTE"

(nous sommes,
de plus belle,
dans le domaine du goût,
et de la seule juridiction qui puisse compter en la matière :
celle de la sensibilité humaine
)



Le goût en palimpseste du Beau
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