Le site du parti de l'In-nocence

France 2, Pujadas, Brighelli et le niveau (extrait du “journal”)

Envoyé par Renaud Camus 
Plieux, jeudi 27 juin 2013, minuit. Un de ces curieux moments où le voile du faussel, ce double inversé du réel, paraît brièvement déchiré comme par un coup de couteau, en l’occurrence administré par ceux-là même qui le tiennent tendu au-dessus du monde, ce qui rend la déchirure un peu suspecte, comme si elle avait été soigneusement calculée : c’était au journal télévisé de huit heures, ce soir, sur France 2.

Il s’agissait de l’éternelle question de savoir si le niveau moyen des élèves, tout de même, n’avait pas malgré tout un peu baissé, depuis cinquante ans, comme le prétendent les déclinistes et comme le démentent absolument, Dieu merci, les statistiques et les gens raisonnables. Le reportage était composé de deux séquences principales.

Dans la première on voyait quatre adolescents comme on imagine à peine qu’il en subsiste, tous parfaitement blancs, tous Polo de Bagatelle ou arrière-saison au Touquet au dernier degré. L’un d’entre eux, dans sa jolie chemise Ralph Lauren ou Façonnable, paraissait très embarrassé de son professeur, à ses côtés, qui s’exprimait avec un affreux accent. Ces jeunes gens venaient de subir, à titre d’expérience, les épreuves du B.E.P.C de 1967 (ce qui déjà est une erreur historique, car en 1967 les garçons et les filles de ce genre-là, qui étaient encore très nombreux, ne se présentaient pas au B.E.P.C., réservé aux jeunes gens des classes défavorisées (ou “moins” favorisés...)). Et dans l’ensemble ils ne s’en étaient pas mal tirés, même s’ils avaient eu tendance à trouver la dictée de l’époque terriblement longue et les sujets de réflexion proposés bigrement compliqués, presque inintelligibles. David Pujadas en concluait que oui, peut-être, il y avait bien eu une très légère réduction des compétences scolaires, d’ailleurs largement compensée par le prodigieux accroissement, et pour cause, des compétences électroniques (dont nous n’eûmes pas la démonstration).

Puis, deuxième séquence — et c’est là qu’on aurait pu croire au miracle —, l’invité, prié de commenter la première, était Jean-Paul Brighelli. Il commence par se moquer doucement, il y avait de quoi, du “pannel’ choisi pour le test du B.E.P.C. fictif, les quatre candidats sélectionnés étant à son avis trop peu représentatifs (en effet…) et, surtout, trop peu nombreux pour qu’on puisse tirer de leur exemple quelque enseignement que ce soit. Puis, s’appuyant, lui, sur des tests et sondages ayant porté, des années durant, sur des dizaines de milliers d’élèves, il déclare froidement que le niveau scolaire n’a pas « légèrement baissé » : il s’est complètement effondré.

Vous connaissant, on s’attendait bien, résume Pujadas en souriant, à ce que vous disiez quelque chose comme cela. En somme, l’éclair de vérité qui vient de se produire est réduit au statut d’excentricité folklorique. Brighelli fait du Brighelli, quoi de plus normal ? Il n’y a pas de quoi s’affoler.

[www.renaud-camus.net]
Épreuves du BEPC de 1964, non 1967
Brighelli a (eu) une certaine importance dans le combat anti-pédagogiste, mais il s'en est toujours peu ou prou tenu à cela : les méthodes pédagogiques. En revanche, il n'a jamais sérieusement estimé, semble-t-il, que l'immigration de masse (et le fait qu'il y ait, dans bien des classes d'aujourd'hui, une majorité d'élèves issus de familles non-francophones) puisse avoir un impact sérieux sur le niveau scolaire. A l'entendre, on dirait qu'un retour aux bonnes vieilles méthodes avec, peut-être, une dose de sélection, suffirait à remettre le système scolaire en état de marche.

Je pense, pour ma part, que le combat entre pédagogistes et républicains est pratiquement caduc, vu l'état de déréliction des salles de classe. Qu'un retour à des méthodes d'enseignement explicites et progressives soit nécessaire, cela reste vrai en théorie et ne pourrait certes pas faire de mal, comme on dit...

... mais à bien y regarder, pas beaucoup de bien non plus. Face à des jeunes élèves qui sont, peut-être sans bien le savoir, avant tout des soldats du Grand remplacement, face à des enfants ensauvagés qui ont de toute façon décidé qu'aucun enseignement normal n'aurait lieu dans votre classe, aucune pédagogie ne peut rien — peu importe qu'elle soit loufoque ou sensée.

Brighelli ne parle que de l'Institution, en somme, de ses méthodes, ses manquements, son budget, ses travers, etc. Mais à aucun moment il ne parle de ce qui fait aussi (et surtout) la matière de l'Ecole, à savoir les élèves et les familles, et du degré d'ensauvagement des enfants confiés aux maîtres. Il ne dit jamais que les publics immigrés d'aujourd'hui n'ont rien à voir, s'agissant de leur volonté d'intégration et du respect du pacte d'In-nocence, avec les enfants immigrés d'origine européenne du siècle dernier.

Il affirme aussi que si maints élèves se tournent vers l'Islam, c'est parce que l'Ecole ne leur offre rien de conséquent. Hélas il se trompe : Corneille, Racine et les bonnes vieilles méthodes ne peuvent absolument rien contre ça (même si ne pas proposer une instruction sérieuse aux enfants aggrave la situation, évidemment).

Autrement dit, et pour parler en termes in-nocents, Brighelli dénonce un aspect majeur de la Grande Déculturation, mais ne semble pas voir dans quelle mesure cette dernière marche main dans la main avec le Grand Remplacement qui la suggère, l'alimente, l'amplifie. Il semble croire que la Décivilisation est avant tout une conséquence malheureuse de mauvaises méthodes scolaires, sans bien voir qu'elle est déjà là avant l'Ecole, au sein même des familles et des communautés.

L'Ecole y est certes pour beaucoup dans son malheur ; mais sa pédagogie délirante n'a pas pu, à elle seule, générer un tel ré-ensauvagement (même s'il est exact elle l'a beaucoup aggravé). Croire cela, c'est encore, malgré tout, lui accorder trop de pouvoir et d'importance. La Décivilisation vient d'ailleurs, d'autres rives, d'autres in-civilisations. Elle n'est pas qu'une conséquence malheureuse de mauvaises méthodes ; elle est aussi et surtout un moyen : celui de la conquête néo-coloniale. Mais il y a des phénomènes que Brighelli et ses amis “républicains” ne souhaitent semble-t-il absolument pas voir...
Peut-être pourriez-vous mettre cela sur Facebook sous le même extrait ?
J'allais le faire. (C'est fait.)
... car s'ils les voyaient, et cela vaut pour aussi pour Natacha Polony, fini Pujadas, fini Ruquier.
A l'époque de son excellent blog, j'avais tenté une approche du phénomène de changement de population qui aurait pu
expliquer en partie la dérive de l'école.
Silence total sur ce sujet de Brighelli. Apparemment cela ne rentre pas dans son cadre d'analyse. Ces données n'ont pas encore alimenté son logiciel.
Je serais partisan d'un communiqué davoudien sur la critique fausselisée du faussel (Le Monde/Pujadas).
Bien, bien...
La remarque de M. Davoudi est fort intéressante car elle porte sur un point qui peut faire l'objet d'un accord général, quel que soit le bord auquel on appartient : on peut en effet concevoir qu'une classe qui comporte bon nombre d'élèves dont le français n'est pas la langue maternelle ait beaucoup de mal à progresser dans l'acquistion de savoirs académiques. Elle progresse peut-être en "vivre ensemble" mais sûrement pas dans les matières littéraires.


Cela étant, et je sollicite l'avis de M. Davoudi s'il est intéressé par le débat sur ce point, il me semble qu'il y a, à tous ces problèmes, une cause complémentaire, contributive, qui est proprement française. Elle tient, selon moi, à des facteurs spécifiquement français. Je ne saurais la nommer exactement.

Je vais donc prendre un exemple.

Pour des raisons professionnelles, je fais souvent escale à Amsterdam, et je profite de quelques heures de correspondance pour me rendre dans cette ville admirable, et souvent pour voir une exposition ou revoir un musée. Je suis bien obligé de constater deux choses : le niveau en anglais de la population, surtout des personnes assez jeunes, je veux dire moins de trente cinq ans, est extraordinairement élevé ; dans ces musées ou à ces expositions, on ne voit pas des hordes de lycéens avachis amenés là tels moutons à l'abattoir, mais assez souvent des gens jeunes qui sont à l'évidence intéressés par des choses qui n'intéressent personne en France.

Comme la Hollande accueille bon nombre d'étrangers, je me dis que quelque chose, dans son enseignement (ou peut être dans son rapport au travail) fait que cela se passe moins mal qu'en France.
J'entends dans votre message, Cher Jean-Marc, une petite musique qui m'est familière, quoique ses accents soient plus souvent finlandais qu'hollandais. Elle dit quelque chose comme

Mais que font-ils donc là-bas que nous pourrions également faire ici, afin de résoudre nos problèmes ?

Vous savez, j'ai eu ma dose de formatrices d'IUFM à petites lunettes rouges, quadragénaires, vaguement dépressives, et qui ne jurent que par la Finlande, le « modèle scandinave » — you name it. Jamais elles ne semblent comprendre qu'il s'agit là de pays qui n'ont rien à voir avec le nôtre, avec nos façons d'être et notre civilisation ; et que les problèmes liés aux comportements et aux façons d'habiter l'école, le métro, la ville, la terre, ont beaucoup moins à voir avec des histoires de moyens budgétaires, de pratiques pédagogiques, de lois, d'ordinateurs reliés à des Tableaux Blancs Interactifs (sans lesquels il est à peu près entendu qu'on ne peut tout simplement pas enseigner le français, les mathématiques ou l'anglais... d'ailleurs les Norvégiens en ont dans toutes leurs salles !), d'effectifs et de temps scolaires, bref, avec toute la litanie ordinaire des recettes de cuisine, qu'avec le degré de civilisation ou, en l'occurrence, de décivilisation que tel ou tel pays a atteint (on sait que le nôtre est allé assez loin dans ce domaine).

La France peut bien s'amuser à singer ce qui se fait en Scandinavie, aux Etats-Unis ou en Corée du Sud : ses problèmes resteront les mêmes. Et cette manie actuelle qui consiste à vouloir copier des pays et des civilisations qui ne nous ressemblent en rien (la Finlande, petit pays assez désert qui jusqu'à une date très récente je crois n'accueillait pour ainsi dire pas d'immigrés ; la Hollande, où les comportements sont très influencés par une vieille culture protestante sans rapport avec nos vieilles habitudes latines en voie d'être balayées...) est, je crois, parfaitement vaine. Il faut vraiment être l'homme remplaçable du village mondialisé pour croire que le “modèle finlandais” puisse faire quoi que ce soit pour notre pauvre école malade.

Cela dit, puisque vous parlez des Pays-Bas, n'oublions pas qu'après avoir fait pleinement le pari du multiculturalisme, ce pays (enfin, ce qu'il en reste) s'en est mordu les doigts. Voyez la pauvre ville de Rotterdam, islamisée au dernier degré ! — sans doute la plus grande ville musulmane d'Europe, juste avant... Birmingham ?

Quant à Amsterdam, qui semble tant vous plaire quand vous y faites un saut, vous n'êtes pas sans savoir que cette ville est devenue la sinistre capitale d'un certain crime organisé lié à la vente de drogue (légale ou illégale, peu importe) qui fait des ravages, le lieu où toutes les mafias du monde semblent s'être donné rendez-vous (encore notre vieil ami le multiculturalisme).

Quid de leur bonne maîtrise de l'anglais, enfin. Elle ne doit évidemment rien au hasard. Je crois qu'elle est due, comme en Finlande, par exemple, au fait qu'il s'agit d'un petit pays où la maîtrise de cette langue est absolument nécessaire pour exister économiquement et culturellement, et ce depuis quelques siècles maintenant. Ils sont bons en langues parce qu'ils sont persuadés au fond d'eux-mêmes qu'ils ne peuvent absolument pas s'en passer. Avec le temps, cette idée a fini par devenir ancrée au sein de toute une civilisation, c'est-à-dire, avant tout, au sein des foyers. Sans anglais, donc, pas d'échappatoire, pas de contact (vital) avec l'extérieur : la Hollande, semblable en cela à d'autres petites nations besogneuses et intelligentes, ne pense pas qu'il revient à la terre entière d'apprendre sa langue.

A l'inverse, on constate que dans les pays actuellement ou anciennement impériaux, le niveau en langues étrangères est souvent faible, et qu'au sein du peuple il y a même pour les langues étrangères un vague rejet ou mépris. Ainsi les Anglais, les Américains, les Français et les Russes sont traditionnellement faibles dans ce domaine — sans doute parce qu'ils pensent, consciemment ou inconsciemment, à tort ou à raison, que les autres feront l'effort de se mettre à leur portée.
Je prenais l'exemple de la Hollande car je ne connais que fort peu la Scandinavie, et parce que la Hollande a les problèmes d'immigration qu'on sait, ainsi que les problèmes mafieux que vous citez. C'est aussi un pays dont la capitale héberge des musées merveilleux. Ce n'est pas faire injure à Helsinki que de dire que le niveau culturel y est moins élevé qu'à Amsterdam. Il me semble que les Hollandais, par suite de l'enseignement hollandais, sont, dans les jeunes générations, plus cultivés que les Français. D'autre part, on ne peut que se féliciter, ici, de la prise de conscience des Hollandais concernant la partie malfaisante des populations immigrées.

L'explication que vous avancez, pour les langues "impériales", est celle qui vient à l'esprit. La Hollande, petit pays, se verrait en quelque sorte contraint d'apprendre une autre langue.

Ceal étant, deux pays d'à peu près la même taille, le Portugal et les Pays-Bas, ont eu, et pendant longtemps, de grands empires. Dans un cas, la langue du colonisateur s'est imposée, quand bien même il n'y avait que très peu de blancs (Angola, Mozambique...) ; dans l'autre, non (on ne parle pas néerlandais à Djakarta).

Les Italiens, qui n'eurent d'empire que sur le tard, sont à peu près à notre niveau de nullité pour les langues étrangères.

Je reviens à la Hollande : la population, surtout dans ses grands villes, est hétérogène. Les mafias commettent les méfaits que vous indiquez. Cependant, le niveau de l'éducation est fort bon, très au-dessus de la moyenne, et ce dans tous les domaines (la pratique de l'anglais n'étant pas comptée).




Je me demande comment ils font pour être meilleurs que nous.
Si par langues étrangères on entend essentiellement l'anglais, alors il n'est pas du tout étonnant que les Néerlandais soient meilleurs que les Français, Portugais ou Italiens ; après tout, leur lexique et leur grammaire sont bien plus proches de l'anglais que ceux du sud de l'Europe.

Et puis, au risque de donner dans le cliché, mais après tout il y a une part de vérité là-dedans, les Néerlandais m'ont toujours semblé sérieux, besogneux, bons commerçants, etc. alors que nous autres Européens du sud sommes plus dilettantes, moins portés sur l'effort pragmatique qu'implique l'apprentissage d'une langue étrangère.

Maintenant, pour ce qui est de la subsistance du portugais en Afrique lusophone et, au contraire, de la disparition du néerlandais dans les pays de l'ex-Empire colonial néerlandais, je ne suis hélas pas assez compétent pour vous répondre, mais à mon avis cela a tout à voir avec la scolarisation (ou pas) des enfants sur place.
Et puis, au risque de donner dans le cliché, mais après tout il y a une part de vérité là-dedans, les Néerlandais m'ont toujours semblé sérieux, besogneux, bons commerçants, etc. alors que nous autres Européens du sud sommes plus dilettantes, moins portés sur l'effort pragmatique qu'implique l'apprentissage d'une langue étrangère.


Je pense cela très vrai. Je me demandais justement si l'enseignement traditionnel des langues étrangères en Europe du sud, ne manquait pas de pragmatisme (par exemple, dans le sud de la France, l'espagnol est assez souvent "appris", mais fort mal alors qu'il est très proche du français).

Je crois que les besogneux bataves sont moins théoriciens que nous dans leur enseignement et plus pragmatiques, cela peut s'appliquer à toutes les matières.

Dans mon idée, "La dent d'or" de Fontenelle est française mais peu envisageable en Hollande.
Ajoutons que les Néerlandais colonisaient à des fins de négoce plutôt que de peuplement — hormis la colonie du Cap, bien sûr.
Citation
Jean-Marc du Masnau
Les Italiens, qui n'eurent d'empire que sur le tard, sont à peu près à notre niveau de nullité pour les langues étrangères.
Je me demande comment ils font pour être meilleurs que nous.

Vous oubliez les Allemands, cher M. Masnau! Certes, ils albionisent un tant soit peu plus que leurs homologues d'outre-Rhin mais, quoique je confesse une certaine méconnaissance en la matière, ils ne me semblent pas les plus grands polyglottes européens...
Je rejoins M. Davoudi sur le déterminisme géopolitique: Français, si vous baragouinez (ce qui indiquerait qu'en plus d'être Français, vous êtes Breton... honneur suprême!) un peu d'anglais, il n'est guère qu'en Chine centrale que l'on sourira bêtement à vos questions.
Mais, à mon sens, cela n'explique pas tout. J'ai quelques amis polyglottes (selon Wikipedia, ils seraient même hyperpolyglottes) et tous sont de culture centre-européenne; ils expliquent invariablement leurs aptitudes par le spectre très étendu des langues slaves, en l'occurrence polonaise et tchèque ou slovaque, et de la langue hongroise. Or, le cinéma étant le principal cheval de Troie (ce que ne nieront pas les thuriféraires de l'exception culturelle...), les films étaient systématiquement doublés dans le bloc soviétique (en Pologne et Tchécoslovaquie à tout le moins), encore qu'il s'agissait d'un bien étrange doublage: un même narrateur, Prométhée de la pellicule, couvrant de son timbre monocorde et asexué (n'était-ce pas la Gay Pride ce jour?), les répliques de tous les protagonistes, l'argument du sous-titrage, que je puis concéder pour les pays scandinaves, ne vaut donc pas ici.
Bref, on finit par en conclure que les langues latines agencent un plus faible spectre de sonorités. Je ne verserai pas dans la bêtise qui fait du français la plus belle langue du monde; mais concédons toutefois que les plus hauts achèvements n'ont pas besoin de diversité...

PS: voilà à quoi ressemble l'étrange doublage évoqué supra.
Ce classement PISA/OCDE me paraît aberrant. Il est impossible à mes yeux que le Japon arrive derrière Hong-Kong et Shanghaï (qui s'écrit quand même avec un "h") dans la lecture et les mathématiques. Je connais ces trois pays depuis plus de trente ans, j'ai été enseignant un moment dans l'un d'eux. Ca n'est pas possible. La présence de Shanghaï au sommet ne me paraît possible que par choix d'un échantillon d'instituts (qui se comptent sur les doigts de la main) nullement représentatif du niveau général.

Le Japon est sans doute le pays au monde où le degré d'instruction (comme on disait jadis) est supérieur à tous. La plus insignifiante des femmes de ménage peut rédiger en chinois classique (j'en ai fait l'expérience, à ma grande stupeur). J'y ai vu un jeune homme se destinant à une carrière dans la finance qui, dans ses devoirs à la maison, devait commenter un écrit Han (2eme siècle de notre ère) présenté dans la langue d'origine (attention je ne dis pas que ça l'enthousiasmait). Le degré d'analphabétisme (ou d'illettrisme, comme il ne faudrait pas dire), est au Japon le plus proche qui se puisse imaginer du zéro absolu.

A Jean-Marc qui écrit "on ne parle pas néerlandais à Djakarta" : on le parlait. Il y a encore une vingtaine d'années, j'ai cotoyé, brièvement, des personnes âgées, à Bali, qui le parlaient encore, près d'un demi-siècle après le départ des Hollandais.

J'ai connu une époque (le milieu des années 80) où à Taïwan, pourtant très isolée internationalement, le niveau de langue écrite (chinois traditionnel) et de science était incommensurablement supérieur à celui que l'on pouvait espérer trouver dans la jeunesse de Shanghaï à ce moment; même si Shanghaï a pu faire des progrès depuis, il est impossible que les courbes se soient à se point inversées. Pourquoi Taïwan est-elle abstente de ce classement ?

Ce tableau fleure bon la propagande (géo)-politique, et doit beaucoup amuser les Luxembourgeois qui y figurent "en dessous" de nous autres.
En fait, et pour répondre à Francis, PISA n'y est pour rien, c'ets la présentation du Figaro qui est réductrice.

Je suis allé voir les données de base. Shanghaï, Hong Kong et Singapour sont portés en maigre car il y a eu sélection d'établissements.

Le tableau est mal présenté, si on fait la somme, le Japon se situe tout en haut, immédiatement sous la Finlande.

Taiwan apparaît dans le PISA OCDE, avec des notes de 543 en mathématiques et 520 en autres sciences, pour 529 et 539 au Japon et 497 puis 498 en France, ce qui est bien triste.

Taiwan, à la hauteur du Japon en sciences, donc très haut, lui cède un peu de terrain en lettres.

Il faut plutôt retenir des ordres de grandeur :

- la Corée, le Japon, Taiwan, l'enseignement privé de Shanghai, celui de Hong Kong et Singapour, très haut ;

- haut ou très haut, la Hollande, la Finlande, la Norvège, l'Islande, mais aussi l'Australie ;

- très solides, car au dessus de la moyenne, les Etats-unis ;

- en dessous globalement, mais en même temps plus haut pour ce qui est technique, l'Allemagne ;

- faible, la France, et de façon uniforme, aucun point fort ;

- mauvais, l'Europe du sud.

Je ne pense pas que dire que les pays d'Asie où les élèves bossent et où les professeurs font apprendre ont des résultats mérités soit faux.
29 juin 2013, 22:19   Belle et parfaite
"Je me demande comment ils font pour être meilleurs que nous."

Ils font qu'ils ne sont pas Français et n'ont pas, je suppose, appris l'histoire de leur pays à des générations entières dans ces termes :

"En ce temps-là déjà [Le moyen-âge] la France était célèbre parmi les autres peuples.
En France, d'abord, et partout ensuite, on bâtit ces belles églises qui, par leurs fenêtres hautes, leurs tours et leurs flèches, semblent s'élancer vers le ciel.
Il y avait encore des écrivains qui écrivaient en latin, et l'on enseignait en latin dans les grandes écoles. Mais peu à peu le latin s'était transformé; il était devenu la langue française.
Cette langue n'était pas encore à beaucoup près celle que nous parlons. Il faut, pour créer une langue belle et parfaite comme la nôtre, le travail de beaucoup d'écrivains les uns après les autres. Mais déjà notre langue savait dire beaucoup de choses en vers et en prose. [...]

La France admirée.
Notre langue était admirée dans toute l'Europe; on disait qu'elle était délectable, c'est-à-dire délicieuse à parler.
On admirait aussi la bonne grâce et les belles manières qu'on appelait la courtoisie française.
On disait que la France était le plus beau royaume après celui du ciel.
Malheureusement, elle allait avoir beaucoup à souffrir d'une guerre contre les Anglais qui dura plus de cent ans."

In Histoire de France - cours moyen - classes de 8ème et 7ème des lycées et collèges (Garçons et jeunes filles) Ernest Lavisse (1931)

Héritage de masse...
Qu'on me pardonne cette question d'ignorant, mais un Chinois et un Japonais se comprennent-ils, chacun parlant sa langue ?
Je pense que Francis nous parle d'écriture.
Citation
Alain Eytan
Qu'on me pardonne cette question d'ignorant, mais un Chinois et un Japonais se comprennent-ils, chacun parlant sa langue ?


Qu'on me pardonne cette question d'ignorant, mais n'est-ce pas là ce qui fut naguère nommé la "dialectique" (je veux dire le maître, l'esclave, et tout le toutim)?
Citation
Jean-Marc du Masnau
Je pense que Francis nous parle d'écriture.

Suis-je bête! (ou raciste, c'est selon...)
En effet, mais alors peuvent-ils se lire, chacun écrivant la sienne ?
Enfin, le degré de parenté est-il tel qu'ils peuvent, grosso modo, se comprendre, que la langue soit parlée ou écrite ?
(Euh... le "en effet" n'était pas le moins du monde à vous destiné, cher Uri...)
La réponse est complexe. La langue chinoise (mandarin et apparentées) et le japonais n'ont rien en commun au départ : ils font partie de deux familles de langues totalement différentes et l'on ne se comprend absolument pas oralement. Cependant, en adoptant les idéogrammes chinois, les Japonais ont aussi importé la prononciation du moment des dits idéogrammes qui servent donc également de signes phonétiques en japonais. Chaque idéogramme a donc en japonais au moins deux prononciations, une qui correspond à celle que le mot japonais correspondant a en japonais courant et l'autre qui théoriquement celle du chinois de l'époque de l'importation et qui sert surtout pour les mots écrits au moyen de plusieurs idéogrammes. Un Chinois qui n'a pas étudié le japonais ne saurait lire un texte japonais, d'autant que l'écriture japonaise comprend, outre les idéogrammes chinois, deux syllabaires inventés par eux. Les Japonais en revanche ont en général étudié plus ou moins sérieusement le chinois écrit classique et ils peuvent au moins deviner vaguement de quoi parle un texte chinois.
Non Alain, ils ne se comprennent pas en parlant. C'est le lot commun de l'Asie "de haute civilisation" : pour s'entendre, il fallait un écrit articulé sur des sémantèmes. Je me souviens dans un restaurant, des équipes de travailleurs, pas "ouvriers", mais peut-être "techniciens supérieurs" venus du Japon (les services après-vente des gros systèmes vendus par le Japon dépêchent leurs techniciens à l'étranger pour les opérations de réglage et maintenance importantes). Six hommes étaient attablés, en fin de repas, les alcools coulant à flot, une scène mémorable : tout le monde très égayé, parlant fort, ne s'entendant absolument pas, se servait de la nappe de papier pour griffoner les bons mots et les grosses blaques les uns aux autres : les han zi (sinogrammes) sont connus et correctement interprétés par les Japonais, qui en ont gardé dans leur langue de très anciens, certains tombés dans l'oubli ou la désuétude côté chinois.

Je me souviens d'une carte de la ville de Taipeh (Taïwan avait été colonie japonaise) entièrement légendée en kangji, intelligibles de tous, couramment utilisée à Taïwan, où la gare ferroviaire de Taipeh (huo che zhan [火車站] en chinois) était indiquée comme 駅 qui est le kanji eki, tombé en désuétude dans le monde chinois mais retenu au Japon, compris à Taïwan et incompréhensible à Hong Kong (vérification faite).

Mais vous savez, un Chinois de Canton qui ne parle que le cantonais et un Chinois de Pékin que le pékinois doivent recourir aux mêmes truchements de l'écrit.

Le cas de ma femme de ménage japonaise, qui était une servante de ryokyan, dame d'âge mûr, dans le nord du Japon, près d'Aomori : c'était la première fois que je mettais les pieds au Japon, en 1990, je venais d'arriver. Je n'avais pas eu le temps d'apprendre comment se disait "petit déjeuner" en japonais et mon chinois n'était pas entendu. La dame, qui voulait me demander à quelle heure je le prendrais, s'agenouilla devant un coin de table basse et traça avec grande élégance et régularité de traits ces quatre sinogrammes, en les prononçant en onyomi : 朝 食 何 時 ? Dans cet instant je pris la mesure de l'état de la civilisation dans ce pays.
Mais je vous en prie, cher ami.

à propos 朝 食 何 時, qui se lit chao shih he shi signifie "à quelle heure prendrez-vous le petit déjeuner ?" mais écrit dans un chinois antique, comme si j'avais été un prince en voyage à l'époque des Six Dynasties. J'en fus bouleversé.
Tiens, voilà un bon exemple : en japonais,

朝 se lit chō (prononciation dite chinoise) ou asa, le mot japonais qui signifie le matin

食 se lit notamment shoku ou ta(beru), le mot japonais qui signifie manger (complété par les kanas be et ru)

何 se lit ka ou nan, nani, le mot japonais signifiant quoi, combien, quand, comment

時 se lit ji ou toki, le mot japonais signifiant le temps (qui passe), l'heure

Ainsi, un Japonais regardant cette séquence matin, repas, quand, heure comprendra qu'il s'agit sans doute de l'heure du petit déjeuner. Mais, sans le contexte il ne pourra pas deviner, s'il n'a pas étudié le chinois, qu'il s'agit d'une question adressée à quelqu'un pour savoir à quelle heure cette personne prendra son petit déjeuner. En japonais, cette question s'écrit ainsi :

何時間であなたは朝食を食べるようになる : Nanjikan de anata wa chōshoku o taberu yō ni naru

On reconnaît les quatre idéogrammes chinois (plus 間 pour former jikan, l'heure), auxquels s'ajoutent les kanas pour les terminaisons et les mots complémentaires comme "vous".
Vous remarquerez que quand les idéogrammes sont prononcés "à la chinoise", cela ne donne pas les mêmes sons : 何 時 donne chao shih en chinois (sans les tons) et nanji en japonais.
Oui, excellente illustration de la "syntaxisation" du japonais par rapport au chinois classique essentiellement sémantique.

En chinois putonghua (vernaculaire, soit, au fond "syntaxisé"), la question "à quelle heure prendrez-vous le petit déjeuner?" donnera :

Zai ni she me shi hou chi zao fan ?
在你什么时候吃早餐 ?

où toute déférence est envolée et qui sens déjà tout son "parler des camarades".

ou à Taïwan et Hong-Kong (idéogrammes non simplifiés):
在你什麼時候吃早餐 ?

(petite correction à apporter à la dernière ligne du message de Marcel, qui écrit:
何 時 donne chao shih en chinois (sans les tons) et nanji en japonais.

En chinois 何 ne se prononce pas chao mais he troisième ton.)
L'inique école française




Qui sait, au juste, comment sont établies ces études PISA ? En effet, si les textes proposés en compréhension écrite sont très différents (mettons un extrait de Balzac ou de Madame de Sévigné en France contre un extrait de "La cabane magique" ailleurs ) n'est-il pas étonnant que les scores soient dissemblables ?

Il en va de même pour le choix des exercices en mathématiques.

Par ailleurs, je remarque que le résultat de ces études PISA sert à culpabiliser les Français dont l'école est abominablement élitiste et laisse sur le bord du chemin les pauvres petits enfants issus de la diversitude qui n'en connaissent, ni apprécient la langue.

Remonter un niveau demande, somme toute, un tripatouillage des épreuves et c'est ainsi qu'au baccalauréat professionnel, afin d'obtenir des pourcentages flatteurs, on propose une chansonnette plutôt qu'un extrait de roman, même simple.
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