Je parlais de la dépouille, du "cadavre" (ce mot est de Philippe Sollers, appliqué à lui-même) de Mme Joly, de Mme Bardot, qui seront, qui sont semblables. Je n'ai pas le temps, ni bien sûr le talent de vous dire à ce sujet le mot exact, savant, qui résumerait mon propos: le
masque peut-être. Les femmes vieilles ont un masque épouvantable, ce qui n'est pas le cas des hommes âgés. J'éprouve ce phénomène de manière très intimement mêlé comme social, culturel et naturel tout à la fois. Mme Bardot est une sorcière comme les enfants ont peur du loup qui n'existe pas, n'a jamais existé.
La beauté féminine existe comme exosquelette contre l'absence de pardon qui frappe les femmes. Et cette absence de pardon est probablement corrélable à l'absence de toute dette des femmes envers la société (leur "nudité de dette") et les hommes mais aussi, tout aussi bien, envers les autres femmes. Il s'agit de dette au plan du savoir -- elles paraissent sans dette envers la connaissance: la plupart sont sans maître ni maîtresse. Ni Brigitte Bardot, ni Eva Joy (femme assez mystérieuse, d'où vient-elle ?) ne vous nommeront facilement un maître, un philosophe, un éclaireur avec reconnaissance de dette,
et c'est en cela qu'elle sont des sorcières. L'accusation de sorcellerie découlait de cela: les femmes sont investies d'un savoir sans dette, et leur connaissance des simples et des potions (remèdes de "bonnes femmes"), sans trace dans le tronc commun des savoirs et des enseignements, de même que leur connaissance intime des hommes qu'aucun homme ni femme ne leur enseigne jamais, n'est grevé d'aucune dette. L'absence de dette produit chez les créanciers frustrés des envies de meurtre, de lapidation, de bûcher, de bannissement, de crachat. Le désendettement naturel est anti-social comme l'est le meurtre, il appelle le châtiment.