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Jean Raspail et le grand remplacement

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
07 janvier 2012, 07:13   Jean Raspail et le grand remplacement
Jean Raspail : « La charité conduit au désastre »

À l’occasion de la réédition du Camp des saints, Jean Raspail revient pour nous sur son œuvre phare. Publié pour la première fois en 1973, ce roman pointe l’immigration et ses conséquences pour la civilisation occidentale.

L’Action Française 2000 – Votre roman Le Camp des saints, mais également l’excellent article que vous aviez publié dans le Figaro le 17 juin 2004, « La patrie trahie par la république », décrivent avec réalisme, lucidité et un grand sens prophétique la situation très sombre de notre pays. Le salut temporel de la France, s’il est encore possible, ne passe-t-il pas selon vous par une intervention providentielle ?

Jean Raspail – Il me paraît en tout cas évident qu’un retour du sens de la transcendance et du sacré est indispensable au destin français. Si légitime que soit la résolution des difficultés économiques que nous connaissons, on ne peut considérer que l’horizon d’un pays se borne à de telles considérations. Un pays, c’est une longue durée, un passé, un avenir, une magnifique continuité que la République – nous sommes entre royalistes - ne peut en rien incarner. Un journaliste anglais a dit de la reine d’Angleterre – mais cela est vrai de n’importe quel souverain - qu’elle sacralise les peines, les joies et les espérances de son peuple. C’est exactement cela. Nul besoin de se référer au droit divin ou à quoi que ce soit d’autre. J’ajoute que si un tel retour devait se produire, il ne s’incarnerait peut-être pas nécessairement dans une forme monarchique. À mon sens, il n’y a toutefois pas de salut à attendre : il peut encore se passer bien des choses, peut-être même pas si calamiteuses que cela, mais la France achèvera peu à peu de se transformer en un pur espace géographique et ne sera dès lors plus elle-même.




Qui est ce Big Other, ce "Grand Autre" que vous évoquez dans votre préface à la réédition du Camp des saints ? Le Big Brother de George Orwell, dans 1984, incarne le totalitarisme brutal qui interdit toute libre expression de la pensée - il se montre d’ailleurs extrêmement efficace dans cette tâche. Mutatis mutandis, il en est de même de Big Other, ce "Grand Autre" constitué de traits épars, de divers éléments idéologiques cristallisés et coalisés – sans qu’il soit question de je ne sais quelle conspiration - tendant à détruire les assises de notre pays au nom du fameux "accueil de l’autre", l’une des plus indigestes tartes à la crème dont nous sommes gavés et dont l’Église catholique elle-même abuse, sans parler des organisations humanitaires ! « Le regard de l’autre, l’accueil de l’autre, que va penser l’autre... » Et merde ! Ces gens, très nombreux, ne ratent jamais une occasion de s’agiter. Pourquoi faire preuve d’une faiblesse volontaire à l’égard d’une menace étrangère qui ne manquera pas de nous submerger ? Ces personnes, de toutes origines, sont au fond les alliés et même les disciples de ce "gourou" hypothétique qu’est l’"Autre", ce Big Other dont le magistère, en France mais également dans toute l’Europe, contribue à diriger les consciences et contre lequel il est très difficile de réagir. Les catholiques confondent-ils quant à eux l’Autre et le prochain ?

Je respecte le pape Benoît XVI mais ses récentes déclarations ont été malheureusement très loin. Imaginez, telle est l’hypothèse du Camp des saints, que des millions de personnes arrivent chez nous – c’est d’ailleurs ce qui se passe, mais sur une période historique plus longue. Les refouler efficacement impliquerait de se montrer extrêmement ferme, or, ce ne sera pas le cas : d’abord, parce que l’on ne voudra pas, ensuite, parce que la charité chrétienne le défend. En quelque sorte, la charité nous conduit au désastre ! En d’autres termes, si nous appliquions la manière forte, nous nous mettrions en contradiction avec nous-mêmes. La situation est donc insoluble, sauf si nous sommes confrontés à un point de rupture colossal, ce qui n’est d’ailleurs pas impossible. Dans ce cas-là – je sais que mes propos sont un peu durs -, il faudra avoir le courage de ne plus pratiquer les vertus chrétiennes. En résumé, dire "oui" au nom de la charité, c’est nous perdre, et dire "non" à la charité, c’est risquer également de perdre... notre âme.

Les Français perçoivent-ils la gravité d’un tel enjeu ? La réédition du Camp des saints s’est vendue à plus de 50 000 exemplaires en deux mois. Avec l’affaire Zemmour ou les débats que nous connaissons autour de l’immigration ou de l’arrivée des Tunisiens à Lampedusa puis en France, je crois que nous sommes à un tournant. Les gens se posent des questions ; les éditorialistes s’agitent. Des décisions devront être prises dans les toutes prochaines années. Après, l’opinion sent bien qu’il sera irrémédiablement trop tard. La meilleure preuve de ce que les consciences sont en train d’évoluer, c’est que mon roman ne fera à mon avis l’objet d’aucune poursuite judiciaire. En condamnant Zemmour pour une réflexion qui me semble anodine, les sectateurs de Big Other ont marqué, si j’ose dire, leur dernier but.

L’étau se desserre un peu... Je le crois. Autrefois, les milieux du pouvoir, qu’il soit intellectuel, médiatique ou politique, me considéraient comme infréquentable mais ce n’est plus du tout le cas depuis quelques années. Sauf pour une certaine presse comme Le Nouvel Observateur ou Libération – dont je considère les insultes comme un honneur –, Le Camp des saints est désormais une sorte de classique. Quelqu’un comme Renaud Camus sortira lui aussi de l’ostracisme dont il est victime. Même si je ne l’ai quasiment pas lu, j’approuve sa notion de "grand remplacement" démographique.

Les Français ne cultivent-ils pas une certaine "haine de soi" ? Je suis d’autant moins sûr qu’il s’agisse du mot juste qu’il est employé aujourd’hui à tort et à travers et que l’on en abuse. Sans doute pourrait-on parler d’animosité, de regret, de honte... Les Français, me semble-t-il, ne haïssent pas la France. Plus simplement, ils s’en sont éloignés : l’idée française, pour eux, ne représente plus rien. Ils placent la grandeur de la France dans des petitesses. Vous avez qualifié Le Camp des saints de « texte allégorique ». N’est-il pas également tragique ? Il s’agit d’un roman tragi-comique comportant des éléments de bouffonnerie. En tant que tel, révérence gardée et toute comparaison mise à part, il pourrait être qualifié de shakespearien – j’admire Shakespeare, dont j’ai lu toutes les pièces.

Le rire peut-il être une arme afin de dénoncer les travers d’une époque, voire une époque dans son ensemble ? Le rire ou le sens du comique ne suffisent pas pour décrire la situation dans laquelle nous nous trouvons même si, par exemple, j’aime beaucoup les livres de Philippe Muray que je trouve à la fois intelligents et nécessaires. En effet, à un certain stade, la gravité des problèmes est telle qu’il con-vient d’utiliser d’autres registres littéraires. La bouffonnerie, quant à elle, ne suppose pas forcément le rire. Voyez les bouffons du roi !

Votre conception de la France – évidemment charnelle, nous en revenons toujours à l’incarnation – est-elle également redevable à Péguy ? Il figurait dans la bibliothèque de mon père – c’était d’ailleurs son dieu - et je l’ai lu beaucoup et passionnément - comme Claudel, d’ailleurs - jusqu’à ce qu’il finisse par m’emmerder, mais sa lecture constitue un moment clé de ma formation, oui, bien entendu.

Vous avez fait état de votre royalisme. Quelle en est votre conception ? Celle de mon roman intitulé Sire ! Le jeune roi bernanosien, à cheval, qui porte l’étendard ! J’ai lu presque tout Bernanos mais je vous confesse n’avoir jamais lu Maurras. Je ne suis pas maurrassien même si mon père avait ses œuvres complètes. Je n’ai en effet jamais éprouvé le besoin d’aller chercher des fondements théoriques à ce qui est pour moi d’une évidente simplicité. De la même manière, je n’ai pas besoin de lire deux mille pages de Pierre Boutang - pour lequel j’ai le plus grand respect et que je connaissais d’ailleurs un peu - pour être con-vaincu qu’il n’est pas possible, hors la royauté, de revoir briller l’étincelle du sacré dans le pouvoir ou, pour les Français, de retrouver un destin commun. De la royauté, je prends tout, même les chapeaux que j’ai vus tout à l’heure lors du mariage du prince William ! La monarchie est à la fois profonde, enfantine à certains égards, décorative même mais aussi émouvante. C’est parce qu’elle recèle infiniment de choses qu’elle est intéressante ! De surcroît, c’est un roman perpétuel et pas au sens des tabloïds, au sens le plus littéraire qui soit !

Propos recueillis par Louis Montarnal
C'est Raspail lui-même qui a dit Pas de Dieu pas de Roi, alors ne rêvons pas !
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