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Barcelone, qui n'est pas Marseille

Envoyé par Francis Marche 
Hier, après les propos de Valls sur le regroupement familial, l'un de ces hommes aurait dit, comme le pensent des millions de Français: Mais évidemment qu'il faut revenir sur ce dispositif catastrophique, le ministre de l'Intérieur à cent fois raisons!

C'est que Valls a dû visiter Marseille. Les autres non. Quand à ceux qui ayant visité Marseille, cette latrine doublée d'un coupe-gorge, se déclarent encore partisans du maintien du dispositif dit "regroupement familial", autrement dit du processus de concentration de populations étrangères dans le pays France que ces populations considèrent avec hostilité ou dans le meilleur des cas sans amitié ni désir de le connaître ni d'épouser son histoire et son identité, ceux-là, ces salopards en quête d'une clientèle et d'une assise électorale pérenne dont ils ont besoin pour s'imposer dans le jeu politique séculaire du pays France où ils peinent à faire leur chemin, ceux-là, qui se nomment le groupe EELV, qui sont ces salopards qui misent sur un Cheval de Troie pour se faire une place au soleil politique que le peuple historique de France leur refuse, et qui sont prêts à donner et à détruire le pays pour pouvoir s'en accaparer les rênes, seront porteurs d'une responsabilité historique écrasante dans les événements qui couvent.

Hier, je suis passé par Barcelone, c'était le soir. La traversée de Barcelone un jeudi soir à 21 heures est à pleurer de rage pour un Français qui connaît Marseille. Voilà une cité méditerranéenne, une des plus grandes métropoles portuaires de la Méditerranée, à 250 km de Marseille par voie maritime, où les habitants, Catalans et Espagnols, par dizaines de milliers, déambulent gaiement, dans la sécurité d'une promenade urbaine (Las Ramblas). Toute le monde est identifiable à ce lieu qui lui ressemble, tout le monde se promène sans presser le pas, sans se hâter de se claquemurer derrière son digicode et son mur extérieur tagué d'horreurs, sans craindre le viol, le rodéo saignant, la flambée de violence incoercible, où tous vont paisiblement et se comportent comme les Barcelonais se comportaient dans l'été de mon enfance (1968) où j'avais vu cette ville pour la dernière fois, quand cette capitale gigantesque de la face occidentale du monde méditerranéen était moins propre, moins pimpante et moins opulente qu'aujourd'hui.

Or l'Espagne est moins "riche" que la France, et surtout, le taux de chômage y est supérieur à la moyenne française. Ce fameux taux de chômage qui selon les "ministres de la Ville" français qui se succèdent depuis 30 ans au moins, est cause de violence, de nocence, d'attaques de trains, d'attaques à mains armées, d'attaques à la voiture bélier, d'attaques sur les forces de polices, d'attaques des pompiers, d'assauts de commissariats (comme à Trappes le mois dernier), etc. C'est lui, le chômage, qui est fait tout ça, tout seul, et chez nous seulement, pas à Barcelone. Il le fait à Marseille, mais pas à Barcelone, pourtant distante de cette dernière que quelques encablûres sur la carte de l'Europe méditerranéenne. Telle est la pensée père-Ubu des dingues, des pitres, des manipulateurs et des complices d'assassinat qui nous gouvernent.

Il faut que tous ceux qui prétendent vouloir faire de la politique en France,se rendent à Barcelone pour un court séjour afin de voir ce que devrait être la France débarrassée de son mal, et pour commencer, mesurer les politiques criminelles dont le pays France est victime entre les mains de ses gouvernants depuis trente ans au moins.

Vue aérienne de Las Ramblas:


Je plussoie. J'étais à Barcelone début juillet. Une soirée entre amis dans cette ville, par beau temps, avec de jolies filles et de charmants garçons autour de vous, est un rare moment de bonheur. Quand on revient à Marseille, on a l'impression d'avoir changé non seulement de pays, mais de continent.
C'est une chose très surprenante, en effet. Connaissant très bien Barcelone et y étant souvent, je suis frappé par cette différence avec Marseille.

Pourtant, Barcelone est une ville et une province fort cosmopolites. Au dernier recensement, on comptait par exemple dans celle-ci 141193 Marocains, 10987 Sénégalais et 2 Botswanais.

Il faut croire que la façon de faire des Espagnols n'est pas sans incidence sur le comportement des étrangers accueillis.
C'est à cause du chômage que X. a brûlé son école, que Y. a tailladé le visage de sa copine., que W. a bousculé une vieille dame, que T. a hurlé "Mort aux Juifs!" et que G. a agressé des homosexuels.
Les mêmes réductionnistes apprécient par ailleurs Edgar Morin et la complexité.
La culture de l'excuse n'a pas sa place en Espagne.
Ceux qui n'ont pas le courage de regarder et de voir le cadavre de la France assassinée tel qu'il s'offre à leur yeux sur place, devraient se déplacer à Barcelone (ou à Donesta-San Sebastian sur la côte basque) pour en observer l'image en négatif. L'Espagne est un pays peuplé d'Espagnols (et de Catalans, et de Basques, Aragonais, etc.) qui contient des minorités allochtones qui ne nourrissent point l'ambition de conquérir le pays de l'intérieur.

Pourquoi vous opposez-vous à l'existence de minorités (musulmanes, etc.) au sein de la société française ? m'a demandé un jour une jeune anglaise bon chic bon genre et droit-de-l'hommiste to boots.

Parce que nos minorités sont d'un genre très particulier. Leur particularité se définit sur deux axes qui situent leur agenda :

En abscisse : ces minorités nationales visent à constituer des majorités locales qui en se formant par agglutinement et regroupement tribal évincent localement tout ce qui n'est pas elles. Leur statut de minorité est donc relatif à l'espace et à l'échelle territoriale dans lesquels on les considère : numériquement minoritaire à l'échelle nationale elles s'emploient à se constituer en des majorités locales (ce qui peut expliquer -- mais on va encore me reprocher du faire de la complotique -- que le parti socialiste français soient si favorable au vote des étrangers à l'échelon local et municipal : l'émergence d'une puissance politique et d'un agenda allochtones au plan national dont ce parti pourrait se faire le porte-étendard et assurer la pérennité de sa domination politique passe par une phase de conquête progressive des échelons inférieurs du millefeuille territorial).

En ordonnées : ces minorités rendues majoritaires n'ont aucune inclinaison à appliquer à elles-mêmes les lois élémentaires du respect des minorités en leur sein, celles-là mêmes qu'elles revendiquent que nous leur appliquions, absence d'inclination que le prosélytisme musulman ne fait rien pour corriger, il va sans dire. Se convertir ou dégager, libérer le terrain, faire place à l'installation d'un système sociétal, meursal et religieux sciemment antagonique à l'existant français, tel est l'agenda. Cette valeur en ordonnées est décisive : les minorités en mutation sont hostiles au terrain où elles s'implantent et se constituent en majorité. Cela n'est pas le cas, par exemple, aux Etats-Unis des minorités hispaniques qui s'implantent et se développent dans le pays d'Obama et de G.W Bush; ces minorités nord-américaines ne sont pas hostiles aux Etats-Unis; et de même, les minorités de Marocains qui résident en Espagne ne se déclarent pas en guerre larvée, ni en guerre pas du tout larvée, avec tout ce que Madrid, ou Barcelone ou Santander peut représenter d'espagnol, de catalan, de basque qui soit culturellement non-marocain.

Cependant que nos "minorités-à-vocation majoritaire" qui investissent l'espace national en France, et bien... si, elles le sont, en guerre larvée contre la France, et ne songent plus à s'en cacher. Leur objectif est simple : évincer la majorité, changer l'existant pour le rendre à leur image. La clarté de ce programme est admirable; par la clarté et l'éloquence franche de ses énoncés, ce programme est sans rival; il faudrait, pour lui trouver un rival ou un antécédent comparable, aller chercher du côté de Mein Kampf, ce que du reste ses tenants ne se privent pas de faire, tout aussi ouvertement et avec une effrayante candeur.
Quoiqu'étant convaincu que la douceur de vivre soit mieux préservée à Barcelone qu'à Marseille (ce n'est guère difficile, même si on est tout de même assez loin de l'atmosphère de carte postale de Vicky Cristina Barcelona), il m'avait toutefois semblé que les Barcelonais se plaignaient d'être envahis par des hordes touristiques de jeunes européens bruyants, ivres et noctambules, comme à peu près partout en Espagne, d'ailleurs, du moins dans les grandes villes ou stations balnéaires, lesquelles, ces hordes touristiques, gâchaient la vie des autochtones une bonne partie de l'année.
Cher Sébastien ou cher Delautremer, je ne sais vraiment pas comment m'adresser à vous : ce que vous dites sur les "hordes touristiques" des grandes villes espagnoles ou stations balnéaires est juste ; mais à ma connaissance ces "jeunes Européens" festifs n'agressent pas pour un regard jugé insuffisamment humble ou une cigarette refusée, n'insultent pas et ne tabassent pas les femmes court vêtues, ne chassent pas les gays dans les parcs et pratiquent assez rarement, il me semble, l'égorgement halal.
Le short et l'appareil photo en bandoulière sont aussi des agressions nauséabondes qui attentent à la dignité de la personne humaine.
En effet, de même que les tongs dans les musées et les tatouages maoris sur les mollets pâles et velus exposés à l'heure du petit déjeuner en terrasse. Mais enfin, il y a des degrés à l'agression nauséabonde, et on en connaît de pires que ceux-là.
Citation
Francis Marche
... les tongs dans les musées...

Si vous pouvez vous procurer le magazine Gavroche là où vous résidez, vous trouverez en pages intérieures du numéro d'août mon commentaire sur le sujet.
Possédant depuis près de quarante ans un appartement en Catalogne, et m'y rendant très souvent, je pense pouvoir apporter certaines précisions.

Les jeunes en question font du bruit, boivent, vomissent, tombent des balcons, c'est vrai. Cela étant, ils n'agressent pas la population et leurs activités sont limitées soit à des villes précises (LLoret, qui ne vit que de ça) soit à des quartiers spécifiques (la place St Pierre, à Toulouse, ne vaut pas mieux).

D'autre part, les Espagnols (et les Catalans) sont beaucoup plus tolérants au bruit que nous, ce qui est une nocence en France ne l'est pas forcément en Espagne.

La ville où se trouve mon appartement compte 19896 habitants, dont 6861 étrangers (plus du tiers) et, parmi eux, 2512 Marocains. Il n'y a aucun problème grave.

La police (Mossos) patrouille sans cesse, les délinquants (qui commettent un peu moins de méfaits qu'en France mais en commettent quand même un certain nombre) sont mis en prison et non relâchés.

L'Espagne n'a pas la culture de l'excuse, on ne peut pas, surtout en Catalogne, faire le coup des "heures les plus sombres" : les gens de plus de cinquante ans les ont connues, ces heures-là, on ne peut pas leur dire n'importe quoi.

D'autre part, la fierté "nationale" est grande en Catalogne : un instituteur, un professeur se doit de montrer les bons côtés de la Catalogne à ses élèves, et ne passe pas des heures à rappeler les temps nauséabonds de la colonisation.

Les Marocains, souvent riffains, se sentent très peu arabes (c'est un euphémisme), ils parlent espagnol. L'Espagne a une longue pratique des Marocains, elle a perdu Tetouan mais gardé Ceuta et Melilla.

Les Marocains d'Espagne ne s'entendent pas dire toutes les cinq minutes que leur pays d'origine est splendide et leur pays d'accueil de la merde (pardonnez-moi l'expression), ni que les délinquants immigrés doivent se voir excusés.
Citation
Jean-Marc du Masnau
La ville où se trouve mon appartement compte 19896 habitants, dont 6861 étrangers (plus du tiers) et, parmi eux, 2512 Marocains. Il n'y a aucun problème grave.

Pas du tout, ces chiffres sont faux. Il y a 19898 habitants, dont 6862 étrangers et, parmi eux, 2510 Marocains.
Aladin, pour faire apparaître le Génie, frottait sa lampe.

N'étant pas le jeune Aladin et n'ayant pas de lampe merveilleuse à ma disposition, je me borne à aligner des chiffres. Hélas nul génie ne paraît mais Dangle surgit tel un nouvel impôt à un congrès socialiste, parfois aigu, souvent obtus.
Non, il a raison : un nombre d'habitants d'une ville qui en compte une vingtaine de milliers cité à l'unité près cela n'a aucun sens pour au moins deux raisons : l'incertitude du comptage, qui est très supérieure à l'unité, et la variation dans le temps.
Je me borne à reproduire les résultats du recensement espagnol. Chacun peut ensuite arrondir comme il veut. Il faut bien partir d'une base.

Dans cette ville, plus d'un résident sur trois est étranger. A peu près un résident sur huit est marocain.

Certes, en Espagne, une certaine criminalité est liée à l'immigration. Cependant, ses effets sont beaucoup plus limités qu'en France. Il serait à mon avis intéressant de comprendre pourquoi.

Un mot, ou plutôt un lien, dans la série des "bourrages de crâne identitaires".

Alors que Francis Marche, qui ne peut être suspect de complaisance, souligne combien l'Espagne est différente de notre pays, l'Observatoire de l'islamisation n' hésite pas, lui, à pressentir une Catalogne islamique, voyez plutôt en date du 14/02/2012 :

[www.islamisation.fr]
Utilisateur anonyme
25 août 2013, 06:46   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
"pour pouvoir s'en accaparer les rênes".
Non : pour pouvoir en accaparer les rênes : ce verbe n'est pas pronominal, malgré une propension croissante à l'employer comme s'il l'était.
Pas d'accord Buridan, en dépit de ma propre hésitation quand j'ai opté pour la pronominalisation de ce verbe. Dans la grammaire de grand-papa cela s'appelait "un verbe non essentiellement pronominal", comme l'est attirer (ex. s'attirer des ennuis en se montrant péremptoire dans l'analyse grammaticale des énoncés d'autrui)

Autres exemples de verbes de même initiale non essentiellement pronominaux : acheter, arrimer, appeler, asseoir, accrocher, etc.
Je pense que Francis a raison, et je vois là plutôt le fameux "datif éthique" qui m'est cher. Le locuteur inisiste par le datif éthique (datif d'intérêt) sur l'agent qui bénéficie de l'action, ou qui a intérêt à l'action. Notez, cher Buridan, que Francis sauvegarde parfaitement le caractère transitif d'accaparer.

Exemple de datif éthique littéraire, qui fait d'ailleurs hésiter Proust :

«Bouleversez-vous comme ça et vous me ferez demain 39 de fièvre».
Utilisateur anonyme
25 août 2013, 13:41   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Aimable Francis Marche, vos exemples sont erronés : vous donnez des verbes transitifs avec lesquels les pronoms personnels réfléchis sont compléments d'objet ("j'achète qqchose à qq'un" - "je lui achète qqchose" - "je m'achète qqchose"), alors qu'on ne peut pas dire "je lui accapare qqchose" - ce verbe n'admet qu'un Cod, pas un Coi. Très aimable Jean-Marc, vous avez raison, mais le datif éthique a bon dos : celui qui n'emploie jamais "accaparer" sans pronom complément réfléchi, et qui dira par exemple, "je m'accapare d'abord cette chemise, puis je la porte et ensuite je la donne à mon petit frère", et non pas "...je me la porte et je me la donne à mon petit frère", il n'emploie pas dans le premier cas un datif éthique et dans les deux autres cas la forme standard, mais il fait une faute, sur le modèle probable de "s'emparer" ou de "s'approprier", verbes essentiellement pronominaux, eux, faute ayant probablement aussi son origine dans l'oubli du sens "d'accaparer", qui ne signifie pas "prendre" mais "monopoliser", c'est à dire "prendre (indûment) pour soi (en en privant les autres)" : cette faute aboutit donc à un pléonasme (et je ne critique pas cet emploi pour le plaisir de critiquer, mais parce que lire cette expression m'est pénible ; et, bien entendu, parce que la langue employée sur ce site est en général un plaisir). A noter qu'on pourrait - assez acrobatiquement - dire "je m'accapare" : "j'accapare Jacques" - "je l'accapare" - "dans cette soirée, je me suis accaparé : personne n'a pu m'adresser la parole".

Ou du moins tout ceci est ce qu'il me semble...
Aimable Buridan, je défends ma liberté de penser que "s'accaparer les rênes du pouvoir" est plus fort, plus "sensible", coloré même, si vous voulez, que "accaparer les rênes du pouvoir", et je crois comme Jean-Marc que le fameux datif éthique est pour beaucoup dans cette différence. Votre affirmation que ce choix d'emphase constitue une faute me gêne assez. Je fais des fautes, souvent et beaucoup, mais pas celle-là : ayant douté dans un premier temps de la légitimité de la forme pronominale appliquée à ce verbe, j'ai consciemment opté pour elle.

Du surcroît, je ne suis pas du tout convaincu par vos arguments de grammairien, lorsque vous déclarez :
vous donnez des verbes transitifs avec lesquels les pronoms personnels réfléchis sont compléments d'objet ("j'achète qqchose à qq'un" - "je lui achète qqchose" - "je m'achète qqchose"), alors qu'on ne peut pas dire "je lui accapare qqchose" - ce verbe n'admet qu'un Cod, pas un Coi.

Vous rejetez acheter alors qu'il est un des verbes non-essentiellement pronominaux par excellence (http://www.visezjuste.uottawa.ca/pages/grammaire/pp_verbes-pronominaux_non-essentiellement.html) avec, par exemple, embrasser ou coucher. Qu'est-ce qu'un verbe non essentiellement pronominal sinon précisément ce que vous reprochez à acheter d'être ?

Selon vous le verbe s'asseoir n'existe pas ? Il n'est que le verbe transitif "asseoir" avec "moi" pour Cod ?

et s'ennuyer ? J'ennuie moi ?

Citez-moi dans ce cas un verbe pronominal pur et dur qui échapperait à votre reproche de n'être qu'un transitif réflexif. S'émouvoir lui-même n'y coupe pas.

Tenez, vous me donnez envie de conclure avec un beau datif éthique à votre intention et pour votre édification:
Ce Buridan, je sens que je vais me le renvoyer à ses chères études !
Notre ami Buridan serait-il québécois ?
[bdl.oqlf.gouv.qc.ca]


En France:

S'accaparer défini comme pronominal et décliné dans tous les temps de la conjugaison par Larousse: [www.larousse.fr]

[la-conjugaison.nouvelobs.com]


[dictionnaire.reverso.net]

[www.linternaute.com]
Utilisateur anonyme
25 août 2013, 16:46   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
. Dictionnaire Larousse des difficulté de la langue française (1971) : La forme pronominale ne doit pas être employée à la place de la forme transitive : "ils ont accaparé des denrées interdites", et non "ils se sont accaparés..."
. Dictionnaire du bon français, Bordas, 1981 : Eviter la forme pronominale, qui n'ajoute rien au sens.
. Dictionnaire des difficultés du français, Robert, 1993 : On évitera de dire et d'écrire, sous l'influence de "s'emparer"...
. Texte en ligne du gouvernement du Québec (cité par vous), 2002 : "on évitera...".

C'est bien ce qu'il me semblait : il y a une tendance croissante à remplacer la forme non pronominale par la forme pronominale, qui autrefois était jugée fautive. Maintenant, dans certaines limites, on est libre d'accepter ou de refuser les évolutions en cours et, vous avez raison, Francis Marche, "s'accaparer" est plus fort, plus sensible, plus coloré, même si d'aucuns sont choqués par cette impure évolution par contagion de "s'emparer", ou préfèrent une langue plus économique, ou simplement sont linguistiquement conservateurs. Mais, vous avez raison, l'emploi ne peut plus purement et simplement être considéré comme une faute, car une faute que fait tout le monde ou à peu près n'est plus une faute, de même qu'un pouvoir issu d'un coup d'Etat, respecté de tous ou à peu près, finit par devenir légitime (le référendum de 1962 instituant l'élection du président de la République au suffrage universel était bien "une forfaiture" contraire à la constitution, mais le peuple a ratifiée cette forfaiture de multiples manières, et donc François Hollande est légitimement président de la République). De plus, une faute que tout le monde tend à faire est commise parce qu'elle va dans le sens de la langue, et il faut savoir quelquefois aller dans le sens de la pente en descendant, pas seulement en montant. Ma censure péremptoire était donc excessive, et donc fautive.

Maintenant, Francis, en ce qui concerne les explications données dans votre dernier message, je crois que nous sommes d'accord, contrairement à ce qu'il vous a semblé.
Dans "Je m'empare", verbe essentiellement pronominal, le pronom personnel n'est pas complément d'objet (et donc, évidemment, n'est pas réfléchi), je suis tout à fait d'accord avec vous.
Dans "Je m'ennuie", comme le sens est différent de ce qu'il est dans "Jacques m'ennuie", de même le pronom personnel n'est pas cod, et "s'ennuyer" est donc un autre verbe qu' "ennuyer".
Dans "Je lui achète un croissant et je m'achète un pain au chocolat", le pronom personnel est cod, et le verbe est occasionnellement pronominal.

Le problème avec 'je m'accapare", est que, comme le sens est le même qu'avec "j'accapare", on n'est pas dans le cas de "je m'ennuie". Cet usage tend donc à évincer l'usage non pronominal, et à ranger ce verbe dans la classe des verbes essentiellement pronominaux. C'est, par ailleurs, un verbe transitif. La classe des verbes transitifs essentiellement pronominaux est peu fournie. Elle ne comporte qu'un seul verbe : "s'arroger". Une innovation qui, à elle seule, double une classe de mots, je dirais qu'on peut douter un peu plus de sa légitimité... Pour "s'arroger", l'accord du participe passé se fait comme pour les verbes transitifs, et non comme pour les verbes essentiellement pronominaux : "Ils se sont arrogé le droit de...", "les droits qu'elle s'est arrogés...". On aurait donc le même type d'accord pour "s'accaparer" - à moins qu'on ne décide du contraire par plaisir d'ajouter une exception à la classe aux deux éléments...

Je conviens donc que, sur cette question, je n'ai pas eu le monopole de la vérité, laquelle j'ai donc, en un sens, accaparée, ou laquelle je me suis accaparée.
Excusez-moi, cher Marche, mais, une fois n'est pas coutume, vous n'êtes guère convaincant sur ce coup-là. « S'accaparer les rênes du pouvoir » est peut-être plus fort, plus « sensible », coloré, qu'« accaparer les rênes du pouvoir », mais n'en reste pas moins fautif. Plus d'expressivité n'est pas plus de légitimité, dans notre belle langue. D'autre part, vous indiquez des liens qui ne brillent pas spécialement par leur fiabilité : il faut leur préférer le Trésor (http://www.cnrtl.fr/definition/accaparer), ou le Grevisse, qui ne signale s'accaparer que comme une curiosité d'usage régional.
Utilisateur anonyme
25 août 2013, 16:52   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Une erreur dans mon message précédent : Dans "Je lui achète un croissant et je m'achète un pain au chocolat", le pronom personnel est complément d'objet, et non cod, comme j'ai écrit, erreur qui ne fait rien à l'argumentation, mais qui est regrettable.
Bien lu vos explications cher Buridan, dont acte.

Revenons à la faute (comme disent les commentateurs de match de football) de s'accaparer.

Vous n'ignorez pas que la grande majorité des verbes pronominaux ont trait sémantiquement à des gestes et des actions ayant pour objet et pour sujet le corps humain : se peigner, se courber, s'étendre, se répandre, puis, par synecdoque (ou métonymie, vous nous préciserez cela) aux sensations physiques puis aux émotions (s'enticher, s'émouvoir, s'énamourer, s'éprendre, s'indigner etc.).

Qu'est-ce qui, selon vous peut légitimer la faute syntactique de s'accaparer sinon, justement, ce trait pléonastique que vous lui reprochez et qui à mes yeux présente l'avantage, par le truchement de la forme pronominale, de faire surgir le geste de l'accaparement dans toute sa configuration physique et corporelle, et qui le rend ainsi très proche, en effet, de s'emparer de. S'accaparer au fond, est un mot-valise, une invention mineure quoique nullement insignifiante, parfaitement courante et acceptée (Larousse) qui permet de renforcer l'accaparement d'une dimension physique et plastique, d'une gestuelle figurée par la pronominalisation et qui, par parenthèses, se voit assez heureusement complétée par l'image des "rênes" du pouvoir dans le cas qui nous occupe. Cela s'appelle le style, au ras des pâquerettes, vous entends-je d'ici le souligner avec raison, certes, mais néanmoins revendicable comme tel.

Je ne suis pas un "créatif" de l'écriture, mais n'ignore pas pour autant que, jusque dans les textes techniques, le renforcement du message par emphase autorise à un minimum de créativité stylistique qui ne peut faire froncer les sourcils qu'aux grammairiens qui se cantonnent à une approche verticale du langage, et s'il en va ainsi des textes techniques qui tolèrent une petite licence stylistique, à fortiori, me semble-t-il, il doit en aller autant des textes où est communiqué un message politique.
Cher Buridan,

Vous distinguez le complément d'objet du cod ; or, un cod désigne aussi un complément d'objet. Nous avons donc deux compléments d'objets, l'un direct et l'autre indirect, ou d'attribution, ou second, suivant l'humeur du grammairien et sa chapelle. On peut aussi, s'inspirant de la grammaire grecque ou latine, ou même, allez, indo-européenne, parler de datif.
Ou d'accusatif, comme en latin.
Cher Jean-Marc du Masnau,

Je suppose que vous songez au double accusatif, qui existe aussi, me semble-t-il, en grec.
Oui, je pensais au très classique "Doceo pueros grammaticam", je crois que c'est d'ailleurs une forme très fréquente dans les langues indo-européennes, elle existe aussi en allemand et en anglais (par exemple, de Norman Mailer : "Francis gave Buridan a lecture", et l'inversion qui laisse l'objet en dernier).

Anecdotiquement, cela permet de dire très correctement, en français, "J'enseigne les enfants".
Utilisateur anonyme
25 août 2013, 19:08   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Cher Francis,
Je vous avais accordé que la transformation d' "accaparer" en verbe essentiellement pronominal avait des avantages. Dans votre dernier message, vous avez développé ces avantages si talentueusement que c'en est extrêmement convaincant.
1° N'oublions pas cependant qu' "accaparer" et "s'accaparer" sont incompatibles : ils ne peuvent pas coexister ensemble dans la langue (pas plus que les deux sens de "compendieusement", ou les deux sens de "coupes sombres"). Ce que vous proposez, je n'ai pas très bien vu si vous l'avez réalisé, c'est l'élimination d' "accaparer". En effet il est illusoire de penser qu'un même locuteur pourrait dire tantôt l'un, tantôt l'autre, selon les registres de langue : car ce n'est pas une question de registre de langue. Non : chaque locuteur d'un des deux usages percevra l'autre usage comme fautif. De telles éliminations sont extrêmement difficiles à obtenir. Des éliminations de prononciation, cela se produit très rapidement, des ajouts de nouveaux mots ou de nouveaux sens aussi (essentiellement par anglicismes), mais pas des éliminations dans la langue écrite. Ce que vous proposez, me semble-t-il, c'est un combat de trois cents ans.
2° A mon objection concernant le fait que la classe des verbes dont laquelle "s'arroger" est l'unique élément va doubler, on peut répondre évidemment que, puisque cette classe existe, qu'elle comporte un élément ou cinquante, c'est indifférent...
Ce que vous proposez, me semble-t-il, c'est un combat de trois cents ans.

En a-t-il jamais été autrement sur le Forum de l'In-nocence ?
"Francis gave Buridan"

N'est-ce pas plutôt le contraire ?
2° A mon objection concernant le fait que la classe des verbes dont laquelle "s'arroger" est l'unique élément va doubler, on peut répondre évidemment que, puisque cette classe existe, qu'elle comporte un élément ou cinquante, c'est indifférent...

Mais au fait, objecte le Grand Escalier le doigt levé et l'oeil grand ouvert, accaparer et s'arroger ne sont-ils pas, à un degré certain, synonymes ? Dès lors "s'accaparer transitif direct" n'est-il pas en partie justifié et légitimé par son synonyme hapaxique "s'arroger transitif direct" un peu esseulé dans la classe singulière où vous le tenez, cher Buridan ?

Pourquoi, dans ce cas, s'obstiner à considérer comme une faute l'adjonction d'un synonyme à un verbe par calque morpho-phonologique sur l'existant ? Il me semble que la néologie n'y verrait pas d'inconvénient rédhibitoire ni un péché capital ou bien si ?

J'écris morpho-phonologique parce que, voyez-vous, j'entretiens un petit soupçon sur la contrainte qu'exerce l'entorse à l'euphonie dans les conjugaisons au passé composé de ces deux verbes qui, n'eût été leur pronominalisation, devraient faire entendre des "il a arrogé // il a accaparé". Le son, ça compte aussi en grammaire. Le son et le sens -- à propos, quelle imbécile ce Bordas, d'écrire que cette transformation "n'ajoute rien au sens" -- TOUT ajout ajoute au sens, bien sûr! --, doivent faire bon ménage en langue, au point que c'est souvent celui-là qui fait marcher celui-ci à la baguette dans la création de néologismes, parfois à la consternation des grammairiens qui tendent à mentaliser la langue lorsqu'ils sont un peu rigides du tympan (pour ne rien dire du reste).
Utilisateur anonyme
26 août 2013, 09:19   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Cher Francis,
Je dois dire que vous me semblez un peu battre librement la campagne (pardonnez-moi l'expression un peu brutale...) avec votre jugement sur la proximité par paronymie d' "accaparer" et de "s'arroger". A peu près, on ne peut s'arroger qu'un droit ou un privilège, alors qu'on peut accaparer n'importe quoi ou n'importe qui, du ciel et du Ciel à l'enfer ou Enfer. C'est donc seulement dans le cas où le complément d'objet est "droit, privilège" que vous pouvez remplacer un des verbes par l'autre. Cela crée une différence radicale entre les deux verbes. De plus, le sens est quand même sensiblement différent : s'arroger un droit, c'est se l'attribuer, se le donner, ce n'est pas se le réserver (indument), le monopoliser. "Elle s'est arrogé le droit de se faire appeler Madame sans être mariée" n'implique nullement que la demoiselle se soit réservé ce droit et l'ait interdit aux autres. La paronymie est ici très ténue.De même : "La gauche accapare la bêtise" signifie qu'il n'y a pas de bêtise qui soit en reste pour la droite.
Je me demande s'il n'y a pas, sous-jacent à votre attitude, un sens de la langue excessivement poétique et quelque peu libertin..
L'entorse à l'euphonie dans l'emploi au passé composé ne me paraît pas bien considérable et le poids qu'a pu avoir cette entorse pour faire passer certains d' "accaparer" à "s'accaparer" a dû être extraordinairement faible (comme le gain obtenu par ce passage le serait) : c'est vraiment très facilement qu'on dit : "il a admis", il a affiché", "j'ai aimé", et très facilement aussi, je pense : "il a accaparé".

Et, la nuit - ou plutôt le petit jour - portant conseil, m'est venue encore une objection - laquelle je trouve personnellement décisive à elle seule - à la transformation d' "accaparer" en verbe essentiellement pronominal (car c'est bien de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas, je pense que j'ai établi ce point sous mon nom antérieur).
On ne peut pas s'arroger une personne, un interlocuteur, donc, mais on peut accaparer une personne. "J'accapare Jacques, ne laissant personne l'approcher" - "Je l'accapare" - "Je t'accapare" - Je vous accapare" (il me semble d'ailleurs que Charlus prononce précisément cette phrase à la soirée chez la Princesse de Guermantes dans "Sodome et Gomorrhe", en tout cas, s'il ne le fait, il l'aurait pu [après vérification, je ne trouve pas, mais je pose la question à meilleur connaisseur de Proust que je ne le suis : n'y aurait-il pas, dans la "Recherche", de la part de Charlus me semble-t-il, un "Je vais vous accaparer", ou un "Laissez-moi vous accaparer", dit d'un air cordial et gourmand ?]). Mais, si vous créez le verbe essentiellement pronominal, vous avez bien : "Je m'accapare Jacques" - "Je me l'accapare", mais vous ne pouvez avoir "Je me t'accapare", "Je me vous accapare" (ou alors, si vous voulez les avoir, il vous faut, si je puis dire, les créer aussi, d'une création séparée et supplémentaire, comme Dieu, pour certains, a dû faire avec l'homme).
Bref : "s'accaparer" ne rejoint pas la classe de "s'arroger", il en constitue une à lui tout seul (ou, si vous voulez, chacun des deux constitue une sous-classe dans la classe qu'ils constituent à eux deux), et vous allez mutiler un verbe, qui va perdre ceux de ses emplois dans l'interlocution qui font appel aux pronoms compléments. Mutiler un verbe... Le diminuer radicalement dans son aptitude à l'emploi dans l'interlocution... .
Cette objection me semble une des deux objections décisives, l'autre étant l'objection de type conservateur/pacifiste que j'ai formulée auparavant : cette innovation attiserait un conflit qui jusqu'à présent est relativement limité : le bon usage impose "arroger", beaucoup s'en abstraient sans que personne ne défende ni ne justifie cet écart.
Cher Martin Frèche,

Je me rends à vos raisons. Vous me voyez sur le flanc, perdant mon sang dans l'arène et je vous vois dressé tout là-haut, brandissant mes deux oreilles et ma queue au public conquis par vos arguments et acquis à votre art.

Il me ne reste plus qu'à aller me faire castrer en coulisse de mes "s" et de mes "s'" qui n'ont que trop indûment et trop longtemps sifflé à l'avant de mes verbes dans le but naïf et grossier d'alerter, tel le sifflet de la locomotive, le public hébété du passage du train de l'histoire.
Il faut avouer que le tir de barrage fut nourri, précis et, partant, destructeur.
Utilisateur anonyme
26 août 2013, 20:36   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Cher Francis,

Vous n'êtes pas mauvais joueur...
» Mais, si vous créez le verbe essentiellement pronominal, vous avez bien : "Je m'accapare Jacques" - "Je me l'accapare", mais vous ne pouvez avoir "Je me t'accapare", "Je me vous accapare"

Cette "bosse syntaxique" que vous décrivez là, qui résulte d'une compétition d’accusatifs qui se marchent sur les pieds, disparaît dès lors que vous utilisez le pronominal comme transitif indirect : « Je m'accapare de vous », tournure qui d'ailleurs est jugée tout aussi fautive que la première.
Apparemment, "s'accaparer", bien que n'étant pas "essentiellement pronominal" (c'est-à-dire usité seulement à la forme pronominale), ferait toutefois partie de la même catégorie que ces derniers, les pronominaux dits "subjectifs", cela parce que le deuxième pronom est inanalysable logiquement, est explétif et ne sort pour ainsi dire pas du sujet, à la différence des pronominaux réfléchis (s'amuser) et réciproques (se calomnier).
Cette forme pronominale non essentielle mais néanmoins subjective est assimilée, pour ce qui concerne les règles d'accord du participe, aux pronominaux essentiels, ce qui veut dire que le pronom est assimilé à un accusatif et donc exige l'accord, à l'exception de "s'arroger" justement, qui exprime une action réfléchie indirecte, mais qui lui est un pronominal essentiel.
Or tous les pronominaux transitifs non essentiels et subjectifs commandent dans la forme non pronominale le transitif direct (apercevoir, saisir), puis passent au transitif indirect comme pronominaux (s'apercevoir de, se saisir de).

Aussi la seule façon de rendre "s'accaparer" praticable semble bien être d'opérer cette modification de la transition lors du passage à la forme pronominale, de l'accusatif au datif ; si vous tenez absolument au pronominal pour ce verbe, ce me semble être le seul moyen.
Si j'ai bien compris Alain, vous construiriez s'accaparer sur le modèle de s'emparer (s'accaparer de; s'emparer de), ce qui aurait pour effet, au plan sémantique, de faire glisser la superposition synonymique partielle du côté de "s'emparer" et de l'éloigner de "s'arroger".

Cette hésitation ou ce flottement de la syntaxe de ce verbe "s'accaparer" ne sont-ils pas aussi la traduction de l'ambivalence de son empreinte sémantique ? Comme je l'avais écrit s'accaparer est une sorte de mot-valise qui se tient le cul entre les chaises que sont "s'emparer de" et "s'arroger", d'où son tourment syntactique.

Je crois impossible de faire de l'analyse syntactique en dehors des empreintes sémantiques des éléments lexicaux en jeu (du chevauchement partiel de ces empreintes qui dans ce cas influe sur les formes syntactiques, appelle chez elles une évolution ou une modulation ou cause une douloureuse indécision ou contestation de l'usage), non plus qu'en dehors des contraintes morpho-phonologiques.
À vrai dire Francis, je pensais aux pronominaux "s'apercevoir", "se saisir", s'attaquer", "s'attendre" etc. Tous sont des pronominaux subjectifs non essentiels qui modifient leur mode transitif dès qu'ils passent à la forme pronominale, du transitif direct (l'accusatif) au transitif indirect (le datif) ; en l'occurrence, le sens des verbes m'importait peu (ce doit être mon côté sèchement behavioriste), contrairement à vous, seulement la fonction (en fait, l'absence de fonction analysable) du deuxième pronom qui les caractérise comme "subjectifs", et le type de forme transitive que cela implique : "s'accaparer" me semble relever du même groupe, et devrait donc suivre les mêmes règles de construction dans la phrase, dans son usage éventuellement pronominal.
Je crois que M. Frèche a raison : le pronominal "s'accaparer" employé comme transitif direct est tout simplement impossible, étant donné la prolifération des compléments directs qui s'ensuit et nous bourre la bouche ; si vous tenez tant à la forme pronominale (je l'aime bien aussi), je ne vois pas d'autre solution...
Qu'est-ce qui rend s'accaparer un héritage plus impossible que, par exemple, se prendre un rateau ?

Merci de vouloir m'éclairer une fois pour toutes, chers tous.

Plus j'y pense plus je me dis que les arguties pseudo-savantes (et péremptoirement délivrées, selon la loi du genre) de MM Frèche et Dangle recouvrent une simple et viscérale aversion pour une tournure argotique, populaire et passablement inanalysable (inanalysable parce que tombant hors la grammaire de la langue écrite normalisée), que l'on trouve d'abondance dans des expressions bâties sur le modèle du "datif éthique" : se prendre une cuite; se taper la cloche, se faire la belle, etc.

D'autre part, tout le reproche de "pléonasme" que l'on formule confusément ça et là à l'endroit de "s'accaparer" est d'ordre purement sémantique (ne concerne nullement la syntaxe sauf à vouloir confondre "poétiquement" ces deux plans).

A tout prendre, ces messieurs s'épargneraient de leur temps et de leurs efforts en me reprochant simplement de "parler popu" au lieu de "petit marquis"; cela leur éviterait d'écorner inutilement les pages de leurs Grévisse et de leur Bordas et d'accaparer l'espace de ce fil qui n'en demandait pas tant.
27 août 2013, 04:04   Sans rire
Le "se" de "se mourir" et "se rire" est tout aussi inanalysable et n'a rien de "popu", au contraire ; non, je crois qu'il y a autre chose.
La règle fournit une indication : la plupart des pronoms "subjectifs" de la forme pronominale (dont le "se" de "s'accaparer") sont assimilés à des compléments d'objet directs, ce qui interdit pour le même verbe d'en avoir un autre : le participe doit s'accorder avec l'un de ces compléments, il ne le peut pas avec les deux en même temps s'ils diffèrent en genre ou en nombre.
Normalement, d'après la règle donc, l'on écrira : « Nous nous sommes accaparés ces trésors », le deuxième "nous" valant complément direct et commandant l'accord à la forme pronominale (qui suit les règles du participe conjugué avec avoir) ; jusque là, il n'y a pas trop de problèmes, mais qu’advient-il si vous écrivez : « Les trésors qu'elle s'est accaparés-accaparée » ? la règle dit que le pronom est un complément direct ; "les trésors" également. Dans ce cas de figure, le participe a cet air comique et hésitant d'un missile qui doit simultanément suivre deux sources de chaleur différentes.
Pour éviter cela, il convient en l’occurrence de distribuer différemment les compléments, et de n'attribuer de valeur "directe" qu'à un seul d'entre eux.

« Aucun objet ne peut être pensé en dehors de sa possibilité de combinaison avec d'autres objets. » (Wittgenstein, Tractatus, 53)
27 août 2013, 09:28   Re : Sans rire
Je verrais plutôt : elle s'est accaparé les trésors = elle a accaparé les trésors ( "trésors"cod placé après le verbe, pas d'accord) pour elle ( "s' " mis pour "pour elle, complément d'attribution ou coi, pas d'accord non plus).
Hou là Cassandre! si vous vous prenez à conjuguer "s'accaparer" comme le fait Larousse, vous vous exposez à chuter dans les sondages de l'In-nocence et à perdre l'estime de certains grammairiens qui y sévissent, sachez-le bien. A terme (trois cents ans environ), à cause de gens comme vous, accaparer aura été évincé de la langue, si vous l'ignoriez, prenez-en conscience et vite : "accaparer" à cause des plumes mal dégrossies qui n'ont jamais ouvert un Bordas, connaîtra immanquablement le triste sort de "préparer", tombé du language comme feuille morte à cause des saligauds qui déclarent sans rougir que "la tomate coeur-de-boeuf se prépare en salade", et lire même, tenez, à cause des goujats et des péquenots qui osent énoncer que "le chinois classique se lit de haut en bas".
Cher Francis,
les grammairiens qui sévissent ici sont redoutables et il me semble que vous n'êtes pas le dernier d'entre eux. Passionné par cette discussion - qui m'accapare ? -, je m'interrogeais sur l'opportunité d'ouvrir un fil sur le sujet, voire un forum dédié au bon usage de la langue. Ne croyez-vous pas qu'il aurait ici sa place ? Ma question s'adresse aussi aux brillants intervenants qui ont, de même, savamment fait valoir leurs arguments.

Mais pourriez-vous, Francis, m'éclairer sur un point de votre dernier commentaire ? Vous suggérez qu'écrire "le chinois classique se lit de haut en bas" relève de l'hérésie. Je vous crois bien sûr, mais je ne vois pas où est l'erreur. Ne dit-on pas qu'un ouvrage se lit bien ? Sous-entendant par là qu'il n'est pas illisible. Ou qu'un renseignement se lit sur un panneau prévu à cet effet ? Ou une inscription qui se lit sur une pierre (dans le sens où on la distingue), etc. ?
En fait, je ne comprends pas votre exemple. Et la perspective de passer pour un goujat ou un péquenot ne me réjouit guère...
Mais c'était ironie de ma part cher Eric !

M. Frèche nous expose doctement (point d'ironie ici, ses propos sont authentiquement doctes) dans l'amont de ce fil que "s'accaparer" ne peut, à terme (et les trois cents ans sont de lui), que produire une déhiscence du verbe "accaparer" dans sa forme non pronominale. Très soucieux de préserver l'état de la langue, M. Frèche prend les devants. On ne saurait le lui reprocher, nul n'est assez prudent dans ce domaine. Je l'invite donc, indirectement, dans mon adresse à Cassandre, à condamner déjà, préventivement, prophylactiquement, "se lire" et "se préparer", formes qui, dans sa vision des choses ne sauraient manquer de faire périr, logiquement, les verbes "préparer" et "lire".

Tout cela est ridicule, bien qu'amusant.
Utilisateur anonyme
27 août 2013, 13:43   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Cher Alain,

La discussion est passablement embrouillée pour moi, et peut-être pour d'autres aussi... Je récapitule les classes de pronominaux du point de vue qui nous occupe, en étant exhaustif (j'avais, dans un courrier précédent, abrégé).

.A. Verbes essentiellement pronominaux. Ils n'existent que sous la forme pronominale ; le pronom n'a pas de fonction grammaticale ; le verbe est donné avec le pronom ("absenter" n'est pas un verbe).
.....A1 Admettent un cod, lequel est d'ailleurs impératif. Un seul verbe : "s'arroger". L'accord du participe passé se fait avec ce cod (s'il est placé avant le verbe, naturellement).
.....A2 Admettent un coi. Ex : "Se repentir". "Francis se repentira de ses errements". Une poignée de verbes (s'éprendre, se soucier, se méfier, se souvenir, se targuer). Le participe passé s'accorde avec le sujet : "Ils se sont repentis".
.....A3 N'admettent pas de complément d'objet. Ex : "se parjurer". Une soixantaine de verbes. Le participe passé s'accorde avec le sujet : "Ces gourgandines se sont parjurées".

B. Verbes occasionnellement pronominaux. Quand ils sont pronominaux, ils sont dits réfléchis ; le pronom est alors analysable ; l'accord se fait avec le pronom s'il est cod et s'il est placé avant le verbe.
Ce sont tous les verbes transitifs directs, et nombre des verbes transitifs indirects.
Je vois Pierre. Je me vois dans la glace. Ils se sont chacun vus dans son miroir.
Je parle à Pierre. Je me parle souvent à haute voix. Elles se sont parlé à voix haute.
Ils se sont nui (=ils ont nui à eux-mêmes). Elle s'est plu à le tourmenter (=Elle t'a plu à le tourmenter, mais mis à la troisième personne, donc = elle a plu à elle-même à le tourmenter (il y a cependant un glissement de sens)). Elles se sont ri de la difficulté (=elles ont ri à elles-mêmes de la difficulté, même s'il est vrai qu'on ne peut pas dire : "elle lui ont ri de la difficulté", mais on reconstitue l'absence d'accord avec le pronom par ce biais).

C. Verbes employés au datif éthique. Ce sont, me semble-t-il, tous les verbes transitifs.
Je me porte cette chemise.

D. Pronominal faisant fonction de passif. Ce sont, me semble-t-il, tous les verbes transitifs directs.
"Je vois un trésor" - "Les trésors se voient souvent le matin". "Les verbes se conjuguent facilement".

E. Verbes qui tantôt, sont non pronominaux (et alors, occasionnellement pronominaux), tantôt sont comme des pronominaux essentiels et sont dits alors être des pronominaux non réfléchis.
Ils sont une dizaine : s'apercevoir, s'attaquer, s'attendre, s'aviser, se douter, s'échapper, s'ennuyer, se plaindre, se prévaloir, se saisir, se servir, se taire, se révolter, s'indigner, s'irriter.
"J'aperçois un ami". Emploi non pronominal.
"Nous nous sommes aperçus dans le brouillard". Emploi occasionnellement pronominal, dit réciproque. Accord avec le cod.
"Nous nous sommes aperçus que la solution n'était pas bonne". Ici, le verbe est "s'apercevoir", le pronom est inanalysable, on se trouve dans un cas assimilable à celui d'un pronominal essentiel L'accord se fait avec le sujet.
Ex des emplois où le pronom est inanalysable :
Elles se sont attaquées à son engin, elle s'était attendue à une révélation, elle s'est avisée de la difficulté de sa position, elles se sont doutées de ses vilaines intentions, elles se sont échappées, elles se sont ennuyées, elles se sont jouées de son infatuation, elles se sont plaintes, elles se sont prévalues de leur innocence, elles se sont saisies du corps du délit, elles se sont servies de son inexpérience, elles se sont tues (mais, évidemment : "elles se sont tu leur satisfaction" (=elles ont tu à elles-mêmes (=l'une à l'autre) leur satisfaction")).



J'ai soutenu que, si "accaparer" devient un verbe pronominal, il ne peut devenir qu'un verbe de type A1.
. Vous proposez E, puisque vous faites référence à "s'apercevoir", "s'attendre". Mais c'est ne pas voir que, si ce verbe devient pronominal, il le sera tout le temps. "J'aperçois un ami", et "je m'aperçois que ça va mal', très bien. Mais "J'accapare les caparaçons, et "Je m'accapare les capacités", vous voyez bien que c'est contradictoire puisque c'est rigoureusement le même emploi. Et "Je m'accapare", sans complément, n'a aucun sens. Il n'y a aucune raison que le verbe soit tantôt pronominal, tantôt ne le soit pas. Il ne peut pas relever de cette classe E où vous le rangez.
Ayant faussement conclu que ce serait E, vous jugez, faussement encore que, dans E, il n'y a que des coi, or il y a au moins un cod, puisque on dit : "Pierre ennuie Jacques". Vous en concluez qu'il faudrait qu' "accaparer" soit construit avec un coi : Je m'accapare de la capuche".
Bref, vous avez donc deux fois tort.
Vous avez même trois fois tort, puisque le fait de l'emploi pronominal de ce verbe est (malheureusement) avéré, et que le complément d'objet est alors direct et non indirect : "s'accaparer les rênes... " et non "s'accapare des rênes" a par exemple dit notre ami, a dit justement notre ami (qui fut juste dans sa faute).

Je maintiens donc intégralement ma position :
. Si ce verbe devient pronominal, il le sera tout le temps : ce sera un pronominal essentiel.
. Il sera de type "s'arroger".
. On perdra la possibilité de l'emploi interlocutoire.

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Cher Francis,
Avec le datif éthique, la question est bien une question de registre de langue. Il tient davantage de la langue parlée, et familière. De même celui qui dit "merde" parle bien français, et sait que, en de certaines occasions, ça ne se dit pas. Mais celui qui dit "s'accaparer" n'est pas familier, populaire, en ce sens : il croit qu'il faut dire "s'accaparer'". Il ne s'agit pas d'un registre familier, il s'agit d'une faute ou, si vous voulez, d'un nouvel usage. Les deux emplois sont ennemis, et ne peuvent pas cohabiter comme des emplois différents cohabitent, chacun dans son registre. La cohabitation conflictuelle qui peut exister entre eux est plutôt du type de celles qui existent entre "c'est ma faute" et "c'est de ma faute", ou entre "des coupes claires" et "des coupes sombres", en plus lourd.
Quant à ma position conservatrice-pacifiste, ou conservatrice pacifique, j'ai pensé à un exemple parlant : Pourquoi roule-t-on à droite ? Non parce que c'est meilleur, mais parce qu'on roulait à droite. Celui qui se met à rouler à gauche crée de grandes tensions avec ceux qui roulent à droite, lesquelles ne peuvent être résolues que par l'alignement général sur un des deux comportements. "S'accaparer" n'a pas grand chose pour lui, sinon la pente de la langue, ce qui est peu. Il ne vaincra pas. Tout ce qu'il peut créer, ce sont des tensions. Il les crée déjà. Il est nuisible d'en rajouter, en justifiant l'injustifiable.
Commettez-le comme on commet l'adultère ou un larcin : sans en faire la théorie, et, si vous le pouvez, abstenez-vous-en.
Comme quoi, et n'en déplaise à Eric Orsenna, la grammaire n'est pas une chanson douce.
« Je suis profondément convaincu que l’immigration est une chance pour notre nation, à travers mon cheminement personnel. Ceux qui disent le contraire se bercent d’illusion»

Puisque nous en sommes à commenter la grammaire et la syntaxe, il me semble que cette phrase de Valls méritait des commentaires, car en s'exprimant ainsi il me semble que le ministre faisait preuve à la fois d'une incroyable vanité et d'une méconnaissance de la langue. En effet, quelle chance, objectivement, ce monsieur représente-t-il pour la France ? En a-t-il jusqu'à présent apporté la moindre preuve ? Il semblerait plutôt que ce soit la France qui a été une chance pour luien le faisant ministre et non l'inverse !
Quant à la fin de la phrase, elle est incompréhensible : "ceux qui disent le contraire" donc que l'immigration n'est pas une chance pour la France, se bercent d'illusions". Or "se bercer d'illusions" ne se dit que lorsque la perspective envisagée est favorable, aimable, souhaitable ... CQFD.
J'ai l'impression qu'il en est beaucoup dont le cheminement personnel les a conduits à travers des malheurs contraires à ces illusions ; certains même s'en trouvent bercés pour l'éternité. Mais qu'est-ce, en comparaison du plaisir et de l'utilité d'émettre ce fulgurant mantra...
Utilisateur anonyme
27 août 2013, 15:46   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Quid de "il se meurt" ?
On peut soutenir qu'il relève de ma catégorie E. On pourrait soutenir que, dans cette catégorie, son cas est particulier car c'est le seul à être toujours intransitif dans sa forme non pronominale, mais c'est faux car on peut dire : "Elle meurt à ses amours", dans quoi le groupe nominal est évidemment Coi.
Si bien qu'on pourrait soutenir aussi qu'il relève de la catégorie B (occasionnellement pronominaux). Le fait qu'il y a changement de sens ne fait rien à l'affaire, puisque c'est aussi le cas de certains verbes de cette catégorie.
La réponse est fournie par la réponse à la question : Dans "il se meurt", le pronom est-il analysable (= a-t-il une fonction grammaticale ?), en l'occurrence celle de Coi ? "Il se meurt" signifie-t-il : "il meurt à lui-même" ? Je crois qu'on peut donner une réponse positive ("il se meurt" signifie : "il est mourant", de là à "il meurt à lui-même" je crois que la conséquence est bonne). Donc : verbe occasionnellement pronominal, catégorie B.

Et "suffire", dans "ils se sont suffi à eux-mêmes" (selon Bordas - qui par ailleurs signale l'invariabilité du participe passé - "pléonasme à éviter dans le registre soutenu") ? Il n'appartient pas à la catégorie E, puisque on sent très bien que le pléonasme n'est pas nécessaire : "Ils se sont suffi" est possible. Il relève donc lui aussi des verbes occasionnellement pronominaux (catégorie B), le complément est Coi, comme dans : "il me semble que j'ai suffi à la tâche d'expliquer à M. Marche de quoi il ressortait" - cher Francis, quand vous évoquez "les arguties pseudo-savantes (et péremptoirement délivrées, selon la loi du genre) de MM Frèche et Dangle", il me semble que vous rendez mal justice à un certain effort, peut-être laborieux, de clarté (voilà pour l' "argutie"), de sérieux (voilà pour le "pseudo-savant"), et d'argumentation (voilà pour le péremptoire" ou j'entends non seulement le "catégorique et impérieux" mais aussi l' "assené sans argumentation") - je vous aimais mieux avouant contempler dans l'arène vos oreilles et votre queue farouchement brandies.
Utilisateur anonyme
27 août 2013, 16:02   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Abominable et terrible Cassandre !
Vous citez inexactement Manuel Valls, reprenant peut-être le "Figaro", qui cite comme vous le faites.
Manuel Valls a dit (je cite la vidéo) : "L'immigration doit être une chance pour notre pays. Mais je sais également, je sais également qu'elle doit être, pour être soutenable, organisée, régulée, ceux qui disent le contraire se bercent d'illusions."
Mais un peu de vaticination de messied pas à la prophétesse...
L'excellente analyse de Cassandre montre bien à quel point le prêt-à-penser et le prêt-à-énoncer ont remplacé (décidément, nous sommes à l'ère du remplacement sous toutes ses formes) la confection sur mesure de la langue, selon les nuances de la réalité qu'elle essaie d'exprimer. "Chance pour la France", "à travers" (je suis convaincu à travers ?), "cheminement personnel" (qu'est-ce qui prouve, dans le cheminement de M. Valls, donc dans son évolution, qu'il a été une chance pour la France, plus qu'un autre Français de souche ?), "se bercer d'illusion" : des mots de journaliste médiocre, que l'on emploie pour dire à peu près tout, et son contraire aussi, pourquoi pas, des banalités d'usage, des métaphores de salon, des clichés commodes que personne ne songe même plus à remettre en cause, parce qu'ils diffusent une petite musique bien agréable aux oreilles, comme une ritournelle publicitaire qui endort notre vigilance.

[Toujours valable après le correctif de M. Frèche, mais c'est le Figaro qui est en cause alors.]
A tout prendre, ces messieurs s'épargneraient de leur temps et de leurs efforts en me reprochant simplement de "parler popu" au lieu de "petit marquis"; cela leur éviterait d'écorner inutilement les pages de leurs Grévisse et de leur Bordas et d'accaparer l'espace de ce fil qui n'en demandait pas tant.

C'est un peu fort de café, tout de même ! Francis Marche, l'un des plus prolixes contributeurs de ce forum, dont les interventions sont aussi nombreuses qu'interminables (et remarquables une fois sur deux, je le dis en passant par souci d'objectivité), tançant l'un des plus laconiques, pour cause d'accaparement de fil ! Et votre prétention à manier un prétendu "parler popu" ("s'accaparer", parler popu ? n'importe quoi...) tombe assez mal à propos, en l'occurrence ; vous ne parlez pas "popu" ; vous soignez, tout comme la plupart des gens qui écrivent ici, votre expression. Quant à mon "aversion pour une tournure argotique", sachez que j'apprécie fort l'argot, les expressions populaires, le langage de la rue, les jeux avec les niveaux de langue — tout ce qu'on voudra, à condition qu'ils ne deviennent pas un prétexte à l'arrogance d'un échauffeur de bile qui ne supporte pas la contradiction.
Il y a deux volets ou deux dimensions dans votre dernière livraison, cher Martin Frèche : un volet technique, et un volet politique.

Au plan technique : je crois que la langue populaire, qui n'est populaire que parce qu'elle ne s'écrit pas, fait plus que tolérer des fautes, elle génère des configurations syntactiques qui n'adviennent pas à l'écrit. La classe A1 et son solitaire "s'arroger +Cod" appartiennent à la langue française respectable, écrite; or la langue populaire a trouvé à faire exploser cette classe, en la peuplant très indûment: on s'est pris une claque; je me suis pris un rateau; samedi soir on s'est tapé la cloche avec mon beauf; avec Robert (ou Mohammed), on a graissé la patte aux gardiens et on s'est fait la belle.

Est-ce là langue abominable ? Oui. Absolument. La langue populaire avait-elle le droit, était-il légitime de sa part de violer le sanctuaire A1 de la sorte et de s'y engouffrer, et d'y enfourner toutes ses canailleries ? La question reste ouverte et la réponse appartient au futur et dépendra de nous tous.

Abominable donc. Mais ni plus ni moins abominable que ne l'est le piment de Cayenne, cet arrache-gueule qui, par une pincée, émerveille le steak de thon frais poêlé à sec tourne-et-retourne dans les graines de sésame blanches, si vous voyez ce que je veux dire (le thon frais, de la bête fraîchement tuée, donc encore chaud, authentique, pur et nourrissant mais malheureusement un peu fade au palais sans assaisonnement, et qui a besoin, pour faire signaler sa valeur, d'un goût interlope et violent qui s'immisce en lui et l'exalte bruyamment).

Vous voyez ? Bon. Alors passons au volet politique et à ce que vous désignez comme votre position "conservatrice-pacifiste" : en 2013, notre langue française, qui est la nôtre parce qu'elle nous est la plus chère d'une part, d'autre part parce que nos compétences diverses à nous en revendiquer les locuteurs nous permettent de la visiter complètement, jusqu'à ses sources, cette langue est gravement menacée sur le territoire qui la fit sienne par l'Edit de Villers-Coterêts. Comment est-elle menacée ? Urgemment. Mais comment "urgemment" ? Une action d'urgence est requise parce que cette langue est affectée du mal de la soustraction ! Notez bien ceci : la jeunesse de France est tous les jours un peu plus privée des moyens lexicographiques d'opérer la remontée vers les sources de cette langue et donc d'en faire sa langue, et cette privation est le résultat non d'une adjonction de formes (la pronominalisation de "accaparer", par exemple) mais bien d'une soustraction, d'un élagage des formes qu'elle peut ou pouvait engendrer d'une part, et d'autre part par l'effet d'un curetage lexical. La perte de cette langue ne passe pas, ne risque plus de passer par un foisonnement de formes intensives (intensif signifie qui renforce l'idée contenue dans la racine d'un mot, dans un mot ou dans une phrase (cf TLFI), comme mon petit "s'accaparer" par rapport à "accaparer") mais hélas prend la voie opposée, celle d'un apauvrissement brut et direct de son lexique et des formes porteuses de nuances.

Le rabotage des nuances (il y a bien une nuance, n'est-ce pas, entre "accaparer" et "s'accaparer", ne serait-ce qu'une nuance d'intensité) dessert très fortement le combat de cette langue contre son mal.

Je vous laisse méditer cette question en réfutant ma position comme il vous plaira. Je n'interviendrai plus dans ce fil.
Bien, prenons note de la dernière phrase de M. Marche, mais méfions-nous de ses promesses de Gascon.
Ceci, simplement, de Renan, à propos de la langue française, et de son "enrichissement" : "On ne prétend l'enrichir que quand on ne veut pas se donner la peine de connaître sa richesse".
Utilisateur anonyme
27 août 2013, 19:57   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Aimable Francis,
Vous faites bien de ne plus intervenir sur ce sujet car votre position a été détruite, et vous ne voulez plus le reconnaître. De plus dans cette discussion guère de commentaire de vous sans bourde nouvelle : se taire est plus prudent.
Je n'ai pas besoin de méditer pour chercher comment réfuter votre position : j'ai déjà effectué cette réfutation. Votre ultime commentaire change de sujet, et déclare ce nouveau sujet bien plus important. Très juste, sans doute. Je vous déclare cependant que la crise économique mondiale est un sujet plus important encore, peut-être.
Je vous laisse bouder.
Cher Martin,

Il me semble que vous ne soulignez pas suffisamment la fonction principale du datif éthique, qui n'est pas que familier et sert surtout à impliquer le lecteur ou l'interlocuteur, voir par exemple les Fables de La Fontaine.
Utilisateur anonyme
27 août 2013, 21:44   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Cher Jean-Marc,

Je n'ai fait que mentionner votre cher datif éthique, sans rien dire de sa fonction.
Il ne me semble pas non plus que je l'ai donné comme familier. Cela dit, c'est ce que le CNRTL fait. Qu'il soit chez La Fontaine ne prouve pas particulièrement qu'il ne soit pas familier.
J'ai l'impression qu'il est moins familier dans les verbes à l'impératif que dans les autres.
"Regardez-moi ce coquin !", "Allez-moi à votre place !", "Voyez-moi ça !" sont peu familiers.
Par contre :
"Je me mange une glace", nettement plus familier que "Je mange une glace".
"Je me la suis mangée, la glace", nettement plus familier que "Je l'ai mangée, la glace".
"Je me regarde ce veinard", nettement plus familier que "Je regarde ce veinard".
"Vous m'allez à votre place" (très peu usité d'ailleurs, il s'agit en fait d'un ordre donné à l'indicatif), nettement...que "Vous allez à votre place".
"Vous me voyez ça" (idem), nettement...que "Vous voyez ça".

Quant à la fonction d'implication de l'interlocuteur, il me semble qu'elle existe quand le sujet et le pronom complément sont à des personnes différentes (ce qui est le cas dans les impératifs).
"Vous me voyez ça", comme "Voyez-moi ça" lie l'interlocuteur au locuteur (oui plutôt, je trouve, lie le locuteur à l'interlocuteur). Tandis que "Je me mange ma glace" ne relie pas les personnes de l'interlocution, qui sont mêmes absentes dans "Il se mange sa glace", où datif éthique pourtant il y a..
Je pensais à la fable :

Le fidèle émoucheur
Vous empoigne un pavé
Le lance avec roideur

Ce type de datif éthique était très fréquent dans le sud il y a quelques dizaines d'années, probablement par calque du latin.

Exemple : l'écoute de France-culture vous donne une bien piètre idée de la langue.

De mon point de vue, ce n'est ni incorrect, ni familier, mais je conçois que cela paraisse curieux à une oreille du nord.
Utilisateur anonyme
27 août 2013, 22:05   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
[suite] Dans "Il se mange sa glace", il y a essentiellement un renforcement du sujet, comme renforcement il y a dans "Lui, il mange sa glace", ces deux renforcements étant de nature différente :
"Lui, il mange sa glace" (et nous, non : nous ne mangeons pas, ou pas une glace).
"Il se mange sa glace (égoïstement, avec jouissance, de façon hédoniste). Typiquement, ce datif est un peu moins facilement employable avec un verbe qui évoque le sacrifice, l'effort, ou la douleur : "Il se bûche ses maths du matin au soir" ne va pas très bien, de même "Il se cogne à un contre dix", ou "Elle se donne tout son fric à ce glandu et elle se tapine pour lui" ou "Elle s'accouche en hurlant d'un marmot énorme".
Exemple latin du datif réfléchi explétif :

A Caesare valde liberaliter invitor sibi ut sim legatus

César me propose à moi (à soi dans le sens de moi).
Autre exemple qui m'est cher : vous avez (calque de l'occitan) au lieu de "il y a".

C'est la même logique.
Utilisateur anonyme
27 août 2013, 22:37   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Jean-Marc,

[si je peux me permettre, dans "une oreille du nord", le dernier mot s'écrit avec une majuscule, puisqu'il ne s'agit pas d'une direction, mais du Nord de la France, exactement comme on écrit "Je vais dans le Midi"].

Dans : "L'écoute de France Culture vous donne une bien piètre idée de la langue", y a-t-il ou non datif éthique ?
Si je vous dis ou vous écris que j'écoute France Culture, et que vous me répondez par cette phrase, il n'y a pas datif éthique, puisque je suis celui à qui l'écoute donne une idée.
Si vous parlez tout à fait en général, je ne crois pas que les grammairiens ont tendance à le classer dans le datif éthique. S'ils le font, on dira certes qu'il est d'un autre type que dans "il vous empoigne un pavé", puisque, dans ce cas, c'est le pavé qui est empoigné, et non "vous". Je crois qu'il y a datif éthique quand le pronom n'est pas l'objet de l'action exprimée par le verbe. Je dirais plutôt qu'il y a là interlocuteur imaginaire.
Utilisateur anonyme
27 août 2013, 22:49   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Vous dites : "Autre exemple qui m'est cher : vous avez (calque de l'occitan) au lieu de "il y a". C'est la même logique."
Cela conforte ma position, puisque là vous n'allez certes pas parler de datif éthique étant donné que le pronom ici n'est pas datif puisque il est sujet. En d'autres termes : la tendance occitane à impliquer l'interlocuteur conduit à utiliser des tournures usant de pronoms quand les Septentrionaux se passent de ceux-ci. Et le datif éthique est quelquefois l'expression de cette tendance. Mais il ne faut pas abusivement qualifier de datif éthique ce qui ne l'est pas...
Oui, vous avez raison, j'ai été trop peu précis : je n'ai pas écrit que le vous de "vous avez" était un datif mais participait de la même logique, ce qui était peu clair mais que vous avez compris.

Pour nord et Nord, j'ai hésité.
Citation
Martin Frèche
Cher Alain,

La discussion est passablement embrouillée pour moi, et peut-être pour d'autres aussi... Je récapitule les classes de pronominaux du point de vue qui nous occupe, en étant exhaustif (j'avais, dans un courrier précédent, abrégé).

.A. Verbes essentiellement pronominaux. Ils n'existent que sous la forme pronominale ; le pronom n'a pas de fonction grammaticale ; le verbe est donné avec le pronom ("absenter" n'est pas un verbe).
.....A1 Admettent un cod, lequel est d'ailleurs impératif. Un seul verbe : "s'arroger". L'accord du participe passé se fait avec ce cod (s'il est placé avant le verbe, naturellement).
.....A2 Admettent un coi. Ex : "Se repentir". "Francis se repentira de ses errements". Une poignée de verbes (s'éprendre, se soucier, se méfier, se souvenir, se targuer). Le participe passé s'accorde avec le sujet : "Ils se sont repentis".
.....A3 N'admettent pas de complément d'objet. Ex : "se parjurer". Une soixantaine de verbes. Le participe passé s'accorde avec le sujet : "Ces gourgandines se sont parjurées".

B. Verbes occasionnellement pronominaux. Quand ils sont pronominaux, ils sont dits réfléchis ; le pronom est alors analysable ; l'accord se fait avec le pronom s'il est cod et s'il est placé avant le verbe.
Ce sont tous les verbes transitifs directs, et nombre des verbes transitifs indirects.
Je vois Pierre. Je me vois dans la glace. Ils se sont chacun vus dans son miroir.
Je parle à Pierre. Je me parle souvent à haute voix. Elles se sont parlé à voix haute.
Ils se sont nui (=ils ont nui à eux-mêmes). Elle s'est plu à le tourmenter (=Elle t'a plu à le tourmenter, mais mis à la troisième personne, donc = elle a plu à elle-même à le tourmenter (il y a cependant un glissement de sens)). Elles se sont ri de la difficulté (=elles ont ri à elles-mêmes de la difficulté, même s'il est vrai qu'on ne peut pas dire : "elle lui ont ri de la difficulté", mais on reconstitue l'absence d'accord avec le pronom par ce biais).

C. Verbes employés au datif éthique. Ce sont, me semble-t-il, tous les verbes transitifs.
Je me porte cette chemise.

D. Pronominal faisant fonction de passif. Ce sont, me semble-t-il, tous les verbes transitifs directs.
"Je vois un trésor" - "Les trésors se voient souvent le matin". "Les verbes se conjuguent facilement".

E. Verbes qui tantôt, sont non pronominaux (et alors, occasionnellement pronominaux), tantôt sont comme des pronominaux essentiels et sont dits alors être des pronominaux non réfléchis.
Ils sont une dizaine : s'apercevoir, s'attaquer, s'attendre, s'aviser, se douter, s'échapper, s'ennuyer, se plaindre, se prévaloir, se saisir, se servir, se taire, se révolter, s'indigner, s'irriter.
"J'aperçois un ami". Emploi non pronominal.
"Nous nous sommes aperçus dans le brouillard". Emploi occasionnellement pronominal, dit réciproque. Accord avec le cod.
"Nous nous sommes aperçus que la solution n'était pas bonne". Ici, le verbe est "s'apercevoir", le pronom est inanalysable, on se trouve dans un cas assimilable à celui d'un pronominal essentiel L'accord se fait avec le sujet.
Ex des emplois où le pronom est inanalysable :
Elles se sont attaquées à son engin, elle s'était attendue à une révélation, elle s'est avisée de la difficulté de sa position, elles se sont doutées de ses vilaines intentions, elles se sont échappées, elles se sont ennuyées, elles se sont jouées de son infatuation, elles se sont plaintes, elles se sont prévalues de leur innocence, elles se sont saisies du corps du délit, elles se sont servies de son inexpérience, elles se sont tues (mais, évidemment : "elles se sont tu leur satisfaction" (=elles ont tu à elles-mêmes (=l'une à l'autre) leur satisfaction")).



J'ai soutenu que, si "accaparer" devient un verbe pronominal, il ne peut devenir qu'un verbe de type A1.
. Vous proposez E, puisque vous faites référence à "s'apercevoir", "s'attendre". Mais c'est ne pas voir que, si ce verbe devient pronominal, il le sera tout le temps. "J'aperçois un ami", et "je m'aperçois que ça va mal', très bien. Mais "J'accapare les caparaçons, et "Je m'accapare les capacités", vous voyez bien que c'est contradictoire puisque c'est rigoureusement le même emploi. Et "Je m'accapare", sans complément, n'a aucun sens. Il n'y a aucune raison que le verbe soit tantôt pronominal, tantôt ne le soit pas. Il ne peut pas relever de cette classe E où vous le rangez.
Ayant faussement conclu que ce serait E, vous jugez, faussement encore que, dans E, il n'y a que des coi, or il y a au moins un cod, puisque on dit : "Pierre ennuie Jacques". Vous en concluez qu'il faudrait qu' "accaparer" soit construit avec un coi : Je m'accapare de la capuche".
Bref, vous avez donc deux fois tort.
Vous avez même trois fois tort, puisque le fait de l'emploi pronominal de ce verbe est (malheureusement) avéré, et que le complément d'objet est alors direct et non indirect : "s'accaparer les rênes... " et non "s'accapare des rênes" a par exemple dit notre ami, a dit justement notre ami (qui fut juste dans sa faute).

Je maintiens donc intégralement ma position :
. Si ce verbe devient pronominal, il le sera tout le temps : ce sera un pronominal essentiel.
. Il sera de type "s'arroger".
. On perdra la possibilité de l'emploi interlocutoire.

Cher Martin, la classification dont je me suis inspiré est plus simple que la vôtre, et un peu différente :

— pronominaux réfléchis : expriment une action réfléchie du sujet sur lui-même : « Cet homme se loue »

— pronominaux réciproques : expriment une action réciproque de deux sujets l'un sur l'autre : « Ces hommes se calomnient »

— enfin, et c'est la catégorie qui nous intéresse, les pronominaux subjectifs, où le second pronom échappe à l'analyse et n'a qu'une valeur "subjective". Cette catégorie de pronominaux dits subjectifs comporte en outre une sous-division : verbes essentiellement pronominaux, qui ne sont plus employés que sous cette forme, et certains autres verbes transitifs ou intransitifs qui se peuvent employer de façon non pronominale, et dont le second pronom exprime cette même "idée subjective".

Les deux premières catégories suivent les règles d'accord du participe conjugué avec avoir, c'est-à-dire qu'il s'accordera ou non selon que le verbe sera transitif direct ou indirect si le complément est placé avant lui.

Dans la catégorie des pronominaux subjectifs, le pronom précédant le participe est presque toujours assimilé à un accusatif et exige donc l'accord du participe avec ce pronom, cela valant pour les deux types de pronominaux, les essentiels et les autres, à l'exception de deux verbes : d'abord "se rire", puis dans le groupe des pronominaux essentiels, "s'arroger", précisément, puisqu'il exprime une action réfléchie indirecte : arroger à soi quelque chose ; le pronom n'étant pas assimilé à un accusatif, la place est pour ainsi dire libre pour un complément direct.

Nous différons là quelque peu dans l’interprétation de la chose, puisque vous prétendez que les pronominaux que je classe dans la troisième catégorie, les pronominaux subjectifs, s'accordent purement et simplement avec le sujet, le caractère inanalysable du deuxième pronom l'annulant pratiquement, alors que j'exprime cela en disant que ce pronom "subjectif" est assimilé à un accusatif, et c'est avec celui-ci que le participe s'accorde comme transitif direct.
Cette différence vous conduit à m'imputer que : « Ayant faussement conclu que ce serait E, vous jugez, faussement encore que, dans E, il n'y a que des coi, or il y a au moins un cod, puisque on dit : "Pierre ennuie Jacques" », alors que j'ai écrit qu'il n'y a majoritairement dans cette catégorie que des pronoms subjectifs "assimilés à des accusatifs", ce qui est la raison pour laquelle, la place du complément d'objet direct étant déjà occupée (par le second pronom), les verbes employés de façon non pronominale, en passant au pronominal, opèrent ce switch qui fait basculer la transition directe vers le second pronom, reléguant tout autre complément possible à un mode indirect :
apercevoir quelque chose - s’apercevoir de...
saisir un objet - se saisir de...
attaquer quelqu'un - s'attaquer à...
plaindre une personne - se plaindre de...
attendre une personne ou un événement - s'attendre à...

et, puisqu'en l'occurrence vous m'avez mal compris, la couple ennuyer/s'ennuyer :

ennuyer quelqu'un - s'ennuyer de quelqu'un...

Bref, mon idée était la suivante : si la quasi totalité des pronominaux dits subjectifs s'accordent avec le second pronom assimilé à un accusatif, et donc rendent impossible l'existence d'un autre complément direct qui entrerait en compétition avec lui, et dans la mesure où l'on considère que "s'accaparer" relève de la même catégorie et admet comme accusatif ce second pronom, alors il devrait se soumettre à la même règle :

accaparer quelqu'un - s'accaparer de...

Il va de soi que cette "analyse" est strictement fonctionnelle ou formelle, et ne s’intéresse pas à l’aspect sémantique des verbes considérés ; le sens étant essentiellement labile et volage, il s'adaptera...
Soit dit en passant, la difficulté que vous avez relevée en employant "s"accaparer" avec un accusatif autre que le pronom ("Je me t'accapare") est exactement la même qui se produit avec "se saisir" : "Je me te saisis".
Quelque valeur "subjective" qu'ait le second pronom, il n'en demeure pas moins fonctionnellement assimilé à un complément d'objet direct et en occupe, si je puis dire, physiquement la place dans l'esprit : "Je me saisis..." équivaudrait à "Je saisis (quoi ?) moi...", à quoi vient s'adjoindre en plus un autre complément direct : "Je saisis moi toi". Cela ne va plus du tout, il ne peut y en avoir qu'un en l’occurrence, l'autre étant désigné dorénavant de façon indirecte : "Je saisis moi de toi", soit, et les choses rentrent dans l'ordre, "Je me saisis de toi".
Il me semble donc que l'emploi pronominal d'"accaparer" (si l'on y tient absolument, mais je me sens faiblir) devrait se calquer morphologiquement sur "se saisir"...
Utilisateur anonyme
28 août 2013, 07:07   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Cher Jean-Marc
"Pour nord et Nord, j'ai hésité".
Il arrive d'ailleurs que l'usage imposant la minuscule soit un peu embarrassant, du fait de l'homographie entre une des directions et le verbe "être" en P3 [troisième personne du singulier] de l'indicatif présent : "Pierre est à l'est", "La direction est est celle que vous devrez conserver".
Il arrive aussi que cet usage ne soit pas respecté en toute connaissance de cause. C'est dans "Vents" que Saint-John Perse fait un usage abondant et assez structurant des noms des points cardinaux. Il emploie toujours la majuscule. Certes, il s'agit souvent de l'Ouest nord-américain, de son Sud : Mais dans : "Et à celui qui chevauchait en Ouest, une invincible main renverse le col de sa monture, et lui remet la tête en Est" (Vents, IV, 3) (il s'agit de la main de l'énigmatique "Balafré"), il semble bien qu'il s'agisse de direction, au moins pour le second, encore qu'on puisse soutenir qu'il s'agit de la direction de l'Est (américain) et non de la direction est, mais cette position me semble assez peu fondée.
Certes, les majuscules sont très fréquemment utilisées dans "Vents", par exemple, immédiatement avant pour "Croisé", et, immédiatement après, pour "Automne", ce qui relativise la portée de cette remarque....
Utilisateur anonyme
28 août 2013, 07:27   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Alain,
"Il me semble donc que l'emploi pronominal d'"accaparer" (si l'on y tient absolument, mais je me sens faiblir) [...]". Faiblissez, mon cher, faiblissez...
[Je remets à plus tard ma réponse de fond, accaparé que je suis, et par crainte d'erreurs].
Utilisateur anonyme
28 août 2013, 12:37   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Alain,

Votre dernière couple de commentaires contient deux thèses à validités indépendantes. Ici je traite de l'une seulement.

Vous dites : "Nous différons là quelque peu dans l’interprétation de la chose, puisque vous prétendez que les pronominaux que je classe dans la troisième catégorie, les pronominaux subjectifs, s'accordent purement et simplement avec le sujet, le caractère inanalysable du deuxième pronom l'annulant pratiquement, alors que j'exprime cela en disant que ce pronom "subjectif" est assimilé à un accusatif, et c'est avec celui-ci que le participe s'accorde comme transitif direct".
Votre thèse, je pense, ne se veut pas historique. Vous prétendez que nous trouvons légitime l'accord parce que nous "sentons" l'auxiliaire avoir et l'accusatif.
Dit avec un exemple : nous sentons qu'il faut dire "elle s'est éprise" et non "elle s'est épris" non parce qu'il y a l'auxiliaire être mais parce que, sous l'auxiliaire être nous remontons à la forme avec l'auxiliaire avoir - au masculin : "il s'a épris" -, et que nous accordons selon cette forme avec le pronom accusatif si celui-ci est placé devant le verbe, donc "elle s'a éprise", partant "elle s'est éprise".
Thèse ingénieuse, très ingénieuse... Trop ingénieuse, évidemment, selon moi.
Que nous sentions que l'auxiliaire être est mis pour l'auxiliaire avoir, j'en conviens volontiers.
Mais la règle d'accord du participe passé employé avec l'auxiliaire avoir est une règle que chaque enfant doit laborieusement apprendre à l'école, qu'assez peu appliquent correctement à l'écrit et que presque personne n'applique à l'oral, au contraire de la règle qui fait que l'auxiliaire être est suivi d'un participe passé (ou d'ailleurs, d'un adjectif) accordé au sujet : "elle est surprise", "elle est belle". Bref, il est impossible que nous remontions inconsciemment de "elle s'a épris" à "elle s'a éprise".

Si votre thèse est une thèse diachronique, généalogique, qui explique pourquoi, historiquement, on écrit "elle s'est éprise" :
a) Elle est beaucoup moins intéressante.
b) Elle est assez peu convaincante : je doute qu'on ait jamais dit "elle s'a éprise". Si on a employé l'auxiliaire avoir, on a dû dire "elle s'a épris". Puis, quand on a employé l'auxiliaire être, on est passé à "elle s'est éprise".
Cela dit, je me trompe peut-être, et je manque de connaissances sur l'histoire des formes pronominales...
Utilisateur anonyme
28 août 2013, 12:55   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Alain,

Je passe à votre second point.

Vous dites que "s"accaparer" + coi serait meilleur que "s'accaparer" + cod et qu' "accaparer" + cod.
Nous sommes d'accord là-dessus. J'ai déjà dit à notre regretté absent - je veux parler de Francis Marche - que m'avait convaincu sa thèse selon laquelle "s'accaparer" était plus expressif qu' "accaparer". Et "s'accaparer" + coi n'a aucun des désavantages d' "accaparer" + cod.
Si ce verbe n'existait pas et que nous avions à l'inventer, nul doute que nous ne choisirions votre solution.
Mais ce verbe existe. Et cette existence ne se manifeste que sous deux formes : la traditionnelle, et la nouvelle.
On ne change pas la langue par décret. Votre solution n'existe pas. Vous avez linguistiquement tort parce que vous êtes locutoirement minoritaire, et même minoritaire au point d'être seul, et même vous êtes moins que seul car vous ne pratiquez pas vous-même l'innovation que vous proposez : vous n'existez pas.
Nous avons donc le choix entre deux solutions et seulement deux, comme les communistes disaient qu'entre eux et le fascisme il n'y avait rien.
J'ai déjà donné mes raisons pour choisir la solution traditionnelle.
À mes yeux, cher Martin, ma paire de commentaires était sous-tendue par la même argumentation, fort simple en vérité : comme le verbe ne peut dans le cas qui nous occupe admettre qu'un seul complément d'objet direct, et que celui-ci est d'office attribué au second pronom de la presque totalité des pronominaux subjectifs, tout verbe transitif direct lorsqu'il est employé non pronominalement devient, dans la forme pronominale, par la force des choses, transitif indirect pour tout autre complément que ce pronom ; pure affaire de division du travail.


» Votre thèse, je pense, ne se veut pas historique. Vous prétendez que nous trouvons légitime l'accord parce que nous "sentons" l'auxiliaire avoir et l'accusatif

Il n'est pas impossible qu'en la circonstance vous vous trompiez, et j'ose envisager cela parce que ma "thèse" n'est point un caprice d'apprenti grammairien qui s'amuse comme il peut, mais bien la règle, du moins celle qui est exprimée en toutes lettres dans mon excellent précis de grammaire (enfin, trouvé-je), L'Emploi des temps en français, d'un certain Henri Sensine ; je vous la soumets, bien que j'en aie déjà exprimé la teneur presque mot à mot :

« Dans les verbes pronominaux de la troisième catégorie, qui expriment une idée subjective, le pronom précédant le participe ne peut s'analyser logiquement, mais l'usage l'assimile à un accusatif (complément direct) et exige l'accord du participe. »

Votre "Il s'a épris" a vraiment curieuse allure : la sorte de retour sur soi qu'effectuent le ou les sujets dans la voix pronominale provient peut-être d'un vouloir-dire originel qui aurait eu la forme, pour reprendre votre exemple, de : "Il a épris lui"".


» Mais la règle d'accord du participe passé employé avec l'auxiliaire avoir est une règle que chaque enfant doit laborieusement apprendre à l'école, qu'assez peu appliquent correctement à l'écrit et que presque personne n'applique à l'oral

Diriez-vous alors que parce que nombre de personnes, probablement la majorité, raisonnent souvent mal, commettent paralogismes et sophismes et vont jusqu'à penser comme des cruches percées, diriez-vous alors que la pertinence de l'inférence juste en est moindre, et que la capacité de la pensée correcte de mieux percer à jour le réel est de ce fait révoquée en doute ?? Ça, c'est vraiment un argument étonnant, surtout venant de vous, parce qu'il tendrait à faire accroire que c'est précisément la méconnaissance de la règle qui serait la plus à même de fournir les meilleures intuitions quant au fonctionnement réel de la langue...

Vous avez parfaitement raison, "on ne change pas la langue par décret", et j'ai même soutenu ici que le brouet des baragouineurs à la mode ne pourrait fondamentalement ne serait-ce qu’écorner ce qui en constitue le génie ; cela dit, je crois qu'il y a dans l'emploi de la langue suffisamment de zones de flou, de friction et de non-concordance des bords pour échapper heureusement à une hyper-correction qui serait désespérément plate.
Notez cependant, cher Martin, que "s'accaparer de" est bel et bien répertorié comme faute commise, ce n'est pas un hapax...
» et qui a besoin, pour faire signaler sa valeur, d'un goût interlope et violent qui s'immisce en lui et l'exalte bruyamment

Vous me direz avec raison, Francis, que je radote, puisque cela doit faire la troisième fois que je poste cet extrait d'Albucius de Quignard, mais votre plaidoyer pour l'interlope et les impuretés m'y a irrésistiblement fait penser.

« Saison où se cultivent les amours, les nourritures, les comportements de chacun, les sensations ambivalentes, les jeux de rôle des enfants la main sur un chariot ou bouche bée devant un rhinocéros — bref, les "sordidissima" d'Albucius, bonbons, comptines, épluchures, sexes, pouces sucés, jouets, salissures plus ou moins épongées, gros mots ou mots inopinés. Saison qui est étrangère non pas à tout langage mais au tout du langage, étrangère au langage comme discours, étrangère à toute pensée très articulée, étrangère à tous les genres littéraires constitués et de ce fait secondaires et qui débouche, simplement par défaut, sur un genre qui n'est pas un genre, plutôt un dépotoir, une décharge municipale du langage ou de l'expérience humaine nommés dans la Ville, à la fin de la République et sous l'Empire, "declamatio" ou "satura", nommés plus tard, au cours du XIème et XIIème siècle en France, du nom très romain de roman et qui ne s'éloignent jamais tout à fait de ces lambeaux de langage, de ces éponges de mer imprégnées du lexique le plus bas, de ces torchons de récits qui ne cessent d'essuyer sans cesse nos vies, à chaque heure de nos vies, dans une petite rumination misérable et obsédée. »
Utilisateur anonyme
29 août 2013, 09:04   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Cher Alain,
Notre discussion continue de porter sur deux points distincts. Je traite ici du premier.

Mon "il s'a épris" a vraiment curieuse allure, comme vous dites justement, et l'argument qui reposait sur lui était mauvais, je le retire donc, et j'en donne un autre.

Dans "Elle est triste et fatiguée", "fatiguée" est un attribut (et un adjectif). Dans "Elle est fatiguée par la montée", ce même mot est un participe passé. C'est dire à quel point le participe passé et l'attribut sont proches.
Cela vaut aussi pour les verbes essentiellement pronominaux.
Tous les exemples suivants contiennent des participes de verbes essentiellement pronominaux, ou des adjectifs identiques à ces participes : "Elle est accoudée, accroupie, adonnée, agenouillée, blottie, cabrée, écroulée, envolée, éprise, infiltrée, moquée, obstinée, ratatinée, recroquevillée, réfugiée, renfrognée".
A partir de là, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi la règle veut qu'on dise : "Elle s'est éprise [et non pas "...s'est épris...] d'un beau ténébreux", et pas difficile de comprendre pourquoi cette règle est respectée sans difficulté. Pour la même raison qui fait qu'on dit : "Elle est comprise par Jacques". Et on dit "elle est comprise par Jacques" parce qu'on écrit "elle est fatiguée".
C'est d'ailleurs pour cela - le participe senti comme proche d'un attribut - que dans le cas de l'auxiliaire avoir il y a la règle d'accord du complément d'objet : [concernant l'auxiliaire avoir] "En ancien français, la tendance était à l'accord [...] : [dans] "Il a letres escrites" [...] le participe passé s'interprétait à l'époque comme un attribut résultatif : "Il a les lettres dans l'état suivant : elles sont écrites". En français moderne, la postposition de l'objet au participe passé détruit l'analogie avec la structure attributive et, partant, la justification de l'accord" ("Grammaire méthodique du français", 1993, Riegel, Pellat, Rioul ; ce livre est actuellement la référence au Capes de Lettres).
A partir de là, il est un peu vain d'affirmer qu'on dit et qu'on doit dire "elle s'est éprise" parce que "se" est senti comme un accusatif... Peut-être, oui, est-il un peu senti comme un accusatif. Votre (court) extrait d'un livre datant de 1908 ne me convainc pas...
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Utilisateur anonyme
29 août 2013, 09:20   Re : Barcelone, qui n'est pas Marseille
Cher Alain,

Le deuxième point.
Vous dites : "s'accaparer de" est bel et bien répertorié comme faute commise, ce n'est pas un hapax..."
Il est rarissime.
Quand bien même il serait très fréquent, et non concurrencé par "accaparer" + Cod, cela ne suffirait pas à justifier l'éviction de ce dernier.
La discussion vole à une belle hauteur, mais je m'interroge sur un point dont la noble assemblée se rira : faut-il écrire "se confronter à" ou "confronter", par ex. "Je me confronte à cette réalité" ou "Je confronte cette réalité" (qui me semble laid).
Cher Martin, je reste avec Sensine, qui me convient parfaitement : sa règle et ses classifications sont simples, cohérentes, explicatives, pratiques et rendent parfaitement compte de la construction et de la conjugaison des pronominaux, entre autres : sa grammaire est au reste remarquable pour ses qualités de pédagogie sensée.
1908, dites-vous ! ce doit être pour ça...
Après tout, ce qui fait la voix pronominale, c'est bien l'existence d'un pronom complément entre le sujet et le verbe, il est donc logique que ce soit lui (le pronom) qui détermine la valeur de désinence de ce verbe, même s'il est dans certains cas devenu "inanalysable", qui n'est pas synonyme d'inexistant.

Cher Loïk, ajoutez également à votre embarras la voix passive...
Relisant ce fil, je suis surpris de trouver autant d'agressivité à l'encontre de Francis...

Son talent et son "sens de la langue" dérangeraient-t-ils ?
Sur le respect des règles de grammaire :

M'analysant cet après-midi, je m'aperçois que mon système stylistique repose sur deux principes, et tout aussitôt, à la bonne vielle manière de nos bons classiques, j'érige ces deux principes en règles fondamentales de tout art d'écrire : dire ce que l'on éprouve exactement comme on l'éprouve -- clairement si c'est clair ; obscurément si c'est obscur ; confusément si c'est confus -- et bien comprendre que la gammaire n'est jamais qu'un outil, et non pas une loi.
Supposons que je voie devant moi une jeune fille à l'allure masculine. Un être humain ordinaire dira simplement : « Cette jeune fille à l'air d'un garçon. » Un autre être humain, tout aussi ordinaire, mais déjà plus conscient du fait que parler, c'est dire, dira d'elle : « Cette jeune fille est un garçon. » Un autre encore, tout aussi conscient des devoirs de l'expression, mais poussé d'avantage par l'amour de la concision, cette vigueur de la pensée, dira d'elle : « Ce garçon. » Quand à moi, je dirai : « Cette garçon », violant la règle de grammaire la plus élémentaire, qui exige que s'accorde en genre et en nombre le substantif et l'adjectif. Et j'aurai fort bien dit ; j'aurai parlé dans l'absolu, photographiquement, loin de la platitude, de la norme, du quotidien. Aussi n'aurai-je pas pas parlé : j'aurai dit.
La grammaire, qui définit l'usage, établit des divisions légitimes mais erronées. Elle distingue, par exemple, les verbes transitifs et intransitifs ; cependant, l'homme sachant dire devra, bien souvent, transformer un verbe transitif en verbe intransitif pour photographier ce qu'il ressent, et non, comme le commun des animaux-hommes, pour se contenter de le voir dans le noir. Si je veux dire que j'existe, je dirai : « Je suis. » Si je veux dire que j'existe en tant qu'âme individualisée, je dirai : « Je suis moi. » Mais si je veux dire que j'existe comme entité, qui se dirige et se forme par elle-même, et qui exerce cette fonction divine de se créer soi-même, comment donc emploierai-je le verbe
être, sinon en le transformant tout d'un coup en verbe transitif ? Alors, promu triomphalement, antigrammaticalement être suprême, je dirai : « Je me suis. » J'aurai exprimé une philosophie entière en trois petits mots. N'est-ce pas infiniment préférable à quarante phrases pour ne rien dire ? Que peut-on demander de plus à la philosophie et à l'expression verbale ?
Qu'ils obéissent donc à la grammaire, ceux qui ne savent penser ce qu'il sentent. Que s'en serve au contraire ceux qui savent commander à leur expressions. On raconte que Sigismond, roi de Rome, ayant commis une faute de grammaire dans un discours public, répondit à quelqu'un qui lui en faisait la remarque : « Je suis roi de Rome, et au-dessus de la grammaire. » Et l'histoire raconte que le nom lui est resté de Sigismond «
super grammaticam ». Symbole merveilleux ! Tout homme sachant dire ce qu'il dit est, à sa façon, roi de Rome. Le titre n'est pas mauvais, et être âme, c'est savoir s'être.

(Fernando Pessoa)


Francis Marche n'est peut-être pas encore, à sa façon, roi de Rome, mais il est déjà, ici, comte de Barcelone.
Euh, oui, sauf que « cette garçon », ça fait sens en portugais (« esta menino »), mais c’est totalement incompréhensible en français, sauf à éclairer par le contexte, et dans ce cas, pourquoi se casser la tête ?
Là, Cher Chatterton, j'avoue ne pas saisir le sens de votre remarque. Quelle différence subtile y-a-t-il entre la version d'origine (« esta menino » à la place de este menino) et la traduction en langue française (« cette garçon » à la place de ce garçon) ?
Soit un roman faisandé de madame Rachilde (j’adapte un peu, pour les besoins de la démonstration). « Elle quitta son manteau d’officier polonais qu’elle envoya sur un fauteuil. Aucun bijou, cette fois, ne scintillait pour égayer son costume quasi-masculin. Elle portait seulement une chevalière frappée de son chiffre et tirait songeusement sur un cigare. Cette garçon était le diable, pensa Jacques, dans un transport d’angoisse. »

Vous voyez que c’est incompréhensible.
Ah je vois : en français, on a la possibilité d'utiliser le mot "garçonne" dans ce cas ; par contre en portugais, l'équivalent de "garçonne" (i.e. la forme féminine de "menino") est "menina", or "menina" est déjà utilisée pour désigner une fille, d'où la proposition de Pessoa de dire « esta menino » pour contourner ce problème et qualifier dans sa langue "cette garçonne".

Mais sa réflexion reste valide en français. Ainsi on parlera "d'une belle ouvrage" pour évoquer plaisamment un beau travail.
Exemple : « Quand on voit ce qu'est devenue Marseille, on a un magnifique aperçu de la belle ouvrage de nos politiques ! »
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