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The War de K. Burns sur ARTE

Envoyé par Gérard Rogemi 
Je signale aux liseurs de cette honorable assemblée que le premier épisode de la série THE WAR - qui en compte 12 - sera diffusé le mercredi 5 mars à 21h sur ARTE. Ensuite, ce sera chaque mercredi. Je vous recommande cette série consacrée à la Seconde guerre mondiale - une guerre nécessaire - vécue par les USA. à l'intérieur et à l'extérieur.
Les pages d'ARTE

Trouvés sur internet:

- I - L’effet Ken-Burns
Burns s’est fait connaître en 1990 avec la série « The Civil War » ; en 1994, dans « Baseball », il consacrait 14 heures à l’histoire de ce sport vedette outre-Atlantique et, en 2001, il tournait « Jazz », un chef-d’œuvre sur ce style de musique né aux Etats-Unis. Ses films sont en marge des lois du 7e art : « The War », par exemple, ne peut être abordé d’un seul tenant. La marque de fabrique du cinéaste est « l’effet Ken Burns » : filmer des photos et leur redonner vie par de lents zooms et panoramiques. Cette technique permet au documentariste d’insuffler de l’émotion à des images fixes et met toujours en valeur le caractère véridique du support ; elle confère toute sa spécificité à « The War ».
A la fin du film, lorsqu’il est question des jours précédant le 8 mai 1945, certains des protagonistes évoquent l’entrée des troupes américaines dans les camps de concentration. Burnett Miller, un soldat originaire de Sacramento, raconte son arrivée à Mauthausen en Autriche ; à ce moment-là, il a vraiment compris pourquoi il avait combattu. Les habitants du village à proximité mentaient tous lorsqu’ils prétendaient ne pas être au courant parce qu’on y sentait la mort à pleines narines.
« The War » montre à quel point la passion et le sens de la justice sont liés. Mais il nous renvoie régulièrement dans le présent. Et là, le film dévoile un second « effet Ken Burns », plus incisif. La Deuxième Guerre mondiale semble étonnamment proche car le style du réalisateur américain oblige le spectateur à « regarder la guerre en face ».
C'est bien vu.

- II - "The War" : regarder la guerre en face
Dans "The War", une série documentaire de 14 heures consacrée à la Deuxième Guerre mondiale, le documentariste américain Ken Burns présente ce drame humain sous un jour inédit.

Pourquoi et comment vous êtes-vous lancés dans cette épopée qu’est The War ?
Après mon film sur la guerre de Sécession en 1990, j’ai été très sollicité pour tourner d’autres films sur d’autres guerres, en particulier sur la Seconde Guerre mondiale. Mais je n’avais ni l’intention de devenir un spécialiste du genre, ni envie de m’aventurer sur ce terrain-là. Et puis, j’ai appris que plus de mille vétérans américains mouraient chaque jour aux Etats-Unis. Comme je suis convaincu, moi aussi, que "chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle", il m’a paru urgent de préserver cette mémoire. D’où l’idée d’interviewer ceux qui avaient vraiment combattu, et de relater cette guerre d’un point de vue intime et très quotidien, déjà bien assez complexe pour sensibiliser à des enjeux plus grands. Pour éviter l’abstraction inhérente à de nombreux films sur le sujet, distraits par une espèce de fascination morbide, qui vous propulsent dans le conflit à un moment donné, nous voulions surtout restituer le contexte, et donner sens à ce qui se passait. Il s’agissait d’essayer de capter des expériences, tout à la fois symboliques et représentatives, de la guerre, afin d’éclairer ce qui est à l’œuvre quand des hommes s’entretuent. S’il y a des guerres nécessaires, nous voulions en montrer le coût réel.

Comment avez-vous choisi les quatre villes autour desquelles s’articule le récit ?
Au début, nous pensions nous concentrer sur une seule, en l’occurrence Waterbury (Connecticut), une de ces bourgades industrielles anonymes où l’on passe sans jamais s’arrêter. Waterbury abritait en outre des communautés juive et italienne. Mais chaque communauté ayant sa spécificité, nous avons finalement préféré choisir quatre villes : une au Nord-Est donc, une au Sud (Mobile), une à l’Ouest (Sacramento) et la dernière dans le Midwest (Luverne). Mobile, parce que j’avais lu «With the old breed », les mémoires bouleversantes, d’une brutale honnêteté, de E.B. Sledge, un ancien marine qui avait combattu dans l’enfer de Peleliu et Okinawa. Il était mort entre-temps, mais son fils nous a présenté son meilleur ami et, peu à peu, nous avons tissé notre toile. Nous tenions aussi à montrer le sort tragique des Américains d’origine japonaise, sur la côte Ouest, arrachés du jour au lendemain à leurs maisons et à leurs fermes, pour être parqués dans des camps d’internement. Enfin, grâce à un pilote vétéran qui y avait grandi, nous avons retenu la petite ville de Luverne. C’est là, en compulsant les archives municipales, que nous sommes tombés sur une pépite : la chronique hebdomadaire, magnifiquement écrite, d’un localier de l’époque. Tout au long du film, elle résonne à la manière d’un chœur de la Grèce antique. Dans cette cité, peut-être alors l’endroit le plus sûr au monde, ce journaliste avait réussi à traduire, avec une inouïe acuité, l’état d’esprit du moment.

Comment, justement, avez-vous procédé pour les archives ?
Afin de ne pas utiliser celles déjà mille fois exploitées, nous avons lancé des recherches aux Archives nationales à Washington mais aussi dans tout le pays. Nous avons compulsé des milliers de documents, de Tokyo, Berlin, Moscou, Londres… Et à force de nous y plonger, nous avons même trouvé des prises de vue de reportages dont les négatifs originaux étaient en couleurs. Tout d’un coup, la Seconde Guerre mondiale n’était plus ce conflit abstrait, confortablement mis à distance par le noir et blanc, mais des hommes qui souffraient, mouraient, tuaient comme sur les images d’actualités qui nous parviennent. La guerre à l’époque n’était pas invisible. Roosevelt, lui-même, a autorisé la diffusion d’images, pourtant désespérantes, de corps de boys flottant aux abords de l’île de Tarawa dans le Pacifique, pour que les Américains sachent pour quoi ils combattaient. Aujourd’hui, si l’Américain moyen veut savoir ce qui se passe en Irak, au-delà des informations superficielles qu’on lui assène, il est presque considéré comme un pornographe, en quête d’obscures et horribles sensations. Nous sommes conditionnés à ne plus voir la guerre.

Votre film est en outre un portrait de l’Amérique, qui parle aussi de la ségrégation raciale…
D’une certaine manière, je fais toujours le même film − qu’il s’agisse du Brooklyn Bridge, de la guerre de Sécession, du Jazz ou du Base-ball −, et il tente de répondre à une simple question : qui sommes-nous ? Impossible de comprendre ce qu’était l’Amérique à cette période, sans évoquer le racisme pernicieux qui la rongeait dans cette guerre qu’elle menait pour la liberté.

Que vous a appris cette immersion au cœur du conflit ?
Nous avons tous été saisis par l’humilité de ces vieillards, qui, à dix-huit ou dix-neuf ans, ont débarqué en Normandie, libéré les camps de concentration ou encore combattu à Iwo Jima, à un âge où la plupart d’entre nous n’ont connu que le luxe de l’insouciance. La Seconde Guerre mondiale a touché chaque famille, chaque rue, dans chaque ville des Etats-Unis, d’où aussi ce sens partagé du sacrifice et le sentiment de participer à un effort commun. Engagés dans le plus grand cataclysme de l’histoire, ces gens ordinaires ont fait face. Ils ont fait preuve d’un courage prodigieux, commis aussi des atrocités. Partager avec eux leurs secrets les plus profonds et parfois les plus sombres nous a paru incroyablement rafraîchissant, à l’heure où la culture de la célébrité pollue nos regards. Beaucoup n’en avaient jamais parlé et nous assistions à l’exhumation de leur mémoire, enfouie depuis si longtemps. À la fin de leur vie, ils s’autorisaient enfin à le dire. Je fais des documentaires historiques depuis trente ans et jamais encore, je n’avais été traversé par une telle émotion.
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