Le site du parti de l'In-nocence

Bagatelle pour le prochain massacre

Envoyé par Christian Combaz 
J'invite le lecteur à se demander si le seul commerce des armes explique le passage à l'acte auquel se livrent, de temps à autre, les jeunes Américains dans les cinémas, les cours d'école ou les bibliothèques.
Voici deux extraits vidéo et un court texte [christiancombaz.fr]
Vraiment, je ne sais pas. J'ai baigné dans cette culture. J'ai vu tout ce que l'on peut voir avant mes 15 ans (par exemple un jeu-vidéo tel que Kingpin à 13 ans) et je n'ai jamais eu de pensées macabres ni destructrices, du moins pas telles qu'elles puissent se concrétiser dans ma mort ou celle de mes prochains. J'ai même été longtemps sans comprendre comment on pouvait faire du mal aux autres volontairement. Il faut une tournure d'esprit particulière, peut-être un environnement particulier, pour confondre le jeu-vidéo et la vie. Je crois que l'équilibre mental des gens qui nous entourent, la façon dont ils nous présentent la vie, dont ils se comportent avec nous, que tout cela a bien plus de conséquences sur notre propre équilibre que les médias, à moins bien sûr que ces gens-là soient absents et qu'ils nous abandonnent complètement aux jeux et aux films violents. La piste génétique n'est peut-être pas non plus à laisser de côté.
Il n'existe pas, à ma connaissance, d'équivalent de la NRA au Mexique ou en Colombie...

La violence américaine est muette, sans objet, très souvent gratuite. C'est davantage la consommation quotidienne et effrénée de drogues (illégales ou délivrées par des psychiatres - les secondes étant parfois plus dangereuses que les premières) que l'accès facile aux armes, qui, aux Etats-Unis, est la cause sous-jacente, le principal déclencheur des passages à l'acte que vous évoquez.

Je vais maintenant voir ces vidéos et lire ce texte. Merci.
Notre dénuement intellectuel face à ces meurtres de masse est en lui-même un symptôme, je crois. Ni la libre circulation des armes (inconnue en Allemagne, en France, en Norvège, où ont sévi Tim Kretschmer, Richard Durn et Anders Breivik -- pour ne pas citer Merah), ni les jeux vidéos (auxquels tous les tueurs de masse ne s'adonnaient pas), ni la folie (la plupart des tueurs de masse auraient été jugés "normaux" la veille de leur crime par des experts psychiatres), ni la misère (beaucoup sont issus des classes aisées), ni les problèmes familiaux (souvent très ordinaires), ni les drogues, ni le diable n'apportent de réponse concluante à la question : pourquoi sont-ils passés à l'acte ? Les massacres se multiplient, nous laissant bouche bée. Même les psychiatres restent discrets. On évoque des "mystères", et l'on semble se contenter de cela, peut-être pour éviter de comprendre en quoi ces meurtres d'apocalypse sapent les fondements mêmes de notre bonheur hygiéniste.
Voici quelques extraits d'un texte de Philippe Muray publié dans la Revue des deux mondes en décembre 1999 et intitulé Les ravages de la tolérance. Le texte évoquait un massacre du même genre.

L'excès de tolérance est une forme de dépossession ou de déprivation auprès de quoi la vieille aliénation des temps historiques fera bientôt figure de douce plaisanterie, au même titre que la frustration ou l'angoisse de castration de l'époque freudienne, et contre laquelle de nouvelles formes monstrueuses et inconnues de ripostes ne cesseront plus de s'organiser. Il existe désormais un déspotisme des valeurs de positivité, d'amour, de " respect de l'autre ", capable de rendre enragés ceux qui ne se résignent pas à vivre sous ce régime comme sous une nouvelle espèce de dictature contre laquelle, à l'inverse de ce qui se passait avec les tyrannies de l'âge historique, personne ne peut rien, même pas se fantasmer en résistant ou en rebelle. L'Empire de la tolérance n'admet pas non plus qu'on ruse avec lui. Il ne laisse aucune place au compromis ni aux faux-fuyants. On ne peut pas, jouer d'une manière ou d'une autre, avec ses commandements et son idéal. Et la moindre accusation d'intolérance, le moindre soupçon d' " exculsion ", la moindre ébauche de dogmatisme, deviennent sous son contrôle des objets d'horreur et de répulsions.

..............................................................................................................................................................................................

La civilisation actuelle s'est engagée dans la besogne titanesque consistant à éradiquer l'instinct de mort, quel que soit le nom qu'on lui donne ( par maudite, hostilité primaire, violence, pêché, négativité, Mal, etc. ) au profit de l'édification d'un monde abstrait, stylisé, épuré, nettoyé de toute irrégularités, de tous les accidents, de tous les écarts, de toutes les perturbations, de toutes les velléités de destrucion ou d'autodestruction des siècles révolus. Très longtemps, l'intolérance aura fait partie, et de manière sanglante, des entreprises de l'homme pour se prouver qu'il était autre chose ( quelque chose de meilleur ou de pire ) qu'un simple animal ( les animaux ne tuent que pour survivre ). Elle n'a plus sa place là où règnent, comme à Pangbourne village, " la tyrannie de l'amour et de la tendressse ", ou encore " la tolérance et la compréhension illimitée ". Avec tous les risques, bien entendu, de réaction violente que cela comporte: la multiplication des crimes commis par des enfants a sa source principale dans l'inflation de bons sentiments sous laquelle l'humanité chemine, à présent courbée comme sous les rafales d'une tempête qui n'aurait pas de fin.

..............................................................................................................................................................................................

La tolérance illimitée rend fous ceux qui n'ont pas la capacité de s'y plier comme à une nouvelle servitude inévitable. C'est exactement la condition du criminel telle que la décrivait Nietzsche, c'est-à-dire l'homme fort placé dans des conditions défavorables, l'homme fort que l'on rendu malade, à qui l'on a retiré la jungle, à qui manque la jungle, et dont les capacités sont désormais mises au ban de la société. Dans le cas des enfants du Massacre de Pangbourne, et aussi bien dans celui des adolescents tueurs de Littelton ou d'ailleurs, la " jungle " qui a été retirée, sous l'effet des inombrables formes de convivialité, de rapprochisme, de générosité, de conctatophilie, de solidarité, de créolisation ou de métissage qui prolifèrent et asphyxient tout, c'est simplement la vieille tragédie formatrice de l'oedipe, faite d'agressivité et de castration, dont l'absence interdit désormais aux jeunes êtres humains la moindre possibilité d'évolution, le moindre espoir d'accès à l'âge adulte, et les voue à un état d'infantilisme perpétuel.
Voici quelque chose de plus lapidaire sur ce sujet


Pourquoi les pays latins n'ont-ils encore jamais connu d'épisode de violence gratuite comme à Aurora ou Columbine ? (A l'exception de l'équipée de Toulouse qui d'ailleurs n'était pas gratuite)
Parce que la violence fait partie du jeu social dans les pays du Sud dès la cour de l'école, et que les petits garçons marseillais ou napolitains ne s'entendent jamais seriner des préceptes protestants du genre va t'excuser auprès de Jérémie, et prends conscience que ton attitude est inacceptable. En outre la violence est souvent canalisée dans le monde latin par une certaine verve dans la justification, la mystification, l'intimidation , tandis que les adolescents les plus maussades, à Stockholm , Stuttgart ou Kansas City, subissent le prêchi-prêcha des psychologues-femmes, ne disent jamais un mot, se réfugient dans les jeux vidéo et rêvent de balayer les obstacles au lance-roquettes.
Plus lapidaire que Combaz, et en accord avec son diagnostic: c'est le Bien, le Bien sans issu, prêchi-prêché du matin au soir, par tous les quartiers de la société réelle et représentée, médiatisée, et toujours sans plus de transcendance que de négativité, qui engendre le Mal absolu, qui le fait jaillir par pression, comme d'un tube de pâte dentifrice sur lequel l'hippopotame du Bien s'assoit tout à la fois par inadvertance et par esprit de système. Dans une société ou tout un chacun s'autorise à vous marcher sur les pieds de manière quasi permanente en s'excusant d'un sourire tout aussi quasi-permanent, en s'autorisant du Bien, par où voulez-vous que le mal s'extrudere et comment voudriez-vous qu'il le fasse autrement que comme il le fait, de temps en temps et par surprise. Et puis, entre nous, quoi de meilleur pour re-souder une nation qui peine à se trouver des ennemis? Même leur président s'est fendu d'une larme... C'est terrible à dire, mais ces massacres ne sont pas sans leur utilité, ils sont indispensables à un système qui reste encore à décrire complètement.
Bien d'accord avec vous monsieur Marche ! Toute la journée on nous talonne avec le Bien, ce Bien est à vomir et tue toute intelligence, tout esprit, toute forme sublime, tout artiste vivant. Il sclérose tout sur son passage.
Connaissant bien la Scandinavie, je souscris à tout ce que dit ici Combaz. Le cas Breivik est à interpréter comme une réaction hostile à cette moraline permanente et imbuvable, surtout lorsque ceux qui subissent cette moraline subissent aussi l'invasion des ennemis fondamentaux de tout ce qui est aimable dans leur civilisation.
Dans tous les lieux du monde où s'exercent le contrôle et la surveillance, où règnent la prudence et la précaution, où dominent les mères et les médiateurs de toute espèce, l'instinct réprimé peut à chaque instant provoquer des éruptions sanglantes.

"De belles maisons de bois au milieu de terrains arborés, quelques magasins de vêtements, deux ou trois restaurants, un "Diner" très américain à côté d'une station-service, des églises: une famille cherchant la tranquillité pourrait difficilement trouver plus calme pour élever ses enfants.

La ville s'enorgueillit aussi de son journal local, The Newtown Bee, un hebdomadaire fondé en 1877 qui fut le premier à diffuser une photo de ce qui se passait à l'école primaire."
(lamontagne.fr)
Cela dit, je ne voudrais scandaliser personne, mais je me permets de préférer un petit massacre une fois par siècle dans la ville, et même un par an dans le pays tout entier, si effroyables soient-ils, à une vie quotidienne de nocence perpétuelle et de criminalité petite et grande comme à Marseille. Non seulement ça fait beaucoup moins de morts mais ça gâche moins radicalement l’existence de moins de gens.
Cela dit, je ne voudrais scandaliser personne, mais je me permets de préférer un petit massacre une fois par siècle dans la ville, et même un par an dans le pays tout entier, si effroyables soient-ils, à une vie quotidienne de nocence perpétuelle et de criminalité petite et grande comme à Marseille."
Nous risquons bien d'avoir les deux, mon général.
Utilisateur anonyme
16 décembre 2012, 16:41   Re : Bagatelle pour le prochain massacre
Citation
Virgil Waldburg
Connaissant bien la Scandinavie, je souscris à tout ce que dit ici Combaz. Le cas Breivik est à interpréter comme une réaction hostile à cette moraline permanente et imbuvable, surtout lorsque ceux qui subissent cette moraline subissent aussi l'invasion des ennemis fondamentaux de tout ce qui est aimable dans leur civilisation.

Je ne mettrais pas le cas Breivik dans le même sac que les tueurs d'écoles américains.

Récemment M. Camus écrivait judicieusement

«J’ai toujours été sensible à la vague “théorie” indienne, rencontrée un jour par hasard, selon laquelle il y aurait pour le monde une quantité constante d’“âme”, et donc un peu moins pour chacun à mesure qu’il y avait plus d’humains. Les pays à faible densité démographique me paraissent en effet de plus haute teneur spirituelle. Et le prix attaché à la vie humaine, et la considération attachée à la gravité des crimes, semblent bien varier selon le taux de reproduction. Je signale à ce propos (plus ou moins) le petit livre de Georges Sebbag, Microdurées (éditions de la Différence), sur le rapport entre densité démographique et conceptions du temps.»

Je ne suis pas loin d'aboutir à une réflexion similaire sur le sentiment de rejet ou de haine: quand la majorité refuse d'en prendre sa part, elle se concentre. C'est flagrant avec les cathos-vatican-2 («Je n'aime pas dire du mal des gens, mais effectivement elle est gentille.»), qui d'une certaine façon contraignent les autres à faire le sale boulot, avec autant d'hypocrisie que certains Juifs s'arrangent des shabbat goy.

Vous ne voulez pas d'une droite fière et sûre d'elle: Marine Le Pen rayonne. Vous ne voulez pas d'extrême-droite: vous aurez des nazis. Et si on ne veut pas de nazis, il y aura un Breivik de temps en temps.
Utilisateur anonyme
16 décembre 2012, 17:08   Re : Bagatelle pour le prochain massacre
Citation
Renaud Camus
Cela dit, je ne voudrais scandaliser personne, mais je me permets de préférer un petit massacre une fois par siècle dans la ville, et même un par an dans le pays tout entier, si effroyables soient-ils, à une vie quotidienne de nocence perpétuelle et de criminalité petite et grande comme à Marseille. Non seulement ça fait beaucoup moins de morts mais ça gâche moins radicalement l’existence de moins de gens.

Mais, cher président, les deux y sont, aux E.U.A. comme en France.

Chez nous, nous relevons encore les règlements de comptes entre malfrats, là-bas, c'est monnaie courante. Combien de villes américaines sont des Marseille, sont des Quartiers-Nord ?

Nous n'en sommes, ici, qu'à la nocence perpétuelle, mais les Mérah arrivent et vont se multiplier, je n'en doute pas. Dans ce domaine comme dans d'autres, nous nous américanisons (n'est-ce pas, cher Paul-Marie C. ?)
Utilisateur anonyme
16 décembre 2012, 17:20   Re : Bagatelle pour le prochain massacre
Le garçon qui ne voulait plus être nice.




Au moins à Marseille, ce sont surtout des truands qui s'entretuent : c'est pour eux le risque du métier.
Le motif du passage à l'acte de Breivik est singulier. Son univers mental, son rapport déréalisé à la mort, à la tuerie, etc. est le même que ceux des adolescents et jeunes Américains.
Le propos de Xavier Raufer (dans l'extrait vidéo) concernant le conformisme asphyxiant la singularité émotionnelle des individus contraints de singer les anges devrait, il me semble, être complété par le phénomène de dissociation auquel ces mêmes individus sont soumis du fait de la violence extrême et banalisée de leur environnement virtuel et cinématographique.
C'est ce phénomène de clivage exacerbé qui peut faire basculer dans le passage à l'acte, en l'absence d'autres mécanismes de régulation tels que la sublimation artistique, intellectuelle ou encore l'engagement politique...
Mais d'où tenez-vous que la société américaine, qui détient tout de même le brevet et le record de ce genre de tueries (alors que les jeux vidéo sont diffusés absolument partout), que la société américaine donc soit engluée dans le prêchi-prêcha de la repentance compulsive et du Bien-phagocyte? N'est-elle pas plutôt fière de sa violence fondatrice, érigeant en devoir le droit de défendre les siens à la pétoire, en vente presque libre, s'il le faut, vénérant la monstration de la puissance avant tout physique, le grand spectacle, les effets spéciaux, la gonflette et les humvees ?
Utilisateur anonyme
16 décembre 2012, 20:50   Re : Bagatelle pour le prochain massacre
M. Eytan, il faudrait que vous voyiez une feuille d'évaluation de performance sur laquelle il n'y a que des appréciations positives. Comment virer un cadre en restant dans le champ lexical de la promotion extraordinaire. Comment me demander fermement de ne pas commencer le piano à huit heures du matin le dimanche en me disant quand même que c'est Wonderful.

Comme l'indique M. Raufer, le sourire ligoté, c'est chez les WASP, et c'est là où ces tueries ont lieu (lire le texte de Muray en entier). Les rednecks et non-blancs ont un comportement plus... spontané.
A Alain Eytan
J'émettais simplement un avis complémentaire aux propos de ce criminologue concernant les mécanismes psychiques en général ; je laisse aux spécialistes de la société américaine le soin de nous éclairer plus avant.
Je rappelle quand même que les humvees sont désormais chinois.



C'est Arnold qui doit ronger son frein ainsi que celui de son chinoiwees, et tant pis pour les petits enfants
Peut-être, cher Emmanuel Michon ; toujours est-il que les modèles que cette société véhicule (modèles de grande consommation, j'en conviens), cela vu à travers la distance qui m'en sépare, bien sûr, que ces modèles me semblent plutôt ressortir aux thèmes de l'apologie de la nécessité de la virile défense de soi, de Harry Eastwood et son rictus make my day en agitant un magnifique 44 Magnum, du cow-boy volontiers bagarreur, des gangs d'hyper-guerriers de la Brotherhood façonnés aux cutters de leurs terribles prisons, et, en prime, de maigrichons wasps se pâmant d'extase devant la matière musculeuse et les prouesses athlétiques de Noirs colossaux qui démolissent des paniers qui ne leur ont rien fait à coups de dunk shots...
Trop folklorique, tout ça ?
Il me semble au contraire , cher Alain Eytan, que le justicier virlil est assez mal vue aux USA comme ici par la gent médiatique. Clint Estwood a passé pour un facho et n'est rentré en grâce que lorsque il est devenu évident qu'il était aussi un très grand cinéaste. Il ne faut pas oublier que s'agissant des minorités le " politiquement correct " nous vient de là-bas. Dans les films, le héros viril est toléré à condition de culpabiliser sur saconduite avec son épouse par qui il a été en général largué, ou à condition d'être veuf et d'élever seul une adolescente de quinze ans, sur l'éducation de laquelle il se doit de culpabiliser aussi. En revanche, il est vrai que le patriotisme est très vivace.
Pour rendre l'air du temps, il y a donc, dans l'humanité, deux époques, celle des géants et celle des nains anémiques (cioran). Les géants mangent leurs enfants, les nains anémiques les anémient.


Utilisateur anonyme
17 décembre 2012, 01:15   Re : Bagatelle pour le prochain massacre
Citation
Renaud Camus
Cela dit, je ne voudrais scandaliser personne, mais je me permets de préférer un petit massacre une fois par siècle dans la ville, et même un par an dans le pays tout entier, si effroyables soient-ils, à une vie quotidienne de nocence perpétuelle et de criminalité petite et grande comme à Marseille. Non seulement ça fait beaucoup moins de morts mais ça gâche moins radicalement l’existence de moins de gens.

J'irais même plus loin que M. Camus. L'hypersensibilité contemporaine à ces massacres, sommes toutes circonscrits, tout comme revenir et mémorialiser sans cesse sur "les horreurs du XXe siècle" me semble relever de la même pensée droit-de-l'hommisme molle et caoutchouteuse dont l'Occident se rend malade, signe de sa dévirilisation ou de sa féminisation et en tout cas de son déclin.

Je recommande les pages revigorantes de Joseph de Maistre dans ses Considérations sur la France, le chapitre III "De la destruction violente de l'espèce humaine", dans lequel trois pages durant, il fait le récit des principales guerres, massacres, exterminations, génocides auxquelles l'homme s'est amusées depuis 2500 ans. Il oppose à cette violence foncière de l'Homme la nécessité de l'état hobbsien. On retrouve le même point de vue dans son Premier paradoxe à Madame la marquise de Nav., titré "Le duel n'est point un crime" (dès lors que l'État de droit a disparu).
N'est-ce pas aller un peu loin, cher Stephan Monfort ? On a tout de même le droit de s'offusquer un peu que des enfants se fassent tirer dessus comme de petits canards dans une cour d'école à l'arme de guerre, sans tenir obligatoirement de l'hévéa saigné...

Après tout, réclamer le droit à quelque tranquillité d'esprit dans un environnement où les portes ne claquent pas, en échange d'un petit massacre d'innocents autorisé çà et là, cela relève aussi d'une certaine conception des droits de l'homme.
Utilisateur anonyme
17 décembre 2012, 22:45   Re : Bagatelle pour le prochain massacre
Certes, que les contemporains ou les chargés de famille s'offusquent, se récrient et en appellent à tous les saints de la chrétienté, mais serait-il possible de laisser aux publicistes et aux historiens le soin de mettre en perspective et de rappeler qu'il n'en a pas été ainsi par le passé ? Pourquoi la parole érudite devrait-elle en passer toujours par les fourches caudines de l'émotion mal informée ?

Jusqu'au 18e siècle, les enfants en bas âge tombaient comme à Gravelotte et leurs mères les mettaient en terre comme elles l'auraient fait d'un animal domestique, à tel point que Ph. Ariès soutenait que "l'instinct maternel" était une invention moderne.

Par ailleurs, la criminalité de droit commun reste aujourd'hui de dix à vingt fois inférieure à ce qu'elle était avant l'invention de l'État hobsien et de son programme visant à museler la guerre de tous contre tous.

Cette hyper-sensibilité à la mort et aux drames rend aussi plus vulnérables à ces évènements plus tragiques et plus douloureux qui ne manqueront pas d'advenir un jour à ces sociétés occidentales que l'on sent bien fragiles....
Que la parole érudite, comme vous dites, fasse étalage de son érudition, mais j'avoue ne pas faire le lien entre cette dernière, qui n'est au mieux qu'informative, et l'assertion qui juge les réactions selon une échelle de valeur qui n'a rien à voir avec quelque savoir que ce soit, ce que vous semblez pourtant faire, puisque vous condamnez en soi, moralement, le fait de faire montre de certaine sensibilité face à ces massacres.

Et puis, n'oubliez quand même pas qu'Hobbes, duquel vous semblez tellement tenir, n'a en définitive conçu la nécessité de son "pacte social" que par désir éperdu d'un antidote à l'extrême brutalité naturelle de l'ordre des choses, par excès de sensibilité, précisément. L'on peut même à son égard parler de "sensiblerie", car il fut, de son propre aveu, un sacré froussard.
Dans ces conditions, revivre l'effroi chaque fois renouvelé que peut inspirer l'indifférence souveraine de la réalité à notre endroit, cela ne contribue-t-il pas au contraire à renforcer notre détermination à préserver ce pacte ?
De Maistre nous dit que le sang versé dans les guerres rachète les fautes commises par l'humanité, et qu'à ce titre, elles sont indissolublement liées au chaos du monde -- et qu'elles ont un sens supérieur que nous ignorons. Ces souffrances, ces hécatombes, n'ont-elles pas aussi pour fonction d'émouvoir les hommes, précisément, et de leur enseigner l'amour d'un monde ordonné, religieux (toujours dans la vision maistrienne) ?
« Après tout, réclamer le droit à quelque tranquillité d'esprit dans un environnement où les portes ne claquent pas, en échange d'un petit massacre d'innocents autorisé çà et là, cela relève aussi d'une certaine conception des droits de l'homme. »

Euhhhh.... C’est censé être ma position, ça ?

(Quand il est question de portes qui claquent, je me sens visé).
Utilisateur anonyme
18 décembre 2012, 13:30   Re : Bagatelle pour le prochain massacre
Citation
Alain Eytan
... puisque vous condamnez en soi, moralement, le fait de faire montre de certaine sensibilité face à ces massacres.

Et puis, n'oubliez quand même pas qu'Hobbes, duquel vous semblez tellement tenir, n'a en définitive conçu la nécessité de son "pacte social" que par désir éperdu d'un antidote à l'extrême brutalité naturelle de l'ordre des choses, par excès de sensibilité, précisément. L'on peut même à son égard parler de "sensiblerie", car il fut, de son propre aveu, un sacré froussard.

Cher Alain Eytan,

La condamnation et la moraline ne sont en aucuns cas de mon registre. Pleurez ou apitoyez-vous sur qui vous voulez, je me suis juste contenté de souligner que l'extrême sensibilité à la mort était un phénomène contemporain (qui va avec la sacralisation de la vie humaine) et qu'elle nous rend plus vulnérable et moins fort, rien là que de très banal...

S'il fallait juger les grandes oeuvres à l'aune de la vie ou du caractère de leurs auteurs, ils n'en resteraient plus guère (d'Hugo à Gobineau et de Lyautey à Céline...). Il est du reste probable que la pusillanimité ou la lâcheté de Hobbes aura compté dans sa conception de l'État de droit moderne, lui faisant préférer l'autorité des institutions plutôt que les règlements de compte sordides des bretteurs et des vengeurs....

Bien à vous,
» Euhhhh.... C’est censé être ma position, ça ?

Non, non, c'est "aller plus loin", selon le sens du voyage de M. Monfort...
La bêtise n'est pas monfort.
» je me suis juste contenté de souligner que l'extrême sensibilité à la mort était un phénomène contemporain (qui va avec la sacralisation de la vie humaine)

Vaste sujet, cher Stefan Monfort... L'on peut aussi arguer qu'à partir du moment où l'on a commencé de considérer que l'homme était de quelque façon lié au divin, et que sa part d'être participait du caractère sacré de celui-ci, et cela remonte certainement assez loin, sa mort n'était plus un incident mineur et si indifférent que cela ; les premiers textes de lois qu'on connaisse punissent de mort l'homicide, je crois ; l'humanisme de la Renaissance fait déjà de l'homme le truchement obligé par lequel l'appréhension d'un monde soit seulement possible, ce qui lui confère quelque valeur ; sans compter, bien entendu, que d'un point de vue strictement personnel, cela à partir de l'apparition du premier être doté de conscience qui eut la faculté de réfléchir le fait étonnant de sa propre existence, la mort ne peut vraiment laisser totalement insensible...
Je serais plutôt d'avis que depuis que l'homme est homme, il fut, par définition et vocation, diraient certains, extrêmement sensible à la mort, à la sienne propre, mais également à celle des autres.

À propos de Hobbes, je voulais simplement souligner que c'était précisément la sensibilité, et même ce qu'on pourrait appeler le sens de l'humain et la conviction de la valeur y attachée, qui avaient motivé la conception du pacte ; sans cette extrême sensibilité, que vous semblez congédier un peu vite, pourquoi et au nom de quoi vouloir empêcher que des hommes ne fussent, en toute impunité, des loups pour d'autres hommes ?
Ainsi parle l'Éternel : On entend des cris à Rama, des lamentations, des larmes amères ; Rachel pleure ses enfants ; elle refuse d'être consolée sur ses enfants, car ils ne sont plus.

Sensiblerie des temps anciens.
Jusqu'au 18e siècle, les enfants en bas âge tombaient comme à Gravelotte et leurs mères les mettaient en terre comme elles l'auraient fait d'un animal domestique,

Du Littell ? C'est bon ça coco. Belle image.
Certains commentaires de MM. Camus et Marche me donnent envie de danser. C'est normal? Grave?
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter