Qu'est-ce que la culture ?

La définition de la culture à l'université en licence de lettre moderne est celle-ci : Au XIXe s. avec la naissance des sciences humaines (ethnologie, anthropologie etc.... ) la culture (quasiment synonyme de civilisation) devient l'expression de la totalité de la vie sociale de l'homme.
Dès lors, les divers propos que je lis ici semblent totalement décalés par rapport à ces vérités.
J'aimerais savoir qui décide de la définition des mots au sein d'un cursus universitaire ou si c'est moi qui ne comprend pas bien.
Merci d'avance pour les réponses qui éclaireront ma chandelle.

Au sens où nous l'entendons généralement, la culture est l'ensemble des aspects intellectuels d'une civilisation. Mais en anthropologie on désigne par ce mot l'ensemble des caractères acquis (par opposition à la nature qui désigne l'ensemble des caractères donnés). La définition que vous citez paraît être une tentative de compromis.

yo no sé.
En physique, on observe toujours trois choses: l'observateur (vous), l'objet observé (la culture) et le point d'observation (l'université), mais c'est le point d'observation qui prévaut sur le reste.
Bref, tout dépend d'où l'on se place.
Par exemple, je marche sur le trottoir, et j'observe une voiture qui vient vers moi. De l'autre côté de la rue, un piéton marche sur son trottoir, mais lui, ce qu'il voit c'est un autobus, tandis qu'un individu derrière le rideau de sa fenêtre, lui, ne verra rien du tout. La physique fonctionne comme cela.
Tout ça pour dire que: y-a pas bon de vouloir installer au même endroit université et forum. Ce sont deux marécages référentiels différents.

C'est une pente raide en effet.
Je trouve très violent les nouveaux préjugés qui commencent par un "compromis" et finissent par "la culture savante au sens où on l'entendait autrefois écrase la culture populaire et ce n'est pas bien", ou encore, "toutes les cultures se valent et il n'y a pas à revenir là-dessus". C'est pourquoi, étant donné que je ne considère pas que la culture soit autant le produit qui m'est vendu chez un coiffeur qu'un livre écrit par Proust, je me demande si par hasard les cours de littérature ne seraient pas eux aussi remplacées par de la propagande. Et que c'est triste !!!

A l'opposition entre Nature et Culture qui, en creux, posait la question de la Civilisation et de l'évaluation de ses degrés, la post-modernité a réglé son cas: la culture aujourd'hui, c'est la Fête, point barre. Tout le programme de Marseille-2013, Capitale européenne de la culture, se lit ainsi comme une invitation/injonction à 'bringuer' - sans interruption, pendant douze mois...

Tout dans cette conception de la culture, si tant est que celle que vous citez est bien celle qui vous a été enseignée (ce dont je ne doute pas, les professeurs de lettres étant enclins, plus que les autres, à renchérir dans l'abaissement de ce qu'ils sont et de ce qu'ils sont rémunérés pour enseigner), est sujet à "débat", c'est-à-dire objections ou contestations.

D'abord ce qui est dit des sciences humaines.
Les sciences "humaines" sont antérieures au XIXe siècle : l'histoire, la grammaire, la philologie, la philosophie et même la géographie sont aussi anciennes que les lettres ou la poésie, même si elles n'étaient pas tenues pour des sciences ou si certains ont cru bon de leur donner du prestige à la fin du XIXe siècle et surtout au XXe siècle en les nommant (à tort évidemment et de façon trompeuse) "sciences".

Ensuite l'ethnologie et l'anthropologie. Quelques spécialistes de l'histoire de l'ethnologie font commencer cette discipline avec Hérodote et, plus tard, avec les grands voyageurs des XVIe et XVIIe siècles, qui se disaient "géographes" : Thevet, Léry, Chardin... Mais la discipline ne se constitue en France qu'au XXe siècle, quelques décennies après qu'elle a été établie aux Etats-Unis. L'anthroplogie, au XIXe siècle, n'a pas pour objet d'étude la "culture" (au XIXe siècle, la culture, c'est l'agriculture (culture de la terre, du blé, du vin) ou les terres qui sont cultivées (cf. les toponymes et patronymes : "coutures", "couturas", etc.), mais les races : l'anthropologie, au XIXe siècle, est sinon raciste, du moins raciale. Il est donc aberrant de penser qu'elle ait pu avoir quelque lien que ce soit avec la culture.

Pour ce qui est de la définition de la culture qui vous a été enseignée, ce ne sont pas les "sciences humaines" qui en sont à l'origine, mais les "sciences sociales", dénomination qui est beaucoup plus tardive que la dénomination "sociologie". On peut tenir Tocqueville pour le premier sociologue, parce qu'il étudie des "faits" de société et qu'il explique ces faits par les "conditions", politiques ou juridiques, qui prévalent dans tel ou tel pays. Les bonnes moeurs des Américains résultent de l'égalité des conditions qui régne aux Etats-Unis - égalité des conditions qui est au-delà de la simple égalité en droits. Mais le modèle épistémique de Tocqueville n'est pas la "culture", quelque sens qu'on y donne, mais les sciences de la nature du début du XIXe siècle, botanique, géologie, physiologie, dont la méthode - le positivisme - consiste à observer, à décrire des faits, à les expliquer.

En bref, la définition qui vous a été enseignée n'est pas fausse. Elle est historiquement datée et socialement (et même politiquement) marquée. L'engagement stupide n'est pas le fait des seuls Noah ou Torreton ou Ernaux. Elle a été élaborée par les spécialistes "modernes" (XXe siècle) des sciences sociales : sociologie, anthropologie sociale ou culturelle (pas l'anthropologie physique), psychologie sociale. Elle vient des universités américaines, en particulier des départements d'anthropologie ou de sociologie de ces universités.

Cette définition de la culture est totalement étrangère 1) à la France et à l'Europe du XIXe siècle, 2) à la littérature et aux lettres, 3) à l'art et à toutes les activités de l'esprit. Elle peut se justifier dans un cours de sociologie; elle est incongrue et fausse en lettres. Qu'elle ait pu vous être enseignée dans un cours de licence de lettres est la conséquence du désastre qui touche l'enseignement primaire, secondaire et supérieur - en particulier dans le domaine des humanités, des lettres ou de la langue. Vous avez toujours la possibilité de ne pas en tenir compte et de vous constituer par vous-même un véritable savoir.

Monsieur, je vous suis très reconnaissante pour ces réponses qui me mettent sur une voie plus salutaire, et qui aideront surtout la jeune femme qui m'a rapporté ses notes de cours, désespérée, car elle pensait étudier la littérature, et ne voit décidément pas où ce professeur veut en venir avec ce qu'il nomme "littérature inter-culturelle", un parcours nouveau qu'elle regrette d'avoir choisi.
Je ne peux pas rentrer dans des détails plus consistants pour ne pas parler plus longtemps en son nom.
Cependant j'ai pris son désespoir au sérieux car elle s'est donnée beaucoup de mal jusqu'à aujourd'hui, se passionnant tout particulièrement pour Chrétien de Troyes ce que je trouve très étonnant pour une jeune femme de sa génération, et voilà qu'on lui explique que la culture savante écrase la "populaire", qu'il faut abolir les hiérarchies culturelles, et qu'on lui interdit de penser autrement, mais surtout (j'ai recopié ici mot pour mot la définition qu'on lui a donnée) elle ne comprend rien de ce que ce professeur raconte.
Vous éclairez ma lanterne, je ne comprenais pas bien non plus cherchant pourtant le lien entre la littérature et cette façon d'aborder la culture.
Je vais la diriger vers le site et votre exposé passionnant.