L'impasse n'a qu'une issue, celle par laquelle on y a pénétré. Or, si cette issue est utilisée, il en ressort autre chose que l'être qui s' était enfermé dans l'impasse. Le fût du canon, par exemple, est une impasse, l'utérus, le point d'orgue dans une portée musicale sont des impasses (le point d'orgue est marqué d'un signe en cloche, il a, comme l'utérus, la forme d'un cul-de-sac), mais ce qui naît ou ressort de ces impasses est neuf, est autre. Comment le dire plus simplement ? Ce qui voyage à rebours, opère un mouvement translatif inverse, et en n'ayant point perpétué son mouvement initial, renaît autre, L'impasse est une rampe de lancement ou n'est point impasse (elle cesse d'être impasse ou se révèle autre qu'impasse lorsqu'on y découvre une issue secrète qui permettra de se perpétuer en perpétuant son mouvement translatif avant, etc.). Souvent, le retour est explosif hors l'impasse où le voyage avait abouti (mise au monde de l'enfant qui jaillit hors sa rampe de lancement utérine, tir d'obus, départ du troisième mouvement de la symphonie, insurrection populaire après que toute les issues politiques avaient été bloquées, etc.)
Ce qui reste à noter : c'est le mouvement vers l'arrière qui est violent et créateur de nouveauté radicale, et non le mouvement vers l'avant! c'est le mouvement retour, l'inversion de la vapeur, qui propulse le système (le système obus-fût du canon; le système femme-enfant, le système symphonique, le renversement de l'ordre social et politique), les sorties d'impasse par retour vers l'entrée sont toujours très fortement énergétiques et à valeur propulsive pour le système qui avait généré l'impasse. L'enseignement politique à tirer de cela pourrait être édifiant : l'inversion d'un cours, le retour en arrière,
la réaction, sont énergisants et créateurs.
Je n'ignore pas que certains lisent cela comme élucubrations, tantôt amusantes, tantôt vaines et navrantes, et qu'Alain Eytan est de ceux là, pourtant, son pays, l'Etat d'Israël, fut créé exactement comme je le dis ici soit en réaction, en rebond contre la butée que faisait le fond d'une impasse, par un recul hors l'impasse; le dégagement hors de l'impasse fut effectué à l'instar du boulet quittant la bouche à feu par où il était entré, soit une inversion brutale du processus ayant conduit à l'impasse; cette impasse, dans les années ayant immédiatement précédé la seconde guerre mondiale était constituée par le refus d'immigration des juifs d'Europe voulant fuir les persécutions, refus que leur opposa alors la plupart des nations, de l'Afrique du Sud au Brésil, et qui de la part de l'empire britannique prit la forme du coup d'arrêt aux flux migratoires que l'administration de cet empire imposa en Palestine sous mandat. Certains juifs décidèrent alors de prendre les armes, et de sortir de l'impasse avec violence, par un mouvement de recul, de remontée dans l'histoire, jusqu'au point d'entrée qui avait été leur dispersion originelle, mouvement qui devait les ramener près de deux millénaires en arrière, et ce mouvement de recul, cette forte réaction,
débouchèrent sur une création et une naissance, celles de l'Etat juif. Où l'on voit, une fois de plus, que l'impasse se révèle matrice, lieu de gestation
d'un violent retour en arrière vers la nouveauté, que cette matrice est celle du recouvrement d'un cours originel qui avait été dévoyé dans l'impasse, laquelle aura été jusqu'au moment du dégagement vers son entrée lieu d'emmurement où l'inconnu avait perdu tous ses droits au profit de la borne et de l'archi-connu.