Ne pas passer trop vite sur le phénomène "naufrage du grand âge" qui affecte le malheureux. Chez les grands vieillards, la
complexité, ordinairement (avec des exceptions notables, dont Girard), prend un sacré coup sur la caboche, ce qui entraîne chez elle et le sujet qui s'y était aventuré toute une vie des dégâts variables mais jamais insignifiants : l'homme, l'ancien penseur vénérable, se figure alors que tout l'écheveau de la vieille complexité se résout miraculeusement et logiquement en un fil unique, et la démence sénile, entre deux prises de médicaments, de lui faire clamer, clabauder à qui veut l'entendre, que l'idée phare qu'il serre enfin de ses doigts maigres et crochus marque le terminus de tous ses parcours, que toute sa vie, il n'a voulu dire que cela, etc.
Le malheureux vieillard, qui lance des imprécations au "prophète Mohammed" est ce "penseur" qui avait de long temps décrété que le monothéisme était source de tous les maux... Certains ne sont pas venus au monde avec les moyens intellectuels qui leur permettraient de vieillir sans s'avilir. Il est triste de constater qu'Edgar Morin est de ceux-là.