Requête

Quelqu'un sait-il si on est déjà en mesure de tirer un bilan des conséquences de la politique de l'enfant unique, en Chine ?

Oui.

Les riches et la nomenklatura paient leurs pénalités et font six enfants ou plus (grâce à une souplesse grandissante dans l'application de la loi);

Les jeunes filles deviennent des denrées rares (car supprimées avant ou après la naissance) et le ratio de masculinité montre un fort déséquilibre;

Les "petits trésors" enfants uniques sont des "petits empereurs" morveux, tyranniques et en surpoids chronique jusqu'à des 40 ans et plus;

L'oncle (figure familiale essentielle en Chine depuis toujours) est une espèce en voie de disparition.

Selon les projections, la courbe démographique de la Chine doit fléchir notablement dans les trente années à venir (cf. ce qu'on nous en a montré récemment avec les chiffres ONU/INSEE).

Merci pour ces réponses. Il me semble qu'on ne peut pas encore mesurer ce que signifie, pour un pays aussi peuplé, un "ratio de masculinité" en fort déséquilibre.

Il ressort de ce qu'écrit Francis que seuls les "riches et la nomenklatura" peuvent continuer à fonder de grandes familles et perpétuer des conditions traditionnelles de choix des partenaires. Etrange inversion, si on s'en tient à l'étymologie du mot, ce sont donc eux, les nouveaux "prolétaires"...

Il me semble qu'on ne peut pas encore mesurer ce que signifie, pour un pays aussi peuplé, un "ratio de masculinité" en fort déséquilibre.

Mes souvenirs, déjà anciens, de la rue (des gares) de Chine au plus fort de l'application de cette politique peuvent évoquer le monde arabe : des grappes d'adolescents ou de jeunes hommes sans filles et sans grand espoir d'en approcher jamais, affamés de tout, concupiscents, aigris avant l'âge, prêts au crime. C'était ainsi, par exemple, à Kunming, ville où justement la gare vient d'être le théâtre d'une attaque terroriste au couteau de la part de gens qui, selon des sources gouvernementales chinoises, se réclameraient du séparatisme musulman...

Les bruits de bottes et de râclement de sabre que la Chine fait régulièrement entendre à ses voisins, tout particulièrement le Japon, ne peuvent guère être appréhendés tout à fait en-dehors de ce ratio de masculinité déséquilibré, de ce surcroît de testostérone inemployé. Pas de femme, pas de famille à fonder, du travail certes mais soit en fabrique-caserne soit comme travailleur itinérant et la solution est vite trouvée : l'armée, la guerre.

"Pas de femme, pas de famille à fonder, du travail certes mais soit en fabrique-caserne soit comme travailleur itinérant et la solution est vite trouvée : l'armée, la guerre."

C'est-à-dire, dans ce contexte, le métissage. Quelle est l'attitude chinoise la plus répandue, à cet égard ? On dit que de nombreux Chinois sont en Afrique. S'y "mélangent-ils" avec la population locale ?

Non bien sûr. Ils ne s'y mélangent pas. Les Chinois sont racialistes. Ca tombe bien : les Africains aussi.

Mais au fait pourquoi "dans ce contexte, le métissage" ?

Cela dit, on affirme (des recherches de terrain on été faites) que les visites aux côtes de Mombassa et de Somalie que fit au 15e siècle la flotte de l'amiral Cheng Ho (ou Zheng He, 1371-1433), un natif de Kunming (ville qui décidément a une grosse actu sur notre forum aujourd'hui) né et grandi dans le mahommétisme, laissèrent des traces génétiques dans la population locale.

Pour en savoir plus sur ce personnage éminent de la dynastie des Ming, l'amiral Cheng Ho (site en anglais) : [www.china.org.cn]

Je voulais dire que si on retient l'hypothèse qu'un ratio de masculinité déséquilibré conduit fatalement à l'armée et la guerre, il s'ensuit que la recherche de femmes étrangères devient l'un des enjeux obscurs des opérations militaires, ce qui entraîne un métissage, fût-il violent.

Ben... dans la cas de la Chine populaire, le seul exemple d'occupation militaire d'un territoire est celui du Tibet. Or, pour ce que l'on en sait (je ne me suis pas rendu sur place), le "métissage" ne semble pas être la priorité de cette armée d'occupation (qui est plutôt là pour faciliter la pénétration des Hans au Tibet) et moins encore la priorité des Tibétains.

A première vue, il n'y a pas d'autre exemple de présence de l'armée chinoise hors du monde han, donc pas davantage de métissage par cette voie.

A moins que l'on considère que dans le cas de Taïwan une population autochone subit "une occupation militaire" de la part des forces nationalistes. Mais même vu sous cet angle, on ne constate guère de métissage de la part de ce que l'anthropologie chinoise nomme "les aborigènes" de Formose et les Hans.

De manière générale, il n'y a guère de brassage entre les "minorités nationales" de la Chine et les Hans. La minorité Hui, par exemple, qui forme le plus gros contingent de "musulmans chinois", ne se mélange pas aux Hans. L'islam est présent dans les marches occidentales du monde chinois depuis la dynastie des Tang.




Les Huis de Chine

Ce que dit Wikipédia des mariages mixtes entre Hans et Huis en Chine (je ne sais pas qui a rédigé l'article mais les références bibliographiques sont sérieuses et fiables) :

In Hui discourse, marriage between a Hui woman and a Han man is not allowed unless the Han converts to Islam, despite this it occurred several times in the towns of Eastern China. Generally Han of both sexes have to convert to Islam before marrying. This practice helps increase the population of Hui. In 1982 a case occurred where a Han married a Hui woman and moved into her family. A case of switching nationality occurred in 1972 when a Han man married a Hui woman, and is currently considered a Hui after converting to Islam.

Tout mariage mixte suppose la conversation à l'islam.

Pour répondre au déséquilibre démographique hommes/femmes, la polyandrie ne pourrait-elle pas devenir une norme, en Chine et ailleurs ?

"Tout mariage mixte suppose la conversation à l'islam."
ça prête à discussion?
Excusez moi Monsieur Marche,,j'en fais de pire ,et pas aussi savoureux.

Pardon. Il fallait lire "suppose la conversion". Merci à M. Dellinger, qui aurait pu me signaler la coquille par message privé.

à Loïk : la polyandrie existe dans ces marches du monde chinois (dans le Xinjiang, par exemple), où il arrive que des frères "se partagent" l'épouse de l'un d'eux. Le "code" est alors de déposer ses chaussures devant la yourte de la dame, ce qui indique qu'elle est prise pour la nuit. Dans l'ensemble, ça se passe plutôt bien. C'est la polygamie qui est toujours orageuse, absolument partout. La polyandrie, au fond, est presque toujours cool, comme une "taule" où le taulier serait un collectif responsable et organisé. Ca peut choquer, mais c'est ainsi.

Mais si la polyandrie est à la fois mieux vécue et rendue nécessaire par le déséquilibre démographique, ne va-t-elle pas s'imposer dans certaines régions (et au-delà des yourtes, dans les grands ensembles des villes chinoises) ?
Certes, le culturel résistera à cet arrangement rationnel ; mais si la culture n'est qu'une superstructure de facteurs profonds (démographiques, économiques ou autres), celle-ci trouvera vite une forme de justification et hop, le problème sera réglé.

Je ne sais pas si "la culture n'est qu'une superstructure du reste". J'en doute un peu. Mais ce que je vous dis sur la disparition de l'oncle, figure pilier de la vie chinoise (le "tonton", qui se dit "shu-shu" et qui servit à désigner Mitterrand aux Chinois lors de la visite du président français à Pékin, à tel point qu'il est possible que le sobriquet rejaillit jusqu'en France où il fut adopté par les Français), ce que je vous en signale, donc, plaide en effet pour "la légèreté de l'être culturel". On supprime la chose (l'oncle) et voilà sa figure et tout son être qui s'effacent et disparaissent de la sphère culturelle, et ne seront bientôt plus que souvenir littéraire, comme l'est la aunt in residence qui n'existe plus en Angleterre que dans son folklore et sa littérature.

La famille, du coup, peut, pour de bon, par décret gouvernemental (politique de l'enfant unique, mariage pour tous, etc.) s'effacer, muter, disparaître, plonger dans le silo des annales de la société. Qu'on imagine l'équivalent de la politique de l'enfant unique en Occident : Antigone s'effacerait, n'ayant plus personne à enterrer. Et cette figure qui selon Steiner "inspire" toutes les révolutions d'Occident depuis des siècles, qui fit surgir la vie politique dans les sentiments privés, toujours selon Steiner, serait impossible à ranimer, comme une carcasse de dinosaure de musée, enfermée à tout jamais dans une mythologie douteuse, dans le bazar des annales et des histoires pour endormir les enfants, avec la licorne, le dragon et la Tarasque. Brrrrrr...!

...où en étais-je ? Ah oui la "polyandrie dans les grands ensembles". Ma foi, il me semble que cela est bien connu chez nous, et depuis un certain temps déjà. Ce syntagme "polyandrie dans les grands ensembles", rappelle irrésistiblement le film de Godard Deux ou trois choses que je sais d'elle (1966) qui tourne autour de ce thème. Qu'est-ce que l'échangisme en France, sinon une forme de polyandrie assez bien réglementée et qui conserve toute sa respectabilité, son statut honorable dans un pays où le gouvernement entend bien imposer des pénalités aux pauvres hères qui continueront, eux qui ne sont membres d'aucun club, "d'aller aux putes" ? La polyandrie est le quartier noble de la prostitution; qu'elle soit instituée en tant que telle dans les sociétés traditionnelles ou de manière déguisée en "échangisme" comme en France, elle plaît aux gouvernants, et elle leur plaît plus encore lorsque les ministères sont dirigés ou animés par des gouvernantes, comme en France, parce que la formule polyandrie/échangisme sauve la face des femmes qui, de toute façon, prostituées ou libertines, demeurent dans le même business de contention des débordements de testostérone; elle leur sauve la face parce que, dans le second emballage, un apparât, un rituel luxueux permet à la femme de se donner l'illusion de "régner", d'être maîtresse de cet arrangement tout sociétal, tout gouvernemental, de régulation des moeurs et d'écoulement des pulsions.