Madame le Garde des Sots,
Bâtir toute votre politique pénale à partir d'un tel axiome, par définition indémontrable, résultant d'un a priori philosophique et idéologique militant, reviendrait, vous en conviendrez, à dynamiter le pacte social liant l'Etat à ses citoyens et encouragerait de ce fait de plus en plus de personnes à se faire justice.
A ce sujet je vous convie, si ce n'est déjà fait, à lire Hobbes.
Si, quels que soient nos actes, chacun de nous est à priori un "innocent dans l'âme" et que donc "Rendre la Justice" se limite seulement à tout faire pour ne pas envoyer en prison délinquants et criminels ou pour, si toutefois ils s'y trouvaient, les en faire sortir le plus promptement possible, ne craignez-vous pas alors que les familles de victimes se sentent méprisées et non reconnues dans leur immense douleur, qu'elles aient immanquablement le sentiment que Justice ne leur a pas été rendue? (Ouf! Pardon pour cette longue phrase)
La Justice républicaine ne doit-elle pas se contenter de juger uniquement à l'aune des faits et des actes commis? Et non pas se refuser à le faire au prétexte axiomatique de présupposés idéologiques qui voudraient, par le biais d'un égalitarisme radical, que chacun de nous soit investi par essence d'une innocence toujours déjà là.
En outre en demandant aux juges de ne pas s'en tenir à sanctionner faits et gestes vous rompez avec l'exigence de rationnalité du droit moderne. Il ne leur reste plus qu'à se livrer à un exercice de pensée très éloigné de leur démarche ordinaire de pénalistes en quête de faits et de preuves.
La Justice ne doit pas sortir des ornières de la rationnalité. Elle ne doit pas s'en remettre à des présupposés idéologiques qui n'ont aucun fondement scientifique concevable et ne sont que le fruit d'une pure croyance.
Pour le reste rendre la prison moins criminogène qui pourrait y être opposé?