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Chateaubriand

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
10 avril 2014, 16:59   Chateaubriand
Renaud Camus nous parle de cette citation et du sort du pluriel :

« Le terrain inégal et sablonneux dépendant de cette maison, n’était qu’un verger sauvage au bout duquel se trouvait [sic] une ravine et un taillis de châtaigniers. »

Il me semble qu'on est dans la situation où les deux sujets sont considérés séparément, situation qui exige le singulier, alors que le pluriel est nécessaire si les sujets agissent simultanément.

Par exemple, de Voltaire, "L'Intempérance et l'incohérence des imaginations orientales est un faux goût".

Par exemple, bon sens populaire, "L'hirondelle et le rossignol nous annonce le printemps" (chacun des deux oiseaux l'annonce, ils ne se mettent pas à deux pour l'annoncer).

Pour plus de détails, on se reportera à Bescherelle :

[books.google.fr]
11 avril 2014, 20:50   Re : Chateaubriand
C'est plus compliqué que cela Jean-Marc.

L'exemple que donne Bescherelle de la phrase de La Bruyère "Un peu de temps et beaucoup d'esprit, lui suffit pour conserver son empire sur une femme" relève d'un tout autre cas : notez bien la virgule qui sépare le groupe sujet du groupe verbal, elle est là pour indiquer qu'avant "lui suffit" il y a eu ellipse de cela. Cette ellipse relève d'un style très précieux et n'est probablement plus guère possible aujourd'hui.

Quand aux autres cas, celui du rossignol et de l'hirondelle et celui de l'intempérance et de l'incohérence des imaginations orientales, il faut considérer que le "et" joue un tout autre rôle que le conjonction "et". Sa fonction sémantique est celle de "comme". Si l'on peut remplacer "et" par "comme" dans ce type de construction, alors le verbe peut être au pluriel : "Comme l'hirondelle, le rossignol nous annonce le printemps".

Dans la phrase de Voltaire : "L'Intempérance et l'incohérence des imaginations orientales est un faux goût", notez bien que, grâce à ce singulier, le complément de nom des imaginations orientales se rattache à la seule incohérence, et le "et" n'a point fonction de cumulation ce qui autorise de l'entendre comme un "comme". Si Voltaire avait écrit "L'intempérance et l'incohérence orientales" il aurait dû faire suivre ce sujet du pluriel "sont" car ce "et" n'eût pu en aucun cas être interprété comme un "comme" (à cause du "s" à "orientales" qui eût fait se rapporter l'adjectif "orientales" aux deux noms). Donc, cette phrase de Voltaire semble être à lire avec le sens suivant : "L'intempérance, comme l'incohérence des imaginations orientales, est un faux goût" (l'intempérance est un faux goût, comme l'est l'incohérence des imaginations orientales).

La phrase « Le terrain inégal et sablonneux dépendant de cette maison, n’était qu’un verger sauvage au bout duquel se trouvait [sic] une ravine et un taillis de châtaigniers. » peut s'entendre et se justifier par les deux arguments :

Ellipse d'un terme qui amalgame les deux sujets en un seul :

Le terrain inégal et sablonneux dépendant de cette maison, n’était qu’un verger sauvage au bout duquel se trouvait une ravine [porteuse d'] un taillis de châtaigniers;

ou "... se trouvait une ravine avec son taillis de châtaigniers". Ainsi, l'on écrirait : "au bout du couloir se tenait une femme, son enfant dans les bras"

ou encore : "au bout du couloir se tenait une femme avec son enfant dans les bras"

"et" ayant valeur du comparatif identitaire "comme":

Le terrain inégal et sablonneux dépendant de cette maison, n’était qu’un verger sauvage au bout duquel se trouvait une ravine comme [aussi] un taillis de châtaigniers.
11 avril 2014, 21:08   Re : Chateaubriand
C'est de toute façon très subtil. Vous avez sans doute raison, les exemples abondent où un double sujet emporte le singulier.
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