« Malgré leur amour exalté de leur patrie, les Anglais tiennent singulièrement peu à leur
endroit, s’il est permis de se servir de ce terme. Ils s’éloignent sans regret du lieu que leurs parents, ou eux-mêmes, ont habité longuement pour aller chercher une résidence qui s’accorde avec leurs goûts du moment, soit pour la chasse, la pêche, les courses sur terre ou sur l’eau, l’agriculture, ou toute autre fantaisie qu’ils appellent une
poursuite, et qui les absorbe tant qu’elle dure.
J’ai connu un M. Brandling, qui a quitté un beau château, où il était né et avait été élevé, un voisinage où il était aimé, estimé, qui lui plaisait, pour aller s’établir à cinquante milles de là, dans une maison louée, au milieu du plus vilain pays, uniquement parce que ses palefreniers pouvaient y promener ses chevaux tous les matins, sur une commune dont la pelouse offrait dix milles de parcours, sans qu’ils eussent à poser le sabot sur une toise de chemin raboteux. Ce motif lui avait paru suffisant pour enlever sa femme, qu’il aimait beaucoup, au voisinage de sa famille et des relations de toute sa vie. De son côté, elle n’a jamais songé à se trouver molestée par cette décision, qui n’a paru ni bizarre, ni condamnable à personne. Si je ne me trompe, ce sont là des traits de mœurs qui font connaître un pays. »
Comtesse de Boigne –
Mémoires