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Ce côté anglais...

Envoyé par Thomas Rhotomago 
19 septembre 2014, 17:52   Ce côté anglais...
« Malgré leur amour exalté de leur patrie, les Anglais tiennent singulièrement peu à leur endroit, s’il est permis de se servir de ce terme. Ils s’éloignent sans regret du lieu que leurs parents, ou eux-mêmes, ont habité longuement pour aller chercher une résidence qui s’accorde avec leurs goûts du moment, soit pour la chasse, la pêche, les courses sur terre ou sur l’eau, l’agriculture, ou toute autre fantaisie qu’ils appellent une poursuite, et qui les absorbe tant qu’elle dure.

J’ai connu un M. Brandling, qui a quitté un beau château, où il était né et avait été élevé, un voisinage où il était aimé, estimé, qui lui plaisait, pour aller s’établir à cinquante milles de là, dans une maison louée, au milieu du plus vilain pays, uniquement parce que ses palefreniers pouvaient y promener ses chevaux tous les matins, sur une commune dont la pelouse offrait dix milles de parcours, sans qu’ils eussent à poser le sabot sur une toise de chemin raboteux. Ce motif lui avait paru suffisant pour enlever sa femme, qu’il aimait beaucoup, au voisinage de sa famille et des relations de toute sa vie. De son côté, elle n’a jamais songé à se trouver molestée par cette décision, qui n’a paru ni bizarre, ni condamnable à personne. Si je ne me trompe, ce sont là des traits de mœurs qui font connaître un pays. »

Comtesse de Boigne – Mémoires
19 septembre 2014, 23:40   Re : Ce côté anglais...
Cela me paraît très finement observé.

Vous êtes-vous un jour intéressé au National Trust ? c'est un organisme très anglais, un très grand propriétaire foncier, qui préserve bien des demeures. Ces demeures sont souvent données par des chefs de famille car ils pensent que leurs héritiers les dilapideraient. Le National Trust est très efficace, beaucoup d'Anglais l'aident et contrairement aux pâles imitateurs du continent, il n'hésite pas à "rentabiliser" son patrimoine, ici en louant, là en revendant l'accessoire pour pouvoir maintenir l'essentiel.

Le pragmatisme anglais trouve dans cette gestion intelligente du patrimoine une très bonne source d'expression.

Je note par ailleurs que la forme "normale" de la propriété en Angleterre n'est pas la pleine propriété ad vitam aeternam comme en France mais plutôt l'emphytéose, ce qui suppose donc un lien différent à la notion de propriété elle-même.
13 octobre 2014, 21:17   Re : Ce côté anglais...
A vos pinceaux :

"Le lendemain, nous vîmes apparaître dans les rues de Gênes un spectacle que je n’oublierai jamais. Dans une sorte de phaéton, fait en conque marine, doublé en velours bleu, garni de crépines d’argent, traîné par deux très petits chevaux pies, menés par un enfant vêtu en amour d’opéra, avec des paillettes et des tricots couleur chair, s’étalait une grosse femme d’une cinquantaine d’années, courte, ronde et haute en couleurs. Elle portait un chapeau rose avec sept ou huit plumes roses flottant au vent, un corsage rose fort décolleté, une courte jupe blanche qui ne dépassait guère les genoux, laissait apercevoir de grosses jambes couvertes de brodequins roses ; une écharpe rose, qu’elle était constamment occupée à draper, complétait le costume.

La voiture était précédée par un grand bel homme monté sur un petit cheval pareil à l’attelage, vêtu précisément comme le roi Murat, auquel il cherchait à ressembler de geste et d’attitude ; et suivie par deux palefreniers à la livrée d’Angleterre, sur des chevaux de la même espèce.

Cet attelage napolitain était un don de Murat à la princesse de Galles, qui s’exhibait sous ce costume ridicule et dans ce bizarre équipage. Elle se montra dans les rue de Gênes pendant cette matinée et celles qui suivirent."

Op. cit.
L'observation initiale s'applique tout à fait au comportement des étudiants anglais. Ou du moins cela était-il éminemment le cas jusqu'au milieu des années 1990, une époque où l'essentiel de mes connaissances étaient anglaises. Ceux du Nord faisaient leurs études supérieures à Londres, Bath (quelle ville merveilleuse...), Bristol ou Exeter (sans parler d'Oxford & Cambridge). Et ceux du Sud ne rechignaient jamais à aller faire un tour à Manchester voire à s'installer quelques années en Ecosse. Pendant leur cursus, ils passaient tous un an ou deux à l'étranger. Par ailleurs, lorsque j'étais invité à manger chez l'un ou l'autre de ces amis Anglais, j'avais honte: ils cuisinaient tous comme des chefs — de mon côté, en bon Méditerranéen resté attaché au corps de la mère, je mangeais ce que me préparait celle-ci le weekend et qu'elle stockait dans des tupperwares que je me contentais de réchauffer au micro-ondes pendant la semaine.
Les Anglais, le plus grand peuple du monde (avec les Romains), nous ont été mille fois supérieurs jusqu'à ce que l'allégeance à l'islamisation les vide d'un coup d'un seul de toute leur substance.
19 octobre 2014, 13:34   Aux anglophiles...
« Les combinaisons de la société politique en Angleterre n’ont jamais cessé de me paraître ce qu’il y a de plus parfait dans le monde. L’égalité complète et réelle devant la loi, qui, en assurant à chaque homme son indépendance, lui inspire le respect de soi-même, d’une part ; et de l’autre les grandes existences sociales qui créent des défenseurs aux libertés publiques, et font de ces patriciens les chefs naturels du peuple, lequel leur rend en hommage ce qu’il en reçoit en protection, voilà ce que j’aurais désiré pour mon pays ; car je ne conçois la liberté, sans licence, qu’avec une forte aristocratie. C’est ce que personne, ni le peuple, ni la bourgeoisie, ni la noblesse, ni le Roi, n’ont compris. L’égalité chez nous est une maladie de la vanité. Sous prétexte de cette égalité, chacun prétend à s’élever et à dominer, sans vouloir reconnaître que pour conserver des inférieurs, il faut consentir à admettre, sans regret, des supérieurs. » Op. cit.

(Je suis pour ma part toujours très étonné que, chez certains, des manifestations contemporaines d'anglophilie puissent cohabiter avec des déplorations sur le monde tel qu'il va, sachant que ce monde a très nettement été façonné, me semble-t-il, par le monde anglais.)
19 octobre 2014, 16:47   Re : Ce côté anglais...
J’avais déjà Finkielkraut, la comtesse de Boigne, maintenant...
19 octobre 2014, 21:08   Re : Ce côté anglais...
Elle a la bosse de la politique et de vrais bonheurs d'expression :

« Je trouve que lorsqu’on n’est pas assez heureusement organisé pour s’occuper exclusivement et religieusement du sort futur qui doit nous être éternel, ce qu’il y a de plus digne d’intérêt pour un esprit sérieux, c’est l’état actuel des nations sur la terre. »
20 janvier 2015, 22:35   Suite logique
On racontait tout à l'heure, au journal télévisé de FR3, comment les autorités muséales du château de Versailles avaient lancé une "opération" archivistique visant à faire l'histoire de la fréquentation de ces lieux à travers les photos souvenirs des visiteurs (ou quelque chose comme ça), qui me semblait la suite logique de ce que j'avais lu la veille :

"Parmi les fêtes réservées aux noces de Mme la duchesse d’Orléans [1837], la plus remarquable sans doute fut l’inauguration du palais de Versailles. […]

Je ne pense pas qu’il soit possible d’inventer quelque chose de plus magnifique que le matériel de la fête ; il était digne du local, c’est en faire assez l’éloge. Quant à la société qui s’y trouvait rassemblée, elle y paraissait assez hétérogène.
C’était le palais de Louis XIV pris d’assaut par la bourgeoisie. Les journalistes y foisonnaient, et y portaient cette jactance, qui les suit en tout lieu, et qu’ils déployaient con gusto, dans cette enceinte où eux-mêmes, peut-être, avaient la conscience d’être déplacés.
« Quel est ce monsieur qui lorgne la Reine ?
- Il écrit dans le Constitutionnel
- Et ce grand qui par si haut ?
- Il écrit dans le National.
- Et cet autre qui gesticule ?
- Il rédige le feuilleton des Débats.
- Et ce monsieur si guindé ?
- Il fait l’article « Paris » du Charivari.

Il en pleuvait de ces petits messieurs, et j’avoue que j’étais un peu courroucée de les voir encore plus officiels que moi.
Je crois que c’est en caressant ainsi ces existences improvisées sur un chétif talent, qui, en général, ne conduit qu’à une vie de désordre, qu’on donne de l’importance à des gens ne méritant, pour la plupart, aucun égard.
S’il se trouvait parmi eux de véritables capacités, elles réussiraient promptement à sortir des rangs de ces fabricants d’articles, qui ne devraient être considérés que comme des scribes à gages."

Comtesse de Boigne - Op. Cit
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