Le Monde consacre un article à la question du voile à l'université.
Jean-Charles Jauffret, le professeur d’histoire à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence qui avait interpellé une étudiante musulmane qui assistait à son cours voilée, est interrogé. Il raconte qu'une semaine après cet incident, son cours a été perturbé par l’irruption "de salafistes et de gauchistes". Surtout, il "trouve extrêmement préoccupant que l’enseignement supérieur soit ainsi pénétré par un islam de conquête. Il faut que les politiques se bougent enfin, et légifèrent, car cela va se reproduire."
Plus loin, le Monde dit ceci : "Les incidents liés au respect de la laïcité, notamment en ce qui concerne le port du voile, ont, de fait, tendance à se multiplier."
Mais, plus loin, il est écrit : Le Monde a sollicité douze présidents d’université, unanimes pour dire qu’il n’y avait « pas de problème » lié au respect de la laïcité à l’université. « Il s’agit de jeunes majeurs, rappelle Geneviève Fioraso, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur. Il ne faut pas créer des problèmes là où il n’y en a pas. Dans tous les grands campus dans le monde, on voit des jeunes filles portant le voile. »
Et encore : "Christian Mestre, doyen de la faculté de droit de Strasbourg et spécialiste de la laïcité pour la Conférence des présidents d’université, évoque, lui, des phénomènes diffus d’affirmation religieuse." ; "Certes, « il n’y a pas le feu dans l’université. Ce n’est pas ça. Mais ça arrive lentement…" D'autres encore sont interrogés qui évoquent "des manifestations, discrètes ou voyantes, d’appartenance religieuse."
Les témoignages cités sont tous très éclairants. Un autre exemple : "Yolène Dilas-Rocherieux, professeure de sociologie politique à l’université Paris-Ouest Nanterre-La Défense, en témoigne. « Le phénomène est réel, assure-t-elle. Un jour, j’évoque la domination masculine en cours. J’explique que cela s’est manifesté, selon la période et les civilisations, par l’impossibilité faite aux femmes d’aller à l’école, l’obligation de bander leurs pieds, de rester enfermées à la maison ou d’être voilées, etc. A ce moment-là, des jeunes filles voilées sont sorties de ma salle en claquant la porte ! Quelques jours plus tard, l’enseignante découvre sur un mur cette inscription qui la vise directement : « Dilas = 1 balle dans la tête, signé AQMI 2012 ». Ce sont des incidents qui provoquent de l’autocensure chez les enseignants, regrette-t-elle.»
Ou celui-ci : "Cette autre professeure en sociologie, de Nanterre, qui tient à conserver l’anonymat, « car c’est assez tendu », fait part de sa stupéfaction en découvrant dans l’amphi, le premier jour de cours, « toute une rangée de jeunes femmes vêtues d’un grand voile noir à la saoudienne, avec des gants et un bandeau montant haut sur la bouche et descendant bas sur le front ». Elle juge cette présence « oppressante » sans en être véritablement gênée pour faire cours. Jusqu’au jour où elle aborde le thème de la colonisation britannique en Inde. « Au moment où j’ai parlé des intouchables qui avaient appris à lire grâce aux Anglais, raconte-t-elle, elles se sont levées d’un bloc en disant : “Vous justifiez la colonisation !”»
A la lecture de cet article, la réaction de Mme Fioraso, citée plus haut, me laisse pantois. Que lui faut-il pour considérer cette question ? Et cet argument "Dans tous les grands campus dans le monde, on voit des jeunes filles portant le voile", à quoi rime-t-il ? Sait-elle que l'Islam en France et l'Islam aux Etats-Unis (pour prendre cet exemple) ce n'est pas tout à fait la même chose ?
Cette position est également défendue dans l'article : Face à ces tensions, la seule solution consiste à faire preuve de souplesse, estime le président de l’université de Strasbourg. « Nous enseignons l’islamologie comme la théologie, précise Alain Beretz. Sur le campus, on voit des voiles, mais aussi des bures. Et cela ne me choque pas. Nous sommes en république. J’applique la laïcité, qui implique mixité et absence de prosélytisme. Les petits problèmes sont gérables : on peut être rigoureux sur les principes sans être dogmatique. » Pierre Mutzenhardt, président de l’université de Lorraine, assure pour sa part avoir « plus de problèmes avec les groupuscules d’extrême droite qui vandalisent le local de l’UNEF qu’avec les étudiantes voilées ».
Cette souplesse est une faiblesse.