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Fable express

Envoyé par Thomas Rhotomago 
25 octobre 2014, 15:00   Fable express
- Le sort qui m’a trahi dans les grandes choses m’a été assez favorable dans les petites. Il m’est resté d’une vie que je n’ai pas menée avec habileté une situation assez tolérable : et je suis arrivé à l’époque de la vie où l’on sait si bien qu’on pourrait être plus mal que l’on se contente de n’être pas mieux…

Ayant répondu en ces termes à sa référente Pôle-emploi qui l’interrogeait sur sa situation et sa motivation, le demandeur d’emploi a été dirigé vers un stage de remise à niveau en français afin d’améliorer son employabilité.


(Avec l'aimable concours de Benjamin Constant pour la partie dialoguée.)
25 octobre 2014, 19:49   Re : Fable express
Invraisemblance : qu'irait faire au Pôle emploi celui qui serait capable d'un tel bilan?
26 octobre 2014, 00:07   Re : Fable express
C'est bien probable, c'est une fable. Cependant, irait-il faire quelque chose aujourd'hui ? Dans quel coin de la société pourrait-on le rencontrer ?
26 octobre 2014, 09:20   Re : Fable express
Dans son jardin, en compagnie de ses roses et entre ses treilles de passiflores, les cultivant, les encourageant du regard à ne rien céder à la clameur infernale de l'autoroute toute proche non plus qu'au tapage des maçons affairés aux bétonnières qui promettent une nouvelle extension du parking du supermarché de l'autre côté du mur.
26 octobre 2014, 18:59   Re : Fable express
C'est un rentier ?
26 octobre 2014, 19:27   Re : Fable express
C'est une fable Thomas.
26 octobre 2014, 19:39   Re : Fable express
Ah oui ! C'est vrai, j'étais parti pour le perdre de vue, tout comme la morale de la fable, que j'ai omise. On pourrait dire : Moralité, la restauration n'aura pas lieu, faute de langue.
26 octobre 2014, 20:38   Re : Fable express
Elle n'aura pas lieu faute de tout. Cela dit, la langue, comme une terre, fût-elle en friche, est restaurable ("réhabilitable") et cultivable.

La question de la rente : tout ce qui pense et crée, quel que soit son statut, travailleur, esclave ou chômeur épuisé par le laborieux espoir d'une occupation, est rentier, occupé qu'il est à rentabiliser des legs et des biens constitués (par autrui et par lui-même), quand bien même le temps de sa vie qu'il pourrait consacrer à son oeuvre ne serait qu'interstitiel et ineffable. Le mode de la rente, celui de la vie non asservie à la vie, selon l'expression de Jan Patocka, est le seul à nourrir la création, et cela vaut pour tous. Et s'il y a des rentiers qui ne créent ni ne pensent c'est qu'ils ne rentent point, ou rentent mal, c'est qu'ils restent à l'attelage et sous le joug de leur rente, cependant qu'il y a des tisserands, des menuisiers, des tâcherons de toutes sortes, qui savent renter en secret. Avant de nourrir les arts, la rente est d'abord une technique; bien accomplie et bien menée elle est déjà, en elle-même, un art.
27 octobre 2014, 10:42   Re : Fable express
Et c'est ainsi que l'art hante la rente...
27 octobre 2014, 11:44   Re : Fable express
Cependant, où irait-il faire quelque chose aujourd'hui ? Sur le forum du PI, parbleu !
27 octobre 2014, 18:37   Re : Fable express
Ne soyez donc pas si hentier Thomas. Rien n'est absolu ni fini dans cette affaire, ni l'art, ni la rente. Du reste et comme vous le voyez, l'un comme l'autre ne sont qu'aspiration, comme le travail aspire à la vacance et la vacance au travail.
27 octobre 2014, 22:38   Re : Fable express
Mais ce que dit ce monsieur, n'est-ce point la mantra de l'homme d'âge mûr à prétention intellectuelle découvrant qu'il est un raté vieillissant allant de petit échec en petite compromission, c'est à dire nous tous ici ?

Un opéra funèbre, avec comme livret "l'Education sentimentale" et comme musique "Je m'voyais déjà", Frédéric Moreau à la sauce Aznavour.
27 octobre 2014, 23:11   Re : Fable express
Moralité bis : Nous sommes tous des Benjamin Constant (magari...)
28 octobre 2014, 04:42   Re : Fable express
La phrase de Constant pourrait être mise dans la bouche de Candide à la clôture du conte, personnage qui jamais n'alla de petit échec en petite compromission, où s'il le fit, son invite à cultiver son jardin n'y trouve point son explication.

La question de "l'espace social" dans lequel séjourne présentement le personnage de Constant est celle d'un lieu à faire advenir. Par exemple, créer un compte Facebook ayant cette phrase en exergue, le nommer "Situation Assez Tolérable", y engager des échanges doux-amers sur l'époque, et pour peu qu'on laisse courir l'époque en le traversant, dans moins d'un an, le site pourra appeler à une MPTC (Manif pour tous Constants) de personnes déguisés en clowns tristes armés de battes de baseball et de tronçonneuses en plastique fluo.

Tout n'est pas à désespérer, les gens comme B. Constant se rencontre. Il suffit de sortir un peu. De faire des efforts. D'aller vers les autres quoi.
30 octobre 2014, 20:43   Re : Fable express
Cher Francis,

Permettez-moi de revenir sur cette proposition, dans un de vos messages : "Cela dit, la langue, comme une terre, fût-elle en friche, est restaurable ("réhabilitable") et cultivable."

Je me demandais s'il existait des exemples probants d'une telle "réhabilitation" d'une langue quand elle a franchi, comme je crois la nôtre, un certain seuil de déstructuration de ses règles, communément en usage depuis trois ou quatre siècles ? Langue "réhabilitée" doit-il être entendu comme langue qui se reprend ou langue qui se transforme ?

Si la langue que nous utilisons ici (et ailleurs), est menacée de ne plus être comprise dans quelques années par un nombre de plus en plus grand de locuteurs, que resterait-il de notre action politique ?
30 octobre 2014, 21:41   Re : Fable express
Cher Thomas,

En un sens, ce n'était qu'un moyen de signaler, en filigrane, que la langue, elle, ne ment pas.

Certains parlent ouvertement, de plus en plus ouvertement de remigration, d'expulsion des indésirables avec un billet aller simple vers leur pays d'origine ou celui de leurs parents. Cette réflexion a cours. Elle est sérieuse et politique. Elle est déjà presque l'élément d'un programme. Dès lors, à l'aune de quel réalisme faut-il juger du sérieux d'une proposition de réhabiliter la langue, comme on le ferait d'une culture agricole ou d'une forêt par une action de reboisement concertée? Pareille proposition vous paraît-être moins réalisable que celle de mettre dans un avion ou au bateau un petit cinquième des habitants de la France ?

Quelqu'un, un Français établi au Cambodge et y dirigeant une ONG depuis 2002, m'a affirmé récemment, au détour d'une conversation, que le français est une langue qui n'existe plus. Je pense qu'il a raison, au vu du baragouin insuffisant qu'en ont fait les Français, lesquels de toute façon, hors les frontières, ne s'expriment plus que dans leur anglais tout aussi fruste et insuffisant que leur français, ayant perdu le réflexe, qui était jadis celui de leurs parents, de s'exprimer d'abord en français face à des autochtones qui sont encore nombreux à avoir fait l'effort d'apprendre leur langue (au Cambodge par exemple) réputée internationale.

Voilà le français réduit au statut de baragouin régional européen. C'est déplorable. Mais le cas de l'anglais international n'est guère différent. Une langue peut naître, voire renaître à partir de presque rien, y compris même à partir d'une Fleur Pellerin qui traite de minables ceux qui s'étonnent que cette ministre de la Culture ne connaisse rien, aucun titre d'oeuvre du nouveau lauréat français du prix Nobel de littérature et trouve ça normal et auto-excusable.

Honoré d'Urfé rédigea l'Astrée dans une langue qui n'existait pour ainsi dire pas sous forme écrite ou châtiée. On peut donc (re)partir de rien ou de presque rien et recommencer à se faire entendre pour de bon dans une langue qui fasse se dresser les oreilles de son interlocuteur, soudain ressaisi et l'intérêt et l'ouïe mis en éveil. C'est un exercice et un peu une aventure, comme, par exemple, décider que par la culture physique on va se faire un corps d'athlète et repousser ainsi l'échéance de la décrépitude. Certains le font et montrent des résultats incontestables. Il n'est pas possible que ça puisse être plus difficile que de renvoyer en Algérie ou au Mali toute une barre de la Courneuve en poussant tout le monde dans un convoi d'autocars pour l'aéroport de Beauvais, les mères entourées de leur marmaille hurlante, les hommes vindicatifs et menaçants, protégés par des cohortes de militants d'assoces prêt à mourir en masse dans la défense de n'importe quel droit de leur invention.
31 octobre 2014, 02:22   Re : Fable express
(Fleur Pellerin n'est pas inculte, elle lit, dit-elle, des dépêches AFP en plus de ses documents de travail.)
31 octobre 2014, 14:56   Re : Fable express
Je ne sais pas si M. Marche l'a remarqué, mais de nombreux Russes parlent un français admirable, y compris et surtout dans les jeunes générations cultivées. Les étudiants russes qui viennent à Paris dans le cadre d'échanges ou du programme Erasmus n'ont absolument pas le réflexe de parler leur langue ou de parler anglais lorsqu'ils s'adressent à nous, mais s'expriment avec la plus grande politesse, et avec aisance, dans un français remarquable, parfois sans le moindre accent. Je le constate fréquemment, cela renforce ma conviction que l'Europe sera sauvée, si elle doit l'être, par la Russie.
31 octobre 2014, 15:58   Re : Fable express
Je ne connais pas la Russie. Et pas davantage les étudiants russes que vous croisez à Paris. Ceux que je croise en Asie du Sud-Est me font désespérer un peu plus du genre humain. Ce ne doit pas être les mêmes.

L'Europe ne sera pas sauvée par la Russie, aussi adorables que puissent se montrer ces étudiants russes à Paris. La Russie, dans le meilleur des cas, laissera périr l'Occident en se croisant les bras. On n'a jamais vu de Russe s'engager à l'étranger par souci de défendre la liberté et les valeurs de l'Occident sans arrières-pensées intéressées. Leur engagement politique et militaire a toujours été intéressé. En cela, ils sont pires que les Américains. Cuba, le Vietnam qui payait ses "dettes de guerres" en envoyant des esclaves en Sibérie, leurs présences en Afrique ou en Inde dans les années 70 furent économiquement et politiquement motivées, et d'un intérêt toujours à sens unique. Les Russes avaient passé un pacte avec Hitler pour que celui-ci dévore l'Europe en toute tranquillité. Le grand Satan américain lui-même, à qui l'on reproche sa procrastination dans ces années-là, en sus de tout le reste, ne passa jamais un tel pacte, qui aurait pourtant pu être à son avantage.

Aucun Russe non plus pour aller se battre et mourir pour l'Espagne républicaine quand des belles âmes se recrutaient dans tout l'Occident pour rejoindre les Brigades internationales. Staline, l'oeil pétillant de malice, pendant ce temps se frottait les mains sans risquer de se les salir.

Les Russes apportèrent une aide matérielle à l'effort de guerre des Républicains espagnols, mais pas de combattants volontaires. Les Russes prirent soin de faire main basse sur l'or espagnol à cette occasion. Les seuls combattants russes volontaires furent des Russes blancs, selon un site pourtant marxiste : [www.marxists.org]

Mon propre grand-père, prisonnier de guerre en Haute-Silésie eut son camp libéré par les Russes (un régiment de cavalerie, d'une cruauté effroyable, selon ses dires). Son camp fut libéré mais les Russes l'emmenèrent de force à Odessa, où il fut contraint de "payer sa dette de guerre" par des travaux forcés (charpenterie de marine) pendant de nombreux mois APRES la fin de la guerre. Ma petite amie dans les années 70, militante d'extrême-gauche à qui je rapportai ces faits refusa de les croire, tant le goût d'être "sauvé" sans intérêt ni rétribution est fort chez les Occidentaux à la candeur chronique.

Je constate en vous lisant qu'hélas, de l'extrême-gauche des années 70 à la droite bon teint de ce mauvais départ de millénaire, le commerce des illusions va bon train, ne connaît pas la crise chez les Occidentaux en mal de Salut.
31 octobre 2014, 16:50   Re : Fable express
Je constate en vous lisant qu'hélas, de l'extrême-gauche des années 70 à la droite bon teint de ce mauvais départ de millénaire, le commerce des illusions va bon train, ne connaît pas la crise chez les Occidentaux en mal de Salut.
Je n'en disconviens pas. C'est la seule forme de commerce où je sache tirer mon épingle du jeu.
02 novembre 2014, 12:41   Re : Fable express
Comme vous le savez, la Russie est une soeur rivale d'Occident : en tant que soeur, elle ne scellera jamais d'alliance avec les ennemis d'Occident, mais en tant que rivale elle ne manquera jamais de se réjouir de les voir vaincre et subjuguer celui-ci, jusqu'à ce que les ennemis de l'Occident viennent à la menacer, c'est alors qu'elle réagit contre eux, comme le fit Staline à Stalingrad. La Russie n'agit contre les ennemis de l'Occident que lorsque ceux-ci frappent à sa porte à coups de canon. C'est là une forme de bêtise indissociable de l'esprit de rivalité.

En 2014, l'Occident est faible et ne compte presque aucun ami. Les seuls amis de l'Occident qui ne sont pas des Occidentaux sont les Japonais et les Chinois de Hong-Kong et de Taïwan, eux-mêmes divisés et rivaux. C'est fort peu, mais ça peut suffire pour faire un début. Un peu comme l'île de Sein pour la France combattante en août 1940.

Tous les autres, les Africains, les Indiens, les Russes, Pékin et les autres en Asie du Sud-Est (Indonésie, Malaisie et autres Viet-Nam) veulent voir l'Occident défait, décomposé et fini. Ca fait beaucoup de monde.
02 novembre 2014, 18:55   Re : Fable express
Cher Francis,

"Qui peut le plus peut le moins", c'est ce que j'entends dans votre message : puisque l'on peut théoriser la "remigration", on peut bien imaginer la "réhabilitation" de la langue française. Voilà qui, personnellement, me convaincrait de l'impossibilité de la-dite "réhabilitation", car je ne crois pas une seconde au sérieux politique de la "remigration". Il me parait en effet très peu réalisable "de mettre dans un avion ou au bateau un petit cinquième des habitants de la France", comme vous l'écrivez. Si c'est à la réalisation du même genre d'ambition que tient le réveil de la langue française, alors, à mon avis, c'est cuit.

Croire à la "remigration", revient à croire, par exemple, à la restauration des paysages au moyen de la démolition rondement menée de toutes les "villas" et autres constructions qui l'ont mité de toutes parts. C'est la seule chose qu'il faudrait faire et on voit bien que ce n'est pas possible.

En s'affiliant à un lexique neutre d'où sont issus les termes "émigration", "immigration", "migration, le terme "remigration" voudrait se donner des airs pacifiques, réfléchis et organisés. Dans les faits, je ne vois pas comment la mise en oeuvre de cette politique ne prendrait pas rapidement les formes que d'une bonne vieille "épuration ethnique" qui ne dit pas son nom. Certains peuvent s'illusionner sur ce thème, d'autres savent bien ce qu'il en est.
02 novembre 2014, 21:40   Re : Fable express
Cher Thomas,

Mes doutes quant aux vertus ou à la simple viabilité ("faisabilité") de la remigration sont les vôtres, et je disais simplement "qui ne peut pas le plus peut le moins" : à défaut de pouvoir envisager un grand dé-remplacement, cultivons notre jardin.

Trouvé aujourd'hui dans le Figaro, cette phrase : Tim Cook vient de changer l'Amérique d'une façon dont Steve Jobs n'aurait jamais pu le faire" qui est une "traduction" d'une manchette du journal américain Huff Post (Tim Cook Just Changed America In A Way Steve Jobs Never Could). C'est du néo-français, du charabia devenu admissible, que l'on pourrait dire droit sorti des cités mais qui ne l'est pas : c'est le type de langue asyntactique, de bruit de fond, de grognement "je-me-comprends" que s'échangent, par exemple, les vedettes de la téléréalité, autrement dit le Français lambda d'âge typique compris entre 16 et 50 ans, du matin au soir, absolument partout, en privé, en public, dans tout l'espace public-privé qui est celui du téléphone portable et dans les médias.

Aucune "remigration" en forme d'épuration ethnique ne nous purgera de ce mal. Deux solutions possibles : s'enfermer chez soi, dans un jardin clos ou fuir à l'autre bout du monde. Les deux solutions sont combinables.

[www.lefigaro.fr]
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