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Les mots de l'ennemi

Envoyé par Henri Rebeyrol 
26 octobre 2014, 10:22   Les mots de l'ennemi
Pendant quelques minutes, AF et ses deux invités hier à Répliques ont illustré, sans le vouloir, la loi ou la règle suivant laquelle on n'emploie les mots de l'ennemi qu'à ses dépens ou, dite autrement, que, la langue étant un champ de bataille, le combat ne peut être mené que sur le terrain que l'on choisit : le sien et non celui de l'adversaire.

AF a cru bon de citer une des saillies dont Dubet, le sciencieux du social et de l'école, parsème son "oeuvre" (comprendre, ses "bouquins" ou ses "interventions" à Libération), à savoir que la culture de l'école (diffusée par l'école et à laquelle l'école accorde du crédit) est la "culture académique", alors que, dans une "société" "démocratique" ou dans une "école" "démocratique", la culture enseignée devrait être la culture "commune" - celle qui est le plus largement répandue dans la "société".
AF et ses invités ont cru qu'ils devaient débattre de cette assertion. Ce faisant, ils se sont placés sur le terrain de l'adversaire. Ils ont contesté l'adjectif "académique" (de toute évidence, Dubet ignore ce qu'est une académie et ce qu'est aussi une école), en citant de nombreux écrivains, dont l'oeuvre ou une oeuvre figure au programme des collèges et lycées et qui n'ont pas appartenu à l'Académie française ou dont le style ou la pensée n'a rien d'académique et en arguant que les vocables "culture commune" désignent ce que les jeunes gens des "quartiers", dits "populaires", et les guignols de Canal + tiennent pour de la "culture"... En contestant les deux adjectifs, ils ont donné du crédit à l'assertion première, laquelle pose l'existence de deux cultures (l'une dominante, l'autre dominée, etc.) et impose à l'école l'obligation de prendre parti dans cette lutte des cultures, qui est la forme dégradée de la lutte des classes. Or, la raison d'être de l'école est tout autre : c'est le savoir, les rudiments, les méthodes pour construire un savoir, les différents niveaux de savoir, l'examen critique que l'on peut faire d'une connaissance donnée, etc. C'est la diffusion du savoir, et non la culture : lire, écrire, compter, qui légitime l'école. Il existe un savoir (certes fragile) sur la littérature, la langue et les écrivains, qui n'a rien à voir avec l'Académie française et qui a peu de choses en commun avec le savoir universitaire : c'est ce savoir-là que l'école, en théorie du moins, est chargée de transmettre.

Dimanche dernier, un des invités de l'émission de France Culture de onze heures à midi, lui, a choisi clairement son camp, en citant, parmi les livres dont il recommande la lecture, le dernier "opus" (comme on dit à Canal +) de Dubet, livre éclairant, selon lui.
Or, le seul titre de ce livre est une farce : "La préférence pour l'inégalité". Tous les indicateurs attestent que ce qui caractérise la France (l'économie, la politique, la politique sociale, l'Etat providence, la redistribution par l'Etat des montagnes d'euros prélevées chaque jour sur les Français qui travaillent), c'est la préférence pour l'égalité et même la préférence égalitariste (pas une tête ne doit dépasser du rang). Ce livre, faux du début à la fin, est écrit par un fonctionnaire, issu d'une famille de fonctionnaires, qui vit, et fort bien, du berceau (ou quasiment du berceau) au tombeau, grâce aux milliards prélevés sur les Français qui travaillent, et dont la seule obsession est l'aggravation de ces mêmes prélèvements obligatoires pour accroître ses propres privilèges et, comme il n'est pas égoïste, pour étendre à des catégories sociales de plus en plus nombreuses les privilèges et avantages acquis, dont, lui, jouit depuis plus de quarante ans et dont il entend bénéficier jusqu'à la mort. Ce n'est pas une critique de la (prétendue) préférence pour l'inégalité qu'il a écrite, mais une apologie de la préférence ("très" française) pour les privilèges, avantages acquis, rentes de situation, sinécures...
Dubet, qui entra en sociomédiacratie avec le cinglant, Nous sommes passés de la lutte des classes à la lutte des places... Les bobos s'en gargarisent encore, de ce bon mot. Ceci dit, je partage tout à fait votre décapante analyse. On pourrait d'ailleurs remplacer, en sa deuxième partie, Dubet par Badiou, vous savez, le "fonctionnaire très très rebelle" — " L'Etat, le notre bien sûr, l'occidental, est le plus froid des monstres froids mais bon, je vais quand même faire confortablement toute ma carrière dans ses rangs, me gaver des avantages incommensurables qu'il m'accorde et le quitter le plus tard possible. Mais oh, vive Mao et Al-Qaeda hein!"
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