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C'était Meddeb...

Envoyé par Éric Guéguen 
25 novembre 2014, 23:07   C'était Meddeb...
Depuis 1997, l’écrivain et essayiste franco-tunisien Abdelwahab Meddeb animait l’émission Cultures d’Islam sur France Culture. Il est décédé brutalement le 6 novembre dernier. À mon sens, un hommage doit lui être rendu comme faisant partie des rares à notre époque qui, sans jamais renier ce qu’ils sont et d’où ils viennent, éprouvent une grande admiration et un profond respect pour des cultures étrangères aux leurs. Ils montrent ainsi que si un semblant de communion devait un jour advenir entre les peuples, celle-ci ne pourrait émaner que de la volonté partagée de s’élever dans l’effort et la connaissance universelle. Meddeb était bel et bien de ceux-là.

Élevé en Tunisie dans l’apprentissage du Coran, il se passionna adolescent pour la littérature française. À la fin des années 70, après quelques années d’études supérieures dans la Tunisie montante de Bourguiba, il vint compléter sa formation en lettres à la Sorbonne. Il se mit ensuite à la poésie et s’employa par ailleurs à promouvoir la diffusion des œuvres arabo-musulmanes au sein des éditions Sindbad dont il fut un temps directeur de collection. Ayant fait sa thèse de doctorat sur la notion de « double généalogie » qu’il vivait lui-même au quotidien, il témoignait par là d’un constant souci de dialogue entre les cultures. Pas le « dialogue » des chantres d’un multiculturalisme échevelé et angélique, celui d’une communion dans le travail de l’esprit. Celui d’œuvres unifiantes parce qu’édifiantes, non celui de la « tolérance » doucereuse qui, contrairement à ce qu’on en dit, n’invite pas au dialogue mais au fatras stérilisé des monologues. Il devint par la suite professeur de littérature comparée à l’Université de Nanterre. Abdelwahab Meddeb a en outre fondé la revue Dédale en 1995 ; son livre le plus célèbre demeure à coup sûr La maladie de l’islam, paru au Seuil en 2002 (Prix François-Mauriac).

Dans son entreprise communicationnelle, Meddeb a fatalement cherché des points de rencontre. Pour ce faire, il a remonté le temps pour convoquer ce que le jargon de la philosophie politique appelle du nom d’Anciens : les Grecs, les Latins et les auteurs chrétiens d’un côté, la philosophie arabo-musulmane et le soufisme de l’autre. C’est dans un commun héritage qu’il convenait de chercher des éléments de concorde, plus que dans les vicissitudes du temps présent. Meddeb n’en demeurait pas moins attentif à l’actualité politique au Maghreb, en Tunisie en particulier (ces jours-ci en plein dénouement électoral qu’il n’aurait d’ailleurs pas manqué de commenter). Ses émissions s’appuyaient d’ailleurs, tantôt sur la situation fluctuante des pays musulmans et ce que l’on a un temps appelé « Printemps arabes », tantôt sur des lectures ou relectures de grandes œuvres oubliées, mais toujours en ménageant des ponts entre cultures en vis-à-vis. Les apories de l’islam moderne, le monde berbère, l’expulsion des Morisques, la dynastie des Ommeyyades, la poésie d’Al-Andalus, etc. De l’Hégire à la Révolution de Jasmin et du Maroc à Téhéran en passant (souvent) par Cordoue, Abdelwahab Meddeb a suscité l’intérêt croissant de nombreux auditeurs lors d’entretiens passionnés et passionnants. Et s’il lui arrivait de temps en temps de couper la parole à ses invités, c’était toujours dans l’exaltation d’apprendre d’eux quelque chose, ou celle d’offrir de l’inédit à ses auditeurs, faisant de sa voix la leur.

Je me souviens notamment des émissions enregistrées en 2012 et 2013 avec le philosophe Philippe Vallat à l’occasion de son travail de traduction de certaines des œuvres du grand penseur persan Al Farabi (IX -Xe siècles). Il était alors évoqué en quoi Farabi s’était approprié la philosophie politique de Platon au point de sembler parfois y voir des Lois mieux affermies que dans le Coran ! C’est que déjà importait pour certains – en terre d’islam et ailleurs – l’exercice de la raison dépris de la révélation, ne fût-ce que pour une poignée. Si ce que nous appelons les « Lumières musulmanes » le furent davantage par l’accès au savoir que par une réelle volonté de diffuser celui-ci largement, pour autant elles témoignèrent assurément d’un grand intérêt pour la philosophie grecque. À tel point qu’un philosophe comme Leo Strauss a vu en Farabi l’un des plus grands disciples de Platon. Averroès, lui aussi, revenait périodiquement dans les entretiens menés par Meddeb, ainsi que l’historien tunisois Ibn Khaldoun (XIVe siècle), auquel il avait consacré tout une émission en septembre dernier, peu après s’être interrogé sur ce que l’islam devait aux Grecs. En sens inverse, Meddeb fut de ceux qui voient entre Dante et son devancier Ibn Arabi un lien consubstantiel.

Bien sûr, quand l’actualité nous abreuve des horreurs perpétrées au nom d’Allah – et quand on sait la prégnance des images à notre époque –, il peut sembler incongru de focaliser l’attention sur des penseurs du Moyen Âge, renvoyant eux-mêmes à nos racines grecques que l’on ne songe plus guère à exhumer, pas même à l’égard de la démocratie. Toutefois, Cultures d’islam était l’une des rares programmations du service public à être résolument tournée vers la compréhension d’un monde complexe, de son histoire, de ses paradoxes, de ses conquêtes et de ses impasses, de ses grandes figures philosophiques, scientifiques, théologiques également. C’est à travers tant de siècles sondés que se justifie l’Islam comme civilisation, même si les trésors qu’il recèle ne l’exonèrent pas de ses crimes. Invitant à la découverte dépassionnée des choses, Meddeb assumait tout, la mystique, les mœurs et l’architecture, la violence, l’obscurantisme et les relations conflictuelles avec l’Occident. Son regard pétillant trahissait chez lui comme un besoin vital d’aller au fond des choses, d’en pénétrer la complexité et de les partager avec un public devenu fidèle.

En ce qu’il faisait de sa double culture l’occasion d’une exigence ontologique, Abdelwahab Meddeb ne disconvenait ni de l’orgueil occidental, ni du ressentiment musulman. Il savait dans quelle mesure l’Occident peut servir tantôt d’exemple à suivre, tantôt d’écueil à éviter. Il savait aussi combien il est difficile pour un ensemble civilisationnel d’avoir dans le même temps à préserver son être et à entreprendre une sérieuse introspection. Son regard comptait donc doublement. Il manquera assurément.

Article original
26 novembre 2014, 00:58   Re : C'était Meddeb...
Je vous remercie, cher Monsieur, pour m'avoir permis de mieux connaître cet homme dont je ne connaissais que le nom.
26 novembre 2014, 09:18   Re : C'était Meddeb...
Avec plaisir.
26 novembre 2014, 15:38   Re : C'était Meddeb...
M. Meddeb était, à n'en pas douter, un honnête homme, mais rien, dans sa pensée, dans sa carrière, dans son oeuvre, ne justifie qu'il lui soit rendu hommage, et cela pour les trois raisons suivantes.

a) En 1996, alors qu'il était maître de conférence en Tunisie, il a été élu professeur de littérature comparée à l'Université de Nanterre. Un argument a emporté la décision de la commission de recrutement et lui a fait préférer M. Meddeb à de nombreux comparatistes de talent. Le voici : beaucoup d'éudiants à Nanterre étant de souche maghrébine (ou censés l'être), il leur fallait un enseignement qui leur apprît leurs racines ou qui y fût conforme. Fi de la connaissance, du savoir, de la "littérature" comparée, dont le coeur est Shakespeare, Dante, Goethe, Tolstoï, Joyce, etc., en non Ibn Khaldoun ou Ibn Rouchdi, qui ne sont pas des écrivains ; place aux racines, les bonnes, celles de l'Autre. Imaginons la situation inverse et les indignations !

b) Rien dans l'oeuvre de Meddeb n'atteste qu'il ait été en mesure d'enseigner quoi que ce soit sur la littérature, qu'elle soit écrite en arabe ou dans une langue d'Europe. Il n'était pas arabisant, même s'il connaissait l'arabe. Il n'était pas vraiment francisant. Quant à ses objets de recherche ou d'étude, ils sont si peu consistants (la "double généalogie" ?) qu'on peut en dire tout et son contraire. Ibn Rouchdi était qadi, pas écrivain. Son oeuvre "philosophique" est mince et sans intérêt. El Andalous est un mythe qui relève de la blague. La carrière que M. Meddeb a faite dans un département de lettres d'une université française est surtout à l'image du désastre dans lequel s'abîment les études de lettres. Ce désastre consiste à confondre idéologie et littérature ou moraline à deux sous et instruction publique et à réduire la littérature à un discours de Bisounours ou à l'eau de rose.

c) Meddeb est un auteur ou un idéologue du "génie" de l'islam et de l'Islam, tout confit en dévotion et en takkya. Avant 2001, alors que les militants de l'islam politique étaient à l'oeuvre en Egypte, au Maroc, en Algérie, au Pakistan, au Soudan, en Turquie, etc. où ils commettaient, mais sur une moins vaste échelle qu'aujourd'hui, les mêmes crimes que Boko Haram ou que l'Etat islamique, il n'a jamais élevé la voix pour protester contre cette barbarie. C'est à partir du moment où la barbarie est devenue trop voyante et trop gênante (mais à France Culture ou à l'Université, cela ne gênait personne) qu'il a écrit quelques textes critiques - et encore ? Le titre "La malade de l'islam" est ambigu : est-ce l'islam qui est une maladie ? Que nenni ! Et pourtant, c'est ce que dit la réalité. Pour lui, l'islam est un corps sain et la maladie comme une grippe qui se guérit ou se guérira aisément, surtout si l'Europe bascule dans l'islam.

d) L'Université se montre habituellement intransigeante sur les questions de religion ou de croyances, quand il s'agir de catholicisme ou de christianisme. L'islam fait exception à la règle. Quelques opinions entendues : jamais je ne voterai pour un catholique; êtes-vous capable de dispenser un enseignement impartial ? (à un candidat dont l'objet d'étude était la devotion à l'enfant Jésus au XVIIe siècle); celle-là (en parlant d'une candidate qui écrivait dans un mensuel sur l'art religieux), elle n'a pas sa place à l'université. Mais pour Meddeb et d'autres, dont Moussaoui (de l'UOIF, MCF de mathématiques) et l'imam Daffé, celui de la réislamisation à Toulouse, c'est carte blanche, voie ouverte, tapis rouge. Personne n'a jamais protesté contre le fait, inconcevable quand il est question de christianisme, pour un professeur d'université, fonctionnaire de l'Etat, d'animer des émissions de complaisance islamique ou de propagande relgieuse sur une chaîne publique.
26 novembre 2014, 16:00   Re : C'était Meddeb...
Je suis entièrement d'accord avec ce qu'écrit monsieur Rebeyrol.
26 novembre 2014, 18:06   Re : C'était Meddeb...
Modeste contribution au débat sur Meddeb :

[www.renaud-camus.org]

[www.renaud-camus.org]
26 novembre 2014, 19:00   Re : C'était Meddeb...
Voilà qui complique les choses... Tant mieux.
Je ne suis pas compétent pour rentrer dans le débat de la maladie de l'islam, qui de toute façon ne m'intéresse pas lorsqu'il est d'avance tranché dans un sens ou dans l'autre, mais j'aimerais faire quelques remarques.
D'abord, Ibn Rouchdi désigne-t-il bien Ibn Rochd, Averroès ? Je n'avais jamais vu cette orthographe... Si c'est bien lui, cela me paraît un peu léger d'affirmer que son œuvre est sans intérêt, il me semble que les Latins ne pensaient pas de même, mais je dois confesser que je la connais mal, ne lisant pas l'arabe.
Si vos point a) et b) me paraissent donc très convainquants, je suis beaucoup plus réservé quant au point d). Puisque M. Rémi Pellet, dans ses contributions qui m'ont intéressées, renvoie à Rémi Brague, il me semble que ce dernier n'a jamais fait mystère de son catholicisme, qui ne l'a pas empêché de gravir les échelons du monde universitaire, comme Etienne Gilson avant lui, mais j'imagine que l'on pourrait soutenir que c'est leur compétence qui leur a permis, malgré leur catholicisme, d'acquérir cette reconnaissance.
Et pour finir, pour relancer un débat plus large qui a déjà occupé ce forum, je me permets de vous soumettre à mon tour ma modeste contribution : Retour sur la polémique entre Rémi Brague et Luc Ferry.
27 novembre 2014, 00:22   Re : C'était Meddeb...
Le point c) que développe M. Rebeyrol est essentiel, même si on peut estimer que les opérations génocidaires orchestrées de longue date par Khartoum à travers l'Afrique font du Soudan l'un des plus récents et effroyables bras armés de la cause islamiste, une cause à laquelle aucun musulman n'est tout à fait insensible. Ce bras armé, bien avant Boko Haram et Isis, arabisait/islamisait et massacrait donc déjà à très grande échelle. Les groupes islamistes qui en ce moment font la une des journaux et pleurnicher Mme Obama, on les présente commodément comme des aberrations, des sectes. Or avec leurs ressources limitées, mais en communiquant de manière spectaculaire, ils réalisent à leur niveau ce que de vieux "états" et "républiques" islamiques poursuivent avec leurs moyens, qui sont immenses, depuis des décennies.
28 novembre 2014, 04:34   Re : C'était Meddeb...
Bravo pour ce texte, cher Eric Guéguen.
28 novembre 2014, 10:06   Re : C'était Meddeb...
Bonjour à toutes et tous.
Je viens d'être informé par l'un d'entre vous du petit débat qui prend ici forme suite à mon texte. Merci pour ces échanges de qualité. Je répondrai à tout le monde dans la journée.
À tout à l'heure donc, et encore merci pour l'intérêt porté à mon article.

EG
28 novembre 2014, 14:53   Re : C'était Meddeb...
Le texte de M. Sercy est également intéressant, trouvé-je
28 novembre 2014, 16:01   Re : C'était Meddeb...
Alors...

Monsieur Rebeyrol, tout d'abord, merci pour ces infos complémentaires. Concernant l'entrée en service de Meddeb à Nanterre, ne sachant rien de cela, je vous crois sur parole. Mais peut-on le reprocher directement à l'intéressé ?

Il se trouve que je viens d'obtenir un Master à Nanterre, et je connais pas mal cette faculté. C'est un repaire de gauchistes comme il y en a peu, et pourtant la concurrence est rude dans le milieu universitaire. Il y a des profs très compétents et très sympathiques, mais on sent comme une idéologie dominante (vraiment dominante...), avec des gardiens du Temple et des cours formatés. Toutefois, en deuxième allée de Licence, j'ai eu la chance de suivre un cours passionnant sur Averroès qui - pour rebondir sur ce que disais JeanSercy - n'allait absolument pas dans le sens de Luc Ferry (grand-guignol en la matière), mais dans celui de Rémi Brague. Et pourtant, mon prof était un ancien élève d'Alain de Libera... c'est cet Averroès-là qui m'intéresse, le vrai en somme, pas celui des chantres du multiculturalisme et de la coulpe occidentale à battre. Et il me semble que Meddeb, dans ses émissions (je ne l'ai pas eu comme prof cependant) était fidèle à cette exigence (mais c'est une affaire de point de vue).

Sur le deux poids deux mesures vis-à-vis de tout ce qui gravite autour du catholicisme, je ne peux que vous suivre à 200%, bien qu'ayant une belle-famille (pour tout dire) musulmane pour l'essentielle (ce qui génère entre nous des débats passionnnants de mon point de vue). Je déplore que les mêmes qui crachaient sur les églises il y a un siècle se réjouissent aujourd'hui de l'exotisme des burqas, et le dis à mes proches, sans ambages.

Mais... mais là où je ne vous suis plus, c'est sur ce que vous semblez dire (je dis bien "semblez") du caractère pathologique de l'islam. Pour moi l'islam n'est pas une maladie (ce n'est bien entendu pas dans ce sens que se situe le titre du bouquin de Meddeb), bien que l'idée se répande de plus en plus à notre époque, les médias aidant. C'est une civilisation - qui n'est pas la mienne - que légitime l'Histoire, comme tout autre, mais dépoourvue des moyens de lutter sontre ses démons intérieurs. J'ai d'ailleurs écrit un article là-dessus il y a trois semaines environ, mais en lien dans le présent forum :
[cerclearistote.com]

À vous lire,
EG
28 novembre 2014, 16:05   Re : C'était Meddeb...
Rémi Pellet et Jean Sercy, merci pour vos liens.

Et pour celles et ceux qui ne connaissaient pas Cultures d'islam, je vous invite tout de même à écouter certaines émissions, notamment celles où il est question d'auteurs anciens. Certains trouveront ça un peu court (en une heure, difficile d'en faire le tour), moi je les prends comme des tickets d'entrée vers des recherches plus poussées, des invitations à comprendre une civilisation en crise. Et cela, je le répète, va à présent manquer ; il n'y a pas que l'islam qui en avait besoin, la France aussi.
28 novembre 2014, 17:58   Re : C'était Meddeb...
M. Guéguen, connaissez-vous l'ouvrage de Dominique Urvoy, Averroès, Les ambitions d'un intellectuel musulman, Flammarion, 1998, coll. Champs ?

La science d'Urvoy n'est pas contestée et le moins qu'on puisse dire c'est que son portrait d'Averroès est sans concession...

Extraits :

il faut « se rappeler qu’Averroès est un cadi et que le droit musulman a toujours et partout condamné à mort l’hérétique manifeste"
« Averroès traite de la guerre sainte en tant que juriste explicitement dans son manuel juridique. Il comprend celle-ci comme l’islam le comprend à son époque, et d’ailleurs comme l’islam tout entier l’a toujours comprise, à savoir comme une guerre très concrète. Seuls font exception quelques rares soufis, ceux-là mêmes qui ont inventé de toutes pièces et mis en circulation le trop fameux hadith sur le grand et le petit jihâds (qui) ne figure dans aucun des six recueils canoniques de déclarations du Prophète ».
Averroès « voit dans la lutte le but principal de cette vertu (le courage), laquelle ne peut donc s’épanouir que dans un conflit continuel. Ce bellicisme, de la part d’une penseur qui, comme l’immense majorité des hommes de religion de son temps, n’a jamais participé à un combat effectif, est remarquable (..) Ce rôle d’exhortateur depuis l’arrière n’est guère sympathique. On pense à l’image de Barrès face aux ‘‘poilus’’ de 1914 ».
Concernant « le meurtre des hommes ‘‘bestiaux’’ (…) Avicenne suggère que l’on devrait torturer le sceptique jusqu’à ce qu’il avoue que la différence entre le vrai et le nom vrai est bien pertinente. Averroès prône l’élimination des handicapés mentaux »

De même Rémi Brague, dans son ouvrage Au moyen du Moyen-Âge, Philosophies médiévales en chrétienté, judaïsme et islam, Les Editions de La Transparence, 2006 :

« Le Discours décisif seul ouvrage « pas trop technique, seul disponible en poche (..) est une œuvre de circonstance, dans laquelle Averroes défend la doctrine officielle des souverains Almohades au service desquels il était. Et (cet ouvrage) que l’on va bien entendu enseigner comme un ‘‘plaidoyer-pour-la-tolérance’’ s’achève par un appel à la répression contre ses adversaires" .
« Averroès approuve sans réserve le meurtre des dissidents ».
Dans son ouvrage, Incohérence de l’Incohérence, « par deux fois il justifie la mise à mort des hétérodoxes » (p. 292) : L’islam ne fait pas que justifier la guerre, il sanctifie la guerre d’anéantissement Averroès juge que dans la loi sur le ijâhd «  se trouve le commandement général d’exterminer totalement les adversaires (…il) ne met en aucune manière en doute le caractère définitif du principe (..) Le but dernier est le bien de l’islam ; en elle-même la guerre d’anéantissement est un moyen parfaitement légitime pour cela » (p. 180)
28 novembre 2014, 19:20   Re : C'était Meddeb...
Voici aussi q ce qu'en dit AM Delcambre :

"Faire étudier dans les écoles au 21 ème s le « traité décisif » d’Averroès pour montrer que l’islam est compatible avec la raison , la modernité, le progrès, la laïcité etc..etc.. c’est plaquer sur Averroès-le pauvre homme- des problématiques qui n’étaient nullement les siennes. Averroès , au 12 ème s, était au service de la dynastie berbère des califes almohades- les Unitaires- partisans farouches de l’unicité de Dieu. Ces « Unitaires »= mouwahhidûn=almohades,avaient besoin d’une théologie nouvelle.
Averroès a eu les ambitions d’un intellectuel musulman de son époque ‘(Voir Dominique Urvoy « Les ambitions d’un intellectuel musulman, Paris Flammarion, 1998 , 253 p)
Averroès veut une théologie vivifiée par l’apport de la philosophie , avec l’élimination de la sèche rhétorique de la théologie dogmatique classique (kalâm).
En fait avant les Almohades il y avait les Almoravides et les Almohades vont effectuer une réforme religieuse , un peu comme le protestantisme (par rapport au catholicisme).
On ne peut pas comprendre l’idéologie des califes almohades si l’on ignore qui est Ibn Tumert (Tumart). C’est un berbère qui a étudié en Orient et qui a eu des maîtres de l’école châféite en droit musulman. Ibn Tumart est un berbère intransigeant . Pour lui il fallait impérativement livrer la guerre aux mauvais musulmans avant d’attaquer les infidèles.
POURQUOI AVERROES A-T-IL PREFERE LES ALMOHADES ? Sous les califes Almoravides ( des berbères aussi) , il n’y avait que des guerres dévastatrices entre chefs de guerre andalous.Avec l’arrivée des Almohades , l’ordre est rétabli. C’est le pouvoir vainqueur fondé sur la loi.

Oui , quel mensonge de présenter Averroès comme tolérant et pacifiste !!! Il ne le fut en aucune façon. Il était belliciste, partisan de la guerre.Rémi Brague rappelle l’homélie (sermon) , (en arabe khoutba) prononcée dans la grande mosquée et dans laquelle il appelait à la guerre sainte (jihâd) contre les royaumes chrétiens du nord.
Comme juriste malékite Averroès parle du jihâd et l’encourage. Et il écrit sur le jihâd à l’intention ducalife et sur commande de ce dernier. Et comme dans tout traité de fiqh (droit musulman) il est question de butin, du sort réservé aux captifs, de la répartition du butin .
D’une manière générale , Averroès n’est pas un tendre. Dans le commentaire de la République de Platon, il n’élève aucune objection contre l’élimination des enfants handicapés.
En fait Averroès est un juriste pragmatique . Il parle de la condition des femmes dans les pays musulmans pour la déplorer Il constate en effet qu’elles n’ont d’autre fonction que de s’occuper des enfants et, pour se faire de l ;’argent, de filer et de tisser. Elles sont par là , dit-il, ravalées à l’état de plantes. Mais en fait Averroès ne plaint pas les femmes. Il déplore leur inutilité et la charge qu’elles représentent pour leur mari.

Averroès fut un bon serviteur au service des califes almohades. Alors pourquoi sa disgrâce ? A 68 ans ! en 1194 une plainte est portée contre lui. A 69 ans il est banni à Lucena , une petite ville située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Cordoue. Elle était autrefois peuplée de juifs. MAIS L’INTERDICTION PAR LES ALMOHADES DES RELIGIONS AUTRES QUE L’ISLAM AVAIT PROVOQUE LE DECLIN DE LA VILLE.
Etre exilé à Lucena était humiliant pour Averroès. Cela l’assimilait à un juif. On ne s’étonnera pas de trouver écrit « D’après ce qu’on dit il était d’origine juive ».
Toujours est-il que des poèmes insultants circulent sur son compte « Tu n’es pas resté dans la bonne voie, Ô fils de la bonne voie. Tu as été traître à la religion. Ce n’est pas ainsi qu’a agi ton aïeul »
ou « Le destin a frappé tous ces falsificateurs qui mêlent la philosophie à la religion et qui prônent l’hérésie ».

Présenter aujourd’hui Averroès comme un musulman modèle est un mensonge car , de son temps, Averroès fut , à la fin de sa vie, insulté publiquement avec obscénité et ses livres furent condamnés à être brûlés. Etant entré dans la grande mosquée de Cordoue avec son fils Abdallah, il en fut chassé par les gens du bas peuple.
Car les vrais ennemis d’Averroès furent les masses populaires musulmanes. L’antipathie de la foule pour la philosophie fut un des traits les plus caractéristiques de l’Espagne musulmane.
Faire des leçons de philosophie et l’on était qualifié d’impie, de mécréant (zindiq) . C’était l’horreur et on gardait ce qualificatif toute sa vie.
Averroès avait obéi au calife en introduisant la philosophie grecque ( la logique) dans la théologie . Il philosophe avec le
calife et pour le calife. Jamais il n’écrivit pour le peuple. Il prescrit de ne philosopher qu’à huis clos, loin du vulgaire..
Car les gens , dans les rues, brûlaient la maison de ceux qui passaient pour philosophes. Et parfois le calife pour se concilier l’affection du peuple ordonnait la mort de celui qui philosophait ou que ses livres soient brûlés. La chasse aux sorcières était pratiquée.
Averroès se méfiait à juste titre des masses populaires mais il resta toujours un juriste musulman pur et dur qui voulait le bien de la communauté musulmane ( oumma). Averroès préconise d’apporter une correction à la loi lorsque celle-ci est trop générale, conformément à ce que préconise Aristote. Et Averroès note que la loi sur le jihâd est un excellent exemple
que l’on peut donner pour montrer cette correction apportée à la loi.. Le commandement général est d’extirper et d’éradiquer l’adversaire . Mais il y a des circonstances dans lesquelles la paix est préférable à la guerre. « C’est le vulgaire, chez les musulmans, qui s’imagine que le principe aurait une portée universelle , même lorsqu’il n’est pas possible d’anéantir l’adversaire. Cela a de graves dommages. Il faut voir le but de la loi . » Mais à aucun moment Averroès ne met en doute la légitimité du principe.

CONCLUSION
Alors aujourd’hui l’histoire mensongère d’Averroès continue- C’est pourquoi il convient de parler de « mensonge persistant ». Les nouveaux penseurs de l’islam utilisent Averroès comme arme pour rabaisser l’Occident chrétien et faire l’éloge du rationalisme musulman.
Ils oublient de dire que l’histoire officielle musulmane considère Averroès comme un hérétique
Ils oublient de dire qu’Averroès n’a eu aucun disciple arabe.
Les seuls disciples d’Averroès furent les Averroïstes latins et les Averroïstes juifs. Mais là encore ces derniers ont utilisé Averroès en le déformant. Ils se sont appuyés sur des malentendus historiques. On constate de véritables ajouts, tant dans les éditions latines que dans les manuscrits hébraïques. Sans oublier qu’Averroès ne savait pas le grec et que ses commentaires d’Aristote et de Platon ont été faits à partir de traductions effectuées par des chrétiens orientaux).
La postérité latine et juive d’Averroès est donc une postérité équivoque.
« L’averroïsme » est un nom collectif forgé par Renan. Le Moyen-Age n’a connu que les Averroïstes.
L’averroïsme serait donc une illusion, un mensonge ? Certains n’ont vu sous ce nom qu’un « paganisme typiquement parisien »
Les intellectuels musulmans, aujourd’hui, veulent un « averroïsme arabe ».
L’ « averroïsme arabe fait en effet partie de la revendication, par les intellectuels arabes occidentalisés, de leur patrimoine.
La revendication du patrimoine paraîtrait naturelle s’il n’y avait derrière une idée de revanche sur les occidentaux.
Et ce qui tendrait à le prouver est cette apologie systématique qui aboutit à taire la vraie nature de ce patrimoine.
Averroès ne fut pas celui qu’ils présentent, pas plus qu’Ibn Khaldun. Ce dernier a écrit sur les Arabes des phrases qui le feraient accuser de racisme.
Mais comme Ibn Khaldun est vanté par les occidentaux comme précurseur de la sociologie , les intellectuels musulmans le revendiquent comme faisant partie de leur patrimoine.
La remise à l’honneur , la « redécouverte » d’Averroès se fit toujours à partir de Occident par les occidentaux orientalistes et – dans les pays arabes- cela se fit en fonction du regard de l’occident.
C’est l’Occident qui fut à l’origine de la célébrité d’Averroès L’on peut se demander quel intérêt ont les musulmans à revendiquer un personnage calomnié par l’Eglise, déformé par l’orientalisme dont la célébrité a toujours reposé et repose encore sur des mensonges."
28 novembre 2014, 21:11   Re : C'était Meddeb...
Autant je suis très attentif à ce que dit Rémi Brague - qui, il faut le rappeler, est un grand admirateur d'Averroès, il ne s'en est jamais caché - autant je me méfie un peu d'Anne-MArie Delcambre. Ce que j'ai lu d'elle et ses différentes interventions télévisées me la font voir davantage comme une.. "hystérique", fondamentalement anti-islam. Donc peu objective.

Et je n'ai pas lu le bouquin de Dominique Urvoy, mais je n'y manquerai pas à l'occasion.

Pour ce qui est de la vertu du personnage, je considère les Lumières musulmanes pour ce qu'elles sont : le primat accordé à la raison, ce qui doit définir en priorité le concept de "Lumières". Pour ce qui est de la diffusion du savoir, qui est en quelque sorte le second mouvement des Lumières, et finalement le seul retenu en Occident (sans se soucier que l'on ait finalement plus rien à diffuser), Averroès s'y montre très réticent, ce qui ne fait pas de lui, ni l'humainiste doucereux que nous vend Luc Ferry, ni le tyran que certains aimeraient nous faire croire qu'il fut.

Bonne soirée et merci pour ces échanges.
28 novembre 2014, 21:14   Re : C'était Meddeb...
PS : Au sujet d'Ibn Khaldun, on parle souvent très peu sous nos latitudes, en regard, de ce qu'il a pu dire des Noirs. Il n'empêche qu'il demeure un historien de grande importance. L'objectivité a beau être difficle à atteindre, je pense qu'il est salutaire de l'avoir en vue.
28 novembre 2014, 23:09   Re : C'était Meddeb...
"Ce que j'ai lu d'elle et ses différentes interventions télévisées me la font voir davantage comme une.. "hystérique", fondamentalement anti-islam. Donc peu objective."
Détrompez-vous, cher monsieur. Si AM Delcambre est nulle à la télévision : brouillonne, confuse, et, en effet, vaguement hystérique, elle est dans ses écrits très précise et très objective à propos de l'islam. Sur le site de Libertyvox où elle intervenait très souvent, elle s'est à plusieurs reprises élevées énergiquement contre ceux qui sous-estimaient la valeur des juristes musulmans. Selon elle, ils ont travaillé admirablement à faire en sorte que le droit islamiste soit en conformation la plus exacte possible avec l'esprit et la lettre du coran ainsi que de la sunna. Elle considère que ce droit a été élaboré par des hommes de génie et qu'il est un monument d'intelligence, de cohérence et de subtilité. Qu'il puisse être considéré par les non musulmans, y compris elle-même, comme moralement choquant, condamnable est une autre histoire.
29 novembre 2014, 00:08   Re : C'était Meddeb...
Dans ce cas, Cassandre, au temps pour moi.
29 novembre 2014, 08:23   Re : C'était Meddeb...
Bref, il aura été montré, dans ces échanges, qu'on peut se situer dans la droite et "orthodoxe" ligne de l'islam, et ne se démarquer en rien nettement et explicitement de ce cadre, tout en étant d'autre part un penseur digne d'intérêt et même remarquable, à en croire certains qui ne sont certes pas des islamophiles compulsifs ?? Mais c'est extraordinaire ça !
29 novembre 2014, 09:27   Re : C'était Meddeb...
Tout à fait Monsieur Eytan.
29 novembre 2014, 11:53   Re : C'était Meddeb...
Alain, vous blasphémez...
29 novembre 2014, 16:03   Re : C'était Meddeb...
Massacrés par une foule de musulmans ordinaires, ils travaillaient à l'établissement en ourdou des œuvres complètes de M. Meddeb. Dommage.

[www.lepoint.fr]
29 novembre 2014, 17:45   Re : C'était Meddeb...
Je n'ai pas compris le rapport avec Meddeb... ?
30 novembre 2014, 11:53   Un Averroès sinon rien
Ce qui est pratique avec la civilisation issue de l'Islam, c'est qu'on est pas embarrassé par le choix des auteurs à étudier, à commenter et à re-commenter. Pour commencer, aucune femme, joli gain de place dans les rayons des bibliothèques. Les romanciers ? Les philosophes ? On pourra installer une collection complète de narguilés à la place. Restent Averroès, Ibn Khaldun, les Mille et une nuits et, à coup sûr, quelques autres noms que les spécialistes me pardonneront de ne pas connaître, des compilateurs en veux-tu en voilà, des juristes comme le bras, on peut en être certain. Et puis quoi ?
30 novembre 2014, 12:32   Re : C'était Meddeb...
Je suis loin d'être spécialiste, mais ces « quelques autres noms », au sein de la civilisation issue de l'islam, sont tout de même aussi Avicenne, Al-Ghazali, Omar Khayyam, Al-Fârâbî, Sohrawardi, Ibn Arabi, Al-Razi, Al-Kindi, Mollâ Sadrâ Shîrâzî, pour les plus connus, à qui j'ajouterais bien volontiers le mythique Nasr Eddin Hodja, pour la facétie.
Pour une liste plus complête des philosophes issus de l'Islam, on peut se référer au sommaire de l'Histoire de la philosophie islamique d'Henry Corbin.
C'est une chose de dire que les musulmans ont tout inventé, de la boussole chinoise aux chiffres indiens, c'en est une autre de vouloir réduire à néant l'apport culturel de leur civilisation.
30 novembre 2014, 12:56   Re : Un Averroès sinon rien
D'autant plus que la civilisation chinoise, du point de vue de l'écrit, si elle est tout aussi généreuse voire plus, ne peut pas, il me semble, revendiquer davantage de pluralité (romans, femmes et le toutim)...
30 novembre 2014, 13:03   Re : C'était Meddeb...
Oui, vous avez raison. Reconnaissez tout de même qu'Averroès nous est sempiternellement servi, comme s'il n'y avait pas autre chose à se mettre sous la dent.
30 novembre 2014, 13:13   Re : C'était Meddeb...
Je le reconnais d'autant plus volontiers que je le déplore ! Averroès sert d'alibi, de marque de tolérance, à des individus qui ne connaissent rien (encore moins que moi, c'est dire !) à la philosophie qui a existé en terre d'Islam, Luc Ferry par exemple, dont j'ai cru comprendre qu'il était à l'origine de son inscription au programme de philosophie en terminales. On peut toutefois peut-être justifier cette inscription : Averroès a eu une postérité en Occident, postérité ambiguë puisqu'elle s'est accompagnée d'une légende noire, et à ce titre il peut avoir sa place dans un programme tourné vers la philosophie occidentale.
30 novembre 2014, 13:30   Re : Un Averroès sinon rien
Il y a tout de même de célèbres romans chinois, pléïadisés qui plus est, Le Rêve dans le pavillon rouge, Au bord de l'eau, La pérégrinations vers l'ouest et Fleur en fiole d'or.
30 novembre 2014, 13:35   Re : C'était Meddeb...
Exactement.
Averroès est brandi pour nous dire "voyez, tous les musulmans ne sont pas hostiles au libre arbitre !"
Manque de pot, il n'est pas non plus le tolérant que l'on en fait. Je l'ai dit au-dessus : dans le triomphe de la raison sur la révélation, il y a deux mouvements.

Un premier mouvement vertical d'exercice individuel de l'intelligence en vue de la connaissance ;
Un second mouvement horizontal d'une diffusion du savoir induit dans la société.

Lorsque nous autres, Occidentaux, parlons des Lumières, c'est avant tout le second mouvement qui est perçu comme finalité. Pour Farabi, et Averroès à sa suite, seul le premier importe. Et non seulement c'est l'exercice individuel de la raison qu'il a en vue... mais contrairement à ce que dit Ferry, et comme l'énonce très bien Rémi Brague en réponse à l'histrion, il est rigoureusement opposé à ce que le savoir soit diffusé à travers une société qui n'est pas préparée intellectuellement à recevoir un tel enseignement. Averroès était très certainement un génie. Un homme "tolérant" à la sauce occidentale, certainement pas. Mais... peu importe !!
30 novembre 2014, 13:40   Re : C'était Meddeb...
Exact Jean, mais vis-à-vis de l'Occident, là aussi nous sommes loin du compte.
Et on ne leur en tient pas autant rigueur qu'à l'Islam (majuscule).
Je pense que du fait de la présence massive d'arabo-musulmans en France, on tombe dans l'outrance passionnée d'un côté comme de l'autre. D'un côté les Lumières musulmanes seraient "tolérantes" (risible), de l'autre l'Islam ne serait capable que de recopier le génie des autres (grotesque).
30 novembre 2014, 13:42   Re : C'était Meddeb...
Mais pourquoi, cher Éric Guéguen, reprendre cette expression de « Lumières musulmanes » ? J'avais lu sur wikipédia que c'était Malek Chebel qui était le créateur de l'expression d' « islam des lumières ». Pourquoi vouloir toujours retrouver, au sein de l'Islam, ce qui nous vient d'Occident, et de son siècle qui fut philosophiquement, à mon avis, le moins intéressant, du moins en France, qui plus est ?!
30 novembre 2014, 13:43   Re : C'était Meddeb...
L'outrance passionnée, c'est cela même. D'un côté, tout nous vient de l'islam. De l'autre, il n'a produit que des horreurs.

Les enclumes sont entrées en résonance.
30 novembre 2014, 13:59   Re : C'était Meddeb...
Citation
Éric Guéguen
Et on ne leur en tient pas autant rigueur qu'à l'Islam (majuscule).
Certes, mais cela peut peut-être se comprendre : personne, ou alors personne que je connais, n'a jamais voulu prétendre que tout nous viendrait de la Chine.
30 novembre 2014, 14:07   Re : C'était Meddeb...
Jean,
Vous avez raison, on ne prétend pas que tout vient de la Chine... tout simplement parce qu'il n'y a pas des milliers de petits Chinois à acclimater (je n'ose dire acculturer) à la France...

Personnellement, je ne pense pas que le XVIIIe siècle soit le moins intéressant de notre histoire, je pense que c'est également une outrance, par réaction au foin qu'on a fait avec les Lumières. Concernant Malek Chebel, j'ai beaucoup de mal à le prendre au sérieux, mais si j'emploie cette expression (sans en connaitre la paternité), c'est parce qu'elle synthétise l'esprit du temps, celui consistant à faire accroire que les Lumières (occidentales, pour le coup), n'aurait que mis au jour une aspiration universelle (ce qui est faut, pour les droits de l'homme en tête).
30 novembre 2014, 14:18   Re : C'était Meddeb...
Oh, ce n'est que mon avis, mais vous raison : c'est un peu outrancier. D'autant que le Xe siècle, et d'autres avant lui, sont peut-être encore moins intéressant de mon point de vue. Et puis il y a tout de même Rousseau...
Quant à l'expression, que je combats, si je comprends bien vous l'utilisez avec une certaine distance critique ? Ce n'était pas clair dans mon esprit.
J'ai également beaucoup de mal à prendre au sérieux Malek Chebel, mais je crois que c'est le cas de quiconque ayant vu sa confrontation avec Rémi Brague : Malek Chebel et Rémi Brague (le son est de très mauvaise qualité).
30 novembre 2014, 17:55   Re : C'était Meddeb...
Oui, j'avais entendu ça aussi, entre autres, concernant Chebel. C'est le musulman organique en quelque sorte.
Et oui, je pense avant tout à Rousseau également. Peut-être LE philosophe de l'époque.
30 novembre 2014, 18:01   Re : C'était Meddeb...
Pour la petite histoire, il y a quelques années j'avais convié Rémi Brague à un débat sur le thème de la compatibilité de l'islam avec le principe de démocratie. Ce débat devait être organisé par l'inénarrable Jean Robin qui devait, lui, faire en sorte que Tariq Ramadan soit son vis-à-vis. Rémi Brague, immédiatement, m'a dit être d'accord, mais Ramadan, lui, n'a pas donné suite. Il préfère affronter Finkielkraut chez Taddei, c'est moins... risqué !
30 novembre 2014, 18:37   Re : C'était Meddeb...
Il y a eu certes de grands penseurs, de grands créateurs et savants dans le monde musulman, mais infiniment peu si l'on compare les cinq siècles avant son déclin, qui vont de sa découverte de la philosophie et de la science grecques jusque vers le quatorzième siècle, aux cinq siècles équivalents du monde occidental à partir de sa redécouverte méthodique de la même culture antique, jusqu'à nos jours. De plus ce sont les occidentaux et, particulièrement, des intellectuels de la période coloniale qui ont redécouvert cet héritage "classique"de la civilisation arabo-islamique que les principaux intéressés avaient laissé sombrer dans l'oubli depuis des lustres en même temps, précisément, que cette culture grecque qui avait tant stimulé les penseurs et les savants musulmans.
30 novembre 2014, 19:31   Re : C'était Meddeb...
Je ne le nie pas, Cassandre.

Avant qu'il ne s'engage dans le FN, j'avais découvert Aymeric Chauprade par ses écrits (il y a une dizaine d'années).
Il mettait très bien en évidence également la différence manifeste entre le christianisme et son rapport à l'écrit d'un côté (la Bible, best-seller mondial), de l'autre l'islam interdisant de reproduire la parole du Prophète, donc retardant d'autant, par contrecoup, l'apport de la diffusion de l'écrit (Gutenberg, etc.).

Il mentionnait également la différence de rapport au temps avec, d'un côté, le temps "livré à lui-même" et portant à la notion de productivité dans l'industrie (monde chrétien), de l'autre le temps du muezzin calqué sur les lever et coucher du soleil (à vérifier).
01 décembre 2014, 04:48   Au pourchas de la plus belle
(Ces considérations comparatives m'évoquent irrésistiblement les mesurages d'organes dans les chambrées ; à en croire Zemmour, notre frère et ami, c'est un terrain miné, la virilité, perdu d'avance.)

Il reste que lorsque l'absolu a déjà été livré avec un mode d'emploi scrupuleux, clés en main, tel qu'en Lui l’éternité ne peut Le changer, il y a forcément moins à chercher, à s'agiter, à faire ses preuves, à renchérir.
01 décembre 2014, 08:59   Re : C'était Meddeb...
Et que pensez-vous, chère Cassandre, de l'idée de Corbin, selon laquelle, après le quatorzième siècle, si la pensée en Islam a effectivement connu un déclin dans la majeure partie du monde musulman, elle est cependant restée vive en Iran, au sein du chiisme ?
01 décembre 2014, 12:13   Re : C'était Meddeb...
Je ne connais pas bien l'Iran chiite, mais d'après le peu que j'ai lu de Corbin, il me semble que si l'on peut admettre une plus grande effervescence de la pensée dans ce pays, elle ne s'écarte jamais du cadre strictement religieux.
01 décembre 2014, 12:14   Re : C'était Meddeb...
Citation
Éric Guéguen
Je ne le nie pas, Cassandre.

Avant qu'il ne s'engage dans le FN, j'avais découvert Aymeric Chauprade par ses écrits (il y a une dizaine d'années).
Il mettait très bien en évidence également la différence manifeste entre le christianisme et son rapport à l'écrit d'un côté (la Bible, best-seller mondial), de l'autre l'islam interdisant de reproduire la parole du Prophète, donc retardant d'autant, par contrecoup, l'apport de la diffusion de l'écrit (Gutenberg, etc.).

.

Je ne comprends pas.
Il était, pour des raisons religieuses, prohibé d'imprimer le Coran ?
01 décembre 2014, 12:24   Re : C'était Meddeb...
Il me semble que l'imprimerie parvient en terre d'islam avec Bonaparte, lors de la campagne d'Égypte. Il s'était en effet entouré, entre autres, d'imprimeurs (22 d'après Tulard) munis de caractères latins, grecs et arabes.

Le fait que le message du Prophète soit réputé incréé a évidemment longtemps posé problème quant à sa diffusion massive au moyen de machines humaines d'une part, quant aux traductions tolérées d'autre part (toujours en terre d'islam). C'est, il me semble, un élément fondamental à prendre en compte pour expliquer le "retard" culturel de cette partie du monde par rapport à nous.
01 décembre 2014, 12:31   Re : C'était Meddeb...
À coté de ça, le premier livre imprimé en Europe date de 1455, et c'était la Bible elle-même...
A priori, Wikipédia parle d'impressions en arabe antérieures à cela, mais je n'ai jamais entendu parler de ça. La sacralité des caractères ne semblait pas le permettre.
Utilisateur anonyme
07 décembre 2014, 13:41   Re : C'était Meddeb...
« Je ne connais pas bien l'Iran chiite, mais d'après le peu que j'ai lu de Corbin, il me semble que si l'on peut admettre une plus grande effervescence de la pensée dans ce pays, elle ne s'écarte jamais du cadre strictement religieux. » (Cassandre)

Non.
Sous l'ère safavide, où l'art du livre et l'architecture sont en effervescence (Ispahan, voyons...), la poésie, la satire et la céramique continuent de bien se porter. Plus tard, il y a d'éminents linguistes et lexicographes ; et, à partir de la fin du XIXème siècle, c'est l'irruption du roman contemporain.

De nos jours encore, et en dépit de la censure qui, à des degrés variables, règne dans ce pays, il se publie plus de livres en Iran que dans tout le monde arabe réuni — et je ne parle pas de livres religieux, dont tout le monde se fiche.
07 décembre 2014, 13:45   Re : C'était Meddeb...
Esfahan, nesfe jahan...
Utilisateur anonyme
07 décembre 2014, 13:47   Re : C'était Meddeb...
Exactement.
07 décembre 2014, 14:06   Re : C'était Meddeb...
J'ai tendance à penser, même si c'est une opinion fondée sur certains préjugés (favorables), que l'Iran, héritier d'une civilisation plusieurs fois millénaire, patrie des poètes et des philosophes en Islam, nous réserve, une fois qu'il sera parvenu à tourner la page de l'ère des Mollahs, de bonnes surprises, manzel be manzel (maison par maison) comme on disait là-bas.
07 décembre 2014, 14:43   Re : C'était Meddeb...
Et j'ai tendance à le croire également. Les Perses ne sont pas dans le même marasme que les Arabes.
Utilisateur anonyme
07 décembre 2014, 16:28   Re : C'était Meddeb...
Disons qu'ils commencent à voir le bout du tunnel dans lequel les pays arabes (et l'Europe occidentale...) sont en train de s'enfoncer. Plus généralement, il faut distinguer les pays musulmans arabes et africains d'une part, et les autres pays musulmans d'autre part. Ainsi, c'est en Indonésie que l'on trouve le plus grand nombre de musulmans. C'est n'est pourtant pas le premier pays qui vient à l'esprit quand on évoque cette religion.
07 décembre 2014, 17:02   Re : C'était Meddeb...
Cher Davoudi, vous avez raison mais, en fait, je parlais de "pensée" au sens philosophique du terme et non pas d'art en général.
07 décembre 2014, 17:06   Re : C'était Meddeb...
Tout-à-fait, il y a même une forte minorité chrétienne en Indonésie (8,7 % selon wikipédia), je me demande d'ailleurs comment se portent ces chrétiens d'Extrême-Orient... A noter que, toujours selon wikipédia, le judaïsme n'est pas l'une des six religions reconnues (mais ça tombe peut-être sous le sens dans le plus grand pays musulman du monde).
07 décembre 2014, 17:19   Re : C'était Meddeb...
En fait, parmi les musulmans, les Arabes sont en minorité. Beaucoup de gens ne l'imaginent pas. Comme ils n'imaginent pas que l'on puisse être à la fois arabe et chrétien (copte ou maronite).

Ils amalgament le naturel et le cultuel.
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