Voici aussi q ce qu'en dit AM Delcambre :
"Faire étudier dans les écoles au 21 ème s le « traité décisif » d’Averroès pour montrer que l’islam est compatible avec la raison , la modernité, le progrès, la laïcité etc..etc.. c’est plaquer sur Averroès-le pauvre homme- des problématiques qui n’étaient nullement les siennes. Averroès , au 12 ème s, était au service de la dynastie berbère des califes almohades- les Unitaires- partisans farouches de l’unicité de Dieu. Ces « Unitaires »= mouwahhidûn=almohades,avaient besoin d’une théologie nouvelle.
Averroès a eu les ambitions d’un intellectuel musulman de son époque ‘(Voir Dominique Urvoy « Les ambitions d’un intellectuel musulman, Paris Flammarion, 1998 , 253 p)
Averroès veut une théologie vivifiée par l’apport de la philosophie , avec l’élimination de la sèche rhétorique de la théologie dogmatique classique (kalâm).
En fait avant les Almohades il y avait les Almoravides et les Almohades vont effectuer une réforme religieuse , un peu comme le protestantisme (par rapport au catholicisme).
On ne peut pas comprendre l’idéologie des califes almohades si l’on ignore qui est Ibn Tumert (Tumart). C’est un berbère qui a étudié en Orient et qui a eu des maîtres de l’école châféite en droit musulman. Ibn Tumart est un berbère intransigeant . Pour lui il fallait impérativement livrer la guerre aux mauvais musulmans avant d’attaquer les infidèles.
POURQUOI AVERROES A-T-IL PREFERE LES ALMOHADES ? Sous les califes Almoravides ( des berbères aussi) , il n’y avait que des guerres dévastatrices entre chefs de guerre andalous.Avec l’arrivée des Almohades , l’ordre est rétabli. C’est le pouvoir vainqueur fondé sur la loi.
Oui , quel mensonge de présenter Averroès comme tolérant et pacifiste !!! Il ne le fut en aucune façon. Il était belliciste, partisan de la guerre.Rémi Brague rappelle l’homélie (sermon) , (en arabe khoutba) prononcée dans la grande mosquée et dans laquelle il appelait à la guerre sainte (jihâd) contre les royaumes chrétiens du nord.
Comme juriste malékite Averroès parle du jihâd et l’encourage. Et il écrit sur le jihâd à l’intention ducalife et sur commande de ce dernier. Et comme dans tout traité de fiqh (droit musulman) il est question de butin, du sort réservé aux captifs, de la répartition du butin .
D’une manière générale , Averroès n’est pas un tendre. Dans le commentaire de la République de Platon, il n’élève aucune objection contre l’élimination des enfants handicapés.
En fait Averroès est un juriste pragmatique . Il parle de la condition des femmes dans les pays musulmans pour la déplorer Il constate en effet qu’elles n’ont d’autre fonction que de s’occuper des enfants et, pour se faire de l ;’argent, de filer et de tisser. Elles sont par là , dit-il, ravalées à l’état de plantes. Mais en fait Averroès ne plaint pas les femmes. Il déplore leur inutilité et la charge qu’elles représentent pour leur mari.
Averroès fut un bon serviteur au service des califes almohades. Alors pourquoi sa disgrâce ? A 68 ans ! en 1194 une plainte est portée contre lui. A 69 ans il est banni à Lucena , une petite ville située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Cordoue. Elle était autrefois peuplée de juifs. MAIS L’INTERDICTION PAR LES ALMOHADES DES RELIGIONS AUTRES QUE L’ISLAM AVAIT PROVOQUE LE DECLIN DE LA VILLE.
Etre exilé à Lucena était humiliant pour Averroès. Cela l’assimilait à un juif. On ne s’étonnera pas de trouver écrit « D’après ce qu’on dit il était d’origine juive ».
Toujours est-il que des poèmes insultants circulent sur son compte « Tu n’es pas resté dans la bonne voie, Ô fils de la bonne voie. Tu as été traître à la religion. Ce n’est pas ainsi qu’a agi ton aïeul »
ou « Le destin a frappé tous ces falsificateurs qui mêlent la philosophie à la religion et qui prônent l’hérésie ».
Présenter aujourd’hui Averroès comme un musulman modèle est un mensonge car , de son temps, Averroès fut , à la fin de sa vie, insulté publiquement avec obscénité et ses livres furent condamnés à être brûlés. Etant entré dans la grande mosquée de Cordoue avec son fils Abdallah, il en fut chassé par les gens du bas peuple.
Car les vrais ennemis d’Averroès furent les masses populaires musulmanes. L’antipathie de la foule pour la philosophie fut un des traits les plus caractéristiques de l’Espagne musulmane.
Faire des leçons de philosophie et l’on était qualifié d’impie, de mécréant (zindiq) . C’était l’horreur et on gardait ce qualificatif toute sa vie.
Averroès avait obéi au calife en introduisant la philosophie grecque ( la logique) dans la théologie . Il philosophe avec le
calife et pour le calife. Jamais il n’écrivit pour le peuple. Il prescrit de ne philosopher qu’à huis clos, loin du vulgaire..
Car les gens , dans les rues, brûlaient la maison de ceux qui passaient pour philosophes. Et parfois le calife pour se concilier l’affection du peuple ordonnait la mort de celui qui philosophait ou que ses livres soient brûlés. La chasse aux sorcières était pratiquée.
Averroès se méfiait à juste titre des masses populaires mais il resta toujours un juriste musulman pur et dur qui voulait le bien de la communauté musulmane ( oumma). Averroès préconise d’apporter une correction à la loi lorsque celle-ci est trop générale, conformément à ce que préconise Aristote. Et Averroès note que la loi sur le jihâd est un excellent exemple
que l’on peut donner pour montrer cette correction apportée à la loi.. Le commandement général est d’extirper et d’éradiquer l’adversaire . Mais il y a des circonstances dans lesquelles la paix est préférable à la guerre. « C’est le vulgaire, chez les musulmans, qui s’imagine que le principe aurait une portée universelle , même lorsqu’il n’est pas possible d’anéantir l’adversaire. Cela a de graves dommages. Il faut voir le but de la loi . » Mais à aucun moment Averroès ne met en doute la légitimité du principe.
CONCLUSION
Alors aujourd’hui l’histoire mensongère d’Averroès continue- C’est pourquoi il convient de parler de « mensonge persistant ». Les nouveaux penseurs de l’islam utilisent Averroès comme arme pour rabaisser l’Occident chrétien et faire l’éloge du rationalisme musulman.
Ils oublient de dire que l’histoire officielle musulmane considère Averroès comme un hérétique
Ils oublient de dire qu’Averroès n’a eu aucun disciple arabe.
Les seuls disciples d’Averroès furent les Averroïstes latins et les Averroïstes juifs. Mais là encore ces derniers ont utilisé Averroès en le déformant. Ils se sont appuyés sur des malentendus historiques. On constate de véritables ajouts, tant dans les éditions latines que dans les manuscrits hébraïques. Sans oublier qu’Averroès ne savait pas le grec et que ses commentaires d’Aristote et de Platon ont été faits à partir de traductions effectuées par des chrétiens orientaux).
La postérité latine et juive d’Averroès est donc une postérité équivoque.
« L’averroïsme » est un nom collectif forgé par Renan. Le Moyen-Age n’a connu que les Averroïstes.
L’averroïsme serait donc une illusion, un mensonge ? Certains n’ont vu sous ce nom qu’un « paganisme typiquement parisien »
Les intellectuels musulmans, aujourd’hui, veulent un « averroïsme arabe ».
L’ « averroïsme arabe fait en effet partie de la revendication, par les intellectuels arabes occidentalisés, de leur patrimoine.
La revendication du patrimoine paraîtrait naturelle s’il n’y avait derrière une idée de revanche sur les occidentaux.
Et ce qui tendrait à le prouver est cette apologie systématique qui aboutit à taire la vraie nature de ce patrimoine.
Averroès ne fut pas celui qu’ils présentent, pas plus qu’Ibn Khaldun. Ce dernier a écrit sur les Arabes des phrases qui le feraient accuser de racisme.
Mais comme Ibn Khaldun est vanté par les occidentaux comme précurseur de la sociologie , les intellectuels musulmans le revendiquent comme faisant partie de leur patrimoine.
La remise à l’honneur , la « redécouverte » d’Averroès se fit toujours à partir de Occident par les occidentaux orientalistes et – dans les pays arabes- cela se fit en fonction du regard de l’occident.
C’est l’Occident qui fut à l’origine de la célébrité d’Averroès L’on peut se demander quel intérêt ont les musulmans à revendiquer un personnage calomnié par l’Eglise, déformé par l’orientalisme dont la célébrité a toujours reposé et repose encore sur des mensonges."