Le site du parti de l'In-nocence

Inquiétant...

Envoyé par Michel Le Floch 
27 janvier 2014, 13:47   Inquiétant...
Nicolas Bancel et le Grand remplacement dans Le Monde :
[www.lemonde.fr]

« Un inquiétant imaginaire de purification ethnique et culturelle »
LE MONDE CULTURE ET IDEES | 24.01.2014
Propos recueillis par Frédéric Joignot


C'est un fantasme venu de l'extrême droite et qui gagne du terrain : selon la théorie du « grand remplacement », les Français seraient en passe d'être démographiquement évincés par des peuples non européens.

Lire l'enquête : Le grand boniment



Entretien avec Nicolas Bancel, historien de la colonisation, coauteur de La République coloniale (Albin Michel, 2003, rééd. Hachette, « Pluriel », 2006).
Quelle est votre réaction d'historien à la théorie d'un « grand remplacement » d'un peuple français par l'immigration ?

Elle met en évidence quelques uns des présupposés récurrents de l'extrême droite dans sa définition des « populations allochtones ». Premièrement, les « descendants d'immigrés » sont, par définition, français, puisque nés sur le sol français. Considérer ces populations comme étrangères revient à valider une définition biologique de l'appartenance au peuple français, en ignorant l'ensemble des processus de socialisation qui anime le creuset français, en particulier le métissage. Les études de l'INSEE montrent par ailleurs que les descendants d'immigrés se rapprochent des niveaux de rémunération, d'emploi et d'étude du reste de la population par rapport à leurs parents. Mais pour les théoriciens du « grand remplacement », les « descendants d'immigrés », dans leur acception biologique, seront éternellement des étrangers à la Nation, génération après génération. C'est évidemment ignorer les effets du métissage (mariages mixtes) et de l'intégration au sein du creuset français. Mais c'est aussi oublier que la part en France des résidents étrangers (11 %) la situe dans la moyenne des pays de l'Union européenne.

Peut-on parler d'un socle biologique « de souche » en France ?

Cette théorie d'un « changement de peuple », très anxiogène, suppose qu'une population blanche, stable, constituerait le « socle biologique » de la France, et que ce socle serait en voie d'être corrompu, voire détruit. Or, comme le démontrent toutes les études démographiques, la constitution historique de la population française repose, depuis le XVIIIe siècle, sur d'incessants mélanges, y compris extra-européens, qui altèrent considérablement la foi que l'on pourrait placer dans une « population blanche » française originelle. Mais on ne peut pas nier, par ailleurs, que les populations extra-européennes constituent la majorité des flux migratoires depuis le milieu des années 1970, favorisant des « angoisses anthropologiques » savamment exploitées par l'extrême droite.

Ce type d'angoisses ne date pas d'aujourd'hui. On retrouve l'idée récurrente, d'une « submersion »… depuis la fin du XIXe siècle. Avec l'ouverture coloniale et les premières grandes vagues d'immigration, l'activation d'un sentiment de submersion est en effet récurrente. Que l'on pense aux ouvrages du capitaine Danrit (L'Invasion noire, publié en 1895, puis L'Invasion jaune, en 1905). Il y a eu des campagnes de presse anti-immigrés dans les années 1890, et lors de la grand crise économique des années 1930, celles-ci portant spécifiquement sur les nord-africains. Le thème de la submersion fut utilisé dès la fin des années 1970 par le Front national, qui en fit l'un de ses credo, repris plus ou moins ouvertement par une partie des élites politiques, majoritairement (mais pas seulement) à droite. Dans le contexte de crise sociale et politique actuelle, les vieilles idées de l'extrême droite ont irradié dans le champ intellectuel, puisque de nombreux analystes brodent sur le thème de la submersion biologique (Renaud Camus) ou culturelle (Alain Finkielkraut). Souterrainement, se dessine un inquiétant imaginaire de purification de la société de ses éléments « allogènes », supposés à l'origine de la dilution biologique et culturelle de la nation.
27 janvier 2014, 14:43   Re : Inquiétant...
Avec l'ouverture coloniale et les premières grandes vagues d'immigration, l'activation d'un sentiment de submersion est en effet récurrente. Que l'on pense aux ouvrages du capitaine Danrit (L'Invasion noire, publié en 1895, puis L'Invasion jaune, en 1905).

Les guerres conjecturales du capitaine Danrit (commandant Driant dans la vie) sont sans aucun rapport avec l’idée de submersion ou l’idée d’immigration. Il s’agit de conflits militaires, appartenant au genre canonique de la guerre future, et bien cernés par leur titre (invasion noire, invasion jaune). Notre historien raconte donc n’importe quoi. — La preuve : il oublie la troisième grande guerre conjecturale de Danrit, publiée entre L’Invasion noire (1895-6) et L’Invasion jaune (1905), qui est La Guerre fatale (1898). Explication : cette guerre-là nous oppose à l’Angleterre, et elle ne peut donc pas servir à illustrer l’angoisse post-coloniale et le fantasme de submersion par des extra-européens non-blancs.

C’est très mal, quand on est historien, de faire servir des ouvrages du passé que personne ne lit plus, à une thèse du présent, en les interprétant au moyen de grilles modernes qui, par définition, sont dénuées de sens dans leur contexte.

Par exemple, il est acquis que Danrit est tout ce qu’il y a de raciste et de xénophobe — et d’un antisémitisme réellement délirant. Seulement, n’empêche que chez Danrit, l’ennemi absolu, irréconciliable, impardonnable, etc., c’est... l’Anglais. (En fait, la perfide Albion est responsable aussi de l’invasion noire : les mercanti anglais ont armé l’islam, par esprit de lucre.)
27 janvier 2014, 14:47   Re : Inquiétant...
En relisant mon message et les propos de M. Bancel, je m’aperçois que ce monsieur ignore probablement la teneur des ouvrages qu’il cite, et qu’en particulier il ne sait pas qu’il s’agit de guerres conjecturales. Il n’en connaît que le titre et croit donc qu’ils décrivent une submersion démographique (une « invasion » au sens figuré) par les noirs, par les jaunes.

J’espère que M. Bancel est un brave retraité de la Sécurité sociale qui s’occupe d’histoire avec son club de retraités. Parce que si M. Bancel était historien de profession (mettons enseignant-chercheur), ce genre de petites bévues (je parle de romans que je n’ai pas lus, dont j’invente le contenu probable d’après leur titre) risque de lui coûter assez cher au bout d’un certains temps.
27 janvier 2014, 15:03   Re : Inquiétant...
Autre possibilité, c'est le journaliste du Monde qui, en mettant en forme les propos de son auteur, aura introduit la confusion, parce qu’il aura compris, lui journaliste, que L’invasion noire racontait une submersion par immigration, un peu comme Le Camp des Saints.
Utilisateur anonyme
27 janvier 2014, 15:16   Re : Inquiétant...
Il ment de toute façon avec un applomb déconcertant : il est acquis que le "stock" démographique est demeuré extrêmement stable entre la période des grandes invasions (dont l'impact démographique fut du reste limité) et la seconde moitié du XIXe siècle. Prétendre que "la constitution historique de la population française repose, depuis le XVIIIe siècle, sur d'incessants mélanges, y compris extra-européens" est un mensonge pur et simple.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter