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Communiqué n° 1784 : Sur la dite “loi Macron”

Communiqué n° 1784, mercredi 10 décembre 2014
Sur la dite “loi Macron”

Le parti de l’In-nocence considère que la dite “loi Macron”, telle qu’elle est présentée ces jours-ci au Parlement, est un si hétéroclite assemblage de dispositions de toute espèce qu’il était impossible que certaines ne fussent pas utiles et nécessaires. Il approuve pour sa part, tout en regrettant qu’elles aient été déjà grandement édulcorées, celles de ces dispositions qui tendent à mettre fin aux absurdes privilèges de certaines professions réglementées. Mais il déplore l’esprit général du texte, tel que l’emblème en est sans doute, hélas, le nouvel élargissement des autorisations de travail le dimanche. C’est là le reflet d’une conception purement économiste du monde et de la vie, de l’espace et du temps, la même qui, toute occupée d'une intenable et désuète obsession de croissance, livre le territoire national à son accablant destin de banlieue universelle, voire de centre commercial (ouvert le dimanche), et la nation elle-même au changement de peuple.
Citation
Secrétariat général
C’est là le reflet d’une conception purement économiste du monde [...], la même qui, toute occupée d'une intenable et désuète obsession de croissance, livre le territoire national à son accablant destin.

tout occupée
Pas d'accord avec vous, Monsieur Page : dans le cas présent, toute me semble préférable.
Didier,

Il me semble que M. Page fait référence à la règle commandant que "tout", lorsqu'il signifie "entièrement", soit invariable.
Invariable au masculin pluriel mais pas au féminin, il me semble.
Voyez ce que nous dit Littré :

Tout se construit de même avec un adjectif ou un participe féminin, commençant par une voyelle ou une h muette. Des mains tout écorchées. "Mais enfin je connus, ô beauté tout aimable, Que cette passion peut n'être pas coupable", [Molière, Tart. III, 3] "Et, traitant de mépris les sens et la matière, à l'esprit, comme nous, donnez-vous tout entière", [Molière, Fem. sav. I, 1] "Je crains que cette censure ne donne à ceux qui en sauront l'histoire, une impression tout opposée à la conclusion", [Pascal, Prov. I]
Employé comme adverbe, "tout", comme les autres adverbes, est invariable.

Cependant, pour des raisons d'euphonie, s'il précède un adjectif féminin commençant par une consonne ou un h aspiré, il prend les mêmes marques de genre et de nombre que cet adjectif :

Elle est revenue toute bronzée de ses vacances.

Ici l'adjectif féminin commence par une voyelle, il aurait donc sans doute fallu écrire "tout occupée".
Hasard, le Dictionnaire des difficultés de la langue française (Larousse, 1971) illustre la règle précisément par ce même mot :

"La sollicitude de ma mère [...], tout occupée à prévenir ma fatigue." (Gide, la Porte étroite).
Oui, bien entendu, je connais la règle. Mais elle me semble gagner parfois à être transgressée, au moins pour des questions de “cohérence visuelle”, si je puis dire : je ne saurais trop dire pourquoi exactement, mais ce “tout occupée” me paraît contenir un “bruit optique”, comme disent les photographes. Enfin…
Oui, ça peut sans doute se discuter, d'autant qu'il ne s'agit pas ici d'être occupée à, mais d'être occupée d'une obsession, donc par une obsession. Et si donc c'est l'obsession qui occupe la conception comme un espace il redevient normal d'écrire que cette conception est toute (entière) occupée. Oui, bon...
Citation
Marcel Meyer
Oui, ça peut sans doute se discuter, d'autant qu'il ne s'agit pas ici d'être occupée à, mais d'être occupée d'une obsession, donc par une obsession. Et si donc c'est l'obsession qui occupe la conception comme un espace il redevient normal d'écrire que cette conception est toute (entière) occupée. Oui, bon...

Non, ça ne se discute pas.

Contrairement à ce que vous écrivez, la préposition qui suit le mot ne fait rien à la question :
Ils sont tout occupés à... ; ils sont tout occupés de... ; ils sont tout occupés par... ; ils sont tout entiers occupés.
Et donc :
Elle est tout occupée à... ; elle est tout occupée de... ; elle est tout occupée par... ; elle est tout entière occupée.

Et ça n'est pas une règle d"emploi facultatif.

Dura lex, sed lex.
Et, pour continuer en latin :
Quant à l'auteur du communiqué : Corruptio optimi pessima.
Eh bien, ne pouvant discuter la règle (et en effet, je ne le puis pas), je continuerai à la trangresser pour mon bon plaisir et en connaissance de cause ; comme le faisait Léautaud avec la concordance des temps…
Et vous aurez bien raison. Il ne faut pas que la langue soit corsetée : vous connaissez la règle et vous jugez bon de faire autrement, pour des motifs légitimes, je ne vois rien à redire.
Citation
Jean-Marc du Masnau
Et vous aurez bien raison. Il ne faut pas que la langue soit corsetée : vous connaissez la règle et vous jugez bon de faire autrement, pour des motifs légitimes, je ne vois rien à redire.

1° Sophisme.
Pour être supportable, dans l'espace public la vie doit éminemment être régie par des règles, dont celles de la langue et de l'orthographe.

2° Vous allez avoir des problèmes avec l'auteur de Délicatesses du français contemporain.

3° Mais cet auteur, que ne condescend-il à la parole - pour parler comme Borges - et que ne nous fait-il part son sentiment ?
Citation
André Page
Vous allez avoir des problèmes avec l'auteur de Délicatesses du français contemporain.

Je ne crois pas, non…
Utilisateur anonyme
13 décembre 2014, 15:39   Re : Communiqué n° 1784 : Sur la dite “loi Macron”
Moi j'aurais vraiment aimé que vous m'expliquiez ce que vous entendez par le "bruit optique" que vous entendez dans ce “tout occupée”. Je dis cela sans la moindre ironie.
Encore une discussion n'ayant strictement rien à voir avec le propos d'un communiqué. Esprit de Maître Capello, es-tu là?
Mais enfin, tout est dans tout, et réciproquement...
Cher Chastagnac, je pense que sont évoqués là les rails de notre enfance, qui n'étaient pas soudés : le train roulant dessus faisait clac clac clac, en quelque sorte. Il suffisait alors de regarder l'un de ces rails, de voir l'absence de soudure et, optiquement, par court-circuit entre le chiasma et la trompe d'Eustache, d'entendre le clac clac.

Voyant une consonne avant une voyelle, Didier voit son oeil troublé et cela lui porte sur l'oreille, alors que le système voyelle-voyelle est souple, onctueux : on se croirait dans le Dernier tango à Paris, tout est dans toute.
13 décembre 2014, 17:43   Zum Befehl !
Ce tout occupée, plutôt que "bruité", a quelque chose de raide, de sanglé, pas le clac clac de Jean-Marc, mais claquant des bottes dans la conformité réglementaire. Trop net, trop abruptement comme il faut. Si l'on connaît la règle, à pervertir...
Utilisateur anonyme
13 décembre 2014, 18:01   Re : Communiqué n° 1784 : Sur la dite “loi Macron”
(Je conçois évidemment que ça puisse agacer, mais un forum dans lequel un communiqué politique est critiqué du point de vue de la langue ne peut être pour moi que sympathique à priori.)

Tout est dans toute est très joli, on vous en remercie.
Utilisateur anonyme
13 décembre 2014, 18:57   Re : Communiqué n° 1784 : Sur la dite “loi Macron”
Je rêve d'un monde où l'on mourrait pour une virgule.
Alors que Rome brûle, ils se disputent sur un point de grammaire. L'histoire se répète.

Je recommande la lecture des Derniers jours de Michel de Jaeghere. Très instructif. On apprend beaucoup de choses à propos des barbares, notamment ceci : "Aucun d'entre eux n'était animé par le propos de détruire l'empire romain." (p. 548)

Rome n'est pas morte assassinée.
Utilisateur anonyme
13 décembre 2014, 20:35   Re : Communiqué n° 1784 : Sur la dite “loi Macron”
« Alors que Rome brûle, ils se disputent sur un point de grammaire. L'histoire se répète. »

Dans la guerre, il faut des soldats, mais aussi des médecins, des dessinateurs, des mathématiciens, des musiciens, des cuisiniers et des grammairiens. Tout le monde ne peut pas avoir une mentalité de samouraï, tout le monde ne sait pas se prendre au sérieux vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Quand la société occidentale était pauvre, qu'elle soit grecque ou même romaine, elle défendait son être avec des militaires-philosophes, des militaires-médecins, des militaires-architectes, et d'autres militaires qui parvenaient à être tout cela et donc même aussi musiciens.

Puis le vieillissement des choses et des êtres a opéré sa corruption-dissociation : il y a désormais des cons de militaires et des architectes, des musiciens incomplets et incapables de se manoeuvrer dans l'art de la guerre, de toute façon perdu par les militaires eux-mêmes. Nous en sommes là, avec des philosophes qui ne sont pas mêmes capables de comprendre ce que contient ce paragraphe.
"Alors que Rome brûle, ils se disputent sur un point de grammaire."

Et c'est bien pour cela que ceux qui brûlent Rome, en fin finale, ne peuvent que la transmettre dans les lois qu'ils se donnent.
J'ajoute à cela, avec quoi je suis tout à fait d'accord ceci : que Rome n'est pas morte assassinée, alors ça, c'est vite dit. Paul Veyne, notre meilleur spécialiste actuel, écrit le contraire. En réalité il en va sans doute de la chute de Rome comme de notre décadence actuelle : on y trouve, inextricablement mêlées, les causes internes et externes.

Bien évidemment, l'affaiblissement interne de l'Empire a joué un rôle essentiel mais sans invasions il aurait survécu en entier, et pas seulement sa moitié orientale. Celle-ci a du reste succombé, mille ans plus tard, d'une façon tout à fait comparable — et appelant les mêmes railleries.
Comment avait dit de Gaulle une fois?.. C'était pour mettre fin à une discussion qui tournait au coupage de cheveux en quatre exposant huit... Ah oui! quelque chose comme, Je me suis laissé dire que les Allemands étaient à Paris. Parce que le jour où l'imam du quartier flanqué de miliciens issus de l'ultra gauche viendront nous demander des comptes sur le pas de la porte, il vaudra mieux avoir autre chose en main qu'un volume du Littré. Me semble-t-il...(Il faudrait que je retrouve cette anecdote, rapportée je crois par Lacouture.)
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