Houellebecq écrivain social-psychologique.
Son grand sujet : le couple (et sa difficulté).
En dehors des
Particules, on trouve deux couples chez Houellebecq : celui de Michel et Valérie dans
Plateforme, celui de Jed et d'Olga, dans
Carte.
1°
Plateforme.
. Michel est sinistre. Il est agressif : il ne supporte pas l'humanité. Il ne s'aime pas, vomit ses parents, n'a, en dehors de son travail - dérisoire - de relations - si l'on peut dire - qu'avec son psychothérapeute et les femmes qu'il voit s'agiter derrière la vitre au peep-show. Valérie tombe amoureuse de lui. Il devrait lui taper dessus du soir au matin, jusqu'à ce qu'elle avoue qu'elle ne peut pas le blairer : ceci par incrédulité devant l'amour qu'elle lui manifeste, par inquiétude aussi.
Mais dans le roman, rien : ils s'aiment d'amour tendre.
Il devrait d'autant plus lui taper dessus qu'elle est le contraire de lui : elle est conformiste, docile, de bonne volonté, bienveillante, respectueuse, optimiste, enthousiaste.
Mais c'est dès le petit-déjeuner qu'il devrait avoir envie de lui flanquer des baffes, qu'il devrait lui souffler à la figure la fumée de sa cigarette, qu'il devrait piétiner ce qui lui apparaît comme de la stupidité, de l'humanisme, de la complicité avec les mâles bien portants qu'il envie et hait.
Rien de tel dans le livre, je l'ai dit.
Première invraisemblance.
. La seconde :
Michel, d'abord, n'est pas un cadeau. En plus, sa misanthropie, son mauvais esprit, sont aux antipodes des penchants de Valérie.
Celle-ci, quand elle le rencontre, est cadre moyen. De façon fulgurante, elle devient cadre supérieure, puis cadre dirigeante d'une multinationale promise à un immense succès.
Qu'elle reste avec le minable Michel, qui en plus ne lui convient pas, est incroyablement peu probable. Elle apprécie le sexe avec lui ? On ne voit pas pourquoi elle ne pourrait pas l'apprécier avec d'autres. Au moins, elle pourrait se poser la question. Au moins, ce devrait être une énigme : pourquoi reste-t-elle avec lui ? Mystères de l'amour. Mais rien.
Ces deux invraisemblances (Michel roucoulant ; Valérie restant avec lui) rendent l'histoire superlativement creuse et sans intérêt.
L'origine de ces invraisemblances n'a rien de mystérieux ni de grandiose.
Houellebecq avait besoin de deux choses :
a) Un couple de tourtereaux assassinés par de vilains musulmans.
b) Un héros sinistre, misanthrope, haïssant père et mère et soi-même, ne pouvant supporter que les relations tarifées.
Il a mêlé les deux éléments, sans aucune souci de cohérence.
Pour moi, celui qui parvient à s'intéresser à cette histoire est aussi malin qu'un manche à balai.
Pour lui, je suppose, je suis quelqu'un qui n'a pas compris que le roman n'est plus ce qu'il était.
Mais j'ai beau faire effort, je ne comprends pas comment ce conte de fées ou ce roman-photo pourrait m'intéresser.
A noter d'ailleurs, qu'il n'y a aucune scène de couple dans le roman : ils font l'amour et sont heureux, nous dit-on. Quel plaisir peut-il trouver à l'avoir devant lui quand il prend son petit-déjeuner, la question n'est pas traitée.
2°
Carte.
C'est à peu près la même chose, en moins extrême.
Un héros sinistre, muré dans une solitude inouïe, jeune peintre tout à fait obscur. L'héroïne, "une des quatre ou cinq plus belles femmes de Paris" (je cite de mémoire), fêtarde, lancée. Qu'est-ce qu'elle fiche avec lui ? Mystère le plus profond. En fait, une explication est donnée : elle apprécie ses tableaux, et a déduit de la peinture le caractère du peintre.
Comme explication, on a fait mieux...
Et finalement ce qui plausibilise un peu cette histoire, c'est qu'elle le plaque.
Là aussi, l'origine de ces invraisemblances n'a rien de mystérieux. Il fallait :
1° Le héros houellebecquien.
2° Une femme désirée par tous (ceci pour deux raisons : Houellebecq aime mettre du fric, de la gloire, dans ses histoires. Et aussi : il a la passion d'être vu (par d'autres hommes) quand il copule ; d'où l'échangisme, l'amour en public, un peu partout dans ses livres ; et ici, la fille qui fait saliver tous les hommes (c'est particulièrement perceptible dans la façon dont est racontée la grande réception où Olga est au bras de Jed)).
Et Houellebecq a mêlé les deux éléments...
Ceci pour dire que Houellebecq romancier social-psychologique réussit plus ou moins son coup, et quelquefois, pour moi, est entièrement dépourvu d'intérêt.