Le site du parti de l'In-nocence

Un homme de goût

Envoyé par Thierry Noroit 
26 février 2015, 17:27   Un homme de goût
Si l'on en croit les gazettes, M. Valéry Giscard d'Estaing aurait eu récemment un entretien avec François Hollande, au cours duquel il aurait évoqué sa propre disparition en ces termes : "Il pourrait advenir que je meure pendant votre mandat..." Grand ton, n'est-ce-pas ? Quand on se souvient que Renaud Camus estime que le mot mort est un des plus beaux de notre langue et que l'on est à jamais discrédité sur ce forum si l'on parle de décès ou de disparition (ce que je viens de faire du reste, mais seulement pour éviter une répétition) on comprend mieux le statut un peu particulier de VGE parmi les in-nocents et l'espèce de fascination qu'il exerce chez le premier d'entre eux.
26 février 2015, 21:21   Re : Un homme de goût
Bof... Si encore il avait dit qu"il se pourrait que je mourusse "...
Et ici personne n'adore VGE, je crois : on lui impute même régulièrement et faussement l'origine de la politique du regroupement familial, alors qu'elle lui fut imposée par les associations et les églises catholique et protestantes, la haute fonction publique et notamment le Conseil d'Etat.
Jean-Marc du Masnau hait l'ancien président mais pour des raisons qui restent très mystérieuses (à mes yeux)
26 février 2015, 22:09   Re : Un homme de goût
Elle lui fut imposée, elle lui fut imposée... Il était président de la République, tout de même — une fonction taillée sur mesure pour qu’on ne s’y laisse rien imposer (théoriquement).

Sinon, ça va, le site des lecteurs ?
26 février 2015, 23:23   Re : Un homme de goût
Le coup de poignard dans le dos du Général en 1969, rien de plus, rien de moins.
27 février 2015, 11:43   Re : Un homme de goût
1° Le sujet de la politique familiale est du domaine de la loi, pas du règlement. Dès lors, dans le climat idéologique de l'époque, où personne ne parlait de l'islam et des risques du "multiculuralisme", et du fait de la division de la majorité politique (les députés UDF étaient minoritaires à l'assemblée), le président ne pouvait pas prendre le risque de proposer un projet de loi qui aurait reçu un avis négatif du Conseil d'Etat (il doit être saisi pour avis sur tout projet de loi avant leur dépôt), toutes les églises chrétiennes, des syndicats de salariés et des associations de défense des droits de l'homme, en plus, bien sûr, des partis de gauche : les gaullistes (Chirac déjà...) ne l'auraient pas soutenu et l'opinion publique non plus ;

2° VGE a immédiatement compris les dangers que recelait une immigration familiale massive extra-européenne dans un contexte de récession économique dû au brutal "choc pétrolier" : qui a été aussi lucide que lui ?... il n'était quasiment jamais question des dangers de l'immigration musulmane dans les années 1970 : seul le FN de Jean-Marie Le Pen faisait campagne sur ce thème mais ce parti était un ramassis d'antisémites, d'anciens collaborateurs, d'anciens de l'OAS et de nostalgiques de la colonisation (il y avait certes quelques anciens résistants dans les rangs du FN mais la haine de de Gaulle "lâcheur de l'Algérie française" servait de ciment à ce petit groupe hétéroclite (et violent)) ;

3° VGE n'a jamais appartenu au parti gaulliste ; en tant que libéral il ne pouvait pas approuver la suppression du Sénat qui a toujours été le point d'appui des centristes ; il ne pouvait donc appeler à approuver le projet du général de Gaulle que celui-ci soumit au référendum de façon suicidaire. L'attitude alors de Georges Pompidou me paraît bien plus critiquable.

4° Pour l'heure, le site des lecteurs se porte mieux que son président grippé
27 février 2015, 11:59   Re : Un homme de goût
Vous oubliez les communistes.
Quant aux gaullistes, s'ils ont, au pouvoir, activement promu le Grand Remplacement, leur programme était anti-immigrationniste.
27 février 2015, 12:27   Re : Un homme de goût
1° Les communistes avaient fondé et tenaient encore le MRAP ; le PCF faisait campagne sur le thème "produisons français", pas "avec des Français" ; le "coup de bulldozer" c'est plus tard et cela fut très mal reçu dans les rangs mêmes du parti ;

2° Le RPR et le CDS ont tout fait pour s'opposer à "la loi du retour" et ils l'ont emporté : cf. Patrick Veil, La France et ses étrangers, Folio,1991, pp 193 et s. :

"Le travail de sape de l'Administration, la résistance de certains ministres, la division des autorités publiques et bien plus encore le travail du Conseil d'Etat, et la discussion au Parlement ont fini par payer. De grandes figures : André Postel-Vinay, Stanilas Mangin, des parlementaires comme Georges Gorse, président de l'association France-Algérie, ont mobilisé ces institutions et souvent fait lien entre elles. Pour le RPR et le CDS, l'atteinte à certaines valeurs essentielles de la République ne pouvait être acceptée. Dans l'opposition du RPR, la tradition gaulliste des rapports avec l'Afrique, et particulièrement avec l'Algérie, est également déterminante" (p. 204)

Vous confondez années 1970 et années 1980, pendant la première présidence de Mitterrand, quand le RPR dénonça alors les régularisations massives de "sans-papiers".
27 février 2015, 19:12   Re : Un homme de goût
Cher Rémi,

Je ne partage pas votre avis, et ce sur plusieurs points.

Pour moi, Giscard dit d'Estaing (de la Tour-Fondue pour le Canard de l'époque) était un libéral mais en aucun cas un centriste. En effet, il s'appuya sur les centristes pour contrer les gaullistes, mais il était de la vaste mouvance issue du CNIP (très exactement, Républicain Indépendant), ce fameux Centre National des Indépendants et Paysans dont les membres présentaient, selon les chroniqueurs, la particularité de n'être ni du centre, ni paysans et encore moins indépendants.

Pompidou vit effectivement je pense sans déplaisir l'échec du Général, mais on ne peut l'assimiler au traître susmentionné car il avait de fort bonnes raisons d'en vouloir au Général (l'attitude de celui-ci lors de l'affaire Markovic n'a rien apporté à sa gloire).

Les gaullistes que M. Veil cite sont les fameux gaullistes de gauche, des gens éminents, des gens cultivés, des gens très bien. Ils étaient tout-à-fait pro-arabes et cela guida sans doute leurs choix en ce qui concerne ces questions d'immigration. Je pense notamment à quatre personnes, l'une citée (Gorse) et trois non citées (Capitant, Clostermann et Vallon).
Gorse était normalien, médaillé de la résistance, c'était un grand orientaliste, connaissant très bien les pays arabes. Capitant était un grand juriste, issu d'une grande famille de juristes, il fut un des personnages du "Chagrin et la pitié", puis professeur de droit à la faculté d'Alger et enfin professeur de droit à Paris, c'était aussi un esthète.
Clostermann était le fils de l'ambassadeur Clostermann, ses liens avec le tiers-monde et spécialement l'Algérie étaient connus (voir sa fameuse conversation avec Che Guevarra chez Krim Belkacem). Clostermann était Compagnon de la Libération.
Vallon, polytechnicien, médaillé de la Résistance, faisait aussi partie de ce groupe. Homme de devoir, il était divorcé de sa femme, qui était juive, et il se remaria avec elle sous l'occupation pour la protéger.

A côté d'eux il y avait des gaullistes de droite dont les positions sur l'immigration auraient ravi les In-nocents. M. Veil est d'ailleurs mal renseigné : Postel-Vinay fut certes secrétaire d'Etat du Grand Néfaste mais il limita fortement l'immigration funeste. Postel-Vinay était Compagnon de la Libération.

Voyez ceci :

[www.ina.fr]
27 février 2015, 19:31   Re : Un homme de goût
D'accord sur la distinction "libéral" et "centriste" (même si VGE créa en 1978 l'UDF qui était bien "centriste"), mais elle n'a guère d'importance en l'espèce, le Sénat a toujours été le refuge des petits partis de droite, CNIP comme CDS. De plus, pour reprendre la classification des droites en France de René Rémond, VGE se plaçait bien dans la tradition de la droite orléaniste qui a toujours défendu le bicamérisme en tant qu'il est un moyen de "modérer" le suffrage universel. Il est donc logique que VGE n'ait pas approuvé le projet du général de Gaulle.

Vous trouvez des excuses à Pompidou alors que "l'appel de Rome" de 1969 était une véritable traitrise.
27 février 2015, 19:46   Re : Un homme de goût
Non, ce n'est pas une traitrise : Pompidou considérait, à la suite notamment de cette affaire Markovic, qu'il avait été fort mal soutenu par de Gaulle et qu'il y avait complot, complot justement ourdi par les gaullistes de gauche, complot pour l'abattre.

Pompidou avait-il tort ou raison ? nul ne le sait exactement.
27 février 2015, 19:52   Re : Un homme de goût
Voici ce qu'on rapporta à Pompidou des propos du Général :

A trop vouloir dîner en ville dans le Tout-Paris, comme aiment le faire les Pompidou, et à y fréquenter trop de monde et de demi-monde, il ne faut pas s'étonner d'y rencontrer tout et n'importe qui.
27 février 2015, 23:09   Re : Un homme d'accordéon
Un homme de goût, assurément ! Un homme de style, aussi, le "Style Giscard", remember. Il suffit de feuilleter quelques numéros de Paris-Match de 1974 pour mesurer à quel point Valery Giscard d'Estaing a donné le la à tous ceux qui lui ont succédé. Il conduit sa voiture, en descend avec des dossiers sous le bras comme un employé de bureau dynamique, il joue au football à l'occasion, scie du bois, et ne craint pas de tâter du piano du pauvre avant de tremper le biscuit avec des nègres éboueurs, tandis qu'il convie sa moitié à la présentation des vœux télévisés, entre deux cours de pédagogie économique. Tout y est, absolument tout, tous les éléments de la farce.
27 février 2015, 23:16   Re : Un homme de goût
N'oubliez pas son cousin, l'empereur Bokassa 1er.
Avec le recul, je ne peux qu'être frappé par la façon dont le couple présidentiel se tire avec les honneurs de ce genre d'épreuve pénible, compte tenu surtout de la capilotade à quoi l'on assiste aujourd'hui ; peut-être est-ce dû aussi au fait qu'en cet an mille neuf cent soixante-seize, l'on pouvait malgré tout conserver une certaine dignité naturelle, rémanence d'un héritage encore vivace, bien que l'emballement des situations et la confusion des genres soient déjà très perceptibles.
Ce doit être un peu comme en physique, les grandes accélérations sont terriblement déformatrices, très peu de personnes en peuvent soutenir le choc et maintenir une cohérence formelle, encore que, statistiquement, l'on vive beaucoup plus longtemps.

video: [www.ina.fr]
28 février 2015, 15:46   Re : Un homme de goût
...en cet an mille neuf cent soixante-seize, l'on pouvait malgré tout conserver une certaine dignité naturelle...

Oui, Alain Eytan, c'est ce que je voulais dire en lançant ce fil de discussion, qui est malheureusement parti ensuite dans les habituels et trop prévisibles méandres de la politique politicienne. Il est loisible de regretter la prestance, la dignité et l'intelligence de cet homme même si sa politique fut néfaste, notamment au regard de nos critères centraux d'identité nationale. Mais ses successeurs (je n'excepte pas F. Mitterrand) ont mené une politique pire encore, tout en respirant dans leur comportement la dernière vulgarité (de langage, d'attitude, de gestuelle, de comportement).
28 février 2015, 15:54   Re : Un homme de goût
Que cet homme soit intelligent, c'est incontestable. Il n'en reste pas moins qu'il se comporta comme un parvenu, bousculant toutes les normes, pensez à son accordéon, à ses éboueurs maliens...

De Gualle, Pompidou eurent chacun leur style : de Gaulle en majesté, Pompidou en rondeur. Pensez au goût des Pompidou pour l'art.
28 février 2015, 16:16   Re : Un homme de goût
Citation
Jean-Marc du Masnau
Pensez au goût des Pompidou pour l'art.

Pour l'art et pour le béton.
 
28 février 2015, 16:40   Re : Un homme de goût
Lettre de Georges Pompidou,
Président de la République Française
à Jacques Chaban Delmas,
Premier Ministre, en date du 17 juillet 1970

Mon cher Premier Ministre,

J'ai eu, par le plus grand des hasards, communication d'une circulaire du Ministre de l'Equipement -Direction des routes et de la circulation routière- dont je vous fais parvenir photocopie. Cette circulaire, présentée comme un projet, a en fait déjà été communiquée à de nombreux fonctionnaires chargés de son application, puisque c'est par l'un d'eux que j'en ai appris l'existence.

Elle appelle de ma part deux réflexions : La première, c'est qu'alors que le Conseil des Ministres est parfois saisi de questions mineures telles que l'augmentation d'une indemnité versée à quelques fonctionnaires, des décisions importantes sont prises par les services centraux d'un ministère en dehors de tout contrôle gouvernemental ; la seconde, c'est que, bien que j'ai plusieurs fois exprimé en Conseil des Ministres ma volonté de sauvegarder "partout" les arbres, cette circulaire témoigne de la plus profonde indifférence à l'égard des souhaits du Président de la République.

Il en ressort, en effet, que l'abattage des arbres le long des routes deviendra systématique sous prétexte de sécurité. Il est à noter par contre que l'on n'envisage qu'avec beaucoup de prudence et à titre de simple étude, le déplacement des poteaux électriques ou télégraphiques.

C'est que là, il y a des administrations pour se défendre. Les arbres, eux, n'ont, semble-t-il, d'autres défenseurs que moi-même et il apparaît que cela ne compte pas. La France n'est pas faite uniquement pour permettre aux Français de circuler en voiture, et, quelle que soit l'importance des problèmes de sécurité routière, cela ne doit pas aboutir à défigurer son paysage.

D'ailleurs, une diminution durable des accidents de la circulation ne pourra résulter que de l'éducation des conducteurs, de l'instauration des règles simples et adaptées à la configuration de la route, alors que complication est recherchée comme à plaisir dans la signalisation sous toutes ses formes. Elle résultera également des règles moins lâches en matière d'alcoolémie, et je regrette à cet égard que le gouvernement se soit écarté de la position initialement retenue.

La sauvegarde des arbres plantés au bord des routes -et je pense en particulier aux magnifiques routes du Midi bordées de platanes- est essentielle pour la beauté de notre pays, pour la protection de la nature, pour la sauvegarde d'un milieu humain.

Je vous demande donc de faire rapporter la circulaire des Ponts et Chaussées et de donner des instructions précises au Ministre de l'Equipement pour que, sous divers prétextes (vieillissement des arbres, demandes de municipalités circonvenues et fermées à tout souci d'esthétique, problèmes financiers que posent l'entretien des arbres et l'abattage des branches mortes), on ne poursuive pas dans la pratique ce qui n'aurait été abandonné que dans le principe et pour me donner satisfaction d'apparence.

La vie moderne dans son cadre de béton, de bitume et de néon créera de plus en plus chez tous un besoin d'évasion, de nature et de beauté. L'autoroute sera utilisée pour les transports qui n'ont d'autre objet que la rapidité. La route, elle, doit redevenir pour l'automobiliste de la fin du vingtième siècle ce qu'était le chemin pour le piéton ou le cavalier : un itinéraire que l'on emprunte sans se hâter, en en profitant pour voir la France. Que l'on se garde donc de détruire systématiquement ce qui en fait la beauté !

Georges Pompidou
28 février 2015, 17:25   Re : Un homme de goût
Discours prononcé par Georges Pompidou au District de la Région parisienne, le 18 novembre 1971, ici


Ceci pour expliquer qu'il y a un certain esthétisme auquel il faut renoncer et que ce n'est pas parce que on empêcherait les voitures de circuler qu'on rendrait Paris plus beau. La voiture existe il faut s'en accomoder et il s'agit d'adapter Paris à la fois à la vie des Parisiens et aux nécessités de l'automobile à condition que les automobiliste veuillent bien se discipliner.

(...)

Là aussi les difficultés sont grandes, là aussi les efforts accomplis sont très grands puisque pour le Sixième Plan les crédits réservés à la réservation foncière sont augmentés de cinq fois par rapport au Cinquième Plan.

(...)

Cette population qui s'est répandue un peu au hasard pendant longtemps, autour de Paris, que nous cherchons aujourd'hui à fixer davantage, grâce à la conception des villes nouvelles, grâce au schéma directeur qui a été établi (...)
28 février 2015, 17:54   Re : Un homme de goût
Cette question du béton est commune à Pompidou, à de Gaulle et, en fait, aux divers chefs de Gouvernement de la République précédente.

La France, de 1945 à 1975, mène une politique constante d'équipements (réseau autoroutier, aéroports, développement des villes) et ce dans un consensus à peu près général (je veux dire par là le consensus des intellectuels et des artistes).

Les ouvrages d'architecture, les débats d'architectes semblent n'ouvrir qu'une alternative, à cette époque : faut-il quasiment tout raser dans les villes, ou faut-il en conserver certaines parties en rasant le reste ? ce débat prolonge celui de l'entre-deux-guerres.
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