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BADIOU et ses chers djihadistes.

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
26 février 2015, 19:44   BADIOU et ses chers djihadistes.
Pour A. Badiou (in Libération, si mes souvenirs sont exacts) les djihadistes "français" expriment un « fascisme » de lumpen prolétariat, celui de gens élevés dans la misère culturelle des banlieues et dont la pente naturelle est le fascisme. Aucune des enquêtes n’a confirmé ce schéma des années 1920 ou 30 ; elles ont plutôt montré que la radicalisation islamique concerne souvent des couches aisées, où l'on est bien dans sa peau jusqu'à ce qu'on soit saisi par la « pulsion djihadiste ». De fait, les tueurs de "Charlie" avaient un travail, un salaire, un bon logement, l'un d'entre eux avait même été reçu par N. Sarkozy... D'autres jeunes qui se sont radicalisés ont fait des études à la fac, etc. On comprend que des intellectuels comme Badiou écartent l'islam, ils ne sauraient pas quoi en faire... Car à l'instar des dirigeants politiques ils doivent rester proches de la masse musulmane - une masse dont le refrain est double : "rien à voir avec l'islam et bien fait pour eux !, ils n'avaient qu'à pas toucher au Prophète !"
On peut comprendre que la logique d'un auteur tel que Badiou n'intègre pas que des "jeunes issus de l'immigration" puissent tuer non par désespérance, mais par idéal, pour exalter une idéologie (l'islamisme), par espoir héroïque d'un monde meilleur (islamisé), et par l’idée d'aller droit au paradis...
Les cas des djihadistes britanniques, ceux qui égorgent les otages de l'EI en Irak comme ceux qui avaient fait exploser des bombes à Oxford Street dans des attentats suicide en 2005 -- l'un d'eux était auxiliaire d'enseignement (learning mentor) dans une école du nord de l'Angleterre -- sont édifiants et démentent les théories de Badiou dans ce domaine. Celui que la presse a nommé "Jihadi John" , soit l'infâme égorgeur de l'EI "à l'accent britannique" a été identifié cette semaine : c'est un londonien originaire du Koweït qui se nomme Mohammed Emwazi, informaticien de son état, aux talents professionnels convoités dans plusieurs pays.

Ici sa notice Wiki en anglais : [en.wikipedia.org]

Badiou, en dépit (ou à cause !) de sa puissante intelligence, est un grand bête, qui aura occupé toute son existence à s'appliquer des cataplasmes de caca de pigeon sur les yeux, et à convaincre ses admirateurs d'en faire autant. C'est très dommage mais c'est ainsi.
Utilisateur anonyme
27 février 2015, 08:50   Re : BADIOU et ses chers djihadistes.
Mais Badiou est si intelligemment intelligent et son intelligence est si raffinée (on dirait qu'il la surraffine comme pour s'en amuser) que le moindre de ses propos suscitera toujours des claquements de langues fascinés tant de la part de ses admirateurs que de ses opposants. En gros : qu'est-ce que c'est bête, mais qu'est-ce que c'est intelligent ! Ce qu'il dit du Réel, de "ce qui survient", de la société telle qu'elle est est toujours "à côté de la plaque". Mais plus c'est "à côté de la plaque", plus il se fait entendre, et plus il séduit.
Pas étonnant donc que les philosophes considérés comme "antiphilosophes" (Pascal, Rousseau, Nietzsche, Wittgenstein), lesquels opposent "le drame de leurs existences aux constructions conceptuelles, pour qui la vérité existe, absolument, mais doit être rencontrée, expérimentée, plutôt que pensée et construite" ("Métaphysique du bonheur", p.35), "le chant de ces merveilleuses et carnassières sirènes que sont les antiphilosophes" (p.36), ne soient pas acceptables pour ce philosophe.
Un salutaire petit travail de mise en perspective de la pensée de Badiou de la part d'un autre Mavrakis :

[url=
]Recension de [i]De quoi Badiou est-il le nom ?[/i] par Kostas Mavrakis[/url]
L'auteur du Tractatus "opposait le drame de son existence aux constructions conceptuelles" ? C'est Badiou qui dit ça ?
Cela peut être plus concevable pour le "second" Wittgenstein, mais enfin, une telle formulation est a priori un peu étonnante...
Utilisateur anonyme
28 février 2015, 22:32   Re : BADIOU et ses chers djihadistes.
Si Wittgenstein est un anti-philosophe pour qui la philosophie n'est pas simplement inutile, absurde, mais néfaste (Badiou insiste beaucoup sur le côté "néfaste", pour les anti-philosophes, du philosophe, rapprochant ainsi Wittgenstein de Nietzsche), c'est qu'au moyen de ses pseudo-théories et de ses concepts pompeux elle se présente cependant comme théorique, alors qu'elle n'est que bavardage. Le point où sera établi le caractère néfaste de la philosophie est en réalité le point de bavardage. Il développera longuement ce point, parce que le bavardage ruine la pensée, il est l'ennemi véritable de la pensée. Wittgenstein cherche moins le concept qu'un au delà ou en deçà du concept, par delà un dicible maîtrisé l'indicible - le rien, le vide, la puissance du vide (il nomme cela "l'élément mystique"). C'est en cela qu'il n'est pas, au moins au sens deleuzien du terme, un philosophe, c.a.d. un créateur de concepts. Car que fait-il d'autre, dans le Tractatus, sinon de nous expliquer que l'important c’est ce qui se montre, pas ce qui se dit.

Proposition 4.003 du Tractatus : « la plupart des propositions et des questions qui ont été formulées en matières philosophiques ne sont pas fausses, mais absurdes."

Propositions 4.114 et 4.115 du Tractatus : « [la philosophie] doit tracer les frontières du pensable, et par là celles de l’impensable… ». « elle signifiera l’indicible, en présentant clairement ce qui est dicible ».
» Car que fait-il d'autre, dans le Tractatus, sinon de nous expliquer que l'important c’est ce qui se montre, pas ce qui se dit

Il nous explique justement en quoi consiste ce "dicible maîtrisé", c’est-à-dire que le seul moyen pour ce qui se dit d’avoir un sens est de pouvoir montrer la réalité (en constituer une image), ce qui réhabilite du même coup le dicible et le réinvestit de la tâche considérable de dégager, en les révélant, les structures mêmes du réel, lesquelles sont formellement (logiquement) communes à celles de la pensée et du langage. Pas totalement dénué d'intérêt "philosophique", tout de même.
"Au sens deleuzien", bien sûr, je crois qu'on ne peut qu'être d'accord avec vous : les philosophes et autres affabulateurs n'ont qu'à bien se tenir ; heureusement qu'il n'y a pas que ce sens-là...
Utilisateur anonyme
01 mars 2015, 09:27   Re : BADIOU et ses chers djihadistes.
Montrer ou viser l’indicible permettrait, voire organiserait, la clarification du dicible ? Je crois qu'on peut dire ça (mais je ne suis plus très sûr de rien...).
N'est-ce pas précisément le contraire : c'est la clarification du dicible qui indique, dans un sens quasi directionnel, ce qui ne l'est pas ?
Or le Tractatus traite de cela : des conditions de possibilité du sens du dit, qui doit pouvoir refléter fidèlement, comme mosaïque de "tableaux", la "totalité des faits", en vertu de la postulation d'un isomorphisme structurel entre pensée, langage et réel, la forme logique.
On peut bien sûr prétendre que l'essentiel, dans tout cela, est l'indicible, l'"élément mystique", l'outre-factuel , qui ne peut dans ce cadre être "représenté"; fort bien ; en attendant, on aura quand même livré les clés du déchiffrement du réel seulement descriptible, dicible, ce qui n'est pas rien. Et même un peu "philosophique", quoi qu'on en pense...
Utilisateur anonyme
01 mars 2015, 14:05   Re : BADIOU et ses chers djihadistes.
N'est-ce pas précisément le contraire : c'est la clarification du dicible qui indique, dans un sens quasi directionnel, ce qui ne l'est pas ?

Vous avez raison cher Alain. Disons que j'ai pris les choses à l'envers, croyant trouver dans l'indicible quelque chose (une structure ?) qui, par retour ou revirement dans le dicible... enfin je faisais fausse route, c'est certain.
Mais ce fil me donne envie de relire Wittgenstein. Quel livre serait, selon vous, la meilleure introduction à son oeuvre ?
Foin d'"introductions", cher Pascal, si vous me demandez mon avis : ou alors, après s'être désenchifrené la tête de certain remugle "continental" et avoir mis quelque ordre dans les idées avec une bonne et courte "présentation" (je ne saurais trop recommander les deux chapitres consacrés à Wittgenstein de Épistémologies anglo-saxonnes de J. F. Malherbe, remarquablement clairs et qui ont le mérite de mettre en perspective la pensée de Wittgenstein dans le cadre plus général de la "philosophie analytique" (il est même dans Googlebooks té)), après donc s'être ainsi préparé et aéré l'esprit, se plonger illico dans le vif du sujet : Tractatus et Investigations...
Et cela avant l'été, s'il vous plaît.
Utilisateur anonyme
03 mars 2015, 09:16   Re : BADIOU et ses chers djihadistes.
Un non-conformiste pur jus ce J.F. Malherbe ( Wittgenstein, Maître Eckhart, Spinoza et j'en passe... et même Tintin, Milou, le capitaine Haddock, la Castafiore et le professeur Tournesol !!! Tout l'intéresse. Tout lui est matière à philosopher.). A découvrir. D'autant que le personnage, au moins physiquement, à l'air fort sympathique. Merci.

[www.lyonne.fr]
Utilisateur anonyme
03 mars 2015, 09:31   Re : BADIOU et ses chers djihadistes.
Mais Badiou (pour en revenir à Badiou), ça n'est que du Badiou, finalement.

"Le seul reproche qu’Alain Badiou pourrait finalement encourir, pour peu que l’on se refuse à se gargariser de mots pour s’intéresser plutôt aux choses, est d’être, contrairement à ce qu’il imagine — il se dit « dangereux », mais « pas assez » — totalement inoffensif."

J. P. Garnier

[www.article11.info]
Ah, cher Pascal, j'ignorais en vérité que Malherbe était belge, et donc tintinophile ; tant mieux, tant mieux...

Soit dit en passant, bien qu'il y ait une foultitude de livres consacrés à Wittgenstein, dont certains doivent être excellents, je noterai seulement le Wittgenstein de David Pears, assez exhaustif et toujours admirablement clair.
Pears y dégage entre autres avec adresse ce qui peut apparaître comme une contradiction majeure chez Wittgenstein, à savoir le rôle essentiel qu'il attribue à la logique dans le dévoilement du réel au regard de la définition qu'il donne de celle-là ; à cette occasion, la logique, conçue comme matrice combinatoire de possibilités, entre en singulière résonance avec la notion de "monde", me semble-t-il, chez l'exact contemporain de Wittgenstein qu'était Heidegger.

« Il existe aussi une relation étroite entre les deux objectifs que s'était fixés Wittgenstein dans le Tractatus : la recherche des fondements de la logique, que nous voyons à l'origine se dessiner dans les Notebooks, et la définition de la limite du langage, qui est le but sur lequel il insiste dans la préface du Tractatus. Le fait que la logique représente tout ce qui précède l'expérience, tout ce qui est a priori, établit un lien entre ces deux objectifs. L'expérience ne fait rien autre que mettre à notre disposition l'univers des faits, mais cet univers flotte à l'intérieur de l'espace des possibilités qui constitue une donnée a priori. Dans le même temps que la logique révèle la structure du discours positif, elle dévoile également la structure du réel que reflète le discours positif. Ces deux structures, qui en fait se confondent, peuvent être conçues comme un cadre, ou une trame de coordonnées incluse dans l'espace global des possibilités où flotte l'univers des faits. La limite de cet espace, qui se reflète dans la limite du discours positif, est déterminée par la logique ; car le lieu d'origine, qui permet de calculer la limite, est fixé par la logique, et la formule qui est appliquée dans le calcul est une formule logique.
Il peut paraître surprenant que la logique soit à même de refléter la structure essentielle du réel , alors que les propositions de la logique sont des tautologies qui n'ont aucun sens positif. Comment le vide pourrait-il avoir un contenu ? » (David Pears, Wittgenstein).
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