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Béziers : la guerre des noms de rues

Envoyé par Éric Guéguen 
Une fois de plus, la mouvance gaucharde s’est dégoté une noble cause à défendre à grand renfort de tracts, de manifs et de bruits en tous genres. Les réjouissances se sont déroulées à Béziers le 14 mars dernier. En réaction à la décision du conseil municipal de renommer la rue du « 19-mars-1962 » en rue du « Commandant Hélie-de-Saint-Marc », et en marge de la cérémonie, de nombreux indignés s’étaient donné rendez-vous pour manifester leur honte d’une telle avanie. Robert Ménard, maire de Béziers, aime la polémique et ne s’en cache pas. Ce n’est pas la première fois que l’on débaptise une rue ou un square du « 19-mars-1962 ». Ce qui est inédit, c’est de lui préférer le nom d’un homme hostile à l’indépendance de l’Algérie. Pour ceux qui ont séché les cours d’histoire, que la nuance rebute et qui ont l’exotisme pour religion, Ménard aggrave son cas en commettant deux crimes de lèse-tolérance. Primo il refuse un culte en vigueur ; secundo il déterre le fascisme. Au-delà de la provocation, il y a l’hypocrisie qui la suscite.

On trouve, dans les villes de France, des centaines voire des milliers d’occurrences du « 19-mars-1962 », comme s’il s’agissait d’un jour bénit. Or, sans même remettre en cause la légitimité d’un peuple ayant lutté pour son indépendance (et sans méjuger de ce qu’il en a fait…), il est assez troublant que soit autant promue une telle date de ce côté-ci de la Méditerranée. Ce qui n’est jamais avoué, c’est que les rues du « 19-mars-1962 » sont toujours l’œuvre d’un officiant de gauche ou d’extrême gauche, qu’elles sont toujours inaugurées dans des quartiers populaires, et toujours en vue d’acheter la paix sociale. Claquemuré entre une avenue des « Martyrs de Soweto » et un boulevard « Victor Schœlcher », un rond-point du « 19-mars-1962 » est au carrefour de toutes les misères. C’est un signe fort, un message subliminal quotidien : le monde entier est ici chez soi et les injustices n’ont qu’à bien se tenir. Cela ne résorbe ni le chômage ni l’insécurité, mais permet de donner le change, la main sur le cœur.

La toponymie urbaine est souvent révélatrice d’une idéologie à l’œuvre. Dans ce domaine, les plus bruyants ne sont pas les plus mal lotis. S’est-on par exemple inquiété du nombre sans cesse croissant de voies ou de salles communales dédiées à la mémoire de Salvador Allende ? Est-ce une demande des Français ? Non, dans l’ensemble ils s’en moquent éperdument. Mais les socialistes ont décrété que la France se devait de célébrer l’homme comme un martyr, faisant de leur mascotte internationale un héros national. Et tout le monde de l’accepter sans sourciller, sans tracts et sans manifs. Même si la gauche se bat pied à pied pour imposer sa générosité à chaque coin de rue, elle ne peut se prévaloir d’un monopole. Lorsqu’un maire d’un autre bord politique manifeste de l’intérêt pour d’autres idoles, il faut donc que ses ouailles l’acceptent et, passée l’heure des caprices, regagnent leurs pénates et rouvrent de temps à autre un livre d’histoire.

À la lettre D comme « Denoix de Saint Marc », chacun pourra juger sur pièce de la pertinence d’une rue au nom du soldat en question. Cet homme est rentré dans la Résistance en 1941, à l’âge de dix-neuf ans. Dénoncé deux ans plus tard, il est déporté au camp de concentration de Buchenwald, dans une enclave où le taux de mortalité est des plus élevés. Il ne doit son salut qu’à la bienveillance d’un codétenu ; encore est-il moribond à l’arrivée des Américains. Rentré à Saint-Cyr Coëtquidan, il opte pour la Légion étrangère. Il effectue plusieurs opérations en Indochine. En 1954, il intègre le 1er REP (Régiment Étranger de Parachutistes), voit la fin des hostilités et s’envole la même année pour l’Algérie où, déjà, une autre guerre commence. En 1956, il est mobilisé durant la campagne de Suez. Devenu commandant en second du 1er REP, il engage ses mille hommes dans le putsch dit « des généraux » à Alger en 1961. C’est un échec et son régiment est dissout. Hélie de Saint Marc se constitue prisonnier ; il est condamné à dix ans de réclusion criminelle. Détenu à la prison de la Santé, il est gracié cinq ans plus tard. Il poursuit ensuite une carrière dans le civil. Il est fait Grand-croix de la Légion d’honneur en 2011, deux ans avant sa mort.

Il faut ici rappeler qu’Hélie de Saint Marc n’était pas un officier de salon, encore moins un politicien soucieux de plaire. C’était un homme de terrain doublé d’un homme d’honneur. Il y a, de nos jours, et parmi ceux qui flétrissent son nom en haut lieu, bien des gens que ce beau doublet rend ombrageux ou incrédules. Revenu sur le conflit algérien, voici les mots qu’il a prononcés durant son procès : « Des dizaines de milliers de musulmans se sont joints à nous comme camarades de combat, partageant nos peines, nos souffrances, nos espoirs, nos craintes. Nombreux sont ceux qui sont tombés à nos côtés. Le lien sacré du sang versé nous lie à eux pour toujours ». Vient ensuite le temps des contre-ordres et ses déconvenues : « Nous nous souvenions de l’évacuation de la Haute-Région [le Tonkin], des villageois accrochés à nos camions, qui, à bout de forces, tombaient en pleurant dans la poussière de la route (…). Nous nous souvenions des villages abandonnés par nous et dont les habitants avaient été massacrés ». C’est parce que cet homme voyait l’histoire se répéter, qu’il présageait le massacre de milliers de harkis et refusait d’infliger de nouveau de tels tourments à sa conscience qu’il a basculé dans l’illégalité.

Nos indignés imbéciles emploient toujours les mêmes méthodes : ils passent un CV au peigne fin, procèdent par raccourcis et montent en épingle ce que leurs gogos incultes auront appris à réprouver. À les entendre, la France devrait constamment battre sa coulpe et se montrer plus soucieuse du génie exotique. Qu’ils se rendent donc dans le 5e arrondissement de Paris. En prenant la sortie est du Val-de-Grâce, cet hôpital militaire bien connu d’un certain président étranger, ils pourront emprunter la rue Berthollet afin de se rendre à la Grande Mosquée et à l’Institut Musulman de la rue Geoffroy Saint-Hilaire, dressés dans la capitale en 1922 en souvenir des milliers de combattants musulmans morts pour la France au cours de la Première Guerre mondiale. De là, en passant par la rue Monge, qu’ils poussent jusqu’à l’Institut du Monde Arabe, où se tiennent régulièrement des expositions sur les sciences arabes et les mystères de l’Égypte ancienne… que les susnommés Berthollet, Geoffroy Saint-Hilaire et Monge ont grandement contribué à redécouvrir et à diffuser parmi les Arabes eux-mêmes durant ce qui s’apparente à une genèse colonisatrice.

En vérité, la France n’a jamais ménagé ses efforts et sa curiosité pour conserver des rapports cordiaux avec l’outre-mer. Elle est même allée jusqu’à dorloter un ayatollah dans un palace aux portes de sa capitale. Disons-le fort et clair : lorsqu’un seul pays musulman affichera autant de marques d’estime à l’endroit de l’exotisme, de passerelles interreligieuses et d’intérêt pour les valeurs étrangères à l’Islam, la France consentira de bon cœur à se faire botter le derrière à coups de babouche. En attendant, l’initiative de Robert Ménard me semble bienvenue. Elle honore la mémoire d’un homme grand et droit à une époque de nains teigneux.

Article original
... et merci à Didier Goux pour son commentaire sur Causeur.
Cher Didier, je partage tout à fait votre sentiment conclusif.
Félicitations pour cet article, cher Eric.
Excellent article.
Une critique : "un homme hostile à l’indépendance de l’Algérie". Dans un de ses livres, Saint Marc dit qu'il n'était pas hostile à l'indépendance de l'Algérie, il était hostile à cette indépendance-là : à ce que la France remette le pouvoir au Fln.
Ce qu'on peut lui reprocher, naturellement, c'est d'avoir été toujours incapable quarante ou cinquante ans après de dessiner ou d'esquisser ce qu'aurait été l'alternative à la remise du pouvoir au Fln : il semble bien que la masse musulmane - ce n'est pas à son honneur mais c'est comme ça - avait basculé du côté du Fln. La critique par Saint Marc de la politique suivie par de Gaulle reste purement négative : il n'indique pas ce qu'il aurait fallu faire.

Je trouve que c'est à l'honneur de la France que la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur lui ait été conférée.
Et je trouve que ç'aurait déjà été une belle initiative que de donner son nom à une rue, mais remplacer par le sien le nom qui est celui du jour de la victoire du Fln sur la France et les Français d'Algérie, c'est magnifique.
Mon commentaire (corrigé…) sur Causeur, justement :

Débaptiser une rue du 19 mars 1962, mon cher Guéguen, me semble en effet une bonne chose – ne serait-ce que parce qu'appeler une rue par une date est ridicule. Donner à une rue le nom de ce grand Français que fut Saint-Marc me semble une autre très bonne chose. Le problème vient, me semble-t-il, du couplage de ces deux faits, le remplacement de ce nom par cet autre, pour la même rue. J’y vois là l’un de ces “coups de com” dont M. Ménard paraît très friand. Et, surtout, c’est donner un peu trop de grain à moudre à ceux qui aimeraient tant pouvoir réduire Hélie de Saint-Marc à son opposition à l’indépendance algérienne. Voilà un “cadeau à l’ennemi” dont on aurait pu se dispenser à Béziers ; par exemple en rendant son ancien nom à la rue du 19 mars et, ensuite, quelques mois plus tard, en baptisant une autre voie de la ville du nom de Saint-Marc.
Je suis parfaitement d'accord avec le commentaire de Didier Goux. Hélie de Saint-Marc, dans sa grandeur et sa complexité, valait plus qu'un "coup de com" et qu'une "récupération", me semble-t-il.
Coup de com, récupération? Je trouve, au contraire, très courageuses et très cohérentes les décisions prises par M. Ménard. Elles traduisent en actes politiques d'une réelle portée symbolique les pensées dont il se revendique depuis toujours. Nuire aux ennemis et à leurs irresponsables amis quand on est un donneur d'ordres publics, cela me paraît être la moindre des choses à faire.

A cet égard, j'espère que le maire de Chalon-Sur-Saône maintiendra sa décision en dépit des épouvantables pressions dont il fait déjà l'objet. Dans cette affaire, je fais d'ailleurs mienne la très fine interprétation de Madame la ministre de l'Education: « Supprimer la possibilité d'avoir un menu non confessionnel, je trouve que c'est une façon, en réalité, d'interdire l'accès de la cantine à certains enfants ».
M. Ménard a pris là une excellente initiative.
M. Ménard a pris là une excellente initiative.

Pour cette histoire de cantine vous avez, M. Comolli, mille fois raison.
Merci pour vos commentaires (et en particulier à André Page pour ses corrections).
Une bonne nuit à tous.
> Objet : TR: discours de R. Ménard
Discours de Robert Ménard, Maire de Béziers, prononcé lors de l'inauguration de la rue Commandant Denoix de Saint Marc :

> "Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les présidents, Mesdames, Messieurs,Et surtout, chers, très chers amis,
> D'abord, merci ! Merci d'être là. Merci d'être venus au rendez-vous de la justice et de la fidélité. Honneur à vous qui, parfois, avez parcouru 500 kilomètres, 1000 kilomètres pour être ici. Votre présence, votre nombre, prouvent combien cette cérémonie répond à un impérieux besoin de réparation et de reconnaissance. Et puis, pourquoi ne pas le dire, votre présence me touche infiniment. Oui, merci d'être là. Pour nous, pour tous ceux qui nous ont quittés et, aussi, pour ceux qui viennent.Il y a des moments, il y a des gestes, il y a des paroles qui vous engagent totalement. Qui disent d’où vous venez. Qui disent ce qui est essentiel à vos yeux. Qui disent ce que vous êtes. Qui vous donnent l’occasion – rare, précieuse – de vous replacer dans une lignée, de rendre hommage aux vôtres, de saluer un père, une mère, une famille, de saluer votre famille.Il y a des moments où il faut se rassembler, se retrouver, se souvenir, se tenir chaud les uns les autres. Il y a des moments où il faut dire non aux mensonges, à l’histoire trafiquée, réécrite, bafouée. Il y a des moments où trop c’est trop, où nos plus âgés meurent sans que jamais l’on ait reconnu leur travail, leur mérite, en un mot, leur vie . Oser dire, oser laisser penser que la guerre, oui la guerre d’Algérie s’est terminée le 19 mars, le jour de la signature des accords d’Evian, n’est pas seulement un mensonge, c’est une ignominie, une insulte à la mémoire de tous ceux – pieds-noirs, harkis, jeunes du contingent – qui ont été torturés, qui ont été émasculés, qui ont été tués, qui ont disparu après cette date, après cette capitulation, après cet abandon, après ce renoncement à ce que fut la France, à ce que fut la grandeur de ce pays, de notre pays.
À cela, nous ne pouvons nous résigner. À cela je ne peux me résigner. Parce que je pense à ma famille, à nos familles. Parce que je pense à mon père, à nos pères. Parce que je pense à ces cimetières abandonnés, saccagés, rayés de la carte, comme gommés de l’histoire officielle, expurgés des manuels scolaires qu’on impose à nos enfants, à nos petits- enfants.
> Voilà pourquoi je suis là aujourd’hui. Voilà pourquoi nous sommes là aujourd’hui. Pour rappeler à ceux qui nous ont trahis qu’ils ne pourront pas, éternellement, mentir, tromper, falsifier. L’Algérie de notre enfance, l’Algérie de nos aïeux, notre Algérie, ce n’est pas ce que certains veulent nous faire croire, ce n’est pas ce qu’un Benjamin Stora ne cesse d’écrire, ce n’est pas aux renégats, aux porteurs de valises d’en imposer l’image. De cela, nous ne voulons pas, nous ne voudrons jamais.
Je le dis à l'adresse de ceux qui s'agitent là-bas, plein d'une haine titubante, enveloppés dans de vieux mensonges qui s'effilochent : le communisme est mort et ses derniers militants sont des spectres errant dans le dédale de leur rancœur et de leur ignorance. Ils ont voulu hier l'Algérie algérienne, ils ne veulent pas aujourd'hui de la France française. La traîtrise est leur patrie. Nos victoires leur châtiment.« À lire une certaine presse, écrivait Albert Camus en 1955, il semblerait vraiment que l’Algérie soit peuplée d’un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac... »60 ans plus tard, rien n’a vraiment changé. Alors, si nous sommes ici aujourd’hui, c’est pour dire« assez ! ». Assez de ces contre-vérités sur les pieds- noirs qui n’étaient pas tous des colons roulant en décapotables américaines. Assez des mensonges sur le bilan de la colonisation. Assez de cette perpétuelle repentance !
Oui, nous pataugeons dans une perpétuelle contrition. Honteux de ce que nous avons été. Honteux même, parfois, de ce que nous sommes. Quand la France intervient en 1830 en Algérie, elle mène une guerre de conquête longue et impitoyable, c’est vrai ! Mais, faut-il le rappeler, il s’agissait de mettre hors d’état de nuire les pirates qui sévissaient depuis la côte algéroise. Ces forbans n’étaient pas des pirates d’opérette : ils enlevaient, suppliciaient, réduisaient les chrétiens en esclavage. Le rappeler, est-ce se transformer en avocat inconditionnel de l’épopée coloniale ? Bien sûr que non !
Faut-il le redire aux révisionnistes de tout poil, la présence française en Algérie, ce sont des ports, des aéroports, des routes, des écoles, des hôpitaux. Ce sont des marais asséchés, des maladies éradiquées. Mais aussi du soleil sur la peau, des éclats de rire sur les plages, des filles à la peau suave, un ciel comme il n’en existe nulle part ailleurs. L’Algérie, disait ma mère, c’est notre paradis à nous, ce paradis qu’on nous a enlevé, ce paradis qui hante, toujours, plus de cinquante ans plus tard, nos cœurs et nos mémoires. Après nous avoir pris notre pays, certains voudraient maintenant nous priver de nos souvenirs. Et nous faire croire que les combats ont cessé le jour où des traîtres signaient un cessez-le-feu qui n’était rien d’autre qu’un lâche abandon, un vil renoncement. Demandez aux Algérois de la rue d’Isly ! Demandez aux Oranais du 5 juillet ! Demandez aux milliers, aux dizaines de milliers de harkis ! Demandez à nos martyrs ! Demandez-leur ce que furent les jours, les semaines, les mois qui ont suivi cette véritable capitulation ! On voudrait les faire disparaître une seconde fois ! On voudrait les oublier, les nier.
Les oublier ? C’est hors de question. Comment oublier ces Européens enlevés par le FLN afin de récupérer le sang dont il avait besoin pour soigner sescombattants ? Vidés, oui vidés de leur sang, au sens clinique du terme... Et dire que certains continuent de se vanter d’avoir été les « porteurs de valises » de ces terroristes qu’on applaudit dans la bonne presse. C’est raté. Nous sommes ici des milliers pour porter témoignage. Nous sommes ici pour dire haut et fort notre vérité, la vérité. Pour la jeter à la figure de tous ceux qui nous font la morale, qui nous parlent du sens de l’histoire, des accommodements auxquels nous devrions nous résigner. Nous sommes ici pour dire tout cela à ceux qui armaient le bras des assassins, des bourreaux des Français d’Algérie.
Des assassins, des bourreaux qui nourrissent encore aujourd’hui une haine à l’égard de la France, de ses valeurs, de son histoire, de ses combats, de sa civilisation. Une haine qui pousse certains à abattre des journalistes parce qu’ils sont journalistes, à abattre des policiers parce qu’ils sont policiers, à abattre des Juifs parce qu’ils sont juifs. Cette haine de la France est comme une insulte, comme une gifle pour d’autres musulmans, pour nos amis musulmans, pour nos frères harkis, eux qui ont choisi la France, qui sont morts pour la France. Eux qui ont été massacrés, certains écorchés vifs, ébouillantés. Eux qui ont été abandonnés sur ordre de l’État français, livrés à la vindicte du FLN.
Mais que s’est-il donc passé ? Que s’est-il passé pour qu’aujourd’hui, dans notre pays, on occulte à ce point la réalité de notre histoire ? Tout simplement que, alors qu’on obligeait un million de Français à quitter leur Algérie natale, on ouvrait la France - quasi simultanément - à des millions d’immigrés bien décidés pour certains à ne jamais se sentir, à ne jamais devenir des Français à part entière.
Colonisation de peuplement, disait-on de la présence française en Algérie. Il faut parler aujourd’hui, en France, d’immigration de peuplement, d’immigration de remplacement. Un chassé-croisé dont l’histoire a le tragique secret et dont je redoute que nous ne cessions de mesurer les funestes, les dramatiques conséquences. Je voudrais me tromper. Je crains d’avoir raison.
Face aux drames d’hier, il est des hommes qui ont su dire non. Des hommes qui n’ont pas hésité à tout risquer, à tout perdre pour des valeurs qui étaient, qui faisaient toute leur vie, au point d’être prêts à mourir pour elles. Hélie de Saint Marc était de ceux- là. On les appelle des héros. Un mot qui sonne comme un anachronisme à une époque, la nôtre, où l’on nous serine qu’on ne va quand même pas mourir pour des idées, où la vie, son confort, ses petites habitudes justifient tous les compromis, toutes les compromissions. Je ne vais pas avoir l’outrecuidance de rappeler les états de service, les engagements, le prix payé par Hélie de Saint Marc devant les membres de sa famille qui nous font l’immense honneur d’être aujourd’hui parmi nous.
« Se tenir à la pointe de soi-même. » Voilà une phrase du commandant de Saint Marc qui dit, avec la plus grande justesse, l'exigence de sa vie, de toute sa vie. De l'Occupation à la perte de l'Algérie, rien n'a pu anéantir ce cœur vif, ce cœur exemplaire. Né mille ans plus tôt, son histoire serait celle d'une chanson de geste. Hélie de Saint Marc est un preux, un orphelin d'un ordre spirituel et guerrier, tenant sa vie comme une lance.
Henry de Montherlant écrivait : « Il y a le réel et il y a l'irréel. Au-delà du réel et au-delà de l'irréel, il y a le profond ». La vie et les livres d'Hélie de Saint Marc sont un périple vers les profondeurs de l’être, dans le fond sans fond de son âme. Comme Ulysse, jamais les épreuves ne le détournèrent de sa destination, j’allais dire de sa destinée. Voyages des camps et des prisons, voyages des batailles et des carnages. Voyage vers ce qu'il appelait « le tremblement sacré des choses invisibles ».
Je citerai encore le commandant de Saint Marc, et il faut le citer souvent, car il ne fut pas seulement un chef mais aussi un remarquable éducateur. Non pas un donneur de leçons, ni un « coach de vie » comme l'on dit aujourd'hui, mais un homme qui a beaucoup vécu, beaucoup vu, immensément ressenti.
> Le commandant écrivait, et son petit-fils nous l’a rappelé à l’instant : « La vie est un combat, le métier d’homme est un rude métier. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent. » Et il ajoutait : « Vivre, ce n’est pas exister à n’importe quel prix. »
Dire comme lui que la vie est un combat n'est pas faire l’apologie de la guerre, n’est pas faire de la guerre sa profession de foi. C'est un simple constat : si une vie, c’est aimer, partager, éduquer, c’est aussi une somme d'épreuves, de contrariétés, d'oppositions, d'expériences et d'engendrements. C’est cette somme qui fait une vie. Et celui qui refuse ce combat ne vit pas. Dire que vie et combat sont de la même substance est une adresse d'espoir. Voilà ce que nous dit le rescapé de Buchenwald. Il faut espérer et faire de son espoir un bélier qui fracasse toutes les murailles. Il faut même espérer au-delà de toute raison. C'est Héraclite qui disait : « Qui n'espère pas l'inespérable ne le découvrira pas. »Ici, je le sais, nous espérons, nous n'avons jamais cessé d'espérer. Nos espoirs sont nos fidélités. Et nos fidélités comme nos espoirs trouvent en ce jour leur récompense, comme elles trouveront demain, en d'autres lieux et sur d'autres plans, des satisfactions encore plus décisives pour notre nation et notre peuple.
Le commandant de Saint Marc est l'homme d'une génération. Une génération qui, de septembre 1939 à juillet 62, ne connut jamais le répit et la paix. Une génération qui, entre la débâcle et l'abandon, connut cent victoires. Une génération qui nous a laissés seuls avec les souvenirs de sa gloire. C'est elle, aussi, qu'en ce jour nous célébrons. Gloire à eux ! Gloire aux compagnons du Commandant de Saint Marc, gloire à ceux d'Indochine, à ceux d'Algérie, gloire à ceux des prisons qui étaient alors les garnisons de l’honneur. Oui, comme vous, comme beaucoup d’entre vous, j’ai lu les livres de celui dont cette rue portera dorénavant le nom. Et je n’ai pas honte de vous le dire : j’en ai eu les larmes aux yeux, regrettant presque d’avoir été trop jeune pour être confronté à des choix qui forcent le destin et font de vous un homme.
Et puis, je me suis dit que j’avais tort. Que chacun, à son époque, est face à des engagements qui, sans avoir le caractère dramatique de ces années algériennes, n’en sont pas moins cruciaux, vitaux. Aujourd’hui, notre pays est face à une crise qui engage son avenir, sa vie, sa survie. Et face à ces dangers, Hélie de Saint Marc, son courage, son panache, sont d’une actualité brûlante, d’une force existentielle.
Allons-nous abandonner la France, laisser faire, nous réfugier dans des slogans aussi creux, aussi vides qu’une rengaine publicitaire, qu’un discours de politicien censés nous faire oublier les responsabilités des uns et des autres ?
Il y a 50 ans, je m’en souviens, vous vous en souvenez, nous tapions sur des casseroles en scandant « Al-gé- rie fran-çaise ». Il faudrait aujourd’hui, avec la même ardeur, avec la même détermination, dire non à cette France métissée qu’on nous promet, qu’on nous annonce, qu’on nous vante. Dire non à cette France multiculturelle qu’on nous impose. Mais dire oui à une France fière d’elle-même, de son histoire, de ses racines judéo-chrétiennes. Cette France que pieds- noirs et harkis ont admirablement incarnée, cette France pour laquelle un Hélie de Saint Marc s’est battu pendant la résistance, en Indochine et en Algérie. Cette France que nous voulons transmettre, intacte, à nos enfants. Alors, pour Hélie de Saint Marc, pour tous ceux qui sont morts en Algérie, persuadés que nous étions en France, que nous nous battions pour la France, pour tous ceux qui l’ont quittée, définitivement orphelins d’une partie d’eux-mêmes, je voudrais avant que nous entonnions « Le chant des Africains », je voudrais, en votre nom à tous, je le sais, dire, redire, répéter ce qui est notre viatique, notre credo, notre passé et, je l’espère, notre avenir : « Vive la France », « Vive la France française ! » "
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