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"La France à quitte ou double", de François de Closets

Envoyé par André Page 
J'au lu ce livre, qui vient de paraître.

Les deux premiers tiers du livre sont consacrés à quarante ans de débats sur l’immigration et de montée du Front national. Là Closets prend surtout pour cible ceux qui dénonçaient comme raciste toute mise en cause des bienfaits de l’immigration. Il s’exprime vigoureusement, me semble assez juste et par ailleurs devenu assez banal.
Quelques points.
Il conteste l’argument démographique (« l’immigration pour payer nos retraites »).
Il conteste l’importation de travailleurs non qualifiés (« les emplois dont les Français ne veulent plus »), et celle de travailleurs qualifiés au motif qu’elle est ruineuse pour les pays pauvres qui voient partir ceux dont ils ont le plus besoin pour leur développement.
Et il conteste le multiculturalisme : les Français, dit-il, on le droit de vouloir rester eux-mêmes, comme c’est leur volonté, en particulier quand ils n’appartiennent pas à l’élite mondialisée et ne vivent pas dans des ghettos de riches purs d’allogènes.
Le principal reproche qu’on pourrait lui faire, me semble-t-il (reproche qu’on peut faire aussi à Finkielkraut) : il devrait remercier le Front national d’avoir, au moins, « posé les bonnes questions ». Mais non…

Le dernier tiers du livre est consacré à la situation économique, financière et politique.
La France continue à vivre au-dessus de ses moyens. Elle peut se le permettre encore sans crise majeure parce qu’elle emprunte à des taux d’intérêts très faibles. Cela n’aura qu’un temps. Le retournement peut se produire n’importe quand et être très brutal. Alors, elle ne pourra plus emprunter sur les marchés. Elle sera contrainte de s’adresser aux institutions étrangères (il ne précise pas si ce seront des institutions européennes ou internationales, ou les deux), comme la Grèce de nos jours.
À ce moment-là, il n’est pas impossible que le traumatisme de la crise fasse que Marine Le Pen l’emporte.
L’autre possibilité, ce sera un gouvernement contraint de faire les réformes depuis toujours différées et qui seront impopulaires. Il est souhaitable et possible que ce gouvernement soit issu d’un rassemblement civique, soit un gouvernement de salut public, Ump-Ps, sans les deux extrêmes qui refusent les sacrifices : le Front national et le Front de gauche. Il est souhaitable que ce gouvernement soit composé de personnalités de la société civile et non d’hommes politiques (il sera soutenu par l’Ump et le Ps, sans que les ministres en soient membres).

Dans cette deuxième partie, j’ai aimé et trouvé instructif et parlant ce qui se rapporte à la situation économique et financière.
Le reste m’a semblé essentiellement des balivernes. La France s’endette, certes, mais ça peut durer longtemps sans catastrophe : elle est par exemple beaucoup moins endettée que l’Italie, laquelle n’est pas aux abois.
Par ailleurs, même en cas de crise majeure, la France ne peut pas connaître une coalition Ump-Ps parce qu’elle a des institutions électorales qui organisent la lutte entre ces deux formations – elle n’a pas la proportionnelle qu’ont la plupart des pays européens, dans lesquels effectivement des coalitions de ce genre se forment à l’occasion : imagine-t-on un président Ump, élu sur la dénonciation de la présidence Hollande nommer un Premier ministre qui s’appuierait à l’Assemblés sur une majorité Umps ? Cela serait suicidaire.
Ce scénario, par ailleurs, repose largement sur une grave faiblesse du livre quant aux politiques vis-à-vis de l’immigration. L’auteur fait comme s’il n’y avait pas toute une gamme de politiques possibles entre celle du Front national et celle, disons, de LO (« c’est un droit du Congolais d’immigrer en France, les patrons paieront »), des politiques les plus dures aux plus laxistes. Or, comme pour toutes les questions politiques ou à peu près, il y a effectivement toute une gamme de politiques possibles, et l’Ump et le Ps se situent assez loin de l’un de l’autre sur l’immigration. Un gouvernement « technique », « ni de droite, ni de gauche », « apolitique » cela n’existe pas sur l’immigration, laquelle est une question politique majeure. Cela n’existe d’ailleurs pas vraiment non plus sur la politique de réduction des dépenses publiques : c’est la droite qui a vocation à cette réduction, parce qu’elle est le camp des riches, et celui de l’effort. L’intérêt de la gauche, ce sera d’être dans l’opposition quand un gouvernement de droite fera les réformes nécessaires, et de dénoncer bruyamment celles-ci. Puis, quand elle reviendra au pouvoir, à la prochaine élection probablement, de conserver les réformes faites, et de distribuer un peu de l’argent dû aux réformes. Cela est vieux comme la gauche de gouvernement.

Pourquoi Closets, qui est intelligent, écrit-il ce qui me paraît de telles âneries ?
Difficile à dire…
D’abord, en fait, quand on le lit attentivement, on se rend compte qu’il ne les écrit pas si nettement que ça : il dit que la crise financière est probable – et non pas certaine – et décrit uniquement ce qui se passera au cas où cette éventualité se réalise, ce qui donne l’impression au lecteur superficiel qu’il la croit certaine.
Il y a certainement une volonté de sensationnalisme : le journaliste se nourrit de catastrophe.
Et il y a que les gouvernements d’union des modérés sont la pente de Closets, et aussi les gouvernements apolitiques, de techniciens.
La lecture du livre m’a laissé donc inébranlé quant à ce qui me paraît probable : en 2017, l’Ump gagnera les élections, et on aura une réédition de Sarkozy : un discours de réduction de la dépense publique, et de lutte contre l’immigration.
La question, évidemment, est de savoir jusqu’à quel point ces politiques seront menées de façons radicales, ou seulement de façons superficielles, cosmétiques, ou même verbales.
En ce qui concerne le volet immigration, l’ampleur du succès du Front national poussera à des réformes radicales, pour éviter que le Fn ne croisse encore. La lâcheté devant le monde médiatique poussera à ne rien faire.
Et je crois probable aussi ceci : un gouvernement Ump adoptant une posture vigoureuse contre l’immigration, compte tenu de la mort de Le Pen ou en tout cas de son effacement relatif devant sa fille, rendra intenable la politique Ump de non-alliance électorale avec le Fn. Il y aura des alliances au niveau local, et probablement aussi, pour les élections législatives (la forme minimale de l’alliance consisterait, là, à réserver le second tour aux deux candidats arrivés en tête) : la vie politique française sera de nouveau organisée en deux camps, avec, dans chacun, plus d’un parti, comme il est naturel avec les institutions que nous avons.

Pourquoi Closets fait-il l’erreur d’écrire implicitement qu’il n’y a entre celle du Fn et celle de l’extrême gauche, qu’une seule politique possible en matière d’immigration ?
Je vois deux raison : d’un part, il est assez fortement pro-immigration, donc il veut fermer toute évolution possible. Et, deuxièmement, il a besoin de cette position pour donner de la crédibilité à son vœu de gouvernement Umps.
Parvient-il là à croire ce qu’il écrit ? Je respecte tellement son intelligence et son bon sens que j’en doute.
Le point où la faiblesse de cette sienne position est le plus éclatant : il dénonce dans la première partie du livre comme scélérat le fait que cinq ou six millions d’emplois publics ou para-publics soient réservés aux nationaux. Voilà une position qui ne fait pas l’unanimité à l’Ump, ni au Ps, ni au Front de gauche ! Quand je vous disais qu’il y avait sur l’immigration toute une gradation de politiques…

Un autre reproche important qu’on peut faire à Closets : il dénonce le Fn comme un parti démagogique, refusant les sacrifices nécessaires, sans dire que tout parti tend à être démagogique ; que tout parti qui est dans l’opposition tend à l’être encore plus ; et que, plus rejeté dans l’opposition que ne l’est le Fn, cela est impossible ; il est donc naturel qu’il soit démagogique. Il ne l’est pas plus que le Ps ne l’était en 1981. La démagogie du Fn ne tient pas à son essence, mais à sa situation. Le jour où l’Ump lui proposera de participer au gouvernement, s’il refuse, il sera relativement disqualifié. S’il accepte, il cessera de pouvoir promettre monts et merveilles.
Page 60 : « Pour faire simple, le racialiste croit au déterminisme génétique, à la race, et pense qu’il suffit à caractériser l’individu. Le raciste va plus loin et hiérarchise les races ainsi définies. Les deux propositions sont aussi fausses, et même aussi criminelles, l’une que l’autre. » [ce qui suit passe à un autre sujet]
Aucun racialiste, naturellement, ne croit au tout-génétique, ne croit que l’environnement n’est pour rien dans ce qui fait un homme.
Ici Closets se révèle un faussaire.
Quant à penser qu’il est évident que les soubassements génétiques des traits mentaux sont les mêmes et distribués également dans toutes les populations, et que, par exemple, les Inuits et les Aborigènes australiens sont nécessairement exactement aussi doués pour la musique ou les mathématiques, et exactement aussi enclins à être extravertis, je soutiens qu’il faut être un crétin fanatique pour le croire. Et qualifier de criminels ceux qui ne le croient pas, c’est se comporter en terroriste.
Faussaire, crétin, fanatique et terroriste, ça fait beaucoup…
En contrepartie on donnera à Closets la médaille de l’Humanisme.

Page 64 : « Face au Front national, qui voit dans la noirceur des voyous la cause de l’insécurité et dans leur mise hors d’état de nuire son remède, le socialistes défendent une approche préventive fondée sur un traitement social. Ils pensent, à juste titre, que la criminalité n’est pas seulement une perversion de l’esprit, qu’elle se développe lorsque les conditions la favorisent : dissolution de la famille, insuffisance des services publics, extension de la misère et du chômage, échecs à l’école, etc. Qu’on la réduira en luttant contre ces fléaux et pas seulement en mettant en prison tous les individus dangereux. Je ne saurais qu’applaudir ce discours ».
La caractère apolitique du gouvernement de salut public me paraît bien compromis…
La criminalité a mêmes causes que le chômage, la misère, l’échec scolaire, etc. : les populations enclines à développer des comportements qui les mettent dans ce genre de situation sont également enclines à la criminalité, mais le lien de cause à effet, s'il existe, est très ténu, et de loin la relation la mieux attestée en ce qui concerne la criminalité et l’ordre social est celle-ci : la criminalité baisse quand la répression est efficace, monte dans le cas contraire.

Page 90 : « Il se dit et se répète qu’il se trouve une proportion plus forte d’étrangers dans les prisons que dans la société. Vaut-il mieux laisser le Front national s’emparer de cette affirmation ou expliquer sereinement que beaucoup de faits reprochés sont relatifs aux conditions administratives de séjour sur le sol français, que la comparaison n’a de sens qu’à conditions socio-économiques semblables, qu’il faut encore tenir compte de contrôles policiers qui peuvent s’orienter davantage vers certaines populations ? Quitte à reconnaître, si elle existe, une « surdélinquance » spécifique dans certains cas particuliers, mais forcément très réduite et liée à des difficultés d’adaptation ».
1° Le faussaire Closets dans ce passage feint de croire que la question n’est pas seulement celle de la surdélinquance des étrangers, mais bien celle des allogènes, fussent-ils nés en France et Français de papiers.
2° Comment sait-il que la surdélinquance est "forcément" très réduite, si même elle existe ? Il le déduit de son amour pour l'Umps et même, plus précisément, pour le Parti socialiste ? Il le conclut de sa propre bêtise ? Il a consulté une voyante extra-lucide qui le lui a dit ?
3° Signalons-lui – après bientôt un demi-siècle de politique de discrimination raciale en leur faveur - la gigantesque surcriminalité des Noirs étatsuniens, au cas où il l’ignorerait.
4° Signalons-lui aussi les statistiques ethniques du crime au Royaume-Uni.
5° Et signalons-lui que toute la France – excepté celle qui caquette à la télé – est convaincue du contraire.
La critique de la politique de préférence nationale préconisée par le Fn est un des points faibles du livre.
Page 30 : « Si l’Etat instaurait une rente de situation pour les nationaux, alors nous serions assurés que la combine et le piston présideraient au recrutement et que notre compétitivité n’y survivrait pas. Quant à la mise en œuvre du système, elle relèverait du casse-tête. Faut-il fixer un quota de travailleurs étrangers ? Créer une taxe sur les salaires qui leur sont versés ? »
1° Oui, une taxe, quoi de plus facile à créer et quoi de plus efficace… ?
2° Ce n’est pas parce que les nationaux seraient favorisés par rapport aux étrangers que la compétition disparaîtrait entre les nationaux.
3° Ce n’est pas parce que les nationaux seraient favorisés par rapport aux étrangers que la combine et le piston seraient amenés à jouer un plus grand rôle dans la sélection.
Ici aussi, on se demande si Closets se manifeste comme idiot ou comme faussaire. Difficile à dire…
Il est concevable qu’un individu possède à la fois les trois qualités d’être immigrationniste, honnête et intelligent. Hélas, associée à la première on n’en voit souvent qu’une seule des deux autres, ou même aucune…

Closets regrette d’avoir voté pour l’euro. Il l’a fait pour que la France soit contrainte à la discipline budgétaire. Mais l’euro, « loin de nous imposer la sagesse financière, nous a permis de persévérer dans le déficit sans en supporter les conséquences ». Il nous empêche une dévaluation salutaire. « Bref, la monnaie commune était bonne pour les États disciplinés, mauvaise pour les autres, donc pour la France "(p 213).
Il dit qu'il ne fallait pas monter dans ce train, mais que maintenant, il serait catastrophique d'en descendre pendant qu'il est en marche.
La métaphore me semble heureuse, mais me laisse un peu sceptique.

Closets dénonce de façon très vive la position du Fn en faveur d’un certain protectionnisme. Cela dit, deux pages plus loin, il reproche aux institutions européennes « l’application vétilleuse et dogmatique de la concurrence ». Il ne fait aucune proposition pour remédier à cet état de fait. Si bien qu’on peine à comprendre pourquoi le dénoncer, comme le fait le Fn, est jugé par lui si pendable, et pourquoi menacer de s’en aller serait une si mauvaise stratégie pour faire que les choses changent.

Il dénonce aussi "la folie réglementaire et normative qui s'abat sur les PME." Cette folie des eurocrates, je n'ai pas beaucoup entendu les amis Umps de Closets la dénoncer, au contraire du Fn. Là aussi, on pourrait penser que l'excellent Closets saluerait le service rendu par le Fn.
Que nenni...

Page 267 : "les sondages sont formels et bien inquiétants. Selon le Cevipof, 70% jugent qu'il y a trop d"étrangers en France, 62% "qu'on ne se sent plus chez soi comme avant, "46% que pour réduire le nombre de chômeurs il faut réduire le nombre d'immigrés".
Inquiétants pour qui ? Si les Français jugeaient qu'il n'y a pas assez d'étrangers en France, ce serait alors rassurant ? Closets a une sorte de candeur dans son immigrationnisme qui est attendrissante. Il convie naïvement son lecteur à s'inquiéter de ce que la grande majorité des Français ne pensent pas comme lui, Closets.
Vous faites un très important travail d'analyse, soyez-en remercié.
Finalement, après avoir écrit tout ce qui précède (je ne sais pas si cette critique du livre de Closets est utile pour beaucoup d’autres que pour Jean-Marc du Masnau, en tout cas elle est utile pour moi), j’aboutis à ce qui suit.

Closets dénonce en termes implacables la démagogie du Fn, alors que celle-ci tient à son éloignement du pouvoir ; et que les dirigeants du parti (au contraire, dans une large mesure des dirigeants du Ps avant 1981) n’y croient pas ou y croient peu (Closets fait remarquer que le Le Pen des années 80 s’inscrivait dans la vague libérale Reagan-Thatcher, et que, ce qui a fait changer le Fn sur ce point, c’est qu’il a suivi son électorat qui est devenu extrêmement plébéien (la conséquence d’ailleurs est un peu rapidement tirée : on peut être plébéien et libéral en économie, et ne pas refuser la baisse des dépenses et les sacrifices)). Il dénonce la catastrophe que serait l’arrivée du Fn au pouvoir, alors que, selon toutes probabilités, le Fn ne peut y arriver que dans le cadre d’une coalition où il sera dominé, parce que, si ses chances de gagner une présidentielle sont infimes, celle de gagner les législatives sont, elles, nulles. Et il dénonce les critiques du Fn à l’égard de l’euro, du libre-échange et de l’Europe, alors que lui-même émet des critiques de la même veine si elles ne sont pas de la même intensité, et dit par ailleurs que les mesures préconisées par le Fn dans ces domaines sont peu applicables (et donc ne seront pas appliquées, peut-on penser, d’autant plus qu’il fait remarquer que les dirigeants du Fn donnent l’impression de ne pas y croire (puisque les propositions sur la sortie de l’euro, fait-il remarquer, en fait ne proposent pas la sortie de l’euro, mais plutôt, soit son aménagement, soit son éclatement en un euro-Nord (avec l’Allemagne) et un euro-Sud (avec la France))).

Enfin Closets, quoique ce soit largement dissimulé dans son livre par le fait que sa cible principale en matière d’immigration, ce sont les immigrationnistes extrémistes, est en fait, très immigrationniste (puisque il est dans la toute petite minorité des Français qui veulent supprimer la préférence nationale existant actuellement pour ce qui est des emplois dans les secteur public ; puisque il est dans la toute petite minorité des Français qui réussissent à ne pas voir -comment font-ils ? - la délinquance des allogènes).

A partir de là, les mystères se dissipent et tout s’éclaire : alors que la montée du Fn pousse l’Ump vers une ligne Buisson, anti-immigration, Closets, par immigrationnisme, pousse l’Ump à refuser cette évolution. Et, au lieu d’énoncer en toute clarté cette sienne respectable position, il fait semblant que c’est une essentielle démagogie du Fn et son hostilité à l’Ue et au libre-échange qui imposent ce choix.

Bref, un livre d’essentielle mauvaise foi.
Closets brave petit soldat de l’immigrationnisme. Il a mérité une médaille de plus, car truquer pour la cause de l’immigrationnisme, comme mentir ou essayer de terroriser elle, c’est bien mériter de la République.
Citation
Jean-Marc du Masnau
Vous faites un très important travail d'analyse, soyez-en remercié.

Soyez précis: jamais ô grand jamais un livre de François de Placards n'avait été analysé de manière aussi approfondie !

Plus sérieusement, ce qu'en dit M. Page est tout à fait intéressant.
Si j'ai bien compris, le livre de Closets repose sur une analyse des propositions économiques du FN et de Marine Le Pen.

À ce sujet, il me semble nécessaire de souligner que le caractère aberrant de ces propositions nuit profondément à la crédibilité de leurs auteurs et de leurs autres propositions, concernant spécialement la protection de l'identité nationale.

Autrement dit, le pire adversaire des thèses "in-nocentes" c'est l'ensemble FN-MLP.
La constance et la clarté de la politique de la Banque de l'Union Européenne, les variations harmonieuses du cours de l'Euro, les brillantes réussites observées en matière de chomage et de croissance, l'étonnante cohésion sociale sans cesse en progrès, en deux mots les vallées où coulent le lait et le miel bus de concert par l'agneau et le léopard, tout cela prouve l'inanité des thèses du FN sans même qu'il soit besoin de pousser l'analyse plus avant.

Pourquoi, en effet, vouloir modifier quelque chose qui fonctionne aussi bien et dont chacun vante, jour après, les succès et les prodiges ?
 
Tout est dans le titre subliminal:

La France, tu la quittes ou tu la doubles.



(n'avait-il pas pris parti pour Sarkozy ?)
 
Comment peut-on encore oser intenter un procès en inanité, en nullité, en absurdité aux solutions économiques du Front National?..Représentons-nous, ne serait-ce qu'un instant, l'envers de ce que décrit excellemment le billet de M. du Masnau. Nous verrons alors qu'il convient de prendre l'exact contre-pied des mesures qui ont conduit à la pétrification de l'Europe dans des états voisins de zéro (jeu de mots nietzschéen tiré par les cheveux).
Il ne s'agit évidemment pas de nier les difficultés économiques actuelles mais il me semble que dans leur très grande majorité les personnes attachées à l'identité nationale (et européenne) comprennent qu'il serait suicidaire de sortir de la zone euro.

Or, la crainte d'une mise en oeuvre de la politique économique et financière préconisée par le FN et MLP conduit à douter du sérieux des propos de ces derniers en matière d'immigration et de défense de l'identité nationale. Du coup, l'acceptation raisonnable de l'euro conduit à l'acceptation résignée des politiques migratoires actuelles.

L'anti-sémitisme de Jean-Marie Le Pen discrédita longtemps la critique de l'immigration. Le caractère suicidaire de la politique économique et financière préconisée par Marine Le Pen discrédite son programme sur l'immigration. Mais la situation actuelle est plus désespérante que l'ancienne car on voit bien qu'une occasion historique est gâchée, que l'exaspération croissante que suscite la doxa est dévoyée.
Un des problèmes économiques rencontrés est le caractère fixe de l'euro qui s'impose à la fois à des économies vertueuses (l'Allemagne), complaisantes (la France) et sans aucune rigueur (la Grèce).

On peut interpréter comme un prélude de la rupture de l'Euro la glissade très forte de cette monnaie : après tout, un citoyen américain qui a acheté pour 1000 $ d'obligations en euros n'a plus aujourd'hui que 800 $, mettons. Notre dette a été effacée de 20 % !
MLP devrait être ravie : elle voudrait rétablir le franc pour dévaluer les dettes publiques et laisser l'Etat s'endetter sans limite et gratuitement auprès de la Banque de France ; or la BCE réalise son rêve en rachetant sur le marché secondaire les titres de dette des Etats ce qui permet à ceux-ci de s'endetter à taux nul et conduit à une dévaluation tranquille de l'euro, sachant d'autre part que les Etats pourront continuer longtemps encore à transgresser les limites d'endettement prévues par le traité de Maastricht, les instances européennes parvenant seulement à éviter une augmentation aberrante du stock de dette.

De toute façon le problème n'est pas là : le discours anti-européen de MLP est désespérant car la grande majorité des personnes attachées à l'identité nationale et européenne comprend bien que le prétendu "souverainisme" national est une impasse, et ces mêmes personnes en viennent alors à admettre, de façon résignée, que la politique migratoire actuelle est le prix à payer pour éviter une catastrophe financière et économique. Quel gâchis !
Citation
Rémi Pellet
De toute façon le problème n'est pas là : le discours anti-européen de MLP est désespérant car la grande majorité des personnes attachées à l'identité nationale et européenne comprend bien que le prétendu "souverainisme" national est une impasse, et ces mêmes personnes en viennent alors à admettre, de façon résignée, que la politique migratoire actuelle est le prix à payer pour éviter une catastrophe financière et économique. Quel gâchis !

Comme vous je suis hostile au discours qui attribue à l'euro et à l'Union européenne tous les maux hormis ceux dus à l'immigration.
Cela dit, tous les anti-immigrationnistes ne sont pas de cette sensibilité-là, si bien que je crois que vous avez tort quand vous affirmez que cette ligne fait perdre au Fn plus quelle ne lui fait gagner. Je crois le contraire.
Ce que nous pouvons nous dire pour nous consoler, me semble-t-il, c'est que l'euro et l'Ue, ce sont - cas rares en politique - largement du tout ou rien : on est soit dedans, soit dehors.
Si vous réalisez en plus que le Front national ne pourra exercer le pouvoir que dans le cadre d'une coalition avec l"Ump, vos craintes que les discours anti-euro et anti-Ue du Fn se traduisent par une sortie de l'euro voire par une sortie de l'Ue disparaissent.
On peut même imaginer un bon usage de ces discours. Par exemple, on peut imaginer un gouvernement Ump élu en 2017 menaçant de quitter l'espace de Schengen si la question de l'immigration par Lampedusa et d'autres lieux n'est pas radicalement réglée.
Je ne comprends pas : par quel levier de propagande ces "mêmes personnes" convaincues que le souverainisme national est une impasse (proposition A) en viennent-elles "à admettre, de façon résignée, que la politique migratoire actuelle est le prix à payer pour éviter une catastrophe financière et économique" (proposition B) ? Quel rapport logique y a-t-il entre ces deux ordres de considérations ? A supposer que la proposition A soit vraie (ce qui reste à démontrer, le souverainisme national étant loin d'être une impasse pour certains pays, Corée, Japon, USA, etc. qui s'y tiennent) par quelles voies logiques cela en conduirait certains à "admettre" que la proposition B est vraie elle aussi ? En quel monde, dans quelle théorie ou dans quel régime économique une politique migratoire totalement incontrôlée, qui fait de la France un pays-hôtel dont la collectivité nationale règle les factures, est-elle le moyen d'éviter une catastrophe financière et économique ?

Que certains raisonnements absurdes -- Proposition A vraie entraîne Proposition B vraie aussi alors qu'aucun lien logique ne relie les deux -- aient cours dans la population sous l'effet d'un matraquage politico-médiatique permanent doit-il nous contraindre à nous détourner du principe de réalité économique ? La Grèce sortira de l'euro avant la France, quoi qu'il arrive, et d'autres pays européens se refusent à entrer dans le jeu de l'Euro (la République Tchèque n'y est toujours pas et ce pays ne semble pas connaître de "catastrophe financière et économique" plus grave que la Grèce qui y est, ou même que l'Espagne).

Lire au sujet de la grave crise financière et économique qui attend la zone euro, cet article paru dans La Tribune, d'un économiste de renom : Wolfgang Glomb ancien directeur des affaires européennes au ministère des Finances allemand, membre du Conseil d'orientation de l'Institut Thomas More [www.latribune.fr]
Citation
Jean-Marc du Masnau
Un des problèmes économiques rencontrés est le caractère fixe de l'euro qui s'impose à la fois à des économies vertueuses (l'Allemagne), complaisantes (la France) et sans aucune rigueur (la Grèce).

Oui, et on peut espérer, me semble-t-il, que les peuples et les Etats auront retenu la leçon : pas plus d'inflation que l'Allemagne ! Que les marchés auront retenu la leçon : prêter à un Etat qui s'endette de façon irresponsable conduit à y laisser des plumes !
Et que ce que nous avons vécu restera comme l'époque de la maladie infantile de l'euro.
je vais essayer de le dire plus clairement : il me semble que les personnes de bon sens, celles qui permettent de former une majorité, se disent que le programme économique et financier du FN-MLP est aberrant et dangereux et comme, malheureusement, celui-ci est le seul parti à dénoncer l'immigration massive, ces mêmes personnes de bon sens en concluent que le FN-MPL n'a peut-être pas raison sur le second point s'il se trompe si lourdement sur le premier, qu'on ne peut soigner un mal social et culturel en provoquant la faillite économique et financière du pays.
18 mars 2015, 19:56   Economisme
Sauf que l'Histoire, quand elle se réveille, commence précisément par ne plus tenir aucun compte de l'économie. Sinon, ces "personnes de bon sens, [...] qui permettent de former une majorité" sont précisément celles qu'imagine Houellebecq dans son roman et qui sont bien aises que le président musulman "inverse la courbe du chômage" et applique une politique économique "raisonnable".
Citation
Rémi Pellet
je vais essayer de le dire plus clairement : il me semble que les personnes de bon sens, celles qui permettent de former une majorité, se disent que le programme économique et financier du FN-MLP est aberrant et dangereux [...]

Vous n'avez pas l'air de voir que la démagogie, ça ne marche pas avec vous, mais ça marche avec la plupart.
Ca a marché pour la gauche en 81, pour Chirac contre Barre en 88, pour Chirac contre Balladur en 95 ("la feuille de paie n'est pas l'ennemi de l'emploi"), ça a marché pour Ségolène dans les primaires en 2007, Sarkozy et sa "rupture" étaient ambigus mais étaient aussi un peu une manière de s'exonérer de la réalité, ça a marché dans les primaires socialistes (où Valls a fait 5%...), et ça a l'air de marcher pour Marine Le Pen.
Peut-être que finalement les personnes de bon sens ne sont pas la majorité...
Il paraît qu'en Allemagne, un gouvernement de droite a intérêt à donner un tour de vis quelques mois avant les élections : son électorat apprécie en se disant qu'il;a un gouvernement sérieux.
Je vous félicite d'être comme ça, mais vous me donnez l'impression d'un peu trop prendre votre cas pour une généralité, comme on dit.
Sauf que l'Histoire, quand elle se réveille, commence précisément par ne plus tenir aucun compte de l'économie.

En effet. La seule question qui vaille : l'Histoire va-t-elle se réveiller pour de bon ? Il est évident que son réveil passe par une victoire électorale du Front national, seule à même d'entraîner la chute du complexe médiatico-politique ; et dans ce cas de figure, les détails d'intendance n'auront, dans un premier temps au moins, aucune importance.
"Les gens de bon sens" dont je parle ne font pas partie de ceux qui attendent une inversion de la courbe du chômage ou tout autre "lendemain qui chante" mais de ceux qui déplorent le Grand Remplacement tout en refusant la catastrophe financière que représenterait le retour au franc : ils n'ont pas envie d'ajouter un malheur évitable à celui qu'ils subissent déjà.

Vraiment, vous n'avez pas l'impression que le FN-MLP est handicapé par son programme économico-financier ? Qu'il ne s'agit en rien d'un détail d'intendance ? Ça me paraît à moi une évidence. Mais bon...
Il est handicapé auprès des lecteurs du Figaro, qui de toute façon ne votent pas pour lui - voyez les scores du Fn à Neuilly. Je pense que s'il était handicapé par son programme économique et social auprès des jeunes chômeurs ou des jeunes ouvriers, de Hénin-Liétard ou d'un équivalent, qui forment le plus clair de son électorat, Marine Le Pen s'en serait rendu compte, et ne parlerait pas comme elle parle : son but premier, à mon avis, étant de gagner des voix.
Par ailleurs son électorat sait très bien qu'elle est extrêmement éloignée du pouvoir, et se moque donc assez de la faisabilité de son programme : il est révolté par l'immigration, il est révolté contre les gens du pouvoir et contre les élites et a envie de leur dire "merde", le reste ne lui importe pas tellement.
Enfin, il me semble que c'est ce que les sondages disent quant à son électorat...
D'accord avec André Page : je parlais des électeurs qui permettent à un parti de passer de l'exercice de la "fonction tribunicienne" à celui du pouvoir.
Combien de Français savent que si la Suède, la République Tchèque, qui font partie de l'UE, tirent profit économique de leur non-intégration dans la zone euro, la même zone euro peut s'enorgueillir de compter dans le nombre des pays qu'elle regroupe, un pays démocratique, à l'avant-garde du progrès social, aux performances économiques et monétaires époustouflantes, j'ai nommé le Zimbabwé ?

Je force un peu la note : le Zimbabwé n'est pas le seul pays progressiste à avoir choisi l'euro, il n'est qu'un exemple ; il y a aussi Cuba et la Corée du Nord. De quoi donner toute sa respectabilité et ses lettres de noblesse à notre monnaie nationale :

Zimbabwe
Since April 2009, the Zimbabwean dollar is no longer in active use after it was officially suspended by the government due to hyperinflation. The United States dollar (US$), South African rand (R), Botswanan pula (P), Pound sterling (£), Euro (€), Indian rupees (INR), Australian dollars (A$), Chinese yuan (元/¥), and Japanese yen (¥) are now used instead, along with U.S. Cent-denominated Zimbabwean Bond Coins .[45][46]
Trading currency
In 1998, Cuba announced that it would replace the US dollar with the euro as its official currency for the purposes of international trading. On 1 December 2002, North Korea did the same. (Its internal currency, the wŏn, is not convertible and thus cannot be used to purchase foreign goods. The euro also enjoys popularity domestically, especially among elites and resident foreigners.) Syria followed suit in 2006.




In 2000, President of Iraq Saddam Hussein began the sale of his country's oil denominated in euros rather than US dollars since the majority of Iraqi oil trade was with the EU, India and China rather than the United States.[citation needed] Several other oil producing countries stated they would follow suit. But when Iraq was invaded in 2003, the new US administration immediately switched all sales of oil back to the US dollar.[citation needed] Also, since 2007 Iran has asked all petroleum customers to pay in non US dollar currency, this is a response to American sanctions. This has resulted in the Iranian oil bourse trading in several currencies, predominantly the euro for European trade and either the yen or euros for sales in Asia.
[en.wikipedia.org]


Dans un monde européen où la pensée fonctionne par association manichéenne --- le Bien et la Lumière du côté de l'Euro et de l'UE, le côté sombre et le Mal du côté des vilains souverainistes nationaux, arriérés et fascisants --- il est bon de rappeler ce fait, outre la bonne tenue économique et sociale de pays de l'UE qui n'ont aucune intention de passer sous la coupe de la BCE : le Danemark, la Suède, la Hongrie, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Pologne.

Il est tout à fait admissible que l'intérêt de la France soit de rejoindre cette liste de pays, en s'affranchissant des diktats de la BCE.

En 2014, le dette de six pays de la zone euros dépasse 100% de leur PIB. Ils seront huit en 2015 avec la France et l'Espagne. [globaleconomicanalysis.blogspot.fr]

De quoi se réjouir d'appartenir au camp du Bien, non ?
"Dans un monde européen où la pensée fonctionne par association manichéenne — le Bien et la Lumière du côté de l'Euro et de l'UE, le côté sombre et le Mal du côté des vilains souverainistes nationaux, arriérés et fascisants"

Cette façon de poser le problème est caricaturale.

Il ne s'agit pas de choisir ou non d'entrer dans la zone euro mais des effets d'une éventuelle sortie de cette zone : les deux questions sont radicalement différentes.

"en s'affranchissant des diktats de la BCE."

Jamais la création monétaire par la BCE n'a été aussi forte. La BCE n'impose strictement aucun diktat : elle s'émancipe même des contraintes des traités qui lui interdisaient de prêter de l'argent aux Etats puisqu'elle le fait indirectement, au grand dam des Allemands les plus rigoureux.

Quant aux dispositions qui sont censées limiter l'endettement des Etats, vous soulignez vous-même qu'elles ne s'appliquent pas puisqu'"en 2014, le dette de six pays de la zone euros dépasse 100% de leur PIB."

D'un côté, vous reprochez à l'Europe d'être trop contraignante ; de l'autre vous regrettez que les Etats ne soient pas empêchés de s'endetter.
Pendant les huit longues années de l'ère Trichet, la BCE a imposé, napoléoniennement, sa doctrine à l'ensemble des pays de la zone euro, qui était celle de l'euro fort. Ce qui a eu pour conséquence directe d'enrichir les mafias du golfe investissant dans la pierre des capitales européennes, Paris en tête, et d'appauvrir les populations travailleuses (ouvriers mis au chômage, petits entrepreneurs et entreprises, dont de nombreuses PME, en quêtes de créneaux sur les marchés extra-européens obligés de fermer boutique ou de vivoter en attendant un retournement hypothétique de la conjoncture). La BCE, dirigée par notre compatriote Trichet, a ainsi été directement responsable, coupable, du marasme économique d'une dizaine de pays de cet espace monétaire. Voilà la démocratie économique à l'Européenne. La gouvernance économique de la zone euro est celle d'une oligarchie de fonctionnaires, incompétents, entêtés, dictatoriaux et pour certains gravement corrompus. Que le Zimbabwé, la Corée du Nord et Cuba épousent cette philosophie et sa monnaie n'est rien qu'ordinaire et dans l'ordre des choses.
Francis Marche, ce genre d'intervention de votre part me conduit à douter du sérieux de vos grandes synthèses historico-métaphysiques : si vous êtes aussi léger dans l'analyse des faits historiques que dans celle des textes juridiques, alors vos synthèses ne sont que du vent (ou si vous préférez, comme disait un de mes maîtres, du pédalage sur un vélo sans chaîne).

Vous écrivez "Pendant les huit longues années de l'ère Trichet, la BCE a imposé, napoléoniennement, sa doctrine à l'ensemble des pays de la zone euro, qui était celle de l'euro fort."

Or, l'article 219 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) [eur-lex.europa.eu] confie la responsabilité de la politique de change au Conseil Ecofin, c'est-à-dire aux ministres des finances de tous les Etats membres de la zone euro. Et le traité subordonne les décisions du Conseil au respect de l'impératif de stabilité des prix inscrit dans ces mêmes traités, de sorte que le Conseil Ecofi ne saurait imposer à la BCE la mise en oeuvre d'une politique de change qui favoriserait une baisse de la valeur de l'euro pour avantager les exportations de la zone européenne.

Et, en pratique, ni le Conseil Ecofin, ni la BCE n'ont d'objectif de change officiel pour l'euro dont la parité avec les autres monnaies est définie par les marchés. La zone euro a un double régime de change : fixe en interne, librement flottant vis-à-vis du reste du monde.

Autrement dit, le taux de change de l'euro n'est pas fixé a priori par la BCE mais est le résultat des politiques monétaires, budgétaires et économiques qui doivent être conduites dans la zone euro selon les principes consacrés dans les traités signés et ratifiés par les Etats.

Et c'est justement parce que le nouveau président de la BCE a réussi à jouer avec la lettre de ces traités qu'il est parvenu à mettre en oeuvre une politique de rachat des titres de dettes des Etats à laquelle nul ne songeait au moment de l'adoption des traités. Cette décision aboutit à une création monétaire considérable qui a pour effet de faire baisser l'euro sur les marchés. Elle n'a été rendue envisageable qu'à la suite d'une crise mondiale majeure et par l'apparition d'un risque de déflation qui pèse sur la zone et qui n'existait pas pendant "l'ère Trichet"

Cette décision est compatible avec le traité car elle n'a pas pour effet, pour le moment, de créer de l'inflation sachant que l'article 119 TFUE dispose que la politique monétaire et la politique de change uniques doivent avoir pour "objectif principal (...) de maintenir la stabilité des prix et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans l'Union, conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre."

Autrement dit, ce n'est que dans la mesure où l'objectif de stabilité des prix n'est pas mis en cause que le Système européenne de Banques centrales peut prendre des décisions qui ont un autre objectif que la stabilité des prix, comme, par exemple, celui de lutter contre le chômage par des dépenses publiques.

Trichet n'a donc jamais fait qu'appliquer sérieusement les textes que les Etats avaient négociés, rédigés, signés et ratifiés, textes que vous devriez vous donner la peine de lire avant de les interpréter et de juger de l'action des institutions chargées de les appliquer.

Mais sinon, bien sûr, à part ça, il ne s'agit que de questions d'intendance qui n'ont aucune importance...
M. Pellet, laissons de côté si vous le voulez bien ce que vous appelez mes "grandes synthèses historico-métaphysiques" que vous m'avez annoncé par ailleurs ne pas vouloir lire. Ne jugez pas de textes que vous refusez de connaître et n'insinuez rien sur leur valeur au risque de mettre votre propre crédibilité intellectuelle et morale en danger.

Les contenus des traités européens sont une chose, la manière de les appliquer et de les interpréter en est une autre. La Chine communiste, qui enferme et torture ses opposants, est dotée de la Constitution la plus humaniste et éclairée qui soit. La différence entre les textes fondamentaux, les traités que signent les Etats et la conduite des affaires s'appelle la politique. Et du reste vous êtes bien d'accord avec moi sur ce point puisque vous écrivez : "Et c'est justement parce que le nouveau président de la BCE a réussi à jouer avec la lettre de ces traités qu'il est parvenu à mettre en oeuvre une politique de rachat des titres de dettes des Etats à laquelle nul ne songeait au moment de l'adoption des traités". Si le nouveau président de la BCE a fait, avec les mêmes traités, ce que son prédécesseur s'était obstinément refusé de faire, c'est bien que la politique de la BCE supplante le contenu des traités, ou à tout le moins que la volonté et les choix politiques de ses présidents successifs peuvent produire un effet décisif sur le cours de l'économie européenne n'est-ce pas ? et partant vous conviendrez que ce que j'ai écrit sur l'attitude dictatoriale et "napoléonienne" de M. Trichet n'est aucunement invalidé par le contenu desdits traités et les divers mécanismes qu'ils prévoient.

La grave crise financière de 2008 a été suivie de trois années de gouvernance Trichet, durant lesquelles lui et son équipe n'ont pas bronché dans leur vision d'un euro artificiellement fort. Nul doute que ces hauts fonctionnaires menant une existence internationale et intercontinentale avaient tout lieu de se féliciter d'être rémunérés en une monnaie qui se tenait dans une fourchette de parité au dollar centrée sur 1,36, cependant que les économies des pays de la zone dont ils contrôlaient la monnaie sombraient dans le marasme et creusaient les déficits de leurs balances commerciales. Nul doute aussi que les émissaires des pays du Golfe voyant leur pétrole rémunéré en Europe 1,36 fois plus qu'en zones dollars, avaient eux aussi tout lieu de se féliciter -- et de féliciter ces hauts fonctionnaires européens comme il se doit -- de cette situation, et de se réjouir de voir la valeur de leur pierre parisienne grimper à des hauteurs stratosphériques grâce à la BCE, ou en tout cas, protégée par elle de tout déclin.

Telle fut ce que j'appelle l'ère Trichet, fort heureusement révolue mais très tardivement.

Quelques articles de presse, de Valeurs Actuelles à Libération, sur la "vision" de l'euro qu'entretenait Trichet et ses conséquences sur le fait économique européen:
[www.liberation.fr]

[lexpansion.lexpress.fr]

[www.valeursactuelles.com]#
En mentionnant vos synthèses historico-philosophiques, je ne visais que celles que chacun peut lire ici à peu près quotidiennement. Je n'ai pas dit d'ailleurs qu'elles étaient dénuées d'intérêt mais que votre façon de raisonner sur les sujets que je connais un peu me conduisait à m'interroger sur le sérieux de la méthode que vous utilisez sur les thèmes qui ne me sont pas familiers.

Après avoir comparé les procédés de la BCE dirigée par Trichet à ceux de Napoléon, vous rapprochez maintenant les traités européens de la Constitution de la Chine communiste... Cette façon de faire, que je ne qualifierai pas, vous dispense de surcroît de toute analyse sérieuse des textes et de leur application.

Vous reprochez à Trichet de n'avoir pas fait avant l'heure du Draghi. C'est doublement absurde.

D'abord, le président de la BCE ne prend pas seul les décisions dans le domaine monétaire : c'est le Conseil des gouverneurs (articles 283§1 TFUE) qui se compose des six membres du Directoire et des gouverneurs des Banques centrales nationales des pays de la zone euro et l'article 10 du protocole n°4 sur le statut du SBCE et de la BCE précise que, sauf disposition contraire prévue par les statuts, "les décisions des gouverneurs sont prises à la majorité simple des membres ayant droit de vote" : ce n'est qu'en cas de partage des voix que celle du président est prépondérante.

Or, pour des raisons évidentes, aucune décision ne pouvait être adoptée alors sans l'accord des représentants de la Banque centrale allemande dont chacun sait qu'ils ont toujours voulu faire une application la plus rigoureuse possible des traités. Trichet ne peut donc être tenu pour responsable de la doctrine de l'euro fort dont vous dites qu'elle a été imposée par la BCE "napoléoniennement, (...) à l'ensemble des pays de la zone euro".

D'autre part, au moment de la crise de 2008, la BCE, présidée par Trichet, a su prendre les mesures d'urgence (prêts massifs aux banques commerciales, participation à la Troïka, etc.) qui ont contribué à sauver la zone euro du désastre.

Puis, comme la crise allait reprendre et se transformer en déflation durable, le nouveau président. Mario Draghi a réussi un coup de poker en faisant reconnaître la conformité aux traités de la politique d'achat des titres publics, contre l'opposition de l'Allemagne dont le juge constitutionnel avait saisi le juge européen (CJUE) pour faire interdire cette politique ! L'avocat général de la CJUE a ainsi jugé que le programme des « opérations monétaires sur titres » de la BCE est, en principe, compatible avec le TFUE, donnant ainsi un feu vert provisoire à la mise en oeuvre de cette politique [curia.europa.eu]

Le reste est littérature journalistique mais puisque vous aimez le genre : [www.lemonde.fr]

Pour en revenir au premier sujet que j'évoquais et puisque vous aimez les comparaisons imagées, je conclurai ainsi : le problème n'est plus de savoir s'il faut monter dans le TGV européen mais s'il faut prendre le risque d'en descendre soudainement alors qu'il est lancé à pleine vitesse sur un pont qui surplombe une profonde crevasse. Question triviale d'intendance ?...
Trichet, a su prendre les mesures d'urgence qui ont sauvé la zone euro du désastre

Mario Draghi a réussi un coup de poker

N'est-ce pas merveilleux ! Les traités européens qui régissent la zone euro sont des modèles de perfection démocratique dans leur conception et leurs mécanismes ! Les hommes qui gouvernent la Banque centrale européenne sont des audacieux, des avisés, des chefs aux vues pénétrantes, au geste décisif, des habiles, des jongleurs, des gagneurs (M.D. a réussi un coup de poker), des augustes qui ont l'humilité de mettre leur génie désintéressé au service du bien public communautaire !

Il reste que les deux pays européens qui, pour n'être ni dans la zone euro ni dans l'UE n'ont pas la bonne fortune de bénéficier de ces traités et mécanismes qui font l'envie de tous et dont vous vous faites le chantre, et ne peuvent ainsi profiter de l'art incomparable et de la sagesse immense des hommes qui président ou ont présidé la BCE, ces deux pays, savoir la Suisse et la Norvège sont les seuls du continent à ne pas cumuler déficits, endettement abyssal, chômage de masse et autres plaies économiques communes au continent; et que de tous les pays de l'UE, les meilleurs résultats économiques et monétaires sont obtenus par ceux qui n'appartiennent pas à la zone euro : je vous invite à comparer les chiffres, lesquels ne sont pas "de la littérature de journaliste", de la dette publique de la France avec ceux de trois de ces pays européens hors zone euro --- Grande-Bretagne, République Tchèque, Suède, en utilisant le petit comparateur en ligne sur le site des Echos : ces trois pays ont tous des dettes publiques (en % du PIB) inférieures à celle de la France. Comparez ensuite et successivement les chiffres de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal, de la Belgique et de l'Autriche par exemple à ceux de ces trois pays : même contraste, même si l'Autriche est à un niveau sensiblement le même que celui du Royaume-Uni (à 90% du PIB), cependant que le déficit public de la République tchèque est à 45% seulement.

[data.lesechos.fr]


Voyez comme l'économie est injuste, et ingrate envers ces hommes d'exception, qui donnent généreusement de leurs talents, que dis-je, de leur génie et n'épargnent aucun effort, aucun scrupule pour produire des performances économiques qui s'obstinent perversement à ne point se concrétiser pour les récompenser ! Comme la nature économique est mal faite ! et pour tout dire, indigne de l'UE et de sa monnaie !

Vous traitez avec morgue mes comparaisons avec la Chine, mais je n'en retire rien : vous ressemblez, dans votre défense de l'usine à gaz de ces mécanismes sur lesquels vous ne vous lassez jamais de pédagogiser, à ces économistes soviétiques pour qui les politiques et institutions soviétiques étaient si parfaites, si vertueuses, si parfaitement et si démocratiquement conçues que, lorsqu'elles ne produisant que de la misère et du malheur cela ne pouvait être que de la faute du réel lui-même, qui s'entêtait à ne pas se plier aux visions géniales dont ces institutions étaient porteuses.

Les institutions de l'UE ont rarement été comparées à celles de la Chine, mais ne vous déplaise, elles l'ont souvent été à celles de l'Urss, et à vous lire, on en perçoit le bien-fondé.
Pardonnez-moi de me répéter mais "D'un côté, vous reprochez à l'Europe d'être trop contraignante ; de l'autre vous regrettez que les Etats ne soient pas empêchés de s'endetter."

Sinon, à part ça, la Suisse est une agence bancaire et la Norvège vit de la rente pétrolière : vos comparaisons sont toujours aussi pertinentes...

Enfin, une fois encore, le problème n'est plus de savoir s'il fallait entrer dans la zone euro mais s'il faut en sortir aujourd'hui.

"Mais bon", comme on dit en Suisse justement...

Ajout pour répondre à votre ajout : si j'ai bien compris, le fait de vous apporter la contradiction est un procédé stalinien ?
Et la République tchèque, qui fait 45% sur l'échelle de l'endettement par rapport au PIB, quand nous en sommes à dépasser les 100%, elle est quoi ? une autre agence bancaire, un vaste champ pétrolifère ?
Ah oui, votre art fameux de la comparaison : la République tchèque au 50è rang de l'économie mondiale comparée à l'Allemagne (5ème rang) et à la France (8è rang)...

[fr.wikipedia.org]
Je ne pensais pas avoir à vous l'apprendre : la République tchèque est un ancien pays du bloc soviétique qui a vingt-deux ans d'âge (indépendante en janvier 1993) et qui a rejoint l'UE en 2004 seulement, quand ses deux partenaires que vous mentionnez furent des empires et des puissances économiques de premier plan pendant deux siècles au moins et des nations fondatrices du Machin dont vous chantez les louanges, et de sa zone euro, dont la Rép. tchèque a eu la présence d'esprit de s'exclure. Le 50ème rang pour cette république et une dette publique de moitié moindre que celle des deux autres représentent pour elle une performance très éclairante de la justesse de ses choix monétaires et politiques, et qui donne un relief particulier à la déchéance historique des deux autres.
Mais enfin comment pouvez-vous comparer ces deux catégories d'Etats (la France et l'Allemagne d'un côté, la République Tchèque de l'autre), sur le seul rapport de leur dette publique, indépendamment de leur développement économique (mesuré notamment par le PIB) et social (système de santé et de protection sociale), de leur responsabilité politique, militaire et diplomatique (défense nationale, arme nucléaire, OTAN, etc.), de leur dimension géographique et démographique ? L'endettement de l'Allemagne est de trente points supérieur à celui de la République Tchèque et vous en tirez la conclusion que la première est dans un processus de déchéance historique par rapport à la seconde...! C'est complètement absurde.

Vous condamnez les règles financières de l'Union européenne qui reposent sur le principe d'une limitation de l'endettement public, mais vous faites comme si un endettement excessif était "en soi" le signe d'un déclin. Or, la dette publique française actuelle est comparable à celle qui était la sienne à la fin XIXè siècle. Les Etats-Unis sont aujourd'hui plus endettés que la France et pourtant ils sont la première puissance mondiale...

Comment voulez-vous que je ne finisse pas par avoir quelques doutes sur le sérieux de vos grandes synthèses historico-philosophiques ?
Monsieur Pellet,

Les résultats économiques de la zone euro sont insensibles à la beauté formelle des usines à gaz juridiques dont vous vantez les mérites. L'économie n'obéit pas au juridique. Vous êtes assez intelligent pour le comprendre mais trop entêté pour l'admettre, d'où le vice de ce débat avec vous.

Votre argumentaire "Trichet a sauvé la zone euro" est une absurdité profonde : on a créé une chose dont personne n'avait besoin, qui n'avait été réclamé par aucun peuple, puis, pour que cette chose absurde, non souhaité, non nécessaire soit "sauvée", les hommes à qui l'on en a confié les commandes déploient des prouesses d'ingéniosité technique que vous nous invitez à admirer. La métaphore du pompier pyromane, qui après avoir incendié la campagne entreprend de forcer l'admiration de ses victimes par les efforts surhumains qu'il déploie pour contenir l'incendie et les dégâts s'impose à l'esprit.

Le bilan de la BCE en général et de Jean-Claude Trichet en particulier est chiffrable et il est incontestable, éloquent et écrasant, il vous est donné par le comparateur des déficits publics et de presque tous les indicateurs économiques pertinents des pays concernés : Tous les pays de la zone euro souffrent des mêmes maux économiques à des degrés comparable et tous les pays de l'UE qui ne sont pas dans la zone euro montrent de meilleurs résultats économiques. En deuxième lieu, les deux pays européens qui ne sont ni dans l'UE ni dans la zone euros sont épargnés par le mal économique déflationnaire qui affecte les autres pays européens. Votre mauvaise foi qui vicie ce débat m'oblige à vous renvoyer en boucle à ce comparateur qui dit tout ce qu'il y a à dire sur les mécanismes financiers de l'EU et de sa zone euro.

Quelles preuves de plus apporter de l'inanité des politiques de la BCE pendant dix ans et du caractère profondément nuisible des dispositifs juridiques de la finance européenne et de l'action des hommes qui les commandent ?

Encore une fois, je vous prie de laisser à la porte de cette salle de discussion virtuelle les doutes que vous dites entretenir sur des travaux miens qui n'ont pas à être évoqués ici et de réserver vos manoeuvres dilatoires pour d'autres publics.
Ce n'est pas Trichet qui a créé le système de la zone euro, ce sont les chefs d'Etat et de gouvernement qui ont négocié et signé les traités que les parlements (en Allemagne par ex. ) ou les peuples (référendum en France par ex;) ont ratifié et que les responsables de la BCE ont la charge d'appliquer.

Je n'ai jamais dit que la construction de la zone euro était satisfaisante : je n'ai fait que condamner l'idée selon laquelle il fallait en sortir maintenant

Concernant la complexité du système de Banques centrales européennes, vous pourriez en dire autant sinon plus du système américain ou... du système de l'étalon-or !

Si vous lisiez un jour les conventions qui liaient la Banque de France à l'Etat avant la création de la zone euro, vous vous lamenteriez de la complexité des textes, comme vous le faites en découvrant celle des textes européens. D'ailleurs, la loi et la convention d'application de 1973 donnent lieu à des analyses complètement délirantes de la part du camp "souverainiste" qui reproche absurdement à ces textes d'avoir interdit les avances de la Banque au Trésor dans le but de favoriser les banques privées et notamment la Banque Rothschild dont Pompidou avait été un dirigeant. Cela peut vous consoler, vous n'êtes pas le seul à traiter d'un sujet sans prendre la peine de lire les textes ou sans parvenir à les comprendre.

Sinon, comme l'on peut dire que l'action de Roosevelt a sauvé, au moins momentanément, le système américain dans les années Trente, alors que les premières mesures (sauf une) de Hoover avaient eu pour effet d'aggraver la crise, il faut rendre grâce à la BCE, présidée par Trichet, d'avoir su coordonner son action avec la Réserve fédérale américaine pour sauver le marché interbancaire lors de la crise de 2008.

Mais je n'ai jamais dit que Trichet avait été un homme providentiel : c'est vous qui en avez fait une sorte de Napoléon au petit pied. Moi, j'ai seulement dit que la BCE, lorsqu'il l'a présidait, avait su prendre des mesures d'urgence pertinentes au moment de la crise de 2008 et j'ai insisté sur le caractère collectif des décisions alors prises (puisqu'elles le sont par le Conseil des gouverneurs).

Enfin, oui Draghi, au sein de la BCE, a su obtenir une majorité pour faire admettre une interprétation des traités à laquelle nul ne pensait au moment de leur ratification et à laquelle les représentants de la Banque centrale allemande étaient fortement opposés. Cette politique, qui a reçu un feu vert provisoire de la part de l'avocat général de la CJUE, peut servir à éviter le risque de déflation mais il n'est pas certain du tout qu'elle réussisse faute d'une relance au niveau européen, puisque les gens de votre sorte sont opposés à la création d'un véritable budget et trésor européens (et, partant, d'une défense européenne).

Je vous laisse à vos comparaisons du "déclin" de l'Allemagne avec le succès de la République Tchèque, de la zone euro avec (successivement) le Zimbabwe, la Corée du Nord, Cuba, la Suisse, la Norvège,... des traités européens avec la Constitution chinoise et le système soviétique, de Trichet avec Napoléon, etc.
Monsieur du Masnau et Monsieur Marche ont bien raison : ce machin est un échec total, les Anglais ont été bien plus malins que nous en gardant la livre ils sont pourtant dans l'Europe !
Bon, là, j'crois que c'était le mot de la fin qu'on attendait tous.
(j'sais pas comment il fait Camus)
Voici une interview de Bernard Maris à propos de l'euro.

Depuis plusieurs semaines, vous expliquez dans Charlie Hebdo que vous avez changé d’avis sur la monnaie unique et que la France doit quitter la zone euro. Pourquoi ce «coming out», selon l’expression d’un journaliste du Point ?

Il est temps de faire le bilan. Le couple franco-allemand est devenu un leurre et la zone euro va mal. L’euro est en usage comme monnaie de compte depuis 1999 et il a été mis en circulation en 2002. Si l’on regarde l’histoire économique de la France depuis quinze ans, on voit qu’il y a un basculement très net et un effondrement. L’euro a créé le contraire de ce qu’il devait créer. Il devait favoriser l’unité politique et l’intégration des économies. Or, il a créé une désagrégation économique et une désintégration politique.

Quel est l’intérêt des Allemands à un euro fort ? Pourquoi est-il bénéfique à leur industrie alors que, selon vous, il a détruit l’industrie française ?

L’industrie allemande est en amont et la nôtre est en aval. Nous sommes soumis à la concurrence internationale et à la mondialisation tandis que les Allemands fournissent les machines pour produire des avions ou des automobiles. Cela leur permet de fixer les prix. Par ailleurs, le renchérissement de la monnaie n’est pas un problème pour l’Allemagne. Chaque fois que l’euro se réévalue, les Allemands répondent par une augmentation de la qualité, notamment grâce aux conditions de négociation salariale. L’euro a été mis en place en échange de la réunification allemande, mais la façon dont la réunification s’est produite a été une faute majeure. L’Allemagne s’est immédiatement tournée vers son «hinterland» (Tchécoslovaquie, Pologne…). Elle a fait fabriquer hors zone euro, avec des salaires très faibles, et a assemblé en Allemagne. L’euro fort profite aux Allemands même s’ils arrivent au bout d’un cycle. Ils ont laminé les économies en Europe et se tournent de plus en plus vers la Chine, le Brésil ou les Etats-Unis. D’une certaine manière, la zone euro les intéresse moins, comme en témoigne leur commerce extérieur majoritairement hors zone euro. Surtout, ils ne veulent pas d’un euro que l’on pourrait, comme le dollar, piloter à la baisse ni d’une BCE qui serait contrôlée par le Parlement. En fait, l’euro est le nouveau nom du deutsche mark. La France est aujourd’hui en déflation avec 0,4 % de croissance quand les Allemands sont à 1,4 et les Autrichiens à 1,9 %. La politique de l’euro fort pour une économie comme la nôtre conduit inévitablement à la déflation.

Comment sort-on de la zone euro ? Avec une monnaie commune servant de référentiel aux différentes monnaies nationales ? Quels en seraient les avantages ?

Ce serait la meilleure solution. Si l’on veut vraiment préserver la zone économique européenne des Etats-Unis ou de la Chine, il faut une monnaie que l’on puisse piloter à la baisse comme le font les autres puissances. On peut imaginer un double euro avec un euro unité de compte et des euros nationaux qui fluctueraient : un euromark, un eurofranc, etc. Mais ces derniers ne seraient pas convertibles directement sur les marchés de change internationaux. On passerait par une conversion interne qui limiterait la spéculation. Un retour simple au franc provoquerait une fuite des capitaux et une spéculation contre le franc. La double convertibilité limiterait grandement les attaques contre les monnaies. Cela soulagerait aussi les intérêts de notre dette.

Selon les défenseurs de la monnaie unique, quitter l’euro entraînerait de l’inflation, de la spéculation, une chute du pouvoir d’achat, un appauvrissement national…

Pour la France, il y aurait en effet des conséquences négatives comme des risques de spéculation et d’hémorragie des capitaux, une forte inflation et une baisse du pouvoir d’achat, mais il y aurait à court terme une très forte reprise des exportations ainsi qu’une baisse du chômage et un désendettement rapide du pays par la croissance. Les capitaux reviendraient rapidement et la dévaluation ferait fondre notre dette de 20 à 30 %. L’euro fort nous a coûté un million de chômeurs. Même des économistes libéraux de droite comme Jean-Jacques Rosa ou Alain Cotta dénoncent la monnaie forte. Aujourd’hui, le triomphe de la Corée du Sud repose sur une monnaie faible. Les Chinois et les Américains ont aussi une monnaie faible. Combien de temps va tenir la Grèce ? Elle est entrée dans une spirale déflationniste avec une baisse des prix de 4 %. Une grave crise spéculatrice va survenir dans la zone euro car une économie ne peut pas vivre à 0 % pendant dix ans…

Vous dites que l’alternative est de sortir de façon coordonnée et en douceur de l’euro ou bien d’attendre le tsunami financier qui fera éclater la zone euro à la prochaine crise de spéculation contre la Grèce, le Portugal, l’Espagne, la France ou l’Italie.

L’euro a été sauvé au prix de l’austérité, d’une hausse des impôts, d’une baisse du pouvoir d’achat… Lors de la prochaine crise, les gens ne croiront plus que les Etats sauveront l’euro. Ils feront jouer les contrats CDS, c’est-à-dire les contrats d’assurance sur les dettes. Or, les banques n’auront pas les fonds pour honorer ces contrats. Ce sera une crise majeure.

Vous connaissez l’argument massue des partisans de l’euro : le contester ou pire appeler à sa disparition vaut d’être assimilé à Marine Le Pen

Oui, on est alors catalogué extrême gauche douteuse ou extrême droite. On n’a pas le droit de réfléchir sur l’euro. C’est un débat interdit d’une certaine manière. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Peut-être parce que s’interroger sur l’euro revient à constater l’échec tragique de la zone monétaire dans la construction européenne. On oublie que par le passé il y a eu de nombreuses zones monétaires qui n’ont pas tenu. Pour qu’une zone soit viable, il faut un budget commun, une fiscalité commune, une mobilité du capital et du travail. Les Etats-Unis ont mis un siècle pour avoir une monnaie unique. Mais il a fallu un budget fédéral correspondant à presque 20 % du PIB. Le budget de l’Union européenne s’élève à 1 %… Je me sens européen parce que je considère que face aux Etats-Unis, la Russie, la Chine, nous pouvons être une puissance et que nous avons une histoire, une culture. Puis, j’étais assez fier lors de la naissance de l’euro, mais maintenant si c’est pour ficher en l’air la France, cela m’intéresse beaucoup moins.
21 mars 2015, 06:41   B.a.-ba d'analyse technique
Quoi qu'il en soit, ces choses sont bien mystérieuses, et les voies économiques de la "zone euro" demeurent plus impénétrables que jamais. Je ne sais ce qu'il en est précisément en France, mais ici il est pas rare qu'on vous représente sans ciller que tout pourrait être pour le mieux, et que le quantitative easing offrira des courbes mieux que généreuses : avec des airs à faire pâlir d'envie les pythonisses les plus intrépides de l'In-nocence, l'on vous montre d'abord un schéma en < où la droite ascendante représente l'indice S&P 500, par exemple, tandis que la descendante le cours du dollar durant les dernières années ; puis l'on vous montre maintenant que le même angle exactement est ébauché en suivant cette fois le Stoxx 600 et le cours de l'euro dans les derniers mois.
Foncez, amis...
Bernard Maris a très bien posé le sujet même si je ne partage pas son analyse (le bilan n'est pas aussi négatif qu'il le dit) ni ne croit à sa solution (la sortie "coordonnée") qui n'est pas, cependant, celle que préconise le FN-MLP (une sortie unilatérale et un retour au franc) et qu'il critique ("Un retour simple au franc provoquerait une fuite des capitaux et une spéculation contre le franc.")

Encore une fois, toute la difficulté est de descendre du train en marche sans se tuer.

Il me semble qu'une "sortie concertée de l'euro" ne pourrait être lancée sans provoquer une crise majeure qui emporterait la "coordination". Pour ma part, comme Aglietta par exemple, je suis partisan d'un renforcement de l'UE par la création d'un véritable budget et trésor européens mais, du fait de la résistance des souverainistes de tous poils, la mise en application de l'idée paraît plus improbable encore que celle d'une sortie "maîtrisée" de la zone euro...

Quant au quantitative easing (achat par les banques centrales des titres de dette publique) c'est la seule mesure utile à court terme mais elle est assurément très dangereuse (création monétaire excessive).
Monsieur Changeur, vous n'avez rien compris. Monsieur du Gosplan qui m'a tenu la jambe dans ce fil -- et je reconnais pour ma part avoir commis l'erreur de tenir la sienne -- vous expliquera que ce qui compte, ce n'est pas la performance économique, nooooonnnn, mais le rang occupé par les pays dans le classement mondial des puissances économiques, voyez-vous ? Ce qui compte pour lui c'est que, la République tchèque, en dépit d'un déficit proportionnellement moindre de moitié des nôtres, pays de l'euro, ne pointe qu'à la 50ème place au plan mondial alors que la France est huitième, l'Allemagne cinquième. Vous lui objecterez que, tout de même, alors que la République tchèque, qui échappe à la gouvernance maison de la BCE, remonte le peloton mondial d'année en année, nous, la France, rétrogradons, et que, fait intéressant qui n'est probablement pas une coïncidence, notre pays a dû céder son rang cette année au Royaume-Uni, pays qui... mazette ! échappe lui aussi à la redoutable BCE, vous savez, cette institution dirigée par des hommes d'exception qui ont "sauvé la zone euro" dans la tempête financière de 2008, en pilotant le navire sans encombre au port de la déflation et de la récession généralisée.

Donc et en résumé vous lui ferez observer que la Rép. tchèque est deux fois moins malade du déficit que nous et que d'autre part elle progresse au rang mondial quand nous régressons au profit d'un autre pays européen, soit le Royaume Uni qui, comme la Rép. tchèque, est hors zone euro. Vous verrez alors Monsieur du Gosplan se gratter un instant le menton et jaillir avec une réponse qui vous clouera le bec : "nous régressons un peu, certes, mais faut voir que si nous cédons notre place au Royaume Uni dans le classement mondial eh bien c'est que ce foutu pays est A LA FOIS la Suisse et la Norvège : la City de Londres est une succursale bancaire (son mot, à propos de la Suisse) et un pays de rente pétrolière (son autre mot à propos de la Norvège) par le pétrole écossais de la Mer du Nord. Et il vous aura ainsi renvoyé dans les cordes, avec l'ensemble du réel. Ce qu'il faut bien comprendre : pour Monsieur du Gosplan, l'UE et sa BCE ont raison et c'est le réel qui a tort. Tant que vous n'avez pas bien saisi ce principe, vous n'avez pas compris l'économie et la finance selon Monsieur du Gosplan.

Ce fonctionnement mental est bien connu des observateurs et spécialistes de l'Union soviétique, c'est lui qui a présidé aux destinées de ce pays jusqu'à sa chute finale en 1991.

Sur le classement mondial des PIB et la rétrogradation de la France derrière le Royaume Uni : [www.journaldunet.com]
Monsieur Marche, j'ai d'abord cherché ce que Monsieur du Masnau avait pu dire et je me suis finalement rendu compte que Monsieur du Gosplan était Monsieur Pellet.

Je dirai à celui-ci que son quantitative easing est une façon moderne et anglomaniaque de désigner la planche à billets ni plus ni moins.

Je lui dirai aussi qu'il y a un grand adage pour quiconque a eu à gérer ses affaires et non seulement l'argent des autres : on ne rattrape pas un couteau qui tombe.

J'aime les dictons.
Non seulement on ne rattrape pas un couteau qui tombe mais lorsque le choix s'impose entre sauter du train en marche au risque de se blesser et laisser le train fou se précipiter dans l'abîme en tuant sûrement tous les passagers qui se seront refusé de le quitter pour avoir fait confiance à l'équipage conducteur incompétent et dépassé, c'est la première option qui est la bonne. La manière et le moment du saut hors du convoi du désastre doivent faire alors la seule préoccupation, le seul problème à résoudre du passager conscient de ce que font ce train et son équipage qui le conduit sans savoir, qui perd des minutes précieuses à tourner fébrilement les pages d'un manuel de procédures techniques de 2500 pages tandis que la locomotive s'emballe dangereusement dans les courbes et ignore tous les signaux.
Très juste, l'image de Francis Marche !
Il y a quand même une absurdité dans ce débat sur la zone euro dont on n'a pas encore pleinement pris la mesure et qui n'est pas sans parenté avec celle qui touche tout débat sur l'immigration et ses conséquences : des hommes, que je veux bien reconnaître comme d'exception (Trichet, Draghi, etc.) déploient, nous dit-on, des trésors d'ingéniosité pour sauver la zone euro sans que personne, chez ceux qui nous invitent à les admirer et à soutenir leur action, ne soit le moins du monde effleuré par le fait que si cette zone euro n'avait pas existé, on n'eût point eu besoin de mettre en oeuvre des efforts surhumains, une ingéniosité hors du commun pour la sauver ! Comment peut-on nous inviter à nous incliner devant une prouesse qui consiste à sauver une chose dont on n'avait pas eu besoin et dont on se passaient très bien, et de laquelle ceux qui en sont privés se portent mieux que ceux qui en sont encombrés ?

Là gît une absurdité déjà rencontrée dans des discussions sur un tout autre sujet, soit les efforts des gouvernements successifs de la France en matière de "politique de la ville", de "politique d'intégration", de promotion, etc. des populations issues d'une immigration non souhaitée, non nécessaire, imposée à l'existant comme une fatalité incontournable. Le discours est le même : il faut tout faire et toujours continuer de tout faire pour accommoder une situation présentée, narrée, "vendue", pédagogisée, comme constituant un a priori kantien incontournable, fatal, allant dans le sens de l'histoire. Et tous de plaider -- lors des campagnes électorales en particulier -- pour la reconnaissance de tout ce qui a été fait et continuera d'être fait, à grands frais de financements et d'efforts divers des populations pour traiter les problèmes que pose la chose inutile et inutilement à soi imposée.

Cette absurdité est totale, elle n'est pas seulement idéologique ou politique, elle est de l'ordre de l'essence de l'absurde et de l'aveuglement européen sur lui-même (son histoire européenne, ses besoins européens, sa nature européenne).
En effet. C'est comme couper la jambe à un homme qui, marchant fort bien sur ses deux pieds, ne vous avait rien demandé, puis s'ingénier à lui fabriquer une magnifique prothèse.
Comment peut-on nous inviter à nous incliner devant une prouesse qui consiste à sauver une chose dont on n'avait pas eu besoin et dont on se passaient très bien, et de laquelle ceux qui en sont privés se portent mieux que ceux qui en sont encombrés ?

"Voilà", comme disait mon grand-père, le bon sens fait homme. La nature absurde des menaces, aussi, a de quoi faire réfléchir: "Vous allez voir ce que vous allez voir si on vous retire ce qui vous pourrit la vie !"

En outre, on se gratte la tête en écoutant les commentaires qui accompagnent les effets immédiatement et concrètement positifs de la dépréciation de l'euro: "C'est bien, mais en fait, non, ça ne l'est pas." (Je comprends qu'il s'agit d'un débat entre courts et longs termistes, mais quand même).
Citation
André Page

Et je crois probable aussi ceci : un gouvernement Ump adoptant une posture vigoureuse contre l’immigration, compte tenu de la mort de Le Pen ou en tout cas de son effacement relatif devant sa fille, rendra intenable la politique Ump de non-alliance électorale avec le Fn. Il y aura des alliances au niveau local, et probablement aussi, pour les élections législatives (la forme minimale de l’alliance consisterait, là, à réserver le second tour aux deux candidats arrivés en tête) : la vie politique française sera de nouveau organisée en deux camps, avec, dans chacun, plus d’un parti, comme il est naturel avec les institutions que nous avons.

J'avais écrit ce qui précède.
Il me semble maintenant que je m'étais trompé : j'avais mal estimé le nouveau rapport de forces et ses conséquences.
Par rapport à 2012 et antérieurement, le Fn a beaucoup monté, et la gauche beaucoup baissé. Cela est probablement une donnée assez durable de la vie politique.
Avec un rapport de forces de type 2012, la difficulté principale de l'Ump est de gagner au second tour. Pour cela, elle a besoin des voix Fn. L'alliance électorale avec lui est donc naturelle.
Avec un rapport de forces de type 2015, la difficulté principale de l'Ump est d"accéder au second tour. A une présidentielle, elle aura normalement contre elle un candidat centriste (alors que dans l'élection qui vient d'avoir lieu l'Udi était alliée à l'Ump et le Modem était pour l'essentiel absent et secondairement était également allié à l'Ump). Il est donc difficile au candidat Ump de parvenir au second tour, concurrencé qu'il est à la fois par le Fn et par le Ps.
Par contre, parvenu au second tour, si c'est contre Marine Le Pen (comme il est probable), il est assuré de gagner. Si c'est contre le Ps, il est en très bonne position aussi, notamment parce qu'une partie des électeurs Fn voteront pour lui (on a remarqué (aux municipales) que l'électeur Fn, quand le Fn est exclu du second tour, se déplace souvent pour voter Ump quand cela peut changer le résultat ; en revanche, quand l'Ump a gagné d'avance, il reste chez lui).
Et le succès à la présidentielle assure le succès aux législatives ayant lieu dans la foulée...
Mais comment parvenir au second tour de la présidentielle ? Etre dans une relation d'alliance électorale avec le Fn peut, certes, faire que l'Ump prenne des voix au Fn. Mais ça lui en fait perdre au centre. Et il est très probable que ça lui en fait perdre plus au centre que ça ne lui en fait gagner sur le Fn.
D'où le refus de l'alliance et le discours du "ni...ni"...
Pour crédibiliser cette posture, de façon croissante l'Ump doit abandonner la posture de dénonciation du Fn au nom de la République et de l'antiracisme (de ce point de vue, parler des partis républicains serait pour elle une erreur) et doit passer à une critique de la démagogie d'une part, et de l'hostilité à l'intégration européenne d'autre part (et c'est ce qu'a fait Nicolas Sarkozy au soir du premier tour : "le Fn, qui a le même programme que l'extrême gauche et qui a applaudi à la victoire de l'extrême-gauche en Grèce") (le Ps, lui, évidemment, ne peut pas dénoncer le Fn comme un parti d'extrême gauche, puisqu'il est lui-même allié de l'extrême gauche : ne lui reste que la dénonciation au nom de la République, et celle effectuée au nom de l'Europe).
Que peut faire le Fn ? Il pourrait, évidemment, être moins démagogique, et moins hostile à l'intégration européenne.
Mais il est probable qu'il y perdrait des voix - il est peu probable que ses gains électoraux ne soient en rien dus à son inflexion démagogique et à sa posture anti-européenne.
Que peut-il espérer ?
Il me semble que continuer gagner des voix, et exercer ainsi une pression indirecte sur le gouvernement, surtout si celui-ci est Ump, est déjà pas mal et est assez confortable.
Il me semble aussi que le Fn peut espérer se trouver au deuxième tour de la présidentielle (de 2017, ou de 2022) face à un socialiste. Ses chances de gagner seront alors non négligeables... Gagner les législatives qui suivraient serait, cela dit, très difficile.
Je me rappelle cette proposition lue par moi il y a longtemps dans la revue Commentaires, sous la plume, je pense, du politologue Pierre Martin (spécialité : étude des systèmes électoraux et des modes de scrutin) : un scrutin majoritaire à n tours tend à organiser la vie politique en deux camps et deux puissance n partis.
Aux E.-U., au R.-U., un tour, donc deux partis, un par camp. En France, deux tours, donc quatre partis, deux par camp.

Il me semble que la proposition vraie est plutôt : un scrutin majoritaire à un tour tend à organiser la vie politique en deux partis, un scrutin majoritaire à deux tours n'a pas tellement d'effets structurants sur le champ politique.

Explication : aux E.-U. ou au R.-U., un électeur d'un tiers parti est très souvent plus loin d'un des deux grands partis que de l'autre. D'où un phénomène de vote utile, qui bride le vote pour un tiers parti.
En France, il y a le premier tour, qui permet d''exprimer sa prédilection. Ensuite, l'électeur dont le parti ne concourt plus peut toujours exprimer sa préférence relative pour un des deux qui restent. D'où la possibilité qu'existent plus de deux camps.
Mais alors, comment expliquer ce qui s'est passé dans les premières années de la Vème République ? Il y a avait pas mal de camps :
1 Gaulliste.
2 Droite non gaulliste (en 1965, Tixier-Vignancourt).
3 Centre (en 1965, Lecanuet)
4. Socialistes.
5 Communistes.
Progressivement, les trois premières composantes se sont alliées, de même les deux dernières.
Il me semble que l'explication est à chercher dans la prédominance des gaullistes (de l'ordre de 40% des voix), et aussi dans la faiblesse du Centre. Pour vaincre les gaullistes, les socialistes n'avaient pas d'autre choix que l'alliance électorale avec les communistes. Cette redoutable alliance, à son tour, a naturellement conduit à l'alliance des gaullistes et des composantes 2 et 3 (regroupées dans l'Udf).
Cela dit, l'alliance au centre a été rêvée et tentée par certains : en 65, Deferre aurait voulu être le candidat des socialistes et du Centre, en 69, Guy Mollet souhaitait la victoire de Poher. Celui-ci élu, même en gardant même mode de scrutin, une tripartition aurait été concevable : droite, communistes, et une alliance électorale de centre-gauche, autour des socialistes et du centre. (La biographie de Mendès France par Lacouture indique que Mendès France était à la fois partisan du scrutin majoritaire à deux tours et de l'alliance de centre-gauche ; cela m'avait paru contradictoire : je comprends maintenant que ça ne l'était pas absolument).
La force des gaullistes a rendu ce genre de configuration peu facile à réaliser et a conduit à la bipartition.

Tout ceci pour dire que la tripartition actuelle paraît pouvoir durer (et n'être pas seulement transitoire, comme la tripartition anglaise lors des années du remplacement du Parti libéral par le Parti travailliste, dans les années vingt et trente).
L'électeur Ump du premier tour est animé par la pensée que, si son parti parvient au second tour, très probablement il l'emportera.
L'électeur socialiste du premier tour est animé par la pensée que, si son parti parvient au second tour et si son adversaire est alors le Fn, il a des chances de l'emporter.
Symétriquement, l'électeur du Fn...
Et chacun des trois sait que, si son parti manque l'accès au second tour, il aura encore la possibilité d'exprimer une préférence relative pour un des deux partis qui resteront en lice...
Bref : pour chacun de ces trois électeurs, le vote pour son parti de prédilection est aussi un vote utile. Il n'y a que pour les plus petits partis que l'effet de vote utile joue négativement : l'électeur dont la préférence va au Pc ou aux Verts peut être tenté de voter pour le principal parti de son camp - actuellement le Ps. De même pour un électeur du centre (qui est plus proche de l'Ump que de la gauche puisque celle-ci, bien que dirigée par le Ps, comprend aussi les communistes), le vote Ump de premier tour peut sembler nécessaire.
Ajoutons que, à ce niveau du Fn, il pourra emporter de très nombreuses mairies (dans des triangulaires, à la proportionnelle avec prime de 50% à la liste arrivée en tête), qu'il pourra emporter des régions (à la proportionnelle avec prime de 25%), et qu'il aura des députés européens nombreux (il sera par contre, désavantagé dans les conseils de département et à l'Assemblée nationale puisque ils procèdent de scrutins majoritaires à deux tours).
Le Fn aurait pu se dire : en matière d'immigration, l'opinion de l'électeur Ump est proche de celle de l'électeur Fn, et l'électeur Ump est obligé de reconnaître que c'est le Fn qui a introduit le thème de l'immigration dans le débat politique. Ce thème est donc notre point fort, c'est lui que nous devons mettre en avant, et sur le reste, nous devons être proche de l'Ump. Ainsi, l'électeur Ump sera tenté de voter Fn, et aussi la posture anti-Fn de l'Ump deviendra de moins en moins tenable.
(Cette posture du Fn aurait correspondu à mes idées personnelles).
Il a choisi de parler relativement peu d'immigration, et d'être
. démagogue
. en matière sociale assez à gauche (égalitaire/étatiste)
. hostile à l'euro
. hostile au libre-échangisme européen au point d'évoquer la sortie de l'Ue comme une solution

Cela lui a très bien réussi : à chaque élection, il gagne des voix. Evidemment, on peut dire qu'il aurait gagné des voix de toute manière, et qu'il les gagne en dépit de cette stratégie. C'est quand même peu probable.
L'explication évidente du phénomène est que, si l'hostilité à l'euro est minoritaire dans l'opinion en général, si l'hostilité à l'Ue par hostilité à son libre-échangisme est minoritaire dans l'opinion en général, et si la démagogie du Fn ne convainc pas l'opinion en général, il y a cependant une minorité de l'opinion qui est sensible à ces positions. Minorité qui ne se trouve pas particulièrement à l'Ump, et qui se trouve souvent chez les abstentionnistes.

La première stratégie aurait cherché à "marquer" le camp le plus proche du sien. Elle a pour équivalent, en bipartition, la "course au centre" des deux camps (par exemple, aux E.-U., chacun des candidats essaie de paraître aussi centriste que possible, après des primaires où il est allé souvent très loin du centre pour obtenir l'investiture de son camp).
La stratégie effectivement suivie a été beaucoup plus offensive, et plus créative. Plus offensive, car elle n'est pas allée chercher l'électeur se trouvant dans le parti le plus proche du sien ; plus créative, car elle a pris des positions qu'on attendait peu du Fn (l'égalitarisme/étatisme), ou qui n'étaient à peu près défendues par aucun parti (l'hostilité à l'euro ; l'hostilité radicale au libre-échangisme de l'Ue).

Il est clair que le Fn va continuer d'utiliser cette stratégie : puisque elle a très probablement contribué à ses succès.
Ce qu'on peut se demander, c'est s'il ne va pas penser qu'il a intérêt à continuer la même ligne, mais en mettant de nouveau au premier plan l'immigration. Selon le raisonnement suivant : nous avons acquis une identité nouvelle, maintenant que c'est fait, nous pouvons remettre l'accent sur le thème qui est le plus porteur pour nous, notamment du fait de la montée du terrorisme islamiste et de la visibilité extrême de l'immigration illégale par Lampedusa. Changer de thème principal, par ailleurs, évite de lasser l'opinion, et déconcerte les adversaires : au moment où la presse et l'Ump cessent de dénoncer le caractère immoral (anti-immigrationniste) du Fn pour dénoncer les conséquences économiques funestes de son programme, remettre au premier plan l'anti-immigrationnisme est jouer avec un coup d'avance.
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