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La revanche du nationalisme, de Taguieff

Envoyé par André Page 
J'ai lu, qui vient de paraître, de Pierre-André Taguieff, La revanche du nationalisme (Néopopulistes et xénophobes à l’assaut de l’Europe).

A vrai dire, le livre m’a assez peu intéressé : trop abstrait pour moi.
Mais il m’a fait comprendre quelque chose, qui probablement est évident pour beaucoup, mais que je n’avais pas vu.
Prenons les quatre questions suivantes :
L’immigration.
L’intégration européenne.
L’euro.
Le libre échange.

Il me semblait évident que la position d’un citoyen sur chacune de ces quatre questions devait être indépendante de sa position sur les autres : sur chacune de ces question, me semblait-il, il faut regarder quel est notre intérêt, et se situer en conséquence.

Je ne voyais pas que, sur chacun de ces points, il est question de l’identité nationale. Et qu’un Français particulièrement attaché à la nation (appelons ceux-ci les nationaux ou les nationalistes) ne se positionnera pas simplement en fonction de ce qu’il perçoit être l’intérêt économique. Il tendra à être opposé à l’immigration parce qu’elle altère la nation (à moins qu’il n’y soit favorable pour avoir une France puissante parce que fortement peuplée), à être opposé à la construction européenne, à être opposé à l’euro, à être opposé au libre-échange. Certes, s’il pense que sur un de ces points il est de l’intérêt économique de la France d’avoir la position inverse de celle vers laquelle il tend, il pourra arbitrer en ce sens, mais enfin il y aura conflit.
Inversement, il existe des Français qui sont anti-nationaux (anti-nationalistes) : ils se méfient de la nation et du nationalisme. Par exemple, parce qu’ils voient dans le nationalisme la source de la guerre, ou parce qu’ils se sentent Européens avant d’être Français, ou même Occidentaux avant d’être Européens, ou même citoyens du monde et cosmopolites (ou parce que, Juifs, ils sont éloignés du camp nationaliste français parce que celui-ci a été antisémite, ou en tout cas, parce qu’un attachement à leur judéité les retient de devenir des Français nationaux : par exemple, leur besoin d’appartenance communautaire étant satisfait dans la judéité, ils regardent la nation sans affectivité particulière).
Ces anti-nationaux vont réagir à l’inverse des nationaux : intérêt économique mis à part, ils vont tendre à être favorable à l’immigration, à l’intégration européenne, à l’euro, au libre-échange.
Bien entendu, d’ailleurs, sur ce genre de questions qui ont une incidence économique extrême, chacun, selon sa pente, va avoir tendance à croire que la position vers laquelle il tend est, en plus, de l’intérêt économique de la France.

En d’autres termes : il y a une cohérence politique dans les positions du Fn : la sensibilité politique qui mène le plus naturellement à s’opposer à l’immigration, même aussi assez naturellement à être hostile à la construction européenne, hostile à l’euro, hostile au libre-échange.
Mais bien entendu, on peut être de même position que le Fn sur un de ces points, ou plusieurs de ces points, ou sur tous ces points, sans être nationaliste. (Par exemple, personnellement je suis anti-nationaliste, européen, atlantiste, libre-échangiste ; et hostile à l’immigration musulmane et noire).

On dira peut-être que le lien entre le libre-échange et les autres points est un lien assez ténu. Qu’est-ce que ça peut bien faire à un membre du camp national que les Français importent et exportent beaucoup, ou bien qu’ils le fassent moins ? Mais c’est ne pas voir ceci : le libre-échange, ça veut dire que la compétition internationale fait la loi en France ; le protectionnisme, ça veut dire que certains Français font des sacrifices pour les autres : ça veut dire le primat de la communauté nationale

On dira peut-être que je découvre ce que chacun sait. C’est possible en effet : ma distance envers le nationalisme est si grande que je n’avais même pas vraiment pris conscience du fait que certains peuvent avoir tendance à être hostiles à la construction européenne, à l’euro, au libre-échange, avant toute considération d’intérêt économique.

Cela dit, évidemment, les nationalistes, comme les autres, sont sensibles à l’intérêt économique, et il est évident qu’il faut discuter des conséquences économiques des positions du Fn, même si l’on comprend que le frontiste attache à ces positions aussi une valeur indépendante de l’intérêt économique qu’il leur prête.


Un point de détail sur lequel je me suis instruit : le slogan « ni droite ni gauche » du Fn, assumé par Marine Le Pen dans une interview de juin 2013, je le situais dans la mouvance du fascisme, sans me rendre compte qu’il fait partie de la rhétorique gaulliste.
Taguieff : « La formule n’est pas neuve. Mais sa référence historique est désormais le gaullisme plutôt que le maurrassisme. […] Indicateur classique des programmes de rassemblement national, la conjonction négative « ni droite ni gauche » vaut tout autant pour marquer le rejet du « Système ». » [à vrai dire, il me semble que Maurras se considérait comme étant de droite, et que, dans la mouvance Action française, si ce slogan est utilisé, il l'est au sens de : ni la gauche, ni la fausse droite : droite authentique [nous]]
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