Où l'on trouve un portrait psychologique saisissant du Régent (Philippe d'Orléans) en président François Hollande, et quelques considérations intemporelles sur "le charme de la culbute" et l'art d'y céder :
Tout au long du XVIIIe siècle se déploie le spectacle envoûtant d'une société vermoulue, préfiguration de l'humanité arrivée à son terme, à jamais guérie de tous les lendemains. L'absence d'avenir, cessant alors d'être le monopole d'une classe, s'étendrait à toutes, dans une superbe démocratisation par la vacuité. Il n'est pas nécessaire de fournir un effort d'imagination pour se représenter ce stade ultime : plus d'un fait en donne l'idée. Le concept même de progrès est devenu inséparable de celui de dénouement. Les peuples de partout veulent s'initier à l'art d'en finir, et ils y sont poussés par une telle avidité que, pour la satisfaire, ils rejetteront n'importe quelle formule susceptible de la freiner. Au bout du siècle, se dressait l'échafaud; au bout de l'histoire, on peut se figurer un décor d'une autre ampleur.
Toute société que flatte la perspective de sa fin succombera aux premiers coups; démunie de tout principe de vie, sans rien qui lui permette de résister aux forces qui l'assaillent, elle cédera au charme de la culbute. Si la Révolution a triomphé, c'est que le pouvoir était une fiction et le "tyran" un fantôme : elle s'est littéralement battue contre des spectres. Du reste, une révolution, quelle qu'elle soit, ne l'emporte que si elle se trouve aux prises avec un ordre
irréel. Il en va de même de tout avènement, de tout grand tournant historique. Les Goths ne conquirent pas Rome mais un cadavre. Le seul mérite des Barbares fut d'avoir eu du flair.
La haute corruption au début du siècle, le Régent en fut le symbole. Ce qui frappe tout d'abord chez lui, c'est son manque complet de "caractère". Il traitait les affaires d'Etat avec la même désinvolture que les affaires privées : les unes et les autres ne l'intéressaient qu'en fonction des bons mots qu'elles occasionnaient. Aussi inconstant dans ses passions que dans ses vices, il s'y adonnait par nonchalance et comme par incuriosité. Incapable d'aimer comme de détester, il vécut en deçà de ses dons qui étaient multiples mais qu'il dédaignait de cultiver. "Sans suite dans rien, jusqu'à ne pouvoir pas comprendre qu'on en pût avoir", il était, ajoute Saint-Simon, d'une "insensibilité qui le rendait sans fiel dans les plus mortelles offenses et les plus dangereuses; et comme le nerf et le principe de la haine et de l'amitié, de la reconnaissance et de la vengeance est le même, et qu'il manquait de ce ressort, les suites en étaient infinies et pernicieuses".
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La Révolution fut provoquée par les abus d'une classe revenue de tout, même de ses privilèges, auxquelles elle s'agrippait par automatisme, sans passion ni acharnement, car elle avait un faible ostensible pour les idées de ceux qui allaient l'anéantir. La complaisance pour l'adversaire est le signe distinctif de la débilité, c'est-à-dire de la tolérance, laquelle n'est, en dernier ressort, qu'une
coquetterie d'agonisants.