Le site du parti de l'In-nocence

De la Fabrique matricielle : des choses et des hommes-choses

Envoyé par Francis Marche 
La fabrique des objets et la fabrique de l'homme ne font plus qu'un : l'éducation des hommes doit servir la Fabrique, et la Fabrique des hommes indifférenciés qui produit l'homo soupiens, l'homme-soupe, mixé et recruit, affranchi d'appartenance, de filiation et de territoire, condamne celui-ci à vivre, consommer et fabriquer sans jamais sortir de la matrice artificielle qui engendre des choses et des hommes-choses

[www.in-nocence.org]


à ceux qui en douteraient encore :

Comment mieux préparer les élèves à la vie professionnelle? En commençant par rapprocher l'école avec le monde du travail, estime Christiane Demontès, ex-sénatrice socialiste du Rhône dans son rapport sur les partenariats avec le monde économique présenté vendredi à la ministre de l'Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem. Sur quarante propositions, l'ancienne élue socialiste en dégage huit «particulièrement structurantes» pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes en rapprochant l'Éducation nationale des entreprises.
Parmi les propositions les plus emblématiques figure celle d'intégrer dans la formation des chefs d'établissement et des inspecteurs la réalisation d'un stage d'une semaine en entreprise, dans le cadre des deux semaines d'immersion déjà au programme. Particulièrement destinée aux principaux de collège, la mesure concernerait ainsi environ 700 personnes chaque année. Christiane Demontès préconise de mettre en œuvre la mesure d'ici avril 2016.
Un stage dès la classe de seconde

Ce resserrement des liens entre l'Éducation et l'entreprise serait incarné par un dispositif, «l'Enseignant pour l'entreprise». Ce programme permettrait le détachement d'enseignants, de personnel de direction ou d'orientation dans des entreprises pour une période allant de un à six mois. Ces fonctionnaires seraient chargés d'évangéliser le monde de l'entreprise sur l'organisation du système éducatif. Ils pourraient également assurer un tutorat de proximité avec les stagiaires. A l'issue de ce détachement, ils deviendraient des «référents entreprises» au sein de leurs établissements.
Afin de mieux anticiper les besoins des acteurs économiques, Christiane Demontès préconise également de mettre en place des «conseils sectoriels nationaux» dans l'enseignement supérieur. Le but de ces structures, qui seraient créées d'ici à la prochaine rentrée de septembre, est de renforcer la lisibilité de l'offre de formation, et de la réformer après avoir consultation des professionnels des secteurs concernés. Les élèves seraient également plus aux prises avec le monde de l'entreprise. Christiane Demontès propose ainsi de permettre à un élève de seconde générale et technologique de faire un stage pour leur permettre de débuter un projet d'orientation scolaire et professionnelle.


[www.lefigaro.fr]
Utilisateur anonyme
03 novembre 2015, 20:47   Re : De la Fabrique matricielle : des choses et des hommes-choses
« Ces fonctionnaires seraient chargés d'évangéliser (sic) le monde de l'entreprise sur l'organisation du système éducatif.  »

Evangéliser sur ???
What the heck does that mean?

Hormis cela, rien de très neuf il me semble. « Rapprocher l'école de l'Entreprise » (cette dernière étant considérée comme une sorte de déité aux contours mal définis), n'est-ce pas là l'une des plus vieilles lunes, l'une des plus vieilles tartes à la crème de la bureaucratie éducative ? On fait déjà moisir — une semaine, un mois, un an — d'innombrables élèves chaque année « dans l'Entreprise ». Alors sept cents principaux de plus dans cette pantalonnade, concédez que ce n'est pas grand-chose.

Leurs merveilleux rapports de stage viendront s'ajouter aux milliers de rapports de stage que produisent déjà les élèves. Et ces rapports, après avoir passé cinq ou dix ans dans des placards, finiront eux aussi par être brûlés, faute de place. Mind you, cela fait tourner l'industrie du papier A4 et de la cartouche d'encre. Et puis ça occupe le monde. C'est toujours une excellente chose, que d'occuper le monde.
No one gives a rat about what it means or could mean. That's the whole point you see. Le topos : L'éducation n'est plus rien que l'éducation à l'entreprise. La fabrique de l'homme, dont elle est la propriété, née de l'homme, de ses idées en débordement de la nature et désormais, dans les discours gouvernementaux tel celui donné supra, le fabriquant, réalise la Matrice. Dans cette matrice, le sens, qui bute partout contre les parois de la coque matricielle n'a plus aucun besoin d'avoir un sens, une direction, un référent extérieur, il peut devenir brouhaha, zonzonement. L'école aura son entreprise de référence et l'entreprise son école de référence ; l'imbrication du dispositif, l'Un matriciel, dont tous les points, toutes les émanations de sens renvoient à eux-mêmes dans l'huis clos fabricant n'aura plus même besoin d'avoir un nom. Comme en philosophie taoïste, il sera innommable puisqu'il sera tout.
Les contours de l'avilissement des hommes, en se précisant, en se découpant avec plus d'acuité que jamais, confèrent à cet avilissement l'aspect du neuf.

Voilà ce qui se donne à lire comme "très neuf" dans cet article de presse : l'abandon de tout simulacre d'humanisme. Les Lumières vous renvoient ouvertement, officiellement, aux ténèbres de la fabrication totalitaire : des objets et des hommes tout en un.
Utilisateur anonyme
04 novembre 2015, 01:22   Re : De la Fabrique matricielle : des choses et des hommes-choses
Les Lumières vous renvoient ouvertement, officiellement, aux ténèbres de la fabrication totalitaire : des objets et des hommes tout en un.

L'homme ne sera plus jamais une parcelle inquiète et séparée du tout totalitaire qu'il pressentait, la Machine faisant pièce à la fragmentation gênante. Cette affaire, qu'on peut dire "métaphysique", est donc définitivement réglée. Cool.
Utilisateur anonyme
04 novembre 2015, 01:39   Re : De la Fabrique matricielle : des choses et des hommes-choses
Hormis cela, rien de très neuf il me semble. « Rapprocher l'école de l'Entreprise »

Il me semble, à moi aussi. C'est même du vieux-très-ancien-du-temps-jadis-d'avant, on pourrait dire.
C'est un peu comme cette vieille affaire de "fin de l'histoire", à laquelle nous ramène la citation de Derrida sur Hegel transcrite hier dans le fil sur le "surmâle migrateur" :

[à propos de Hegel] Pour peu qu'on lise et qu'on en fasse autre chose qu'un – disons ici précisément – un demeuré, il va de soi que la fin de l'histoire et de la philosophie ne signifie pas pour Hegel une limite factuelle après laquelle le mouvement de l'histoire se serait stoppé, arrêté, mais que l'horizon et l'ouverture infinie de l'historicité est apparu comme tel.

Le règlement métaphysique intervient comme définitif quand à force de l'annoncer, on prend conscience, toute l'humanité prend conscience et s'unifie sur un constat pourtant ancien, pourtant vieille lune, usé jusqu'à la corde d'avoir été longtemps pressenti et annoncé : fin de l'histoire et aboutissement de la totalité ne sont marqués dans le temps et dans l'espace d'aucune borne factuelle nouvelle mais dans l'apparition à la conscience que l'infini est là, dans l'ipséité et l'hiccéité d'une matrice véritablement enclose comme le serpent : l'homme a fabriqué la fabrique qui le refabrique dans l'entière commutabilité du sens (point d'agent qui ne soit agi par son objet et par conséquent plus de sujet ni d'objet mais un univers qui désormais s'auto-engendre).

La Raison alors, a toujours raison : s'éduquer à l'entreprise revient à engager une haute éducation de soi, en devient s'éduquer à soi puisque la fabrique, propriété sanctifiée de l'homme, est aussi le tout de l'homme incréé/à-créer.
La parole de De Villiers revient ici en mémoire : il n'y a pas complot; tout est en pleine lumière, tout est enfin dit et posé sur la table. Le gouvernement l'annonce sans rougir, fièrement, la totalité est enfin traçable dans l'air d'un geste elliptique qui embrasse le réel : la fabrique des petits crétins qu'est l'Education nationale se déclare enfin une destination : l'entreprise, soit la fabrique des objets pour petits crétins. La boucle ouverte qu'était l'Education nationale (ouverte car sans destination arrêtée, formateuse de petits crétins pour rien) rejoint la boucle ouverte qu'était la fabrique (ouverte sur l'incertitude de ses marchés) et se noue à elle. Deux boucles s'interpénètrent et vont s'entr'alimenter en formant une sorte de figure en huit, de ruban de Möbius, signe de l'infini.
L'école serait encore capable de fabriquer quoi que ce soit ?? J'avais cru comprendre qu'elle n'était plus capable de rien, de rien transmettre, inculquer, enseigner, préparer, ni même, a fortiori, formater ou uniformiser, seulement laisser les choses en l'état, n'être que le passage inefficient ou la friche ressort plus en friche que jamais, l'informe aussi informe (peut-être plus) qu'à l'arrivée.
Dans ces conditions, la soupçonner de pouvoir encore faire œuvre totalitaire en pliant les esprits ductiles d'innocents et tendres élèves aux moules idéologiques des besoins matériels du moment, ce serait quand même redorer son blason et lui rendre un certain prestige en la réputant d'avoir quelque débouché sur le réel, et de faire preuve d'efficacité dans l'enseignement et la formation, serait-ce au "monde du travail". Le cas échéant, ce serait même plutôt une bonne nouvelle, car dès lors qu'on possède encore la méthode (d'inculcation), tous les espoirs sont permis, il suffirait de changer de contenu, de soft, en gardant la structure.
Mais est-ce le cas ? D'après certaines rumeurs persistantes, non ; d'ailleurs on peut se demander s'il y a quelque sens à évoquer des entreprises de "fabriques totalitaires de l'homme" quand les institutions chargées de les mettre en œuvre sont d'autre part si notoirement incompétentes : en principe, toute forme de totalitarisme est redoutablement efficace.
Ce qui me frappe le plus, ici comme souvent, c'est bien le côté répétitif, vieillot, psittaciste de toutes ces prétendues innovations proposées, qui déroulent d'infinies variations sur des thèmes qui furent plus ou moins neufs dans les années soixante (j'ai failli écrire "du temps de Rousseau ou de Montaigne") et qui ne sont aujourd'hui qu'un signe d'épuisement intellectuel et idéologique : la machine à fabriquer du changement est en panne, ses roues continuent à tourner, mais à vide, comme celles d'un véhicule retourné.
à Alain:

Ce "vieux" totalitarisme se sait inefficace, sa novation ici est que le sachant, il se radicalise pour se refermer dans la conscience affirmée de soi. Le gouvernement l'annonce, conscient de tout ce dont tout le monde a conscience : assez d'inefficacité ! faisons désormais la même chose mais en le verrouillant comme système, et, en l'occurrence système clos, créateur thermodynamique de lui-même -- désormais plus un seul petit crétin formaté ne doit échapper à la Fabrique des choses qui doit nous aider en retour à parachever le petit crétin mal formaté par nos soins insuffisants et qui du reste n'étaient insuffisants que par un défaut de complétude fabricante.

Avant cela, le système avait du jeu, avec une énorme déperdition d'énergie, un grave défaut d'efficience. Son verrouillage est la nouveauté. La fin de l'histoire ouvre des horizons de perfection infinie. Se mordre la queue dégage des perspectives d'avenir inépuisables.
La nouveauté : quand le vieux système dépourvu d'effectivité (terme français qui pour certains auteurs [*], traduit bien l'entelecheia d'Aristote) se proclame, de ce jour, systématique, affiche enfin son entéléchie au linteau de la boutique. La totalité alors, sorte de cocotte-minute anaérobie, peut s'instaurer et être pour de bon, dans le durable et le pérenne, le ver du multivers se mordre enfin et pour toujours la queue en uni-vers.

-------------------
[*] Annick Stevens, dans ses notes à l'édition Pléiade de la Métaphysique.
Mais enfin, Francis, concrètement, comment un système qui encadre si peu ses éléments, lesquels deviennent même totalement incontrôlables, pourrait-il les formater par quoi que ce soit, à quelque fin que ce soit ? Est-ce que la situation réelle dans les écoles, nombre d'entre elles en tout cas, n'est pas déjà bien au-delà de l'entropie, la déperdition étant telle qu'on ne peut même plus parler de "système", et donc encore moins de son "bouclage" ?
Il me semble que la pauvre députée peut bien vouloir ce qu'elle veut et tirer tous les plans entéléchiques* qu'elle imaginera sur la comète, l'anomie et l'irrégularité réelles sont telles que tout cela n'aura aucune espèce de conséquence, et Marcel a bien raison de parler de véhicule retourné, les roues de toutes ces navrantes velléités tournant parfaitement à vide, tout véhicule, comme d'ailleurs les discours, ayant besoin de la friction au sol pour avancer un peu...

* Je crois que l'entéléchie dans le sens que disent vos auteurs est plutôt de Leibniz que d'Aristote : pour ce dernier, il s'agit d'un état, point d'un principe d'effort ou d'un processus : mot à mot en latin, c'est la perfectihabia, l'"avoir de la perfection", qui désigne l'"acte accompli par opposition à l'acte en train de se faire, et la perfection qui résulte de cet accomplissement." (Lalande)
Cher Alain, la fin de l'histoire, son accomplissement-aboutissement donc, son effectivité sue, consciente et donnée pour telle, n'est point événementielle, elle n'est marquée d'aucune borne factuelle, comme s'appliquait à l'expliquer le jeune Derrida discourant sur Hegel. Dès lors, cette fin de l'histoire événementiellement vide, n'est plus rien que l'assignation à l'histoire d'une fin/finalité. L'incertitude, la déperdition (le "jeu" inefficace) prennent fin dans l'instauration d'une finalité nouvelle ; advient alors la fin de l'histoire, événement de la conscience.

Vallaud-Belkacem sanctionne la fin de l'histoire de l'éducation nationale dès lors qu'elle lui assigne une mono-finalité, une vocation circulaire qui est de fabriquer des petits crétins à fournir à la Fabrique des choses elles-mêmes destinées aux petits crétins. La double destinée (objective et subjective) de la fabrication est accomplie. La boucle étant bouclée, la finalité de l'éducation étant pleine, Rousseau peut dormir en paix : l'estompe agaçante des limites entre éducation et fabrique de l'homme, entre fabrique des choses et fabrique de l'homme-chose, n'est plus, est tranchée, s'est abolie dans un circuit clos en lequel il n'est pas plus d'incertitude que d'histoire ou de tracé progressif. La circularité est non progressive.

Cette valeur de l'entéléchie-efficience, cet accomplissement et grande jonction avec la permanence et la circularité d'un mouvement, ce destin plein, cette mort des processus me paraissent congruents avec le sens que donnent à l'entéléchie ces commentateurs d'Aristote. Mais je vous confie le soin d'affiner cela, ou de le corriger.
» Dès lors, cette fin de l'histoire événementiellement vide, n'est plus rien que l'assignation à l'histoire d'une fin/finalité

N'est-ce pas la forme de l'énoncé performatif appliquée à la fin des temps, ou l'eschatologie à la portée de tous, pourvu qu'ils désirent quoi que ce soit ? L'on voit bien la divine Vallaud-Belkacem brandissant le foudre fatidique et faisant en la défaisant l'histoire , l'Histoire, et celle de l’Éducation nationale en particulier, rien de moins, et frémit de constater à quel point les cieux rasent désormais la moindre parcelle de sol...
Espérons que le réel soit un peu plus indépendant que cela.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter