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" Quand on perd un ami, c'est peut-être qu' il dort ..."

Envoyé par Bruno Féral 
J' apprends ce jour la mort de David Bowie.
Utilisateur anonyme
11 janvier 2016, 10:07   Re : " Quand on perd un ami, c'est peut-être qu' il dort ..."
Qui est-ce ?
Un pote à Hendrix et à Michel Delpech.
Utilisateur anonyme
11 janvier 2016, 10:12   Re : " Quand on perd un ami, c'est peut-être qu' il dort ..."
Quel snob, cet Afchine ! J'adore.

Il faudra tout de même qu'on nous explique, et sans incriminer la seule entreprise d'abrutissement, pourquoi David Bowie a touché plus d'oreilles (à commencer par les miennes) que n'a fait Pierre Boulez avec ses propres compositions.
Parce que, tout comme moi, vous faites partie de la grande masse des sous-culturés pous lesquels un peu de susucre sur la langue suffit à leur grossier bonheur!
On a parfaitement le droit de ne pas aimer, et même de mépriser, l'artiste de show-biz Bowie. C'est mon cas. Moi, qui par ailleurs aimait bien Lou Reed, Patti Smith dans ma jeunesse, et même le groupe de punk-rock britannique Magazine, figurez-vous.

La musique de Bowie me dépasse, tout simplement.

Je ne saisis toujours pas ce qu'il faut aimer, goûter ou vénérer là-dedans. Un peu comme Elton John, dont la popularité, le "succès", restent pour moi un mystère abyssal.

Les compositions de Boulez, même en supposant ou en admettant que je ne les comprenne pas davantage, au moins possèdent un authentique pouvoir de fascination, à tout le moins celui de m'intriguer, de faire naître en moi une saine curiosité...
pourquoi David Bowie a touché plus d'oreilles que n'a fait Pierre Boulez

Tout simplement parce que le plan Marshall prévoyait entre autre chose, la mise à mort de la culture européenne, et son petit remplacement. Ainsi, le petit remplacement, ça fait fait belle lurette qu'il a commencé: sur RTL par exemple, la radio qui ne passe Jacques Brel qu'en version David Bowie (à lire au premier degré, dixit Jacques Lang, les nocturnes d'RTL).

Quant à Pierre Boulez... il n'avait qu'à faire comme René Girard. Il n'avait qu'à aller enseigner à Stanford au lieu de partir à Baden Baden. Il nous serait revenu par leur entremise.
Malheureusement, les Américains, la musique de Boulez, c'est pas trop leur truc, même les élites lui préfèrent Johnny Cash.
Et moi aussi.
Désolé mais je ne crois pas avoir jamais entendu, en tout cas de façon consciente, une chanson de cet homme. Je me souviens en revanche l'avoir vu dans Furyo, un film d'Oshima. Il y jouait un prisonnier anglais détenu dans un camp japonais et tenant tête au commandant dans une relation ambiguë assez intéressante.
Ceci dit, à titre personnel, Bowie et et tout son carnaval ne m'ont jamais intéressé.
Le personnage, et toute la collection tape-à-l'oeil des travestissements dont il s'affuble, ne me passionnent guère.
Sur un plan strictement musical, on a souvent du mal, me semble-t-il, à le démarquer de la musique la plus commerciale qui soit.
Pourtant on nous dit que c'est un artiste aux multiples facettes, mélangeant avec talent variété, pop music, art contemporain, théâtre,etc. Qui sait ?
12 janvier 2016, 09:29   Fredonner
"Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,"

Un air de Boulez, qui s'empare de vous au saut du lit et vous accompagne tout au long de la journée... Qui en a fait l'expérience grossière ? C'est que, voyez-vous, la musique ne fait pas que s'écouter religieusement, elle se fredonne, se chante intérieurement, se sifflote, donne la cadence, l'élan et l'allant et cela ses compositeurs ont su le donner jusqu'à l'aube du XXème siècle où les savants n'ont plus eu d'airs et en ont abandonné le besoin humain aux mélodistes réputés "grossiers" du jazz et du rock et de la musique de variétés. Ils ont déserté, tant pis pour eux.
Dans le même registre, vous me rappelez Comte-Sponville qui déclarait à quelque-chose près : "Je donnerai tout Boulez pour un morceau des Beatles et tout les Beatles pour un lied de Schubert".
Il y a des musiques, qui, au moment même où on les écoute, ont ce pouvoir titanesque de nous persuader, avec une rare conviction, qu'on est en présence de la meilleure musique au monde possible.
Je suis d'accord avec Thomas Rothomago. On se souvient peut-être que j'ai toujours défendu ici l'idée d'une culture populaire de qualité. Et dans cette culture la chanson occupe, selon moi une place privilégiée. Comme le dit TR, elle se se fredonne à tous moments, se sifflote partout , passe de bouche à oreilles des milliers de fois.
La mémoire la retient et la garde facilement. Elle n'a besoin ni d'instrument, ni de salle de concert, mais seulement du système vocal donné par la nature à chacun, pour se diffuser partout. C'est pourquoi, elle contribue à façonner l'âme d'un peuple. Avec tout le respect et l'amour que j'ai pour la grande musique, je pense que celle-ci est moins à même de jouer ce rôle vital que la populaire. Toutes deux sont, bien sûr, nécessaires, la grande étant la cerise sur le gâteau. D'ailleurs, on en a souvent débattu sur ce forum, il est souvent bien difficile de tracer une ligne de démarcation nette entre l'une et l'autre. J'en veux pour preuve, entre autres, l'incroyable floraison de la chanson française de la fin de la guerre aux années, disons, 80. La plupart de ses auteurs étaient de fins connaisseurs en poésie et en musique à commencer, bien sûr, par Georges Brassens, et nombre de leurs chansons de petits bijoux où se concentrait le meilleur de l'esprit français. Or cette vague s'est tarie sous l'influence de la musique anglo-saxonne. Le peuple de France ne chante plus ''Français'' même si les textes sont encore, de moins en moins, dans cette langue et ce n'est pas un hasard s'il ne donne plus de noms français à ses enfants. Au reste, chante-t-il encore ? Un peuple qui ne sait plus se chanter, qui ne sait plus chanter ses femmes, ses enfants, ses paysages, ses histoires, ses espoirs, ses folies, qui ne sait plus chanter qu' ''étranger'' est un peuple qui s'efface en tant que tel. Et sans lui, pas de nation digne de ce nom. Si j'avais un peu de courage je copierais le magnifique hommage que le grand poète occitan Yves Rouquette, qui vient de mourir, a rendu plusieurs fois à cette chanson française dans certaines de ses chroniques de la "Dépêche du midi'', lesquelles, rassemblées dans un livre, viennent d'être publiées. Deux petits extraits pour en donner une idée (ce ne sont pas les meilleurs mais les plus courts) :

De Trénet :

''Moi qui savais tant de chansons de Trenet par coeur, je ne le verrais pour la première fois en scène qu'en 1952...Inoubliable. Salle comble.Un piano et lui. Il ne lui manque que des ailes à ses épaules pour qu'on le prenne pour un ange tombé du ciel en costume clair, oeuillet rouge à la boutonnière, chapeau mou en guise d'auréole, des yeux bleus qui fulgurent, des dents de nègre dans une face rose de perpétuel jeune homme. Son tour de chant est pétri de bonheur, de mélancolie, de folie débridée, d'humour féroce, de soudains attendrissements. Il a l'enfance au coeur et le futur en tête. Il déconne sur le dos de La Fontaine, de Dagobert de sainte Catherine, du petit cocu dont il tire let poils en baisant avec madame Clio, mal mariée, amante inoubliable. La salle n'est qu'éclats de rire avant de se plonger, émue, dans un silence à couper au couteau.''

De Nougaro :

''... On fut conquis du premier coup. C'était fort, c'était doux, c'était dur, c'était tendre.Ca rimait à chaux et à sable. Cette voix sans précédent dans la chanson française, cet accent du midi assumé sans complexe, non pour amuser mais pour émouvoir en disant vrai, en rêvant plus haut que son coeur, en tirant de sa vie, beaucoup plus que de sa culture littéraire, la matière de ses chants d'amour, d'admiration, de désespoir ou de révolte, cette voix redoublait la poésie de ses paroles.''

(Yves Rouquette était un ami cher. Il vient de mourir. J'ai voulu profiter de l'occasion pour parler un peu de lui.)
(Je viens de réaliser qu'il y a déjà un an qu'il est mort. Il me semblait que cela remontait à peine à quelques mois ...)

(Message modifié)
Un grand merci, chère Cassandre, pour l'ensemble de cette belle intervention, arrivant fort à propos.


Citation
Cassandre
Toutes deux sont, bien sûr, nécessaires, la grande étant la cerise sur le gâteau. D'ailleurs, on en a souvent débattu sur ce forum, il est souvent bien difficile de tracer une ligne de démarcation nette entre l'une et l'autre

Effectivement la musique dite savante s'est goulûment abreuvée à cette fontaine de jouvence, à la vitalité débordante, que représente le folklore d'un pays, d'une province, d'un heimat.
Chansons de geste et poésie chantée du Haut Moyen Âge semblent initier le mouvement. Combien de danses traditionnelles en tout genre ont inspiré cette grande musique. Cités tout à trac : menuet, bourrée, gavotte, sarabande, polonaise, valse, polka, mazurka, fandango, tarentelle, gigue, rigaudon, rondeau, bergamasque, sicilienne, troika, etc.
Outre les valses et mazurkas, même les marches militaires, entendues dans son enfance, ont inspiré Mahler.
Il me semble qu'avec la musique dodéca, initiée par l'Ecole de Vienne, intervient une rupture avec la sensibilité de Monsieur tout le monde, une césure avec notre humanité même. Comme si on voulait faire de nous des êtres uniquement de raison, dénués de toute sensibilité.
Si l'Art contemporain ne nous offre plus aucune espèce de transcendance, alors il est totalement superflu et inutile, car la plhilosophie lui est bien supérieure en ce domaine de la seule Raison.
Cher Daniel Teyssier

Rien de ce que vous écrivez ne peut surprendre quelqu'un qui a fait beaucoup de danse classique dans sa jeunesse. Combien de figures, de pas issus de danses populaires ont été intégrés dans le répertoire de cet art au point d'en devenir, eux-mêmes des ''classiques'' : pas de bourré, pas de basque, pas de czardas, de polka, de mazurka, de tarentelle, bondissements à la russe, entre autres rondes et tourbillons.
(J'en profite pour évoquer la figure de mon professeur de l'époque, le bourru, l'adorable vieux Léo Staats, ex danseur étoile et chorégraphe à l'opéra de Paris auquel un bel hommage a été rendu, l'année dernière, par cette maison à l'occasion de l'anniversaire de sa création et sur ''mezzo'' avant-hier soir ).
Citation

Chansons de geste et poésie chantée du Haut Moyen Âge

Des chansons de geste au haut Moyen Âge, vraiment ?
Ce n'est pas en ce sens qu'il fallait le comprendre.

Pastèques et châtaignes de l'Ardèche sont au menu.

La parole chantée : invention poétique et musicale dans le haut Moyen Age occidental.

Marie-Noël Colette
Prix conseillé : 70€
Utilisateur anonyme
14 janvier 2016, 07:36   Re : " Quand on perd un ami, c'est peut-être qu' il dort ..."
« semblent initier le mouvement »

« la musique dodéca, initiée par l'Ecole de Vienne »

Mais initier à quoi, au juste ?

« une rupture avec la sensibilité de Monsieur tout le monde »

Ah, ce fameux bonhomme, incarnation vivante de Dieu sur terre, et dont la sensibilité doit être à jamais l'aune de toute chose : je l'oublie tout le temps, celui-là !

« Si l'Art contemporain ne nous offre plus aucune espèce de transcendance »

Allez, hop, on met tout dans le même sac, ma p'tite dame : emballé, c'est pesé !
Utilisateur anonyme
14 janvier 2016, 07:43   Re : " Quand on perd un ami, c'est peut-être qu' il dort ..."
Bref, qu'on se le dise : ce qui fait en fin de compte la qualité d'une œuvre musicale, c'est la possibilité, pour l'homme de la rue (notre Maître en toute chose, ne l'oublions jamais), de la siffloter. C'est vrai, quoi, si on peut pas siffloter, bah c'est nul !

Tout le reste n'est jamais que fatras prétentieux pour une poignée d'intellectuels hautains, méprisants, élitistes (le mot est lâché), dépourvus de sensibilité (of course), qui ne comprennent rien à rien et frisent même, à bien des égards, la monstruosité.
« semblent initier le mouvement »
« la musique dodéca, initiée par l'Ecole de Vienne »

synonyme : lancer, amorcer.
Mutation sémantique due à l'influence malfaisante et diabolique de qui vous savez.

« Mais initier à quoi, au juste ? »

Mais à rien cher Monsieur, absolument à rien.
Initier est un verbe transitif direct.

« Ah, ce fameux bonhomme, incarnation vivante de Dieu sur terre, et dont la sensibilité doit être à jamais l'aune de toute chose : je l'oublie tout le temps, celui-là ! »

Eh oui ! Vous l'oubliez trop souvent. Peut-être le méprisez-vous aussi un peu, qui sait ?
Mais rassurez-vous il vous le rend bien, s'enfuyant à toutes jambes dès qu'il vous aperçoit.
Ainsi se trouvent squelettiques les effectifs d'un parti dont, eu égard à vos talents talibanesques, vous représentez bien mal l'appelation, me semble-t-il.

« Allez, hop, on met tout dans le même sac, ma p'tite dame : emballé, c'est pesé ! »

Padamalgame donc ! Alors que pourtant ce sont eux, artistes contemporains, qui se revendiquent et se qualifient ainsi, accordant le primat au concept et méprisant la réalisation de l'oeuvre dans un matériau sensible.
Utilisateur anonyme
14 janvier 2016, 09:56   Re : " Quand on perd un ami, c'est peut-être qu' il dort ..."
« Peut-être le méprisez-vous aussi un peu, qui sait ? »

Oui, et pour ça je mérite la mort (à tout le moins !)

« Mais rassurez-vous il vous le rend bien, s'enfuyant à toutes jambes dès qu'il vous aperçoit. »

Tant mieux, vu que je ne recherche pas énormément sa compagnie... Mais rassurez-vous : sa haine instinctive, totale et toujours sûre d'elle-même et de son bon droit, dépassera toujours amplement mon éventuel “mépris” pour lui.

« méprisant la réalisation de l'oeuvre dans un matériau sensible »

Encore une accusation de mépris — hormis cela, du charabia.

« Ainsi se trouvent squelettiques les effectifs d'un parti dont, eu égard à vos talents talibanesques, vous représentez bien mal l'appelation, me semble-t-il. »

Allons, c'est m'accorder beaucoup trop d'importance.
Bartok et les danses populaires roumaines : Bartok est mort à peu près seul, avec trois ou quatre personnes seulement pour suivre son cortège funèbre, dit-on. Cependant que les danses populaires roumaines sont festives, collectives, se dansent en nombre, exaltent la joie d'un groupe, etc..

Faut-il, parce que la musique de Bartok laisserait de marbre les Papous -- comme la poésie d'Alain Jouffroy, de Malcom de Chazal ou de Jean Tardieu, cependant que les mimiques de Mr Bean à la télévision les font se gondoler -- la rayer de la sphère artistique pour en revenir aux danses populaires roumaines seules ?

C'est la triste et consternante proposition de Daniel.

Vive Boulez ! et vive Bartok, et toute la merveilleuse musique imbitable du XXe siècle, et la divine seconde école de Vienne et tant pis pour les Papous et les guincheuses des villages roumains en sabots et en fleurs ! Qu'ils nous laissent enfin entre nous, les non-Papous !

[www.youtube.com]
14 janvier 2016, 11:55   Hardi !
Alors c'est parfait, nos vaillantes troupes partiront à la reconquête de leur territoire en entonnant un air de Boulez !
Quoi Thomas, vous voudriez partir à la reconquête du territoire en guinchant en sabots fleuris au son des flageolets ?

Nous sommes des grincheux, pas des guincheurs, le parti de ceux dont personne ne suivra le corbillard à la différence de l'autre Bowie qui a vécu toute sa carrière en sabots fleuris. Nous sommes du parti du ceux qui pensent qu'il n'y a aucune différence, strictement aucune, entre les sabots fleuris des gigueuses roumaines qui ont peut-être existé et le maquillage tocard d'un Bowie en photo sur la couverture de son album Aladdin Slane.

Boulez dirigeait mains nues.

Nous pensons que les Talibans qui forcent le populo à danser ne sont pas moins des monstres que ceux qui le lui interdisent. En Chine, dès 1951, lors de l'une de ses premières campagnes talibanes, le régime maoïste s'était mis en tête de "raviver les traditions populaires" dans les campagnes, et par endroit forcèrent des paysans à se déguiser en n'importe quoi pour danser sur des "airs populaires" qui n'avaient jamais existé des danses qui n'avaient jamais existé non plus, afin d'exprimer une liesse absente.

Vive l'impopularité ! et les non-airs de Webern qui devait danser comme une armoire à glace, et à bas les sabots fleuris et leurs défenseurs ! Vive les corbillards, et solitaires encore, je vous prie ! Les flons-flons des bals populaires nous les goûtons à condition qu'ils restent dans le lointain, qu'ils ne se fassent ouïr qu'à bas bruit, en sourdine, à deux ou trois quartiers de distance des nôtres. Et que leurs vendeurs de cacahuètes ne nous les brisent pas trop, les cacahuètes, en venant nous faire l'articulet sur la joyeuse beauté native de la mazurka, de la bourrée et de la tarentelle.

Bowie en sabots fleuris, au milieu des prés :


Citation
Francis Marche
Faut-il, parce que la musique de Bartok laisserait de marbre les Papous, la rayer de la sphère artistique pour en revenir aux danses populaires roumaines seules ?
C'est la triste et consternante proposition de Daniel

Ah mais, ce n'est pas du tout la position que je défends, cher Francis.
Si c'était le cas en effet ce serait bien triste et consternant.

Primo, si j'ai mentionné cette histoire de papous, c'est uniquement pour suggérer, au rebours d'un relativisme absolu qui sévit sans partage en ce domaine et donc des légitimes à chacun son goût, qu'il existe, malgré tout, en dépit de toutes les disparités de tout un chacun, un fond commun de sensibilité structurant notre perception sensorielle, au travers de laquelle nous vibrons à l'unisson.
Transcendance au coeur même de l'immanence.
Je pense seulement, mais c'est déjà beaucoup, que l'attrait instinctif que l'on a pour la tonalité fait partie de ce fond commun.
Mais cela n'implique nullement que tous nos goûts et nos préférences doivent se conformer à ceux des papous ou de n'importe qui d'autres.
Chacun, de par ses singulières expériences, rencontres, découvertes, se forge son propre panthéon musical, lequel évolue durant toute la vie.
Secundo quant à Bartok c'est un des musiciens que j'affectionne le plus. En particulier son Château de Barbe-bleue m'émeut et m'émerveille profondément, mais aussi sa musique pour piano (Allegro barbaro par Kocsis), son concerto pour orchestre (Version magnifique de George Szell à la tête du Cleveland orchestra), sans oublier sa célèbre Musique pour cordes, percussion et célesta et ses quatuors.
Seulement voilà ! Bartok, compositeur moderne s'il en est, ne fait pas partie de ceux qui ont tout sacrifié au dodéca sériel. A l'instar d'un Dutilleux, d'un Chostakovitch ou d'un Stravinsky, il n'a pas fait allégeance inconditionnelle à la seconde Ecole de Vienne, même si un temps ils ont tous flirté avec cette nouveauté.
Ces compositeurs-là, ont tous refusé de se voir phagocyter par la secte des seriel-killer, ne voulant pas être réduits à de simples techniciens, tout au service de ce dogme, certes novateur, mais intransigeant et finalement bridant dangereusement leur talent de compositeur.
Aussi ces compositeurs, bien qu'éminemment modernes, ont-ils été souvent les cibles favorites de ceux pour qui rien ne saurait exister en dehors de l'Eglise sérielle. Car ils étaient des musiciens inutiles, superflus, n'ayant rien compris à leur époque.
Idem pour les peintres modernes qui continuent à s'évertuer à peindre plutôt que de se lancer dans des installations ou autres productions conceptuelles.

PS Mes messages, bourrés de charabia, de coquilles, et autres horreurs, réelles ou imaginaires, ne s'adressent pas à ceux qui, tels des zombies surgissant à l'improviste dont ne sait où, font médiocre profession de chercher inlassablement le petit trou, tout en goguette qu'ils sont de l'avoir enfin trouvé, qui leur fera déclarer que la chambre à air était bien percée, comme on vous l'avez déja dit ! De l'art de faire diversion.
Version magnifique de George Szell à la tête du Cleveland orchestra

Oui, merci Daniel. On se sent un peu moins perdu. Je vous ai provoqué pour pouvoir lire de vous enfin des choses un peu plus nuancées et complexes. George Szell s'était déplacé à Tokyo en 1970 pour s'y produire pour la première fois (je crois bien) au Japon, avec cet orchestre. Il en est resté un merveilleux enregistrement (en SACD, pressage japonais) que je vous recommande, sans Bartok hélas, mais du Berlioz et du Sibelius :



Quant au Concerto pour orchestre de Bartok, pardon mais c'est encore la version de Boulez que je préfère :


La version Boulez est certainement excellente.
Au risque de me répéter, j'ai la plus haute considération pour le chef d'orchestre Pierre Boulez (Voir mes commentaires à ce propos sur un autre fil, celui créé suite à sa mort).

La musique symphonique de Sibelius m'enchante, ainsi que ses sublimes mélodies pour piano seul et aussi celles adaptées pour orchestre (à moins que ce ne soit l'inverse). Un des plus beaux disques de mélodies que j'ai jamais entendu est celui dirigé par Jorma Panula (Gothenburg Symphony Orchestra) avec les deux merveilleux chanteurs que sont le baryton Jorma Hynninen et la soprano Mari Anne Haggander, inégalables dans ce répertoire.
Quant à Berlioz, comme beaucoup de français, je le boude un peu. Je connais bien sûr sa célèbre symphonie fantastique et j'adore tout particulièrement son non moins célèbre cycle des Nuits d'été, divinement chanté par notre regrettée Régine Crespin. Mais ses opéras ne me sont pas familiers.
Des Nuits d'été il y a la version d'Anne-Sofie Von Otter, qui pourrait vous plaire. Elle a "moins de voix" que Crespin mais un timbre incomparable, au grain qui incline irresistiblement à la mélancolie. Von Otter devrait vous intéresser puisque de ses tours de chants, désormais, elle consacre la seconde partie à la mélodie française "non classique" : Barbara, Trenet même. Elle affirme qu'il n'y a pas de solution de continuité entre Fauré et Ferré. C'est audacieux, ça pourrait déplaire, mais ça plaît. Au fond, la culture française s'en trouve assez flattée. Von Otter, suédoise francophile, enregistre des disques de ces mélodies avec le pianiste de jazz Brad Meldhau, qui sont ma foi assez réussis.
Oui Anne-Sofie Von Otter, très francophile en effet, possède une voix des plus envoûtantes, voix mélangeant avec bonheur chaleur romantique et une certaine froideur toute nordique, au charme irrésistible assez sexy je dois dire.
Ma discothèque perso héberge sa voix dans quelques opéras de Gluck et de Mozart, dans un très beau disque de mélodies pour piano de Sibelius (avec au piano Bengt Forsberg) et aussi dans un disque de chants de noël.
Comme beaucoup de ses consoeurs et confrères, sentant venir, peut-être, le crépuscule de leur carrière classique, elle investit d'autres types musicaux plus populaires. Je ne doute pas qu'il puisse y avoir quelque sincérité artistique à cette démarche, mais mon mauvais esprit me fait aussi penser qu'il y a en vue, plus prosaïquement, le souci du tiroir-caisse.
De toute façon c'est sur un plan purement et strictement artistique que je suis toujours immanquablement déçu par ces incursions au dehors du répertoire classique. Ces voix, qui excellent dans le chant classique, nous émouvant à pleurer, n'apportent strictement rien, bien au contraire, aux Brassens,Trénet, Barbara, Nougaro, Ferré ou même Mariano.
''Ces voix, qui excellent dans le chant classique, nous émouvant à pleurer, n'apportent strictement rien, bien au contraire, aux Brassens,Trénet, Barbara, Nougaro, Ferré ou même Mariano.''


(Et inversement.)

Je suis bien d'accord.
Comme beaucoup de ses consoeurs et confrères, sentant venir, peut-être, le crépuscule de leur carrière classique, elle investit d'autres types musicaux plus populaires. Je ne doute pas qu'il puisse y avoir quelque sincérité artistique à cette démarche, mais mon mauvais esprit me fait aussi penser qu'il y a en vue, plus prosaïquement, le souci du tiroir-caisse.

C'est bien évidemment la réflexion que je m'étais faite aussi, en assistant à l'un de ses concerts, la dame ayant atteint la soixantaine cette année.

Mais, voyez-vous Daniel, vous touchez là à un dilemme central de l'hédonisme : celui de la nécessité, ou pas, du besoin, ou pas, de gâcher son plaisir par des considérations étrangères au plaisir.

Il en va de la musique comme de l'amour, de la passion amoureuse : nous avons tous le choix de gâcher ou non notre passion, de la doucher de sobres (et parfois sombres) considérations qui lui sont étrangères, il en va de notre assassine liberté.

Par exemple : vous vivez une passion amoureuse déroutante, folle, sans précédent ou presque dans votre vie, profondément satisfaisante, dispensatrice de plaisirs toujours renouvelés, vous procurant une félicité telle, un comblement des sens tel, que vous en oubliez de vous nourrir des journées entières, pour une jeune personne qui vous ravit, éclaire chaque minute de vos heures, passées en sa compagnie comme dans l'éloignement. Puis vous rencontrez enfin l'amie intime de cette personne, qui présente avec elle une étonnante ressemblance physique, de qui elle ne peut rester éloignée plus d'un jour ou deux, avec qui elle est suspendue au téléphone plus souvent et plus longtemps que vous ne voudriez, et vous decouvrez alors que cette amie intime de l'amour de votre vie est belle comme un astre plus encore que la personne dont vous êtes épris, que celle-là est séduisante et séductrice au possible, et que cette amie elle-même vit depuis plusieurs mois une passion amoureuse dévorante pour un autre homme; vous remarquez ensuite à des détails de l'apprêt de l'une et de l'autre que tout ce que l'amour de votre vie désire comme parure, accessoire et autre signes sociaux d'appartenance, l'autre vient de l'acquérir, un temps avant elle.

Vous vous retrouvez alors face à votre liberté, celle qui vous porte à la croisée des chemins, à une fourche, à un choix entre deux voies : soit vous en concevez un vague dégoût, un vague mépris, un fort refroidissement à l'égard de celle que vous portiez aux nues la veille, en constatant que votre passion n'est que le fruit, le jouet d'une rivalité mimétique, et partant, amoureuse, entre deux femmes et cette considération, juste et glaçante, et banale, éteint bientôt votre passion et vous rejette dans l'ordinarité des jours lucides, où c'en sera fini de tout ça pour un bon moment; soit vous prenez le parti de continuer malgré tout en ayant jugé que votre plaisir et votre passion ne méritent en rien d'être gâchés par des considérations qui leur sont extérieures (le girardisme, la sociologie, etc.). Et vous adoptez la voie difficile et louable de l'imbécile heureux, très proche de celle du "cocu magnifique".

Un bonheur qui aurait pour prix l'imbécilité consciente ne constitue-t-il pas une expérience à tenter, ne serait-ce que parce que telle expérience relève de l'inordinarité, qu'elle continuerait l'extraordinaire expérience du naturel ?
Oui j'entend bien cela. Mais dans le cas présent que j'évoquais, ce dilemme, pour moi, n'existe tout simplement pas, car je ne goûte que très peu toutes ces pourtant magnifiques voix mises au service de la chanson populaire.
Je ne boude donc pas mon plaisir, à cause de considérations qui lui sont étrangères, ce plaisir n'existant tout simplement pas pour moi
Si je veux écouter le sublime Capriccio de Strauss je fonds de plaisir à l'écoute de la voix à la fois argentée et automnale d'Elisabeth Shwarzkopf, mais si j'écoute du Ferré, Brassens ou Barbara je n'éprouve aucun plaisir à les entendre chanter par d'autres voix que les leurs, fussent-elles infiniment plus virtuoses et justes.
Vous dire pourquoi ? Ce serait entrer dans des arcanes bien complexes où la sensibilité à fleur de peau mène le bal.
Utilisateur anonyme
19 janvier 2016, 17:47   Re : " Quand on perd un ami, c'est peut-être qu' il dort ..."
"La musique ressemble au rêve, et en même temps, à ce qui s'y oppose diamétralement : un état d'éveil particulièrement lucide. "Lequel des deux est musique ?" me demandais-je ?"

Mishima, in "Le Pavillon d'Or".
Au fait, j'y pense... L'une des raisons pour lesquelles je suis toujours époustouflé et ravi d'écouter Gould, c'est qu'il avait souvent la manie délicieuse de chantonner durant ses interprétations ; avec Bach c'est presque toujours le cas, mais je crois me souvenir qu'il fredonne aussi pendant une bonne partie de la Hammerklavier. Or Gould a également interprété toutes l'œuvre pour piano de Schoenberg, enregistrement que je ne possède pas. Chantonnait-il là aussi ?
Je vais essayer de télécharger le cd, tiens...
Non, il n'y chantonne pas mais il y "grogne" de temps en temps. Ce qui est très dommageable pour l'écoute. Keith Jarrett tend à faire pareil dans ses enregistrements de musique improvisée. Ce doit être un "manie" nord-américaine. Du reste le génie de l'un et de l'autre de ces deux pianistes a quelque chose de ressemblant.

Je me permets de vous signaler que pour 300 euros environ -- les prix ont flambé, j'ai payé le mien 100 euros environ il y a trois ans --, vous pouvez vous procurer l'intégrale de Gould chez Sony, en CD avec pochettes d'origine. Ce qui vous dispensera de la peine d'avoir à télécharger ce disque.

[www.amazon.com]
Oui, vous avez raison ; c'est vraiment terrible, cette manie qu'on a prise de croire qu'on peut avoir les choses gratuitement, quand on peut effectivement les avoir gratuitement...
Oui, vous avez raison ; c'est vraiment terrible, cette manie qu'on a prise de croire qu'on peut avoir les choses gratuitement, quand on peut effectivement les avoir gratuitement...

De la même façon, c'est vraiment terrible, cette manie qu'on a prise de croire qu'un objet vendu 100$ puisse valoir quelques jours plus tard 300$.

C'est aussi cela la libre concurrence non faussée, plus de concurrence, donc plus de marché.
Par curiosité j'ai voulu vérifier : en effet, l'ensemble des enregistrements du coffret peut être téléchargé en qualité flac (16 bits) ; grâce à la fibre optique, cela doit prendre une trentaine de minutes seulement. Nous vivons une époque formidable.
Nous vivons une époque formidable.

gratuité = gras + fatuité
En un sens, il est possible, ce n'est qu'un hypothèse mais elle est forte, que si ce coffret, en édition limitée, et épuisé, est proposé chez les vendeurs à des 1500 euros et au-delà, c'est précisément parce que ces enregistrements peuvent être téléchargés gratuitement bien que de manière illicite : acheter ce coffret en devient un acte de folie, un signe de distinction parfaitement aristocratique, l'acquisition d'un objet tridimensionnel, soit une rareté en soi en 2015, autant dire un signe extérieur de richesse et de statut social.

S'il advient jamais que la télétransportation soit mise au point et accessible à tous, gageons que les prix des voitures automobiles à l'issue d'une baisse significative, le temps que tout le monde s'équipe des appareils de télétransportation, flamberont, et rendront les voitures automobiles hors de portée du commun des mortels, et le populo télétransporté, et encore une fois couillonné, aura des yeux de Chimène pour la Volkswagen ou la Renault qui passe, conduite par un hyperprivilégié.
Citation
Pierre Hergat
Nous vivons une époque formidable.

gratuité = gras + fatuité


Je me suis toujours méfié du gratuit; il nous abaisse, il nous déresponsabilise.
Le gratuit est une excroissance maligne du capitalisme le plus vil, et oui, bien vu, il rend plus gras, plus fat, bref plus laid.
26 janvier 2016, 15:28   Eloge de la gratuité
Ce n'est pourtant qu'à partir du moment où les choses n'ont pas de prix qu'on est tenu d'en juger par soi-même, ce qui est beaucoup plus périlleux qu'une simple conformité à des évaluations convenues.
26 janvier 2016, 16:03   Re : Eloge de la gratuité
Justement.
Le prix, c'est le prix convenu entre deux partis, l'acheteur et le vendeur - le prix à la criée si l'on veut. Ce prix idéalement; suppose que chacun des deux partis à une bonne compréhension de la partie adverse. Estimer que l'objet est gratuit, ou estimer que son prix est le fruit d'une science de l'enfumage, relèvent en fait d'un même processus d'ignorance de l'autre.

Marcel Mauss parle de don et de contre-don: donner-recevoir-rendre.
- La troupe de théâtre donne en représentation une pièce de Molière;
- Elle reçoit, elle est rétribuée;
- La foule rend des applaudissements;
Autrement dit, la troupe de théâtre donne une fois, le public rend deux fois, il y a don et contre-don.
Dans un système d'échange libéral, le don et le contre-don n'existent plus. L'un achète, l'autre vend. Dans ces conditions, le prix peut être nul, et la fatuité, consommée.
26 janvier 2016, 16:34   Re : Eloge de la gratuité
Mais je ne vois pas ce qu'une supposée "compréhension" de l'autre aurait à voir avec une évaluation de l'objet lui-même : ne confondez-vous pas en l'occurrence les parties du deal avec ce qui en fait l'objet ? Encore une fois, si l'on a affaire à un objet, ou une production, qui est censément inestimée, et sur quoi vous aurez à vous prononcer, ne vous incombe-t-il pas à vous-même, par vos propres moyens, d'en fixer la valeur, ce qui est bien plus inconfortable et risqué que de s'en remettre à une moyenne des transactions passées dont vous ne ferez que suivre passivement le cours ?
26 janvier 2016, 17:13   Re : Eloge de la gratuité
On n'évalue pas le prix d'un objet sans se faire une idées des intentions du vendeur, ou du marché.
Par exemple. Est-ce que le commerçant est sur le point de mettre son objet en soldes. Ou bien, comment acheter une entreprise à quelqu'un qui n'a aucune intention de vendre. Ou bien, acheter cette même entreprise alors qu'il est situation de surendettement.
Achetez en Bourse, Le CALL confèrera le droit d’acheter, le PUT confèrera le droit de vendre selon l'humeur de la Bourse. On n'achète pas, on se confère le droit d'acheter.

Lors de la crise des Surprimes, les junk bonds furent rendus à la valeur '0'.
Le lendemain du crack boursier, il fallut bien les remettre sur le marché. On a donc pris leur valeur d'émission, puis leur valeur au dernier jour de cotation, et il a été décidé de façon arbitraire que le prix serait à mi-chemin. C'est ça aujourd'hui, le prix. Si la psychologie n'intervient plus, alors le prix est à mi-chemin. A mi-chemin de quoi ? En fait, peu importe de quoi.

Question: pourquoi une salade vaut-elle deux euros ?
Réponse: parce que la psychologie humaine est toujours à mi-chemin de quelque chose (la salade pourrait être moins chère, mais elle pourrait être plus chère également).
27 janvier 2016, 12:20   Re : Eloge de la gratuité
» On n'évalue pas le prix d'un objet sans se faire une idées des intentions du vendeur, ou du marché

Choux, salades, maraîchers ou maquignons mis à part, vous voulez-dire qu'il serait impossible de se faire par soi-même une idée de la valeur d'un objet, ou d'une production artistique, indépendamment des cours du marché, de biens ou d'idées, où ces choses sont cotées, et donc qu'elles ne posséderaient en définitive aucune valeur intrinsèque ? C'est du beau !
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