Or il
faut traduire, c'est affaire de
dignité, non point seulement par ce que nous devons en tant que légataires, héritiers de tous ceux qui dans l'épaisseur du passé ont fait notre langue, mais face à nous-mêmes, à notre amour propre et notre imago et face à l'Autre, justement, l'Autre à la présence impérieuse, laquelle, ontologiquement, nous intime, parce qu'il est
tout lui, à ne pas exister face à lui.
Traduire l'anglais, contrairement à ce que l'on pourrait penser, n'a jamais été chose facile. Traduire l'idiome de qui n'a que celui-là -- et tel est le cas sans doute de ce colonel de l'armée américaine --
est bien plus difficile que de traduire des auteurs universalistes comme Dickens (qui lisait et entendait le français) ou Joseph Conrad ou Arthur Koestler qui maîtrisait quatre langues européennes dont le français bien entendu, et cela est même peut-être plus difficile que de traduire Shakespeare qui était un auteur
conscient de la langue, des langues, de leur entremêlement et de leurs effets.
Il faut traduire, tenir tête au monolingue étranger monologuant son "whatever that means", afin d'exister face à lui, de tenir avec lui
table ouverte (Finkielkraut)